BIBLIOBUS Littérature française

POST-FACE

 

EXTRAITS DU MÉMORANDUM D’UN ÉDITEUR PAR PAUL-VICTOR STOCK

 

Louise Michel m’a été amenée, je crois, par Charles Malato, au cours de l’année 1897.

Il s’agissait de l’édition d’une Histoire de la Com­mune, àlaquelle elle travaillait et dont Malato m’avait entretenu.

Nous fûmes vite d’accord et Louise Michel se mit assidûment à la besogne pour parfaire son manuscrit et l’achever.

De Paris, où elle se trouvait en octobre 1897, voici ce qu’elle m’écrivait :

Cher Monsieur Stock,

Je pensais rapporter l’ouvrage complet, la mort de mon oncle m’a rappelée de suite (il manque une cinquantaine de pages, la déportation, c’est peut-être le mieux). Rien n’est relu, mais Rochefort dit que c’est bien, il veut finir de lire l’ouvrage et vous prie d’aller le trouver samedi prochain entre une heure et deux de l’après-midi. Vous vous arrangerez ensemble et je terminerai l’ouvrage immédiatement.

Veuillez me répondre de suite afin que je lui dise s’il peut compter sur vous samedi entre une heure et deux de l’après-midi.

Amitiés.

L. M.

Excusez-moi d’être si pressée : la mort de mon oncle survenue plus tôt que je ne pensais, me donne des préoccupations nombreuses sur le sort de ma pauvre vieille tante et je suis obligée d’aller vite.

L. M.

(L’adresse de Rochefort : 25, villa Dupont, 48, rue Pergolèse.)

De Londres, le 5 janvier, Louise Michel m’avise que ce travail est terminé :

Cher Monsieur Stock,

D’ici le 10 courant, j’irai vous porter mon Histoire de la Commune réduite en un seul volume de quatre cent quatre-vingts pages, comme nous sommes conve­nus.

Recevez en attendant mille amitiés.

LOUISE MICHEL.

Entre temps, nos relations s’étaient faites plus intimes et, à fréquenter la « pétroleuse », elle était devenue mon amie. Je n’avais pu résister à la bonté inouïe de cette femme, et la légende défavorable dont mon cerveau, à son égard, était imprégné s’était vite dissipée à sa fréquentation. Son altruisme était invraisemblable et sa charité envers tous les misé­reux — animaux compris — était incroyable. Elle n’avait rien à soi ; sur son chemin, elle distribuait tout ce qui était sur elle ; elle donnait à qui lui sem­blait plus miséreux qu’elle ses quelques francs, son parapluie, son manteau et, si sa compagne ne l’avait protégée contre elle-même, elle serait rentrée, sa journée achevée, dans sa piètre demeure, absolument dépouillée de tout ce qui la vêtait à son départ!

Partie avec une robe neuve, elle revint en jupon de Saint-Etienne ; n’ayant plus rien à distribuer, elle l’avait donnée à plus malheureuse qu’elle...

Quant à son amour des bêtes, il est proverbial et, pour en donner une idée, il nous suffit de reproduire ces quelques lignes de ses Mémoires :

Il paraît qu’à la barricade Perronnet, à Neuilly, j’ai couru avec trop de promptitude au secours d’un chat en péril.

La malheureuse bête, blottie dans un coin fouillé d’obus, appelait comme un être humain. Ma foi, oui, je suis allée chercher le chat, mais cela n’a pas duré une minute ; je l’ai mis peu après en sûreté, là où il ne fallait qu’un pas.

On l’a même recueilli.

 

Autant sa maman était jolie, paraît-il, autant Louise Michel était laide. Elle nous rapporte qu’étant enfant on disait à sa mère : « Il n’est pas possible que ce vilain enfant soit de vous ! »

La Louise Michel que j’ai connue avait un visage masculin, taillé à coups de serpe, des yeux francs exprimant une grande bonté, une voix d’une douceur extraordinaire ; le front très haut, les cheveux très grisonnants tombant, sans apprêt, en boucles tout autour de la tête. Entièrement de noir vêtue, coiffée d’un chapeau informe, habillée à « la six-quatre-deux », la jupe ajustée au hasard, sur le côté ou le derrière devant. Malgré cet ensemble disparate, elle était d’emblée sympathique, et on avait instantanément l’impression que cette femme, « la bonne Louise », était quelqu’un.

 

A l’apparition de son livre, sur l’exemplaire qui m’était destiné, Louise Michel écrivit ceci :

Bon souvenir et amitiés à l’éditeur des anarchistes, Monsieur Stock.

L. MICHEL.

ancienne malfaitrice du temps de la Commune

et encore aujourd’hui.

L. MICHEL.

 

Paris, 21 juin 1898.

La Commune mise en vente, Louise Michel me proposa l’édition d’un roman auquel elle travaillait, le Siècle Rouge, « cauchemar du vieux monde dans lequel apparaît un peu du rêve que fait l’homme surhumain qui entend parfois le rire qu’évoquent nos burlesques préjugés, mais aussi, bien loin, bien loin, l’heure où la science, les arts, les découvertes, auront évoqué des sens nouveaux, montré des hori­zons inconnus », ainsi qu’elle me le disait.

A propos de ce Siècle Rouge, de chez Kropotkine où elle se trouvait, à Bromley, elle me mande le 16 septembre 1899 :

Cher Monsieur Stock,

Après vous avoir remercié encore d’avoir bien voulu remettre, malgré les mauvaises conditions de mon Histoire de la Commune, les cent francs de ma tante à notre ami Malato, permettez-moi de vous donner la peine, avant mon voyage à Paris (qui ne peut tarder), de me renvoyer, de façon à ce que ce ne soit pas perdu, pour le corriger, avant de vous le reporter, mon roman le Siècle rouge, qui n’est corrigé qu’à moitié. J’ai laissé le manuscrit chez vous lors de mon dernier voyage.

Kropotkine, chez qui j’ai passé quelques jours et à qui j’ai raconté l’ouvrage, le trouve bien ; il est du reste d’actualité, le personnage de Luc de Beauséjour et quelques autres se trouvant réels.

J’attends donc de votre complaisance le manuscrit, afin de ne pas tout corriger sur l’épreuve ; les feuillets de la dernière partie sont écrits tellement à la hâte, parce que je voulais l’emporter, que la moitié des phrases est peut-être oubliée.

Excusez-moi de vous donner ce trouble de chercher et envoyer le manuscrit, mais je veux le cor­riger.

Amitiés.

L. MICHEL.

En 1900, nous nous voyons fréquemment, car elle est à Paris ; elle me parle de son roman et, aussi, d’une réédition qu’elle souhaite de son petit livre Légendes et chants de gestes canaques.

Elle m’adresse ce mot pour me mettre au courant de sa situation :

 

Hôtel de Cronstadt,     2, rue Jacob.

Paris, le 6 novembre 1900.

Cher Monsieur Stock,

Voici comment je vais pouvoir faire un peu de publicité pour l’Histoire de la Commune : c’est qu’on me demande ma biographie de beaucoup d’endroits, et c’est dans ce livre qu’elle est le mieux éparse un peu partout.

En attendant mon roman que je n’ai pas eu le temps de relire, si vous vouliez republier le petit volume de Légendes et chants de gestes canaques que voici et dont l’éditeur est mort — je crois que ce serait un succès, — c’est cela qu’on redemande aux conférences de la Bodinière.

Cher Monsieur Stock, un troisième ordre de choses qui est comique, mais en même temps bien ennuyeux. A la Bodinière, les conférences ont bien marché, mais les frais surpassent la recette, avec le voyage qu’on m’a envoyé et je vous raconterai cela (mais la chose terrible est qu’il me faut mon voyage pour retourner à Londres), pouvez-vous me donner quoi que ce soit de ce petit volume ?

D’ici trois ou quatre jours je reviendrai chercher la réponse.

Bonne amitié.

Louise MICHEL.

Entre temps je l’avais priée de m’envoyer sa bio­graphie, qui m’était souvent demandée et dont je voulais faire un petit opuscule. Elle ne m’adressa que ce qui suit, qui ne répondait nullement à mon désir, parce qu’insuffisant :

 

« Tant de biographies ont paru sur moi, j’ai tant de fois indiqué mes Mémoires à consulter pour les notes et tant de fois chacun, sans les consulter, m’a fait une vie, un caractère à sa fantaisie, que je ne m’en occupais plus depuis bien longtemps quand, à votre tour, vous m’avez demandé des notes ; les voici.

Voici le portrait qui a été fait de moi en 71 par la Gazette des Tribunaux, reproduit par le journal le Voleur ; il est plus exact que ceux faits depuis, où la note de bonté a été exagérée jusqu’à l’inconscience.

Quant aux événements de ma vie, ils se sont entassés depuis l’Année terrible. Jusque-là, je n’avais jamais vu que Vroncourt (Haute-Marne), où je suis née en 1836 ; Chaumont, où je me suis préparée aux examens chez les demoiselles Royer, qui faisaient à cette époque les cours normaux.

J’avais essayé toute jeune d’être institutrice dans la Haute-Marne ; mais, ne voulant pas prêter serment à l’Empire, je suis partie pour Paris qui, du reste, m’attirait comme un aimant.

Je rêvais tout et j’étais avide de tout : poésie, musique, dessin ; mais, avec bonheur, j’ai tout jeté en tribut d’amour à la Révolution, à laquelle je me suis livrée, l’idéal réel de l’avenir, se dévoilant davantage toujours, m’a prise et gardée tout entière.

En 71, j’avais passé à Paris tout mon temps comme institutrice ; d’abord sous-maîtresse chez madame Vallier, 1, rue du Château-d’Eau, et ensuite, comme institutrice toujours, à Montmartre, 24, rue Oudot.

Les prisons, la Calédonie, les prisons encore ; depuis le retour, Londres comme résidence mainte­nant, et les conférences à travers tout cela, voilà ma vie. Elle continuera ainsi jusqu’à la mort. »

 

Hôtel de Cronstadt, 2, rue Jacob.

Paris, le 11 juillet 1902.

Cher Monsieur Stock,

Si j’avais eu des exemplaires de la Commune, on en aurait pris dans les bibliothèques des groupes de province que j’ai vus pendant ma tournée.

Pouvez-vous m’en envoyer quatre volumes par madame de Mahis pour les amis de province qui se chargent de faire un peu de publicité à l’ouvrage ?

J’ai bien regretté d’avoir si peu de temps pour passer quelques instants chez vous.

Amitiés.

L. MICHEL.

Hôtel de Cronstadt, 2, rue Jacob.

12 mai 1904.

Cher Monsieur Stock,

Je ne vais pas moi-même chez vous, ne pouvant encore sortir (il me faut absolument encore quelques jours de repos avant le long voyage de Toulon qui est ma première sortie), mais il faut absolument que je vous voie à propos de l’Histoire de la Commune ; je reçois de nombreuses lettres pour me demander où se trouvent mes ouvrages, je profiterai de la cir­constance pour la faire connaître.

C’est une chose fantastique, mais réelle — que je n’aurais jamais sue si je n’avais eu cette maladie.

En attendant, cher monsieur Stock, je viens vous prier de vouloir bien revenir, pour deux volumes seulement, sur votre décision que je comprends ; l’un de ces volumes est pour le docteur Bertholet qui m’a tirée de la mort, l’autre pour les amis de Toulon à qui il est impossible de ne pas le donner. Vous m’obli­gerez donc infiniment.

Amitiés en attendant et merci d’avance.

L. MICHEL.

J’ai confiance que vous voudrez bien remettre les deux volumes à ma parente madame de Mahis, qui vous porte ce mot.

 

C’est ce dernier nom, « Madame de Mahis ma parente », qui fait tout l’intérêt de ces deux der­nières lettres, et voici pourquoi.

Clémence-Louise Michel est née au manoir de Vroncourt (Haute-Marne), le 20 avril 1833.

Les uns disent le 20 mai 1830, et elle-même le 1er mai 1836.

C’était une bâtarde, ainsi qu’elle l’écrit dans ses Mémoires.

Sa mère, Marianne Michel, était la femme de chambre de la châtelaine, madame de Mahis ; femme de chambre, il est vrai, dans des conditions tout à fait spéciales, telles qu’il s’en rencontrait jadis. La famille Michel était au service des châtelains depuis deux générations, et Marianne Michel, qui était née au château, ainsi que ses cinq frères et sœurs, y avait été élevée avec le fils et la fille des châtelains, si bien que les distances, entre maîtres et serviteurs, étaient quasi inexistantes.

Marianne Michel était avenante et fort jolie ; elle se laissa séduire et devint grosse.

Dans ses Mémoires, Louise Michel écrit :

« Je suis ce qu’on appelle bâtarde ; mais ceux qui m’ont fait le mauvais présent de la vie étaient libres, ils s’aimaient, et aucun des misérables contes faits sur ma naissance n’est vrai et ne peut atteindre ma mère. Jamais je n’ai vu de femme plus honnête. »

Louise Michel adorait sa mère qui mourut le 3 janvier 1885. La vierge rouge était à ce moment-là à Saint-Lazare purgeant une condamnation à six ans de prison.

Sa mère agonisait dans un garni du boulevard Ornano ; on lui refusa la permission d’aller l’em­brasser une dernière fois. Cependant, devant l’indi­gnation des journaux, on l’autorisa à assister au convoi, et c’est encadrée par deux agents de la Sûreté qu’elle accompagna au cimetière de Leval­lois celle qu’elle appelait : « Maman »  et qu’elle chérissait tant.

Dans ses Mémoires, où délicieusement elle raconte son enfance et décrit avec charme tout ce qui l’en­toure, elle ne cite aucun nom ; lorsqu’elle parle des siens, ce sont : sa mère, ses grand’mères, son grand-père, ses oncles, ses tantes. Jamais elle ne parle de son père qui, officiellement, aurait été le fils de la maison, Laurent de Mahis. Dès la grossesse visible de Marianne, madame de Mahis, fâchée, éloigna son fils du manoir de Vroncourt. Elle le fit habiter une de leurs fermes où, pour qu’il ne vive pas complè­tement isolé, sa sœur, mademoiselle de Mahis, le rejoignit bientôt ; il ne revint au château, beaucoup plus tard, que pour remplir certaines formalités nécessaires à son mariage.

Louise Michel, quasi adoptée par M. et madame de Mahis, fut élevée comme un troisième enfant de la maison. C’est de son « grand-père »  et de sa « grand’mère » paternels qu’elle reçut son éducation et son instruction, le goût de la poésie et de la musique.

M. et madame de Mahis étaient musiciens ; lui était aussi poète. Voici la fin d’une de ses pièces de vers :

Ici tout est vieux et gothique ;

Ensemble tout s’effacera,

Les vieillards, la ruine antique ;

Et l’enfant bien loin s’en ira.

Louise Michel, qui lisait beaucoup, avait, toute jeune, été très frappée par les Paroles d’un croyant. Jeune également, elle était fanatique de Victor Hugo, qu’elle avait vu à Paris en 1851 et avec lequel elle n’a jamais cessé de correspondre.

La version officieuse de la paternité est très diffé­rente de la version officielle. Le père de Louise Michel serait, non pas le camarade d’enfance de Marianne Michel, Laurent de Mahis, mais le père de celui-ci, M. Corsambleu de Mahis, celui que Louise Michel nomme son « grand-père ». C’est pour éviter un chagrin immérité à sa femme, la bonne et excellente madame de Mahis, que M. Corsambleu de Mahis a fait endosser sa faute par son fils, lequel, avec abnégation, y aurait consenti.

Cette version officieuse, si on étudie les faits de près, semble plausible et c’est elle qui était acceptée dans le pays. Une intéressante et copieuse étude d’Alcide Marot, publiée en 1929 par le Mercure de France (n°du 1er janvier), sur la jeunesse de Louise Michel paraît probante.

Cette étude, très consciencieuse, nous apprend également que Maurice Barrès avait été très frappé par la personnalité de Louise Michel. C’était un caractère qui le tentait et dont il voulait faire la principale figure d’un livre. Pour se documenter, il serait même allé à Vroncourt, y recueillir des sou­venirs et « s’impressionner› des aîtres et des pay­sages où avait vécu Louise Michel.

Sa mort est venue anéantir ce projet.

Corsambleu de Mahis mourut en 1848 ; puis, quel­ques années après, sa femme le suivit et, eux deux disparus, — les « grands-parents », — le manoir fut vendu.

« Quand la mort se fut abattue sur la maison, fai­sant le foyer désert, quand ceux qui m’avaient élevée furent couchés sous les sapins du cimetière, com­mença pour moi la préparation aux examens d’insti­tutrice.

« Je voulais que ma mère fût heureuse. Pauvre femme! »

Tuteur, tutrice (sa mère) et subrogé-tuteur furent désignés.

« Ce n’était pas trop, disait-on, pour m’empêcher de dépenser de suite les huit ou dix mille francs (en terres) dont j’héritais. Ils sont loin maintenant. »

« J’héritais » est certainement un terme impro­pre ; à quel titre aurait-elle hérité ? Ce devait être sans doute un legs de madame de Mahis.

« Je vois dans ma pensée une seule parcelle de ces terrains ; c’est un petit bois planté par ma mère elle-même, sur la côte des vignes, et qu’elle continua de soigner pendant son long séjour dans la Haute-Marne, près de sa mère, tandis que j’étais sous-maî­tresse à Paris : c’est-à-dire vers 1865 ou 1866.

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

« Ma mère dut vendre le terrain pendant mon séjour en Calédonie, pour payer les dettes faites par moi pendant le siège, et qu’on lui réclama. »

Après la mort de M. et madame de Mahis, interdiction lui fut faite de continuer à signer Louise Michel de Mahis, ainsi qu’elle était accoutumée à le faire depuis qu’elle savait écrire.

La « demoiselle du château », une fois son diplôme acquis, devint, en 1853, institutrice libre dans un village voisin, à Audeloncourt, puis elle vint à Paris, qui l’attirait fortement, et sa vie, ensuite, fut celle que l’on connaît.

Qui était cette madame de Mahis, « sa parente », dont il est question dans les deux dernières lettres reproduites et qui surgit ainsi à ses côtés, en 1902 et 1904, à la veille de sa mort (10 janvier 1905) ?

Etait-ce la sœur de M. Laurent de Mahis ou un de ses deux enfants ?

Quant au docteur Bertholet, c’est le médecin civil des hospices de Toulon qui, en avril et mai 1904, soigna avec un grand dévouement Louise Michel, atteinte gravement dans sa santé, au cours d’une tournée de conférences trop longue et trop fatigante pour une femme de soixante et onze ans.

Oh ! ces tournées de conférences, que certains lui faisaient accomplir malgré sa santé chancelante ! Comme ils ont abusé de sa crédulité, de son courage et de sa bonne foi !

C’est au cours d’une tournée dans les Basses-Alpes qu’elle fut atteinte une seconde fois d’une conges­tion pulmonaire. De Sisteron elle fut ramenée à Marseille où elle mourut au bout d’une dizaine de jours, le 9 janvier 1905.

Les docteurs Bertholet et Dufour lui donnèrent leurs soins. La bonne Louise s’éteignit doucement, sans souffrance, dans un état d’épuisement dont elle avait triomphé un an auparavant, à Toulon, où ses amis crurent la perdre. Elle mourut entre les bras d’une amie fidèle et dévouée, Charlotte Vauvelle.

Il y eut à Marseille de premières obsèques.

Obsèques ?... Peut-on prononcer ce mot, qui évoque une cérémonie pompeuse et solennelle. Louise Mi­chel fut enterrée avec la plus grande simplicité. Un corbillard, recouvert d’un drap rouge, qui l’empor­tait vers son dernier logis. C’était une pauvre voiture attelée d’un cheval. Mais derrière, quelle foule... Et quelle foule aussi sur le passage de ce cortège, qui n’en était un que pour l’assistance.

Puis le corps fut ramené à Paris pour être inhumé au cimetière de Levallois dans la tombe où était déjà celui de sa mère.

L’enterrement, à Paris, de Louise Michel fut une chose inouïe, et, sans les brutalités révoltantes de la police, — qui étaient de règle à cette époque, — c’eût été grandiose.

Aux funérailles d’Emile de Girardin et à celles de Gambetta, il y eut des foules considérables. Ces foules n’étaient rien, comparées à celle qui a suivi le convoi (de dernière classe) de Louise Michel, ou qui a fait la haie, sur tout le parcours, de la gare de Lyon à Levallois.

La mentalité de ces foules était, d’ailleurs, très différente. Pour les obsèques de Girardin et pour celles de Gambetta, la présence des assistants était surtout une manifestation politique, alors qu’aux obsèques de Louise Michel, pour la majorité des assistants, c’était une manifestation de sympathie et de reconnaissance pour l’altruisme, la bonté et la charité de la morte.

 

FIN

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021