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BIBLIOBUS Littérature française

Les malices de Plick et Plock (1° PARTIE)

​1904

Table des matières

  • Introduction
  • Présentation de MM. Plick et Plock.
  • Un déménagement.
  • Une découverte inattendue.
  • Ce doit être le chat !
  • Un drôle de pistolet.
  • C’est encore ce maudit chat !
  • Patarapouf ! Boum !
  • La grenouille gnomivore.
  • La pomme de discorde.
  • Cabotage dans la cave.
  • L’accord des participes.
  • Une rechute de Plick et Plock.
  • Plick, Plock et le diable en boîte.
  • Plick et l’araignée.
  • Plick, Plock, le bâton et l’araignée.
  • Incendiaires sans le vouloir.
  • Condamnés !
  • Canonniers, à vos pièces !
  • Le châtiment suit de près le crime.
  • La tabatière.
  • Une erreur funeste.
  • Une drôle de mécanique.


 

Introduction

Mes petits enfants,

J’ai découvert qu’il y a d’imperceptibles gnomes, de microscopiques lutins, d’insaisissables farfadets, qui rôdent un peu partout. Ils ne sont pas méchants, mais ils sont malicieux, et ils savent profiter, pour faire des farces, de toutes les occasions qui se présentent. Si l’on veut qu’ils ne puissent pas exercer leur malice, il n’y a, comme dirait le regretté M. de Palisse, qu’à les mettre dans l’impossibilité de le faire, et pour cela, de ne rien laisser traîner, de fermer son pupitre et son armoire, de ranger son encrier et sa plume, ou, sans cela, gare à Plick, gare à Plock, gare à leur nombreuse famille !

Christophe

Présentation de MM. Plick et Plock.

Présentation de MM. PLICK et PLOCK

gnomes domestiques

et familiers des maisons mal tenues.

Les deux gnomes que vous voyez là sont messieurs Plick et Plock ; soyez sûrs qu’ils viennent de faire quelque malice et qu’ils en complotent une autre ; ce sont gens qui ne demeurent jamais inoccupés.

Vous allez avoir tout de suite une idée de leur savoir-faire. Les voilà qui, en furetant dans la maison, ont découvert une bouteille de champagne. Plick ne se sent plus de joie, Plock non plus ainsi que l’expriment clairement leurs attitudes.

Ce n’est pas qu’ils n’aient jamais bu de champagne, ils ne savent même pas ce que c’est ; mais ils devinent que cette bouteille pourrait bien leur fournir l’occasion de se distraire.

Plock, esprit ingénieux, a découvert les ficelles qui retiennent le bouchon et le moyen de les faire disparaître. Il n’est pas bête, M. Plock ! Ah ! mais non !… il n’est pas bête ! mais il est parfois bien hurluberlu, ce qui, en langue gnomique, signifie irréfléchi ou étourneau.

Seulement, c’est joliment fatigant de couper des ficelles et c’est bien le moins que l’opération faite, on se repose un brin sur un siège moelleux.

Oui, mais, on a beau être gnome et malin, on ne pense pas à tout, surtout si l’on ignore la force irrésistible d’expansion de l’acide carbonique emprisonné dans une bouteille ; et voilà comme quoi les farceurs sont souvent punis par là où ils ont pêché.

Un déménagement.

Avis au lecteur

destiné à prouver que

si l’on veut déjouer la malice

de MM. Plick et Plock,

on n’a qu’à avoir de l’ordre

et à ne pas laisser ouvert

ce qui doit être fermé.

Ce serait mal connaître MM. Plick et Plock que de croire que leur précédente aventure les ait guéris de l’envie de faire des farces. Regardez-les exécuter une visite domiciliaire dans le pupitre que Mlle Sanssoin a, comme d’habitude, laissé ouvert.

De sorte que demain, quand Mlle Sanssoin ouvrira son pupitre, elle trouvera ses livres déchirés et tachés d’encre, et qu’elle recevra de « Mademoiselle », une admonestation sévère qu’elle n’aura pas volée.

Elle trouvera aussi ses boîtes de plumes déménagées, et elle ne sera pas satisfaite, Mlle Sanssoin ; mais ce n’est certainement ni à vous ni à moi qu’elle devra s’en prendre.

Et c’est précisément la perspective de la désagréable surprise qu’éprouvera Mlle Sanssoin qui donne à MM. Plick et Plock cet air de jubilation profonde que vous voyez répandu sur leur sympathique physionomie.

La satisfaction qu’ils éprouvent est même si grande qu’ils manifestent le désir de recommencer chez Mlle G. Delordre ce qui leur a si bien réussi chez Mlle Sanssoin. Mais voilà ! Mlle G. Delordre a l’habitude de fermer son pupitre, elle.

Aussi, MM. Plick et Plock sont-ils très déconfits, et c’est pourquoi je prends, en ce qui me concerne, la résolution de toujours bien ranger mes affaires, quand ce ne serait que pour faire enrager MM. Plick et Plock.

Une découverte inattendue.

Plick et Plock poursuivis par un monstre horrible !

ou du danger qu’il y a à pénétrer

avec ou sans effraction dans le domicile d’autrui

quand le propriétaire ne vous y a pas invité

formellement.

Plock, qui rôde partout où il n’a rien à faire, est entré dans le poulailler. Il s’y trouve en présence d’objets qui lui semblent extraordinaires. Il appelle son ami Plick pour un supplément d’informations.

« Ça, dit Plick, je sais ce que sait ; c’est un œuf ! C’est plein de quelque chose de jaune qui, paraît-il, est très bon. J’ai vu des gens qui en mangeaient.

— En effet, c’est plein, dit Plock, qui a vu des tonneliers opérer ainsi pour reconnaître les tonneaux vides et les distinguer des pleins.

— Est-ce qu’il n’y a pas un robinet quelque part ? interroge Plick.

— Non, répond Plock, il n’y a pas de robinet ; mais rien n’est plus simple que de faire un trou… ça n’a pas l’air très solide, ces machines-là.

— Heu ! fait Plick.

— Hou ! » fait Plock.

Et comme, en même temps, la mère poule, monstre horrible, est survenue, Plick et Plock jugent prudent de ne pas pousser plus loin leurs investigations. C’est égal, si j’étais Plock je n’aurai plus qu’une confiance modérée dans les affirmations et le savoir de Plick.

Ce doit être le chat !

Il est clair que

lorsqu’une potiche, fût-elle japonaise,

est placée trop au bord du piano,

il suffit de la déplacer fort peu

pour qu’elle quitte son support

et s’écroule avec un certain fracas.

On a laissé ouverte la porte du salon. Plick et Plock n’ont pas manqué de s’y introduire. « Tiens ! un vase, là-haut, remarque Plick.

— Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir dedans ? dit Plock. Peut-être des confitures.

— C’est bien simple on va grimper pour voir », répond ce gourmand de Plick, par l’idée des confitures alléché.

Tout est toujours très simple, au dire de M. Plick.

Malheureusement les gnomes sont petits et la potiche est haute. Il est vrai qu’en s’aidant mutuellement on arrive toujours à se tirer d’affaire.

Seulement, encore faut-il réfléchir avant d’entreprendre de plonger dans les potiches des regards inquisiteurs. C’est ce qu’ont négligé de faire MM. Plick et Plock. Heureusement que ça ne se casse pas, les gnomes.

Ça ne se casse pas, c’est vrai ! mais cela s’abîme, et MM. Plick et Plock en font la douloureuse expérience. Rassurez-vous ! cette leçon, bien qu’un peu dure, ne les guérira pas de leur malice, et nous en verrons bien d’autres.

Si les gnomes ne se cassent pas, il en est malheureusement pas de même des porcelaines. Je parie 22 centimes que les dégâts vont encore être mis sur le compte du chat et que personne ne soupçonnera MM. Plick et Plock.

Un drôle de pistolet.

Où l’on s’expliquera comment,

grâce à MM. Plick et Plock

artificiers artificieux,

on peut, chose surprenante,

faire partir

des pistolets qui n’étaient pas chargés.

« Tiens ! dit Plock, un pistolet ! Nous allons bien nous amuser. Ça fait « boum ! » ces machines-là, quand on sait s’y prendre… Oui ! mais il n’y a rien dedans… il faudrait de la poudre…

— Justement en voici ! Ça, par exemple, c’est de la veine…

— Peuh ! répond Plick… pas étonnant : on laisse tout traîner dans cette maison-ci… c’est un vrai paradis pour nous autres gnomes.

— Puis, ajoute Plock, on met un tampon en papier et, avec la baguette, on tape dessus, très fort… cela s’appelle bourrer…

« Ensuite, en guise de balle, on met quelque chose de rond, par exemple une bille que voilà… Mais quel est ce bruit ? C’est assommant d’être toujours dérangé comme ça quand on s’amuse. »

C’était Pierre et sa sœur Lucie qui venaient chercher le tampon de papier buvard et l’encrier afin de bâcler leurs devoirs. MM. Plick et Plock déguerpissent, remettant à une autre fois le plaisir de faire « boum ! »

« Pierre, avait dit Lucie, ne touche pas au pistolet. — Bah ! il n’est pas chargé ! » Cela ne l’a pas empêché de partir, et Lucie s’est évanouie de frayeur. Tout de même, c’est bienheureux que Plock n’ait pas eu le temps de mettre la bille.

C’est encore ce maudit chat !

Métamorphose imprévue de M. Poilopatte

en une blanche hermine,

et de MM. Plick et Plock

en quelque chose qui n’est pas très propre.

« Oh ! Oh ! dit Plick, voilà Poilopatte qui fait sa sieste.

— Attends, dit Plock, justement il y a un petit pot de noir dans le vestibule, on va se tordre ! » Quelles expressions il emploie, ce Plock !

« Tu vas voir, ami Plick, nous allons métamorphoser Poilopatte en hermine… tu sais bien, ces petites bêtes qui ont la queue noire.

— Connais pas ! dit Plick… mais ça ne fait rien ! va tout de même ! »

« Tiens ! se dit Poilopatte surpris, qu’est-ce que j’ai au bout de la queue ? Est-ce que je serai malade ? »

Plick et Plock commencent à donner des signes manifestes d’un immense contentement intérieur.

« C’est peut-être la gangrène », poursuit Poilopatte terrifié… (Le maître de Poilopatte est médecin, c’est ce qui explique que Poilopatte sache ce que c’est que la gangrène.)

Plick et Plock sont dans la joie.

Seulement, quand on est terrifié on éprouve, même si on est chat, des haut-le-corps qui amènent un dénouement tragique que n’avaient pas prévu MM. Plick et Plock, farfadets étourdis et gnomes sans cervelle.

Et quand on songe que c’est cet infortuné Poilopatte qui sera corrigé pour avoir renversé le pot de noir !

Ô Justice ! que de crimes on commet en ton nom !

Patarapouf ! Boum !

Où il est prouvé

qu’il n’y a rien d’étonnant

à ce qu’on se fasse sauter

quand on ignore les propriétés explosives

des mélanges détonants.

« Tiens ! Qu’est-ce que c’est que cette grosse boule, là-bas, sous la table ? interroge Plock.

— Ça ! répond Plick qui sait toujours tout, c’est une machine pour distraire les gnomes qui s’ennuient. »

Ce Plick a décidément une tendance à s’imaginer que tout a été créé pour son amusement personnel.

« Est-ce que tu sais lire, Plock ?

— J’te crois… il n’y a que les bêtes qui ne sachent pas… Poilopatte ne sait pas, lui !… Tiens ! ça descend quand on tire la ficelle !

— Attends ! dit Plick, on va bien s’amuser ! Voilà justement une allumette que la cuisinière a laissé traîner. Vois-tu, Plock ? on frotte l’allumette contre un corps dur… on allume la ficelle… qui ne demande pas mieux que de brûler…

« … et la flamme monte, monte…, et quand la grosse boule va brûler ce sera très joli. » À cette idée que la grosse boule pourrait bien brûler, nos deux amis ne se sentent plus de joie.

Malheureusement, les gnomes ça ne sait pas la chimie ; ça ignore que les ballons se gonflent avec un gaz nommé hydrogène, et qui a la détestable habitude de faire patarapouf quand on en approche une flamme. Aussi Plick et Plock éprouvent-ils une certaine surprise.

Or les explosions projettent très loin les corps légers, et voilà pourquoi Plick passe au travers d’une vitre, tandis que Plock pénètre, avec effraction, dans un pot de moutarde.

La grenouille gnomivore.

Plick, jouet du sort, ayant décrit dans l’air une trajectoire majestueuse, va piquer une tête peut-être très savante, mais à coup sûr très désagréable, dans la pièce d’eau voisine.

Heureusement, Plick rencontre un brin de paille qui devient pour lui une planche de salut. En même temps, il se trouve face à face avec un effrayant monstre marin d’une espèce inconnue à lui, Plick dont l’éducation zoologique a été très négligée.

Cependant, maître Plock, enduit de moutarde, éprouve des sensations que nous pouvons qualifier de cuisantes. Aussi est-il descendu au jardin avec l’intention de se plonger dans la pièce d’eau afin de se débarrasser de son sinapisme.

Il y arrive au moment précis où le monstre marin entreprend de se faire une opinion sur la valeur comestible des gnomes en général et de Plick en particulier.

Alors, Plock s’agite désespérément en faisant « Pchitt, pchitt », pour effrayer le monstre. Or, en s’agitant, il lui a lancé dans l’œil un paquet de moutarde. « Couax ! couax ! Bracacax ! » a fait le monstre en plongeant aussitôt, pour combattre la douleur qu’il éprouve. Le remous de l’eau fait aborder Plick, qui l’a échappé belle.

Après quoi, Plick séché et remis de ses alarmes, Plock désemmmoutardé et nettoyé, regagnent le logis. Vous croyez peut-être que la leçon leur profitera ? Erreur ! Avant peu, ils auront oublié l’explosion, le monstre et la moutarde.

En voilà des gaillards auxquels l’expérience ne profite pas !

La pomme de discorde.

Où il est démontré

que, conformément aux traditions

les plus respectables,

la pomme n’a pas cessé d’être un fruit moralisateur

et, en même temps, un élément de discorde.

Plick et Plock ont pénétré dans le fruitier (voilà une maison bien désordonnée, on y laisse toujours les portes ouvertes). « Tiens ! qu’est-ce que c’est que ça ? dit Plick.

— Ça, répond Plock qui se rappelle le ballon d’hydrogène, c’est encore une machine ronde, propre à faire sauter les gnomes.

— Mais non, réplique Plick, c’est une pomme ! Il y en a comme ça sur un arbre dans le jardin… Attends ! Nous allons la rouler en haut de cette planche en pente qu’on appelle un plan incliné…

… plan incliné… et puis nous allons maintenant la caler avec cette poutre au bout de laquelle j’ai attaché une corde. »

Plock admire l’imagination féconde de Plick.

« Puis, nous nous éloignerons…

… Je tire la corde !… alors la boule se met à rouler… Tiens ! regarde, Plock ! la voilà qui commence. »

Plock, ravi d’aise, admire de plus en plus l’imagination de Plick.

Seulement, quand une pomme roule sur un plan incliné, elle va de plus en plus vite. C’est ce dont s’aperçoivent avec erreur MM. Plick et Plock, au moment, hélas…

Titre : Plick et Plock écrasés par la pomme

… où il était trop tard… On s’aperçoit toujours trop tard des bêtises qu’on a faites. Il vaudrait certainement beaucoup mieux ne pas les faire. Plock admire moins l’imagination de Plick.

Précipitant sa course, en vertu des lois immuables de la chute des corps, la pomme saute, bondit, resaute, rebondit et finit par rencontrer le chapeau neuf de l’oncle Anatole qui s’en allait faire la partie de bézigue du cousin Pancrace…

… puis, ayant brisé un bec de gaz, transperce un magnifique pastel de 25 francs (cadre compris) représentant les traits angéliques de la tante Aurore et que le célèbre peintre Bleudecobalt venait lui livrer pour sa fête sur la commande de l’oncle Jean.

Après quoi, ayant fait voir, en plein midi, trente-six chandelles au concierge Nicolas qui remplissait dans l’escalier tous les devoirs de sa charge…

… elle va briser une vitre de la loge et finir sa carrière, à l’état de pomme cuite, dans le potage que la concierge Séraphine dressait avec amour pour son époux, son seigneur et son maître.

Cette cascade d’événements amène nécessairement une discussion générale, vive et animée, entre les différents acteurs du drame.

Cependant Plick et Plock, courbatus et rompus, font un retour sur eux-mêmes et commencent à trouver que, quand ils crachent en l’air, ça leur retombe sur le nez, et que par conséquent il serait préférable de ne pas cracher en l’air du tout.

Plick et Plock deviendraient-ils sages ?

Cabotage dans la cave.

Un drame affreux dans la cave,

drame affreux qui a cependant pour conséquence

de mettre Plock sur la voie

d’une grande découverte astronomique.

« C’est décidé, dit Plock, j’en ai assez des farces ! Nous en sommes toujours les dindons !… À partir de tout de suite, je deviens vertueux !… — Entendu ! répond Plick d’un air convaincu.

— Dis-moi, Plick, ne te semble-t-il pas que le robinet de ce tonneau laisse couler du vin ? — Oui, Plock. — Eh bien, commençons notre nouvelle vie de gnomes vertueux en fermant le robinet !

— Pousse, Plock !

— Tire, Plick !

— (Ensemble) Hardi, là ! ! »

Voilà bien ce qui prouve cette idée morale : que pour se rendre utile, il ne suffit pas de le vouloir, il faut encore, comme pour tout, avoir appris : les malheureux ! au lieu de fermer le robinet, ils l’ont ouvert !

Heureusement que les gnomes c’est comme les chiens, ça sait nager de naissance… Sans cela Plick et Plock seraient bien malades.

Par bonheur aussi, ils trouvent un vaisseau de haut bord, désemparé, mais cependant solide encore, dans lequel ils parviennent à se hisser. Plick et Plock sont en proie au noir découragement.

Plick et Plock, décidés à aborder quelque part, profitent d’une fente du sabot pour établir une voile de fortune qu’ils gonflent au moyen d’une brise légère, capable, pensent-ils, de faire avancer la machine.

Ce moyen ayant échoué, nos deux marins en imaginent un autre. Pendant que Plick tire, Plock pousse. Décidément Plick et Plock ne sont pas plus forts que Gribouille qui voulait aller dans la lune en se tirant par les cheveux.

Mais une voie de vin s’étant déclarée dans l’esquif, Plick constate une rupture de l’équilibre que Plock s’efforce aussitôt de rétablir par un procédé très ingénieux.

Les efforts de Plock ont été couronnés de succès. La réussite est même trop complète, car le sabot coule aussitôt par la poupe au lieu de couler à pic.

Plick et Plock ont atteint une anfractuosité de la falaise et là, au moyen de deux pailles, ils occupent leurs loisirs forcés à pomper leur océan dont, pendant le naufrage, ils ont apprécié la saveur.

Si bien que quand, le sol ayant fini par absorber tout le liquide, nos deux amis se retrouvent sur l’élément solide, Plock fait cette réflexion pleine d’imprévu : « Pas étonnant que la terre tourne… après tout ce qu’elle a bu ! ! ! »

L’accord des participes.

Plick et Plock font des efforts

vers le bien :

on n’aura aucune peine

à s’apercevoir

que, faute d’habitude,

ces efforts

ne sont point

couronnés de succès.

Mlle Juliette est une bonne travailleuse ; malheureusement hier soir, elle a veillé plus tard qu’elle n’aurait dû le faire, et ce matin elle n’est pas entrain, aussi je crains bien que son devoir ne soit pas fini.

Par bonheur, si Mlle Juliette dort, MM. Plick et Plock veillent, et ils décident que voilà une excellente occasion de faire oublier l’aventure du tonneau de vin, qui a tourné à leur confusion.

Ils grimpent silencieusement sur la table de travail de Mlle Juliette.

« Tire doucement, Plock !… Faut pas la réveiller, murmure Plick, sans quoi nous serions obligés de chercher une autre occasion de bien faire, et ça n’abonde pas, ces occasions-là.

— Là, maintenant, Plick, dicte-moi le devoir de Mlle Juliette. Doucement, parce que le porte-plume est un peu lourd… ce qu’ils sont forts, ces Hommes !

— Monsieur Plick, vous avez dicté comme un ange !

— Maître Plock, vous écrivîtes comme un chérubin, qui serait en même temps notaire !

— (Ensemble) Nous voilà devenus de vertueux gnomes. Soyons fiers ! »

Titre : Lamentable copie…

Or, voici le fruit de la collaboration laborieuse de Plick et Plock. On peut constater qu’ils eussent peut-être dû ne pas se presser autant pour s’adresser de mutuelles congratulations.

Plick et Plock, cachés derrière la porte pour jouir de leur triomphe, entendent le professeur de Mlle Juliette lui déclarer que son devoir est très mal fait. Tiens ! Tiens ! Est-ce qu’il ne suffirait pas d’avoir une bonne intention pour bien faire ?

Une rechute de Plick et Plock.

Une rechute

de Plick et Plock

dans les abîmes du mal,

rechute,

à la suite de laquelle,

la rancœur

des

désillusions

envahit l’âme de ces messieurs.

« Pssstt ! Pssssst ! Plick ! arrive !… il est parti ! et il y a sur son bureau quelque chose qui fume. C’est peut-être un incendie ! Vite, Plick ! courons l’éteindre !

— Tiens ! Qu’est-ce que c’est donc que ça qui brûle ?

— Je sais, dit Plick : on met dans sa bouche le bout qui ne brûle pas ; on tire, et puis on souffle, et puis on tire, et ainsi de suite… : c’est très joli.

— Est-ce que tu trouves ça bon ? interroge Plock.

— Pouf ! Pouf ! ! Pouf ! ! ! Pouf ! ! ! ! » fait Plick, ce qui le dispense de répondre.

Et, par un jeu alternatif, nos deux amis s’envoient réciproquement des nuages d’une fumée odorante, mais aussi bien écœurante.

Car, au fond, M. Plick et M. Plock trouvent que la fumée a très mauvais goût ; mais comme, par amour-propre, ils n’en veulent pas convenir, ils s’efforcent de manifester un contentement qu’ils sont, hélas ! loin d’éprouver.

Vous voyez en effet qu’il est arrivé un moment où la matière l’a emporté sur l’esprit, et c’est ce qui prouve qu’on ne devrait jamais fumer avant d’en avoir pris l’habitude.

Plick, Plock et le diable en boîte.

Pour avoir foulé aux pieds

ses bonnes intentions,

Plick est livré aux bêtes

et Plock,

qui possède une nature

très primesautière, se sert de son bâton

comme l’ours

de son pavé.

Plick et Plock sont très intrigués à la vue d’une « énorme » caisse qu’ils n’ont jamais aperçue et dont, étant naturellement curieux, ils voudraient bien explorer le contenu.

« Si l’on avait des rayons X ce serait très facile de savoir ce qu’il y a là-dedans, dit Plick qui a séjourné chez un employé d’octroi.

— C’est peut-être ouvert par en haut, fait observer le judicieux Plock.

— Non ! c’est fermé aussi !… Mais ça doit se décrocher, ce crochet-là ! »

Ce Plick est évidemment un observateur de tout premier ordre et il aurait été fort capable d’inventer le piano-aquarium ou la chaussette-parapluie.

« Je ne suis pas à ma main !… Essaie donc, Plock, toi qui est fort ! »

Plick est non seulement un observateur, c’est aussi un vil flatteur. Il doit avoir lu la fable du Renard et du Corbeau.

Ainsi encouragé, et pour répondre à la bonne opinion que cet intrigant de Plick a de lui, Plock s’est piqué d’honneur ; on peut même constater qu’il a réussi au-delà de ce qu’il était en droit d’espérer…,

… car, non seulement il a décroché le crochet récalcitrant, mais il a fait surgir un être barbu et à ressort, dont l’apparition subite a projeté Plick dans les espaces.

Plick et l’araignée.

Plick a passé par une fenêtre : c’est son chemin habituel lorsqu’il est projeté par une force quelconque. En route, il traverse une toile d’araignée dont il entraine, bien malgré elle, la propriétaire.

Plick est mollement tombé sur un tas de foin, où il se trouve face à face avec un monstre velu, qui n’est autre que l’araignée, et qui témoigne par son attitude qu’il a conçu une vive irritation contre l’intrus qui l’a arraché aux douceurs de la vie contemplative.

Voyant le monstre monter à l’assaut du tas de foin et se diriger vers lui, Plick ne se méprend pas un seul instant sur ses intentions gnomicides et farfadivores.

« Prrrrrrt ! va-t’en, sale bête ! » fait Plick ému.

Cet épithète de sale bête n’ayant paru produire aucun effet sur le monstre, Plick se hâte d’employer des moyens plus énergiques et plus efficaces.

Il est courageux, Plick, et fait face au danger avec promptitude et résolution, quand il ne lui est pas possible de faire autrement.

Il est très joyeux, maître Plick, et il a des raisons de l’être, car son coup de pied paraît devoir être libérateur.

Malheureusement, le monstre est resté attaché à Plick par un fil invisible.

Aussi Plick, qui a suivi avec intérêt les mouvements du monstre, ne comprend-il par pourquoi, les situations respectives des belligérants ayant changé, la distance qui les sépare est restée la même.

Plick, Plock, le bâton et l’araignée.

Plick, qui est très méthodique, emploie pour la deuxième fois un système que, malgré l’insuccès d’une première tentative, il a des raisons de croire approprié aux circonstances.

Même résultat : contrairement aux lois de la balistique, le monstre s’obstine à se déplacer circulairement autour du centre de Plick qui, ne voyant pas le fil qui le rattache au monstre, continue à ne pas comprendre l’inefficacité de ses efforts.

Alors, fièrement, notre ami se décide à prendre la fuite, ce qui est une façon comme une autre de faire face à la situation. Tenue en laisse, l’araignée suit le mouvement.

Mais, hélas ! Plick ayant heurté un pavé malencontreux fait une chute que nous n’hésiterons pas à qualifier d’importune. Le monstre s’abat sur la victime.

Heureusement que Plock est survenu à temps et, d’une main vigoureuse, brûle la cervelle au monstre hideux au moment précis où il allait donner satisfaction à ses appétits sanguinaires.

On affirme que c’est le bâton de Plock qui a mis Plick dans cet état. Plock soutient que c’est le monstre. Moi, je dis que c’est la curiosité. Décidez !

Incendiaires sans le vouloir.

Comme quoi

il est imprudent de lire

dans son lit,

même ce livre génial qu’on nomme

la

Famille Fenouillard.

On a bien défendu à maître Pierre de lire dans son lit ; mais c’est si intéressant, la Famille Fenouillard, que le dit maître Pierre n’hésite pas à désobéir à ses parents. C’est fort mal ! et je n’ai plus la moindre estime pour M. Pierre.

Par exemple, ne dites jamais à l’auteur que maître Pierre a fini par s’endormir sur son œuvre ; il en serait très vexé, l’auteur.

Mais si maître Pierre dort, Plick et Plock veillent et, pleins de bonnes intentions, s’efforcent de souffler la bougie qui est restée allumée. Seulement, c’est bien haut, la bougie, pour de petits poumons de gnomes.

Plock a encore une idée (méfions-nous) : « Ami Plick, dit-il, j’ai vu l’autre jour dans le tiroir de ce meuble un instrument que les Hommes appellent soufflet. Avec ça nous serions sûrs de réussir. Car un soufflet, vois-tu, ça doit être fait pour souffler.

Seulement il faut d’abord ouvrir le tiroir, et ce n’est pas ce qu’il y a de plus commode.

Heureusement qu’il y a là un couteau à papier qui peut servir de levier si l’on a l’heureuse idée de prendre comme point d’appui le marbre de la table de nuit.

Le tiroir ouvert, Plick et Plock, s’attèlent en tandem et, combinant leurs efforts, procèdent avec ensemble à l’extraction de l’appareil nommé soufflet.

Voilà bien ce qui démontre que l’union fait la force.

Oui ! mais Plick et Plock ont mal calculé leur effort et le soufflet ayant cédé tout d’un coup, il se produit un écroulement général.

Sans hésiter, mais bien malgré lui, je vous assure, Plock disparaît dans le pot à eau. Encore un instrument qui n’était pas à sa place ! Ce Pierre est vraiment bien désordonné.

Mais Plick est tombé à côté du pot et, bien que meurtri, il s’avise d’un moyen ingénieux afin de délivrer Plock : à grands coups de bâton, il pratique à la base du pot à eau, un orifice artificiel d’écoulement par lequel le pot se vide de tout son contenu liquide et solide.

Il ne s’agit plus maintenant que de sécher le pauvre Plock. « Attends un peu ! déclare l’astucieux Plick. J’ai ouï dire qu’un courant d’air séchait très vite les objets mouillés… or nous avons un soufflet !

« Tu vas, poursuit Plick, te placer devant le soufflet, et moi j’appuierai sur sa panse, et alors le soufflet soufflera et, en soufflant, il te séchera. C’est clair ! »

Ce raisonnement aurait été parfait si le soufflet n’avait pas été un soufflet destiné à l’extermination des puces, punaises, cafards et autres animaux à 6 pattes : aussi le pauvre Plock se trouva-t-il instantanément enveloppé d’un nuage de poudre jaune, impalpable, odorante et sternutatoire…

… qui le fit éternuer pendant 2 heures 43 minutes, à raison de 3 éternuements par seconde sexagésimale de temps moyen. Faites le calcul du nombre des éternuements de Plock !

Ayant terminé ses exercices sternutatoires, Plock était parfaitement sec. Aussi les deux amis, très entêtés, remontent-ils au moyen d’une chaise sur la table de nuit, afin de reprendre leur tentative, jusque-là infructueuse, d’extinction de la bougie de maître Pierre.

Leur premier procédé n’ayant pas réussi, ils reprennent leur levier afin de renverser la bougie : il est certain qu’une fois à terre, la bougie sera bien plus facile à éteindre.

Ils se suspendent à l’extrémité du grand bras de levier avec l’espoir qu’ils feront basculer la bougie.

L’espoir n’a pas été déçu : le bougeoir a cédé aux efforts combinés de MM. Plick et Plock. Oui ! Mais, si ces messieurs sont retombés sur leurs pattes, la bougie, elle, est tombée sur les rideaux qui n’ont rien eu de plus pressé que de prendre feu, étant de nature combustible.

Et le lendemain, Plick et Plock contemplent, navrés, le résultat de leur imprudence : leur domicile n’est plus qu’un monceau de cendres fumantes.

Morale : Ne lisez jamais au lit, Plick et Plock sont toujours là qui rôdent.

Condamnés !

Où MM. Plick et Plock

Comparaissent

devant le prince FEUFOLLET

grand duc des Lutins,

empereur des Gobelins,

margrave des Farfadets

et membre de plusieurs sociétés savantes,

gnome sévère, mais

juste.

Où vont donc Plick et Plock dans cette sombre et épaisse forêt, peuplée d’animaux terrifiants ? Ils vont trouver leur roi pour lui demander de leur désigner un gîte, leur ancien domicile ayant, par leur faute, disparu dans les flammes.

Le prince Feufollet, roi des Gnomes, grand duc des Lutins, empereur des Gobelins et margrave des Farfadets, drapé dans son manteau taillé dans l’aile duveteuse d’un papillon de nuit, donnait justement audience sous un pied de violettes.

Arrivés en présence du prince Feufollet, Plick et Plock commencent par se prosterner comme il convient lorsqu’on se trouve devant un seigneur de cette importance.

Puis ils entament d’un air contrit, leur confession que S.M. Feufollet écoute avec attention.

Ils ont l’air de passer un bien vilain moment, MM. Plick et Plock ; je sais bien qu’à leur place, je serai dans mes tout petits souliers.

Sa Majesté n’a pas, en effet, l’air d’être contente, et sa magnifique barbe ondule de façon inquiétante. L’attitude humble et résignée de MM. Plick et Plock témoigne, d’ailleurs, qu’ils ont quelque appréhension du sort qui les attend.

« Allez, malheureux ! s’écrie S. M. Feufollet, allez où vous pourrez ! Mais rappelez-vous que vous ne ferez que des bêtises tant que vous n’aurez pas trouvé la parole magique qui vivifie les bonnes intentions ! » Regardez comme vibre d’indignation le doigt sévère de Sa Majesté.

Canonniers, à vos pièces !

Plick et Plock

recommencent une nouvelle vie,

avec l’intention formelle

de ne plus retomber dans

leurs

anciens errements

et de découvrir rapidement

la

PAROLE MAGIQUE.

Plick et Plock, bien sermonnés par le roi des Gnomes, ont retrouvé un domicile dont ils s’empressent de faire l’inspection ; il faut bien connaître son logis si l’on veut éviter les occasions de s’y mal conduire.

Au cours de leur inspection, Plick et Plock se heurtent à des hommes armés qui paraissent peu endurants et leur procurent d’abord des émotions intenses.

Puis ils font d’autres découvertes qui les intriguent au dernier point et au sujet desquelles ils émettent quelques ingénieuses hypothèses.

« Tiens, dit Plick, ça grince ! ça doit être une boîte à musique ! — Probable ! réplique Plock. J’aperçois le mécanisme, là, dans le fond… Je l’aperçois même très bien… »

Mais les jouets d’enfants ne sont pas toujours très solides ; la preuve c’est qu’ils sont presque toujours détraqués et l’anneau de culasse de celui-ci cède devant les efforts de Plick : « Heu ! s’écrie Plick en tombant en arrière. — Oh ! » fait Plock, qui a reçu dans l’œil un énorme, énorme boulet.

Puis après un moment d’ahurissement : « J’ai, dit Plock, comme une vague idée que nous n’avons pas encore trouvé la parole magique qui doit nous empêcher de faire des bêtises. »

Le châtiment suit de près le crime.

Du danger

qu’il y a de ne pas savoir exactement

prendre ses distances,

surtout quand

on se trouve dans le voisinage

de gens

qui gesticulent avec

des bâtons et autres instruments

contendants.

Un jour, Plick et Plock, ayant bien dîné, faisaient leur sieste (cela arrive aux plus honnêtes gens). Une abeille, ayant pris Plick pour une fleur (singulière illusion !), vint bourdonner à ses oreilles.

Réveillé par ce bruit insolite, Plick contemple, effaré, cette bête gigantesque et bruyante qui lui paraît animée du désir de faire avec lui plus ample connaissance.

Mais, ayant attentivement considéré Plick, dame abeille reconnaît son erreur, s’éloigne de Plick avec dédain et s’abat sur une touffe de serpolet qui lui semble plus parfumée. Silencieux, Plick et Plock exécutent un mouvement tournant pour prendre l’ennemi par derrière.

« Attention ! murmure Plock… de l’ensemble ! Attention ! au commandement de trois… Une !… deusse ! !…

… Et troisse ! ! !… »

Le noir soupçon, avec la méfiance plus noire encore, ont envahi l’âme de Plick et celle de Plock ; aussi, voyez de quel œil sévère ils se regardent.

La tabatière.

Comme quoi il est bon

de ne pas ajouter une foi absolue

à tout ce qui est

imprimé dans les livres,

à moins que les livres ne soient écrits par

l’ingénieux auteur

de celui-ci.

Plock lisant dans un livre trouvé ouvert : « Alors, le géant Patara souffla fortement trois fois et dit : Patcharokardamacztrmapz », mot magique destiné à conjurer les maléfices.

« Et voilà, ami Plick, ce que c’est de chercher à s’instruire ! Ne penses-tu pas que nous venons de découvrir le fameux mot magique qui doit nous empêcher de faire des bêtises ? C’est simple : souffler trois fois et dire Patcha… machin ! »

« Tiens ! Qu’est-ce qu’il y a dans cette boîte ?… Ça sent joliment bon !… C’est de la poussière !… Si on allait patauger là-dedans… c’est ça qui serait rigolo ! »

« C’est une idée, dit Plock… Mais il faut d’abord dire le mot magique pour conjurer le mauvais sort… Je vais souffler trois fois et toi, pendant ce temps-là, tu diras le mot… tu sais… Patchara… chose. »

Comme le géant Patara, Plock a coup sur coup soufflé trois fois et avec une certaine vigueur, ainsi que vous pouvez vous en assurer sur l’image. Aussi reçoivent-ils dans les yeux, et surtout dans le nez, un nuage de tabac à priser.

… Et trois heures d’éternuements démontrent à Plick et Plock que si le mot « Patcha… etc. » est magique pour les géants qui s’appellent Patara, il ne l’est certainement pas pour les gnomes.

Une erreur funeste.

Oh !

À quels effroyables dangers

s’exposent ceux

qui fouillent inconsidérément dans

les armoires

et qui mangent des choses

inconnues.

« Tiens ! la cuisinière a encore laissé son armoire ouverte ! Si on entrait ! dit Plick.

— Allons-y ! » approuve Plock qui n’est jamais en retard lorsqu’il s’agit de se mêler des choses qui ne le regardent pas.

Et ils y allèrent !… « Qu’est-ce que c’est que ça ? interroge Plock. — C’est mou, remarque Plick. Ça doit être du beurre… » et il ajoute d’un air connaisseur : « C’est bon le beurre ! Ça fond sous la langue.

— Est-ce que tu trouves ça bon, toi, Plick ? — Peuh ! pas trop ! C’est plutôt comme qui dirait amer… Mais, ma foi, quand on a faim…

— C’est singulier ! murmure Plick, il me semble que j’engraisse.

— Voilà qui est particulier ! pense Plock, est-ce que je deviendrai obèse ? »

Plick et Plock (ensemble) : « Que vois-je ? Qu’aperçois-je ?… Que crois-je ?… Mais tu enfles, mon pauvre ami ! »

Hélas ! (et que ceci vous apprenne à ne pas manger ce que vous ne connaissez pas), ce n’était pas du beurre, c’était…

… du levain ! ! ! Il paraît que le levain, qui fait gonfler le pain, fait aussi gonfler les gnomes. Pauvre Plick ! infortuné Plock ! ! Malheureux gnomes ! ! ! les voilà qui, enlevés comme des ballons, ne peuvent plus redescendre du plafond. Espérons cependant que, dégonflés, ils reposeront un jour sur le plancher des bipèdes et des quadrupèdes.

Une drôle de mécanique.

Dans ce chapitre un peu long,

mais substantiel,

on verra qu’avant d’entrer

quelque part,

il faut toujours préalablement

s’assurer

qu’on pourra en sortir.

« Tiens ! dit Plock, regarde donc, là-bas, cette curieuse mécanique. — Je sais ce que c’est », répond Plick, qui l’ignore complétement, mais qui veut accabler Plock de sa science.

« Je sais ce que c’est, a dit Plick ; c’est un garde-manger. Tu vois, il y a, au fond, un excellent morceau de lard. » Et Plick pénètre dans la mécanique malgré les observations de Plock qui commence à avoir une idée vague de ce que c’est que la prudence.

Cependant, le mauvais exemple étant contagieux, Plock a suivi son camarade. « Je te l’avais bien dit, observe Plick, qu’il y avait là quelque chose de bon à manger… Justement il est l’heure de goûter. »

Mais l’imprudent Plick a décroché le morceau de lard qui, à la grande stupéfaction de Plock, remonte brusquement au plafond du prétendu garde-manger, non sans avoir barbouillé au passage le nez de Plick.

En même temps la trappe de la souricière (car le prétendu garde-manger était une souricière) s’est refermée en produisant un bruit sec. « As-tu entendu ? dit Plick. — Oui ! gémit Plock… Ça a fait tac ! » et tous les deux se sentent frissonner jusqu’aux moelles.

Et il y avait de quoi ! Pensez un peu, mes amis, que Plick et Plock se trouvaient enfermés dans la souricière !

« Ô Roi des gnomes : gémissaient-ils, viens au secours de tes fidèles et malheureux sujets ! »

Ce ne fut pas le roi des gnomes qui vint à leur appel ce fut une bête monstrueuse et inconnue…

Dont l’aspect fit immédiatement fuir Plick et Plock jusqu’à l’autre bout de la souricière.

… où se trouvait le morceau de lard suspendu à l’extrémité de sa ficelle ; ils s’y cramponnent avec l’énergie du désespoir. Ce surcroît de poids a pour effet immédiat de faire ouvrir la trappe…

Maître Plock qui n’a pas les yeux dans sa poche s’en aperçoit aussitôt. Et, comme la bête monstrueuse a disparu, Plock, tout joyeux et gambadant, abandonne le morceau de lard et se dirige vers la sortie dans l’intention de prendre ce que l’on est convenu d’appeler la clef des champs.

Malheureusement pour le nez de Plock, M. Plick, à l’aspect de l’ouverture béante, a lui aussi la même idée que son camarade et, lâchant son support, cesse de faire contre-poids à la trappe qui se referme.

De sorte que, réincarcérés, les deux gnomes regrettent plus que jamais de ne pas avoir à leur disposition le « mot magique », et se résignent à subir une détention qu’ils ont tout lieu de croire perpétuelle.

Tout à coup, Plock se frappe le front d’un air inspiré. « J’ai une idée ! » dit-il. Plick, la forte tête, a l’air étonné que Plock ait une idée.

Cependant Plick prête l’oreille aux explications de Plock. Elles ne doivent pas être très claires, les explications, parce que Plick ne paraît pas bien comprendre.

Commencement de l’exécution de l’idée de Plock : Plick, soulevé par les vigoureux biceps de son camarade, tâche d’attraper la corde de la souricière…

À laquelle, sur les conseils de ce sournois de Plock, il se suspend, ce qui fait aussitôt basculer la trappe qui se relève. Plock est ravi. Il a même un air narquois qui ne présage rien de bon pour le confiant Plick.

Arrivé près de la trappe ouverte, Plock explore d’abord les environs pour voir si la « grosse bête » n’est pas dans le voisinage.

Puis, rassuré, il sort de la prison : « Eh bien, Plick ! tu ne viens donc pas ? » dit-il ironiquement. Plick sait, par expérience que s’il lâche, la trappe se refermera, aussi ne semble-t-il pas goûter fort la plaisanterie, d’ailleurs peu spirituelle, de M. Plock.

Mais Plock, en égoïste qu’il est, semble ne pas compatir aux angoisses de Plick, il s’en va en chantant : « Petits v’oiseaux » ou toute autre chanson à votre choix.

Qu’est-ce ? Pourquoi Plock, tout à l’heure si fier, semble-t-il sous le coup d’une violente terreur ?

Pourquoi s’enfuit-il avec la rapidité d’un cerf lancé d’une main sûre, vers la souricière où il espère sans doute trouver un refuge ?

Où Plock trouve-t-il la vigueur nécessaire pour bondir jusqu’au haut de la souricière, qu’il espérait retrouver ouverte, mais dont Plick, fatigué, a laissé retomber la trappe ?

Pourquoi se cramponne-t-il à la bascule qui commande la trappe en jetant de côté des regards empreints d’un terrible effroi ?

C’est qu’il s’est retrouvé, tout à coup nez à museau avec la « grosse bête » qui, n’ayant sans doute jamais vu de gnome, paraît très intriguée.

Mais la grosse bête, ayant senti la chair fraîche, s’avance vers l’entrée de la souricière que Plock en se suspendant à la bascule a fait ouvrir. Regardez comme la peur fait flageoler les jambes de Plick.

Seigneur ! Qu’est-il arrivé ? La grosse bête est entrée dans la cage ! On ne voit plus maître Plick. La grosse bête l’aurait-elle dévoré, le prenant pour un morceau de petit salé ?

Rassurez-vous âmes sensibles ! La grosse bête a été distraite par le lard succulent qui pend au bout de la ficelle, et Plick a profité de sa distraction pour s’esquiver à l’anglaise.

Mais Plock, n’entendant plus de bruit, a lâché la bascule pour explorer les alentours. Il en résulte qu’abandonnée à elle-même, la trappe de la souricière s’est refermée…

Et que la grosse bête se trouve tout à coup emprisonnée, ce dont elle est très marrie, mais ce dont Plick et Plock paraissent très contents, tant il est vrai que le malheur de l’un fait souvent le bonheur de l’autre.

Sauvés, Plick et Plock font de philosophiques réflexions : « Tout ça, dit Plock, c’est très joli ! nous nous en sommes encore tirés cette fois-ci ; mais ça n’empêche qu’il vaudrait peut-être mieux connaître le mot magique. Qu’en penses-tu, Plick ? »

Les malices de Plick et Plock (2°PARTIE)

 

Date de dernière mise à jour : 05/11/2022