BIBLIOBUS Littérature française

Les malices Plick et Plock (2° PARTIE)

1904

Table des matières

  • Une mauvaise plaisanterie.
  • Un exercice qui ne réchauffe pas.
  • Toujours ce chat !
  • Voyez cet animal méchant…
  • Le docteur Plick.
  • Château de cartes.
  • Vieux jeu.
  • Curiosité punie.
  • Les prouesses du docteur V’lan.
  • Mis en surveillance.
  • Pan ! dans l’œil !
  • Un géant !
  • La reconnaissance du hanneton.
  • Étrange aventure.
  • De plus en plus étrange.
  • Une expérience.
  • Le mot magique.
  • Tout est bien qui finit bien.
  • Épilogue.

Une mauvaise plaisanterie.

Où le lecteur verra se dresser

devant lui

une série de « pourquoi » auxquels

il sera ultérieurement

répondu à la satisfaction

de tous.

Pourquoi Plick et Plock ont-ils l’air ahuri de deux phoques qui auraient trouvé une bicyclette égarée dans les glaces du pôle, rencontre qui, comme chacun sait, plonge ces carnivores aquatiques dans un étonnement voisin de la stupidité ?

Pourquoi, après avoir été ahuris, Plick et Plock prennent-ils l’air songeur et même méditatif d’un philosophe mis en cause, ce qui est une situation bien cruelle pour un philosophe ?

Pourquoi Plick et Plock, ayant quitté l’air songeur et même méditatif, prennent-ils l’attitude qu’aurait un observateur fortement intrigué ?

Pourquoi Plock dit-il à Plick : « C’est du sucre ! » ?

Pourquoi Plick témoigne-t-il, par son attitude, du mépris que lui inspire cette affirmation de Plock ?

Pourquoi Plick s’écrie-t-il : « Du sucre ? allons donc ! c’est de la ouate ! ». Pourquoi Plock n’est-il pas loin d’admettre que Plick est devenu parfaitement idiot ?

Pourquoi, Plick ayant énergiquement maintenu que c’est de la ouate, et Plock s’obstinant à prétendre que c’est du sucre, la bonne harmonie cesse-t-elle de régner entre les deux amis ?

C’est tout simplement qu’il avait neigé pendant la nuit. Plick et Plock, gnomes sans expérience, n’avaient jamais rien vu de pareil : c’est très étonnant, la neige, pour les gens qui en voient pour la première fois.

Mais que vois-je ? C’est Plick qui, n’ayant pas voulu démordre de son opinion, a reçu de Plock une violente poussée, lequel Plock s’écriait en même temps : « Ah ! c’est de la ouate !… Eh bien ! va t’étendre dessus, ça te tiendra chaud ! »

Malheureusement, le terrain était en pente, et Plick, ayant roulé, se trouve bientôt inclus dans une boule de neige qui va grossissant à mesure qu’elle descend, ainsi que le font habituellement les boules de neiges.

Plock assiste, sans rien y comprendre, à la transformation de Plick en boule de neige. Mais il n’a pas mauvais cœur, Plock, et il commence à regretter un peu sa brutalité.

Fort heureusement, la boule dans laquelle Plick se trouve emprisonné rencontre dans sa course de plus en plus rapide un arbre… un arbre providentiel.

Grâce au choc qu’elle subit contre l’arbre providentiel, la boule se brise. Plick est délivré et meurtri. Voyez comme il a l’air mécontent. Je ne sais pas ce qu’il crie à Plock, mais ce n’est certainement pas l’expression de ses meilleurs sentiments.

Un exercice qui ne réchauffe pas.

On verra

dans les pages suivantes

que lorsque la glace

est mince,

elle est beaucoup moins solide

que

quand elle est épaisse.

En présence de l’immense danger couru par Plick, Plock repentant se sent ému et, sur les débris de la boule de neige, les deux amis se réconcilient. C’est toujours par là qu’on devrait commencer, les brouilles dureraient moins longtemps.

Réconciliés, Plick et Plock s’en vont, la main dans la main, heureux d’un accord si doux. Ils chantent une chanson de leur composition :

Taratazinzizipchoum

Parafaratararaboum.

Ils rencontrent une flaque d’eau glacée : « Tiens, dit Plock, on dirait que c’est solide… et que ça peut me porter.

« Oh ! oh ! mais ça glisse ! Ça glisse même beaucoup mieux que le parquet du salon… C’est très amusant ! Viens donc voir, Plick ! »

Plick est devenu méfiant. Il est payé pour cela, le pauvre Plick ; cependant, encouragé par l’exemple de Plock, il s’est décidé. Hélas ! que n’a-t-il suivi sa première idée, qui était de s’abstenir !

Plick et Plock ont réussi à grand’peine à s’en tirer ; mais, comme le froid est vif et qu’ils sont trempés, ils sont vite transformés en glaçons. Regardez un peu comme les voilà faits !

Toujours ce chat !

Comme quoi,

à l’imitation de ce qui se passe

dans

le monde des humains,

il arrive parfois

dans le monde des gnomes

que la justice s’égare

et que les innocents payent pour

les coupables.

Plick et Plock, gelés et transis, n’ont rien trouvé de mieux, pour se dégeler et se détransir, que d’aller se mettre entre les quatre pieds du fourneau de la cuisine.

Il est certain que le moyen est excellent et que, sous l’influence de la bienfaisante chaleur, Plick et Plock reprennent vite leur grâce et leur chaleur naturelles.

Plick et Plock sont bientôt secs. À ce moment, ayant entendu quelque bruit et ayant aperçu un étranger qui se dirige vers eux, ils s’empressent de lui céder la place. Il faut toujours être poli.

Or l’étranger c’est M. Minet qui, lui aussi, éprouvait le besoin de venir se chauffer. Dame ! quand il fait froid, on a beau avoir une fourrure, ce n’est pas toujours suffisant.

M. Minet se chauffait donc d’un air béat, quand survient Mlle Victoire, cuisinière de son état. Voyant de l’eau par terre, elle en tire des conclusions fâcheuses pour l’honorabilité de Minet et lui exprime son mécontentement.

Plick et Plock, qui aiment leur prochain, sont navrés de voir que, par leur faute, M. Minet a perdu les bonnes grâces de Victoire, grande justicière de la cuisine. Je crains bien que, grâce à MM. Plick et Plock, Minet n’ait pas aujourd’hui son mou habituel !

Voyez cet animal méchant…

Ce chapitre a pour but

de faire apparaître le danger

qu’il y a

à troubler dans leur sieste

les gens

qui pratiquent cet exercice

afin d’y oublier

les misères

de ce monde.

Plick et Plock ont pénétré dans une immense forêt, faite d’herbes gigantesques, c’est la pelouse du jardin. « Eh ! crie tout à coup Plock, viens donc voir, Plick.

— C’est un trou ! dit Plick, qui est doué d’un esprit d’observation. — Je m’en étais douté », dit Plock… Puis ce vil flatteur ajoute : « Dis donc, Plick, toi qui es adroit et courageux, si tu allais voir ce qu’il y a dedans ? »

Et Plick, qui décidément n’a jamais lu la fable du Corbeau et du Renard, alla y voir. « Eh bien ! interroge Plock… qu’est-ce que tu découvres ?… un trésor ?

Je ne sais pas, répond Plick… mais je ramène quelque chose… On dirait que ça remue. »

Or, ce que ramenait Plick, c’était deux guêpes énormes, qui faisaient leur méridienne et s’empressèrent de montrer aux deux indiscrets qu’ils auraient beaucoup mieux fait de ne pas les déranger.

Et Plick enflé disait à Plock boursouflé : « Ah ! mon frère ! que mes regrets sont cuisants de n’avoir pas encore réussi à découvrir le mot magique ! »

Le docteur Plick.

Où l’on apprendra, si on ne

le sait déjà,

que le meilleur moyen d’éteindre

le feu

n’est pas de jeter de l’huile

dessus.

Ayant rencontré un fragment de miroir, Plick et Plock en profitent pour chercher à se rendre compte de l’étendue des dégâts, qui d’ailleurs les font cruellement souffrir.

Ayant constaté que leurs physionomies respectives n’ont plus cette harmonieuse régularité des anciens jours, ils s’en trouvent humiliés, contrits et douloureusement affectés.

Mais Plick est un gnome de ressources : « J’ai vu, dit-il, dans le tiroir de la commode, un remède qui sert au maître de la maison quand il a sa douleur dans l’épaule.

« Justement tu as l’épaule très enflammée, nous allons couper un petit morceau du remède et le coller sur ton bras, Plock !… Je serai bien étonné si tu ne t’en trouvais pas soulagé… » Et maître Plick ajoute tout bas : « Et si le remède lui réussit, je l’emploierai à mon tour. »

Malheureusement l’attitude de Plock témoigne clairement que le remède ne doit pas avoir réussi, et même il semble que, loin de se calmer, la douleur n’a fait que s’irriter davantage.

Et c’est ce qui explique pourquoi le pauvre Plock emploie les moyens les plus radicaux, afin d’atténuer, dans la mesure du possible, les désastreux effets des remèdes du docteur Plick.

Château de cartes.

Chapitre palpitant,

dont la lecture fera comprendre

combien

il est imprudent de danser

la gigue,

fût-elle anglaise,

sur un échafaudage branlant.

Plick et Plock ont fini par reprendre leurs dimensions normales. « Tiens, dit Plock, qu’est-ce que cela ? — Ça, répond Plick… je sais… » Ce Plick est un puit de science.

« … Je sais, dit Plick… ce sont des cartes… Je sais aussi comment on s’amuse avec… on les arcboute et on fait des maisons très jolies.

… Après quoi on monte dessus, et, comme c’est élastique, on en profite pour danser avec grâce la gigue anglaise, et l’on engage son ami Plock à en faire autant. »

L’ami Plock en ayant fait autant, la danse reprend plus animée et plus vive, Plock est un peu jaloux de la souplesse et de l’élégance que déploie son compère.

Seulement, ça n’est pas très solide, les châteaux de cartes, et nos amis s’aperçoivent…

… un peu tard, et à leurs dépens, qu’il est très imprudent de se livrer à des exercices violents sur des machines en état d’équilibre instable.

Vieux jeu.

Où il sera établi,

conformément aux principes

de la science la plus rigoureuse,

que

le frottement engendre

la chaleur.

« Ça, affirme Plick, c’est un bouchon. Ça s’appelle un bouchon parce que ça sert à boucher. »

Plock est de plus en plus stupéfait du savoir immense de Plick.

« Est-ce qu’on peut s’amuser avec un bouchon ? interroge Plock. — Tu parles, Charles ! répond élégamment Plick. Tu vas voir ! J’ai une idée. »

L’idée de Plick était d’aller chercher une poutre immense dans le porte-allumettes et de déposer cette poutre en travers du bouchon.

Pendant que Plock, avec de grands efforts, maintient la poutre relevée, Plick cale prudemment le bouchon. Est-ce qu’il deviendrait sage, maître Plick ?

« Là ! dit Plick… Maintenant, assieds-toi sur la poutre pendant…

… pendant que je vais faire un rétablissement, selon les principes, pour m’asseoir à l’autre bout. »

Et ainsi qu’il l’avait annoncé, Plick exécuta un rétablissement sur les avant-bras.

« Là, maintenant, donne un fort coup de talon, dit Plick.

— Si je veux », riposte ce farceur de Plock.

Cependant, Plock a fini par donner le coup de talon, et c’est maintenant au tour de Plick de dire : « Si je veux ! »

Mais Plock a trouvé le moyen de déjouer la malice de Plick : il se porte vivement en arrière, ce qui projette vivement vers les hauteurs maître Plick tout surpris.

Seulement, Plick qui n’est pas bête, a parfaitement compris la cause de sa surprise et s’arrange de façon à en causer une toute semblable à Plock.

Mais, en touchant brusquement le sol, l’allumette a subi un choc qui l’a enflammée et c’est ce qui motive cette interjection de Plock : « Tiens ! on dirait que ça brûle, là, derrière ! »

Ayant constaté qu’en effet « ça brûle là-derrière », Plick s’élance à la recherche d’un extincteur capable d’arrêter les progrès de l’incendie qui dévore ses œuvres vives. Subitement privé de contre-poids, Plock regrette de n’avoir pas prévenu Plick avec plus de ménagements.

Curiosité punie.

Ce chapitre montre

que si

quelque circonstance fortuite

vous empêche

de vous coucher sur le dos,

il ne faut pas

hésiter

à vous coucher sur le ventre,

 et inversement.

Plick, ayant, dans sa fuite, rencontré une mare, imagine un moyen ingénieux d’éteindre l’incendie.

Après un pansement sommaire et provisoire appliqué sous la forme d’une feuille de chou, par le charitable Plock…

… Plick court s’étendre sur son lit de mousse et fait appeler le docteur Frog qui ordonne à Plick de rester à plat-ventre pendant sept fois septante-sept jours.

Cependant, Plock, réduit à se promener tout seul, découvre un tuyau d’arrosage, qui ne laisse pas que de l’intriguer fortement.

« Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? » se demande Plock, et, pour le savoir, il s’arme d’une pointe d’aiguille trouvée par hasard. Plock est, comme on le voit, pour la méthode expérimentale.

L’expérience a réussi : Plock sait maintenant, pertinemment, ce que renferme le tuyau d’arrosage, car il reçoit une douche soignée qui l’envoie promener à de prodigieuses hauteurs.

Les prouesses du docteur V’lan.

Ce chapitre, qui fera palpiter

le cœur

des âmes sensibles,

portera en même temps jusqu’aux nues

la réputation

du glorieux docteur Vlan,

spécialiste pour clous.

Quelle épouvantable catastrophe ! Le pauvre Plock est tombé bien malheureusement sur l’aiguille même dont il s’était servi pour explorer le tuyau.

Horreur ! Horreur ! ! Horreur ! ! ! comme disait en latin le nommé Shakespeare qui était Anglais.

Plock a toutes les apparences d’un cadavre qui aurait cessé de vivre. Heureusement pour lui, le roi des Papillons qui se promenait par là avec la reine des Coccinelles fut ému jusqu’au fond de son vaisseau dorsal. Ainsi se nomme le cœur des papillons.

Aussitôt le roi de Papillons dépêche à son cousin le prince Farfadet, roi des Gnomes, quelques courriers rapides et sûrs. Il en envoya 150, car la gent papillonne était alors en guerre avec la nation hirondelle.

Justement le prince Farfadet se reposait à l’ombre d’un tussilage. Il vit arriver un courrier : « Oh ! oh ! s’écria-t-il éloquemment… kekcekça ? » (ce qui, dans la langue gnomique, signifie : qu’est-ce que c’est que ça ?)

« Ça » c’était un Papillon de Nuit, le seul courrier qui ait pu arriver à destination : il avait voyagé pendant le sommeil des hirondelles. « Fouchtra de la Catharina ! » proféra, en lisant le message, le roi, qui connaissait toutes les langues du monde.

Puis, d’une voix forte, il ajouta je ne sais trop quoi ; ce qu’il y a de certain, c’est que tous, y compris le courrier, s’élancèrent dans des directions variées afin de réunir le personnel ordinaire des ambulances royales.

Et l’on vit, traînée par le plus rapide des scarabées des écuries royales, s’élancer la voiture la mieux suspendue des ambulances de Gnomopolis. Elle emportait le médecin le plus habile de la cour, l’illustrissime docteur V’lan, et les infirmiers les plus expérimentés des hôpitaux. Tous s’en allaient porter secours à l’infortuné Plock.

« Oh ! oh ! s’écria d’abord l’illustre docteur V’lan… Voilà un cas bien singulier… C’est un clou !… un clou qui a déjà percé.

« … Il s’agit d’extraire avec soin la cause première du mal. » Mais l’infirmier s’y étant pris d’une façon illogique, bien que vigoureuse, et n’arrivant à aucun résultat satisfaisant.…

… « Il faut, dit le docteur V’lan, opérer d’une façon plus méthodique et plus rationnelle. » Ayant donc appelé tous les infirmiers, il leur enjoint de lever le patient aussi haut que possible, de façon que le gros bout de l’aiguille soit en haut et la pointe en bas. Cela fait, il crie :…

… Il crie, le bon docteur V’lan, il crie : « Au commandement de trois, vous lâcherez tous ensemble avec simultanéité… Attention ! Une… Deusse… Troisse !… » Et ils lâchèrent.

« Et maintenant, jeunes élèves, ajouta le docteur V’lan, je n’ai plus qu’à cueillir délicatement le corps étranger qui est, comme vous le voyez, sorti presque tout seul. »

Et tous, V’lan, fier de la méthode nouvelle qu’il venait d’imaginer pour la guérison radicale des clous, et les infirmiers, légitimement fiers de leur maître, emportèrent Plock vers la voiture d’ambulance…

… qui s’éloigna au pas allongé du scarabée rapide, non sans qu’on ait recueilli au passage le pauvre Plick qui persistait, pour cause d’inflammation cutanée, à ne pas pouvoir s’asseoir.

Mis en surveillance.

Ce chapitre,

tout aussi palpitant que le précédent,

nous fera assister

à une humiliation bien méritée

de MM. Plick et Plock.

Mais, malgré les soins assidus et la science profonde de l’ingénieux docteur V’lan, maître Plock s’obstinait malicieusement à ne point se désévanouir. Le savant V’lan était humilié.

Aussi prit-il le sage parti de consulter les ouvrages les plus remarquables de la science moderne, et dont la lecture attentive s’impose à tous ceux qui veulent se tenir au courant du mouvement scientifique.

Le docteur V’lan découvrit dans ces ouvrages remarquables que si Plock restait cadavre, c’est que ses esprits animaux s’en allaient par l’ouverture du thorax. V’lan obtura donc l’ouverture avec un solide bouchon.

Si bien que les esprits animaux furent forcés de rester dans le corps de Plock, dont la guérison marcha alors à pas de géant, et qui commença à pouvoir se lever, le jour où Plick eut la joie infinie de constater que lui, pouvait s’asseoir.

Alors, en présence de tous les Gnomes, Lutins, Farfadets et Gobelins, gens gais et moqueurs, le roi condamna Plick et Plock à demeurer sous la surveillance étroite de Mlles Zig et Zag, de la tribu des Feux-Follets, jusqu’à ce qu’ils aient découvert le mot magique qui devait les empêcher de faire des bêtises. Quelle humiliation !

Pan ! dans l’œil !

Où l’on verra

que ceux qui connaissent le mieux

la pédagogie

sont précisément ceux

qui n’en ont

jamais entendu parler.

Vous vous imaginez peut-être que Mlles Zig et Zag, pour entreprendre l’éducation de Plick et Plock, vont leur faire un cours aride de morale en prenant un air sévère ? Pas le moins du monde. Mlles Zig et Zag connaissent la pédagogie, ne l’ayant jamais apprise…

Mlles Zig et Zag veulent que Plick et Plock découvrent eux-mêmes le mot magique, et alors, ayant trouvé cinq jolis cailloux, elles jouent aux osselets. Plick et Plock sont intéressés par ce jeu inconnu d’eux, mais croient de leur dignité de continuer à bouder. C’est bête de bouder !

Cependant, comme Mlles Zig et Zag paraissent s’amuser considérablement, Plick et Plock piétinent leur dignité, cessent de bouder et s’avancent pour demander des renseignements sur ce jeu qui leur semble aussi nouveau qu’extraordinaire.

« C’est bien simple, explique Mlle Zag, vous prenez un caillou, vous le jetez en l’air. Pendant qu’il est en l’air, vous ramassez vite un autre caillou et vous retournez la main pour recevoir le caillou voyageur qui est en train de retomber.

— C’est bien simple en effet, dit Plock. Permettez que j’essaie. — Jette le caillou très, très haut, dit Plick, comme ça tu auras le temps de ramasser l’autre. »

Plock a lancé très, très haut, juste dans l’œil de Plick qui se penchait pour mieux voir. « Encore une bêtise pense Plock… Mais qui donc nous dira quel est ce mot magique ? »

Un géant !

Vous verrez ici, mes enfants,

que beaucoup de gens qui cherchent

à se faire passer pour grands

ne sont que des nains.

Vous verrez aussi

que quand deux bœufs sont attelés

au même joug, si l’un

tire à hue, il ne faut pas que l’autre

tire à dia.

Mlles Zig et Zag, qui ont bon cœur, ont trouvé un pauvre hanneton à qui un méchant garçon avait cassé la patte. Elles sont très occupées à le soigner avec de l’onguent Mitonmitaine, un fameux onguent de leur invention.

Seulement, pendant ce temps, MM. Plick et Plock ne sont plus surveillés. C’est très imprudent de laisser sans surveillance MM. Plick et Plock. – « Attends, dit Plock, nous allons leur faire une farce soignée, tu m’en diras des nouvelles.

« Tu vois ce bout de tuyau de plomb, laissé par des ouvriers ? Prends ce linge qui traîne et arrive ! »

Et Plock poursuit : « Je dissimule habilement le tuyau avec le linge tu entres par un bout, la tête la première… moi j’entre à l’autre, les pieds devant. »

La manœuvre exécutée, Plock fait entendre aussitôt de rauques hurlements : « À moi ! à l’aide ! au secours ! ! Je suis tout d’un coup devenu géant… Oh ! que je souffre ! que je souffre ! » Alarmées, Mlles Zig et Zag ont quitté le pauvre hanneton et sont accourues dare dare. Hum ! cela leur paraît bien extraordinaire, un allongement pareil en aussi peu de temps. Généralement on ne grandit que quand on mange bien sa soupe, et justement, à déjeuner, ce gourmand de Plock a méprisé la sienne.

Mais ces demoiselles sont de jeunes personnes sensées et qui aiment à se rendre un compte exact des événements. Mlle Zag a soulevé le linge : elle a ainsi dévoilé du même coup, le tuyau et le mystère. Néanmoins Plock est enchanté de son idée. Il rit et semble se moquer de Mlle Zig. Plick en fait autant, seulement ça se voit moins parce qu’il rit en dedans.

Mais ce n’est pas le tout d’entrer dans un tuyau de plomb, il faut en sortir. Plock s’y emploie. Il a l’air de faire beaucoup d’efforts, maître Plock, et Mlle Zig, qui n’a pas pour deux sous de rancune, lui prodigue les encouragements. Néanmoins Plock ne paraît pas obtenir un résultat appréciable.

À l’autre bout du tuyau même insuccès, et cependant les efforts de Plick ne sont pas moindres que ceux de Plock : regardez comme ses mollets se contractent, considérez l’énergique crispation de ses pieds. Quel est donc le lien mystérieux qui immobilise ces messieurs dans les sombres profondeurs du tuyau ?

La figure ci-dessus est une figure théorique, dite « coupe en long », destinée à montrer aux intelligences les plus obtuses ce qui se passait dans les sombres profondeurs du tuyau : Plick s’étant accroché à Plock et Plock à Plick, et chacun d’eux tirant avec énergie l’un dans un sens et l’autre dans un sens diamétralement opposé, on comprend combien devaient être surperflus les efforts de nos amis.

Aussi Plock offre-t-il tous les symptômes d’un épuisement complet. Il est probable que si Plick était visible, on constaterait sur lui l’existence de symptômes analogues. Heureusement que Mlles Zig et Zag ne sont pas des intelligences obtuses et que, sans avoir eu besoin de couper au couteau le tuyau, elles ont très bien compris ce qui se passait dans ses sombres profondeurs. – « Monsieur Plock ! lâchez monsieur Plick ! dit Mlle Zig. — Monsieur Plick ! lâchez monsieur Plock ! » s’écrie Mlle Zag.

Je ne sais pas si c’est pour suivre le conseil de Mlle Zig ou si c’est une conséquence de l’épuisement, mais Plock a desserré les jambes. Mlle Zig peut alors intervenir d’une façon efficace et dégager le pauvre Plock, qui paraît plutôt déprimé.

… Plick, de son côté, a renoncé à s’accrocher à son ami, ce qui rend également possible l’intervention de Mlle Zag.

Et pendant qu’à grand renfort de sels et de compresses vinaigrées, Mlles Zig et Zag rendent à Plick et à Plock la notion exacte des choses, ceux-ci implorent tout bas leurs gentilles compagnes : « Dites-nous-le, dites, le mot magique ! Oh ! Dites-le nous ! »… Le pauvre hanneton, clopin-clopant, vient voir ce qui se passe.

La reconnaissance du hanneton.

Ci derrière

vous aurez la preuve péremptoire

que la Reconnaissance,

cette vertu

si rare chez les Humains,

est très commune

chez les pauvres Hannetons.

« Est-ce que ça mord, cette grosse bête-là ? interroge Plick. — Le pauvre hanneton ?… mordre ! il n’y a pas de danger ! Nous avons soigné sa patte malade… et c’est très reconnaissant, un hanneton. »

Après bien des hésitations, Plock s’est enhardi jusqu’à aller toucher du doigt les élytres de la grosse bête. Il voudrait bien que Plick admire sa vaillance ; mais Plick, épuisé par les émotions, s’est endormi.

En entendant ronfler son ami Plick, le malicieux Plock songe qu’il serait peut-être divertissant de profiter de son sommeil pour lui jouer une de ces farces spirituelles qui sont sa spécialité.

Celle que Plock imagine consiste tout simplement à attacher la patte du hanneton à celle de Plick. Évidemment, quand le hanneton changera de place, il traînera Plick, qui se réveillera en sursaut et aura une peur effroyable… et ce sera très réjouissant.

Justement le hanneton donne des signes d’activité ; il remue le ventre, agite la tête, écarte les antennes : Plock convaincu qu’il va bien s’amuser, se félicite intérieurement d’avoir une imagination aussi féconde.

Mais, hélas ! le hanneton a tout à coup ouvert les ailes et, avec un bruissement sinistre, s’est envolé vers les espaces entraînant à sa suite le pauvre Plick stupéfait. Pourvu, Seigneur, que la ficelle résiste !

À la vue de Plick exécutant son ascension, le premier sentiment de Plock est une stupéfaction intense…

Le second aussi et le troisième également. Après quoi, il s’épuise en appels désespérés. « Plick ! Plick ! reviens ! sois gentil ! reviens vite !… Plick !… je t’en supplie. »

Cependant Plick, sourd bien malgré lui à la voix de Plock, continue à suivre le hanneton dans le vol : ce spectacle arrache à Plock des larmes et des hurlements qui font accourir en toute hâte Mlles Zig et Zag…

… aux pieds desquelles Plock, foulant son amour propre, s’écroule, suppliant : « Sauvez-le ! — Qui donc ? interrogent, anxieuses Mlles Zig et Zag.

— Plick !… Là-haut… Le hanneton ! » Mlles Zig et Zag ont compris : elles crient très fort : « Hanneton ! gentil hanneton ! rapporte-nous vite notre ami Plick ! » Le hanneton a entendu et, comme il est reconnaissant, il obéit aussitôt à l’appel des gentilles voix de Mlles Zig et Zag.

Plick, sauvé, cherche en vain à s’expliquer ce qui lui est arrivé. Plock est couvert de confusion : il y a de quoi ! Quant au pauvre hanneton, il monologue comme M. Coquelin : « C’est donc cela, se dit-il, que mon vol me semblait moins léger que d’habitude. »

Étrange aventure.

Enfants ! que l’exemple

de

MM. Plick et Plock vous apprenne

à ne pas plus jouer

avec l’électricité

qu’avec les armes à feu.

MM. Plick et Plock s’obstinant à faire des bêtises, Mlles Zig et Zag les ont engagés à se retirer dans une salle basse et à y méditer, afin de découvrir le mot magique.

C’est très ennuyeux de méditer quand on n’en a pas l’habitude : aussi Plock ne tarde-t-il pas à interrompre ses méditations, qui n’étaient pas très profondes, pour faire remarquer à Plick deux choses étranges sur le mur.

Les deux choses étranges étaient deux fils électriques qui attendaient qu’on voulût bien leur attacher une lampe. Plock entreprend de voir de près les deux choses étranges en grimpant sur n’importe quoi qu’on ne voit pas sur l’image. L’imagination de chacun y suppléera.

Or, le « n’importe quoi qu’on ne voit pas sur l’image » s’étant trouvé insuffisant, Plock a recours aux biceps herculéens et à l’inépuisable complaisance de Plick.

Plock apprend à ses dépens qu’il est dangereux de s’approcher des corps électrisés, le nez de Plick est victime de ce que les gens très savants pourraient appeler le « choc en retour ».

Et tous deux, de compagnie, roulent sur le plancher de la salle où, pendant quelques minutes, ils éprouvent d’inégales convulsions.

C’est bien fait, ils n’avaient qu’à pas être aussi curieux.

De plus en plus étrange.

Où l’on verra

toute une cascade de phénomènes

inexplicables

et qui le demeureront jusqu’à

ce que l’auteur,

avec sa rare compétence,

prenne la peine de les expliquer.

Ce qui ne tardera

guère.

Plick et Plock, ayant tant bien que mal repris leurs esprits, se relèvent avec des barbes en soleil d’artifice et voient avec stupeur une cocotte en papier, oubliée là, qui se met à marcher comme une personne naturelle vers M. Plock. Voilà qui est bien singulier !

De plus, M. Plock, s’étant regardé dans le fond d’une vieille casserolle en cuivre, voit que différents corps légers adhérent à sa personne et que quelques-uns même font la navette entre son nez et la casserolle. Voilà qui est bien étrange !

D’autre part, M. Plick, s’étant rapproché par hasard d’un tas de poils provenant de la tonte récente du caniche de la maison, voit avec ahurissement tous ces poils se précipiter et s’attacher à sa personne. M. Plock, peu charitable, trouve l’aspect de Plick très hilarant.

Mais triste retour, hélas ! des choses d’ici-bas, M. Plock, ayant frôlé le balai, est aussitôt saisi par les brins du balai qui, tels des serpents, s’attachent à lui ; avec des efforts inouïs il parvient à se dégager, mais il n’en a pas moins nettoyé le balai en lui prenant toute la poussière. Voilà qui est bien extraordinaire !

Plock voulant fuir le balai a heurté la muraille, contre laquelle il reste aussitôt collé, et cela ne paraît pas lui être extrêmement agréable.

Plock a réussi à se retourner, mais il n’en reste pas moins collé, ce qui lui cause, vous pensez bien, quelque désagrément. Quant à Plick, il éprouve, à se rapprocher de Plock, une difficulté insurmontable.

Ayant fait un effort pour vaincre la difficulté insurmontable et se rapprocher de Plock, maître Plick éprouve une répulsion violente qui détermine un recul ; aussi, va-t-il s’étaler, dans une posture humiliante, aux pieds de Mlles Zig et Zag, qui venaient voir à quoi avaient abouti les méditations de ces messieurs.

C’est égal ! Voilà une singulière cascade de phénomènes mystérieux !

Mlle Zig, qui est une personne réfléchie, cherche à se rendre compte de tous ces phénomènes mystérieux. Ayant ramassé des poils de caniche, elle les lâche vers M. Plick ; elle constate qu’ils subissent une attraction manifeste.

« Bon, dit Mlle Zig qui a été l’école, je sais ce que c’est et je connais le remède. » Ayant ainsi parlé, elle s’en va, aidée de Mlle Zag, chercher une grosse aiguille qui traînait sur le plancher de la chambre voisine.

Puis elle en dirige la pointe vers maître Plick : aussitôt les poils tombent et maître Plick reprend sa figure ordinaire.

Cela fait, elle darde la même pointe vers Plock, qui se décolle immédiatement du mur. Il n’est pas rassuré, Plock, car il a gardé un bien mauvais souvenir des pointes d’aiguille.

Une expérience.

Où le mystère est dévoilé,

grâce au papa

de maître Pierre, qui était un illustre

et savant

professeur de physique.

Tu veux savoir pourquoi Plick et Plock attiraient les corps légers ?

Eh bien ! voilà !… Vois-tu cette feuille de papier ? Je la chauffe pour qu’elle soit bien sèche.

Puis je la frotte délicatement en la faisant passer entre mon bras gauche et ma jambe idem.

La feuille de papier est électrisée et si je l’approche des cendres, tu peux voir les cendres se précipiter sur la feuille de papier…

… et s’y attacher comme la poussière du balai sur les habits de Plock ou les poils du caniche sur la personne de Plick.

Je puis même l’approcher du mur, cette feuille de papier électrisée,… elle s’y colle, comme l’a fait Plock lui-même…

Et je la décolle le plus facilement du monde tout bonnement en lui présentant la pointe d’une aiguille, ainsi qu’ont fait Mlles Zig et Zag.

Le mot magique.

Dans ce pénultième chapitre,

le lecteur assistera à la découverte

du MOT MAGIQUE,

découverte dont l’auteur n’est

autre que

M. Plock, qui ne l’a pas

fait exprès.

Mlles Zig et Zag étant nous ne savons où, Plick insinue à Plock qu’il y a, dans la cuisine, une armoire ouverte.

« Si on allait la fermer ? dit Plick. — Allons-y ! » répond aussitôt l’autre. – et, comme vous le voyez, ils y allèrent.

Plick avait-il réellement l’intention de fermer l’armoire ? C’est douteux, et je crois qu’il a été un peu sournois en entraînant son ami Plock, car le voilà qui se dispose à faire exactement le contraire de ce qu’il avait dit.

Mais aussitôt l’âme honnête de Plock s’insurge et, avec une grande dignité, il déclare à Plick qu’il se refuse à inventorier le contenu de l’armoire. Plick est plein de mépris pour les scrupules de conscience de son ami et il ne le lui envoie pas dire.

« Voyons ! dit Plock… as-tu donc oublié que le contenu de cette armoire a failli déjà nous coûter très cher le jour où nous avons été transformés en ballon ?… Il faudrait cependant, ami Plick, te décider à RÉFLÉCHIR AVANT D’AGIR. »

À peine Plock avait-il prononcé ces mémorables et sages paroles qu’un tonnerre d’applaudissements et de vivats s’échappe de l’armoire, où Mlles Zig et Zag, sentant le dénouement proche, avaient convié tous les gnomes des environs.

Tout est bien qui finit bien.

Chapitre

ultime et dernier,

l’on verra ce que l’on verra.

En même temps, de tous les coins de la cuisine sortaient des gnomes, des lutins et des farfadets, acclamant et félicitant nos deux amis qui ne se rendent pas encore un compte bien exact de la raison de cette ovation triomphante.

Puis vint M. le Doyen, qui mit Plick et Plock au courant de la situation, en leur adressant un magnifique discours commençant par ces mots : « Jeunes amis », et finissant par ceux-ci : « J’ai dit ! » Plick et Plock sont émus.

L’émotion de MM. Plick et Plock redouble à l’audition d’un chœur de jeunes gnominets et gnominettes qui leur chante un air inventé pour la circonstance : « Gloi… oî…, …r’ im­… mortelle de nos aïeux ! !… »

Enfin Mlles Zig et Zag, n’y tenant plus, se précipitent avec ardeur aux cous respectifs de MM. Plick et Plock en leur déclarant qu’elles veulent les épouser (chez les gnomes ce sont les dames qui choisissent leurs époux).

À cette vue, tous les gnomes enthousiasmés organisent la farandole matrimoniale en chantant l’hymne nuptiale des farfadets : « Sur le pont d’Avignon, tout le monde y danse, danse…, etc. ».

Épilogue.

Le roi des gnomes, estimant avec raison que ceux qui ont fait le plus de sottises doivent être ceux qui connaissent le mieux le moyen de les éviter, a nommé MM. Plick et Plock professeurs de morale à l’Université de Gnomopolis. Ils ont de beaux appointements, car, à Gnomopolis, les professeurs sont fort bien rétribués – Leur cours se borne à faire lire aux jeunes élèves l’histoire de leurs mésaventures qu’ils ont réunies dans un beau volume[1], et à expliquer, d’un bout de l’année à l’autre, les beautés du MOT MAGIQUE, grâce auquel on est assuré de ne jamais faire de bêtises. - FIN

 

Date de dernière mise à jour : 05/11/2022