Là brille la fleur du corail, là nagent des poissons de quoi nourrir dix tribus.
N'y allez pas, n'allez pas chercher le corail pour vous parer, ni le poisson pour vous nourrir.
Là le kou-indio ouvre sa gueule avide, là est la mort.
Un récif le domine, à la marée basse plus haut que les cases du grand chef.
C'est là que de loin on vient pour mourir.
Un vieux y est venu : ses dents étaient cassées, il ne pouvait plus mordre ; ses jambes tremblantes ne le soutenaient plus.
Son fils Turido ne chassait pas, il ne pêchait pas non plus, et ne plantait pas de taros dans les réservoirs des montagnes, ni d'ignames dans les champs. Turido dormait le jour après la nuit sous les cocotiers et quand il avait faim il fouillait dans la keulé (marmite) des autres.
Mais son père de temps à autre lui demandait une igname et cela le gênait.
Père, dit un jour Turido, tu as vécu si longtemps qu'on ne peut plus nombrer les ans qu'on fait en homme, il mettait les deux pieds après les deux mains pour compter, si bien que nous ne savons plus ton âge ; tu as les dents cassées, tes jambes tremblent ; tu ne peux plus ni manger ni marcher, tu devrais t'en aller dans le cimetière, tu dormirais et tu n'aurais plus faim ; et si tu veux, j'ai un casse-tête qui n'a jamais servi, je t'en donnerai un coup et tu ne souffriras plus.
Mais le vieux ne répondit pas. Il prit un tehiou (peigne) auquel il tenait, le mit par-devant dans ses cheveux blanchis et s'en alla, car il ne voulait pas que son fils le tuât.
Il s'en alla sur le bord de la mer, lava dans l'eau salée ses jambes qui tremblaient et se trouva tout ragaillardi.
Si bien qu'il put aller jusqu'au kou-indio et descendre avec le flot tournant.
Il y avait dans la tribu une jeune fille qu'on appelait Moiek (la fleur), nul ne lui connaissait un chagrin, car elle souriait toujours, Moiek la Belle, et toujours on l'entendait chanter.
Rien ne pouvait assombrir sa pensée, ni sa mère ne l'avait point fiancée toute petite en mâchant au futur mari des ignames dans la bouche.
Moiek la fleur était libre, libre comme le vent.
Un soir, au clair de lune, Moiek s'en alla légère sur les rocs de la grève.
Elle s'en alla dans l'écueil, Moiek la Belle, parce que dans la grande guerre on avait fait prisonnier Oudaou qu'elle aimait sans en rien dire, et on l'avait mangé.
Et pour sauter dans le kou-indio, Moiek mit sur sa tête une couronne toute dentelée de fleurs de lianes que son bien-aimé lui avait donnée à la dernière igname.
Et les esprits, en la portant entre les eaux profondes firent refleurir les lianes de sa couronne afin qu'elle la portât toujours, Moiek la Belle, pour glisser avec eux sous les mers.
...
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