BIBLIOBUS Littérature française

Le cimetière – Charles Levesque

 

 

 

À Jessy

Quel est ce lieu funèbre que l'Ange de la mort couvre d'un sombre voile, où la terre s'entrouvre, en un jour de deuil, pour nous recevoir? Le prêtre l'a béni, au son d'un glas lugubre; le silence y règne, la douleur y veille et, dans sa foi profonde, le chrétien révère ce dernier asile des dépouilles mortelles.

Vois-tu ce marbre froid aussi blanc que la neige, fragile monument où son nom est gravé, que les vents effaceront : c'est le tombeau du riche qui n'a vu luire qu'un jour, il deviendra poussière comme lui.

J'aime la croix de bois qui s'élève timide au-dessus de la fosse pour ainsi dire ignorée, cette fosse du pauvre que Dieu seul protège, où quelquefois l'âme pieuse vient prier.

Ici, le front décoloré, sa pensée au ciel, la jeune mère, qui n'a plus d'espérance sur son enfant à peine né que le destin lui a ravi, dépose une guirlande de fleurs.

Plus loin, sous la pervenche, dort la vierge candide, amante de la vertu, dont les heures passèrent joyeuses; plus loin encore le saule pleureur ombrage la sépulture du vieillard qui ne voulait point mourir.

Je m'arrête. - Hélas! et sur l'urne funèbre qui contient la blanche fleur que j'avais cueillie, et trop tôt passée, je me penche et veux verser des larmes.

Écoute; entends-tu cette voix si douce que tu n'as point connue, cette voix qui me fut chère. - Elle dit : tes cheveux en boucles, ton teint de rose, tes grâces naïves sont mortels, mais ton âme, ma fille, jouira de l'immortalité.

Oh! quand tu seras dans le Ciel, où l'aurore brille toujours, où le bonheur est sans peine, tu verras ta mère. Que d'amour infini! Elle mettra sur ta tête la couronne des anges et vous ne vous quitterez plus.

 

L 'Écho des campagnes, 12 décembre 1846.

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021