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BIBLIOBUS Littérature française

L'orpheline à son berceau - Charles Lévesque


Adieu, mon berceau, berceau que j'aime tant; toi qui me reçus à l'aube de la vie, si frêle, si petite, qu'un souffle pouvait m'éteindre, adieu.

Au sortir d'un pur baptême, dans ton sein on me mit, comme dans un cristal une fleur naissante; j'ouvris à peine les yeux que pour les refermer et me rendre au sommeil, tout bas tu chantais.

Ta musique était douce, telle que les enfants l'aiment à cette heure première; et joyeux, tu me dis : petite, dors, la vierge et les anges veillent sur toi.

Que de jours et de nuits furent ainsi dépensés; jamais d'impatience, tu ne savais te plaindre; le berceau n'a-t-il pas, pour la pauvre orpheline, l'amour d'une mère.

Plus d'un songe volage, bonheur de l'enfance, sur ton soyeux duvet, candidement je fis; plus d'un soupir aussi, sous tes blanches couvertures, mes lèvres colorées exhalèrent.

Tu fus aussi témoin de ces petits dépits, qu'à l'âge de la faiblesse, on veut bien pardonner; de ces larmes sans souffrance qui brillent comme des perles, et de ces gais transports, partis d'un jeune cœur.

O! j'aimais à te voir toujours si bien paré; tu le savais aussi, coquin berceau! une frange couleur de neige, quelques rosettes de plus semblaient te rendre fier! moi, j'avais du plaisir.

Tu te réjouissais de même, si la main nourricière, à ma blonde chevelure donnait un suave parfum! si dans un jour de fête, comme un lys argenté, ma robe avait de la splendeur.

Vois-tu, mon berceau, nous étions l'un pour l'autre; toi le parterre mouvant où a crû l'innocence; moi, la rose que tu as fait fleurir.

Maintenant, je suis grande, à trois ans et demi; je le dis glorieuse! ton cadre est trop étroit, il faut nous séparer; l'oiseau devenu fort ne laisse-t-il pas son nid?

Ne vas pas t'attrister, ça serait peine perdue; encore si tu pouvais prendre de l'ampleur; tu ne seras pas seul, à ma place reposera mon jouet le plus cher : ma poupée.

Jolie poupée! oh! plus sage que moi, ses cris n'ont point d'écho, tu ne veilleras plus; elle dort toujours sans jamais s'inquiéter, ni des ris, ni des pleurs.

Adieu, mon berceau, berceau que j'aime tant; toi, qui me reçus à l'aube de la vie, si frêle, si petite, qu'un souffle pouvait m'éteindre, adieu.

L 'Écho des campagnes, 30 mars 1848.

 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021