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BIBLIOBUS Littérature française

Ses cheveux - Marc Donat

I

L’homme est entré, à pas prudents, comme un voleur, dans la chambre où repose sa femme.

Un léger parfum de roses, le petit bruit, si léger, si régulier d’une respiration… À travers une mince porcelaine bleu pâle brille doucement une veilleuse. C’est le double mystère de la nuit et du sommeil. La chambre est baignée par un clair de lune laiteux. Tout s’y estompe : les teintes délicates des tableaux ; la soie éteinte des meubles ; les formes s’évanouissent, se fondent en un vague harmonieux. Et toute la lumière est concentrée dans une coulée d’or qui s’épand royalement de l’oreiller jusqu’au tapis… ses cheveux !

Au milieu d’un embroussaillement gamin, quelque chose de blanc et de rose, un nez, une bouche, un bout de front ; et l’on devine un sourire… « Comme elle dort ! », murmure l’homme.

Il reste là, debout, tache sombre, n’osant ni avancer ni reculer, saisi d’une sorte d’admiration douloureuse : « Comme elle dort ! », répète-t-il. Et il retient son souffle. Puis il tombe à genoux et, lentement, lentement, pour ne pas faire crier le parquet, il se traîne, il rampe jusqu’à la coulée d’or, sur le tapis. Un baiser. Un sanglot. Il reste là, ne pouvant détacher ses lèvres, ni son regard ; il se sent si humble, si noir, dans l’ombre, contre toute cette lumière…

Mais une pendule sonne ; elle a, cette petite pendule, la voix fêlée des aïeules, on dirait qu’elle chante, du fond des siècles, une petite chanson brisée, voilée de larmes. Et tout de même la réalité de l’heure fait tressaillir l’intrus. Il demande : « Tu dors ? ». Et rien ne répond que la palpitation lointaine des secondes. Alors il se lève, tire de sa poche un petit flacon, le débouche – et le faible bruit résonne de telle sorte que l’homme s’arrête… Puis, comme la dormeuse ne bouge pas, il prend un tampon d’ouate, l’imprègne de liquide et l’approche du visage… Une plainte très douce, mais la bouche garde son sourire, le corps ne se contracte point… Quelques minutes, l’homme reste ainsi, puis il interroge, plus fortement :

— Tu dors ?…

Il passe son bras gauche autour du buste souple qui s’abandonne ; de la main droite, il ramasse à la nuque les longs cheveux et repose sur l’oreiller la tête inerte qui a pris une sorte de rigidité inconsciente. Maintenant, il divise la masse dorée en trois parties égales ; quelque chose brille dans ses doigts ; ce sont des ciseaux. L’acier mord trois fois avec un crissement tragique. Le voleur prend son butin splendide, jette un regard à la pauvre tête dépouillée et s’enfuit avec un : « Pardon ! » qui s’étrangle dans sa gorge…

La chambre est toujours baignée par le clair de lune et le silence y semble définitif, cette fois, dans le double mystère de la nuit et du sommeil.

II

La petite pendule sonne dix heures, indifférente, comme elle sonnait au temps de Louis XV le Bien Aimé pour une génération disparue, comme elle sonnera quand tout ce qui vit maintenant ne sera plus que souvenir…

Par la fenêtre entr’ouverte, un flot de soleil pénètre ; une gaieté jeune, une joie d’été vibrent et poudroient. Des oiseaux passent avec de longs cris éperdus. Dans la chambre, les tableaux revivent de toutes leurs couleurs ranimées ; les bouquets, sur la vieille soie des meubles, semblent s’éveiller de leur sommeil fané. La magie du jour opère sur les choses et sur les êtres…

Et la dormeuse ouvre graduellement les paupières pour mieux savourer l’éternel spectacle…

Mais une sorte d’anxiété l’oppresse. Du mouvement dont elle vérifie, au bal, si son collier de perles et sa broche sont toujours là, elle porte la main à sa tête, puis elle blêmit et n’ose plus ni regarder autour d’elle ni remuer ; et la main qui s’est écartée vivement, la pauvre main vide a, maintenant, sur les draps, l’abandon pitoyable d’un oiseau mort.

Ainsi, devant une effroyable réalité, nous hésitons parfois… Est-ce un rêve ?… Et sinon, pourquoi ne pas s’endormir tout à fait ?… Mais, d’un geste désespéré, elle rejette draps et couvertures, se précipite devant la psyché, pousse un cri et chancelle.

C’est la vieille femme de chambre qui entre ; elle relève sa maîtresse, l’interroge et voit soudain les courtes mèches roides à la place où, la veille, ondulaient les longs cheveux. Elle appelle au secours. On cherche des sels ; les servantes, affolées, prodiguent leurs soins tout en fixant ides yeux la tête dépouillée qui semble celle d’un magnifique adolescent.

— Qui a fait cela ? demande la jeune femme revenant à la vie. Qui a pu commettre cette abomination ? Parlez !… Ça sent le chloroforme ici… Où est monsieur ?

— Monsieur n’est pas là…

La vieille servante hésite :

— J’ai là, une lettre pour madame.

— Donnez.

Et, quand elle est seule, la jeune femme lit ceci :

 

« Me pardonneras-tu jamais l’acte imbécile, l’acte de folie que j’ai commis avec une fureur aveugle…

« Je souffrais trop.

« Je te souhaite de ne jamais connaître la jalousie. D’abord, c’est un sentiment obscur, accompagnement de l’amour et qui ne va pas sans une certaine douceur. On se dit : « Je suis jaloux d’elle, donc je l’aime. » J’ai rougi, j’ai pâli quand un homme simplement galant, t’embrassait la main ; j’ai eu envie de l’étrangler quand il te murmurait quelque compliment fade. J’ai été ainsi jaloux successivement de tous ceux qui t’approchaient…

« Mais ce n’était rien…

« Sans qu’elle fût justifiée – oh ! je le reconnais ! – cette jalousie s’est aigrie tout à coup : elle a tourné à la souffrance. J’ai été jaloux de tout ce qui pouvait te plaire, de la beauté de celui-ci, de l’esprit de celui-là, du talent de cet autre ; si tu me disais : « Un tel est vraiment « un grand artiste », je sentais s’allumer en moi une haine sauvage contre cet homme. Je te raconte tout cela ; il faut que tu me comprennes. Je ne te dis pas : que tu m’excuses, car tu es trop jeune pour pardonner et je pars, persuadé que je viens de mettre l’irréparable entre nous…

« Moi je ne suis plus rien qu’un être d’amour et de douleur. Jusqu’à toi, j’ai nié la passion et condamné durement toutes les sottises et toutes les folies qu’elle inspire. J’ai été un sceptique, mais un sceptique de bonne foi et tu n’as eu qu’à apparaître pour me convertir.

« Dans le culte que je t’avais voué et qui était immense, complet, qui allait de ton âme si bonne, si fière, si tendre à tes gestes, à ton parfum, à tout ce qui est toi en un mot, tes cheveux, tes cheveux adorés avaient un éclat d’ostensoir, tes cheveux qui te revêtaient comme une robe de splendeur et de douceur, les cheveux que j’aurais voulu à moi, rien qu’à moi. J’ai connu l’état d’âme abject de l’avare qui enfouit son or dans un coffre, le cache à tous, voudrait l’enterrer avec lui…

« Un soir, tu m’as dit avec une coquetterie espiègle qu’un homme, un homme que tu ne connaissais pas, s’était arrêté devant toi, avait regardé tes cheveux et était resté sur place, comme ébloui… Je n’ai rien répondu : une angoisse physique, indicible, m’étreignait. Comme si tu avais deviné ce qui se passait en moi, tu m’as pressé le bras, gentiment. Et nous avons parlé d’autre chose…

« Le lendemain, tu venais à moi, avec une lettre trouvée sur la terrasse et dont l’enveloppe portait ces mots anglais : “To the unknown”, “à l’inconnue”. J’ai haussé les épaules. Quelque déclaration insipide, sur le modèle de toutes les lettres de ce genre-là ; des mensonges dévidés avec banalité, des phrases toutes faites, copiées de-ci de-là.

« — Lis ! m’as-tu ordonné avec un sourire.

« J’ai lu. Cet homme, ce passant, ne te parlait que de tes cheveux ; mais il avait trouvé des choses si neuves, si profondes, si poétiques que j’en fus frappé d’admiration, malgré ma colère. Je te sais infiniment sensible à tout ce qui est artiste. Tu es trop parfaitement belle pour ne pas comprendre la beauté, sous quelque forme qu’elle se manifeste. Cette lettre était belle… Oui, je puis te le dire maintenant, je n’allais pas comparer l’amour que je t’ai voué au sentiment de cet inconnu et pourtant celui-ci, d’emblée, avait trouvé les mots exquis, les mots suaves et rares qui émeuvent l’orgueil d’une femme. N’importe laquelle aurait été touchée… Mais toi, toi ? J’ai voulu faire une expérience et je me suis disposé à déchirer la lettre. Comme je m’y attendais, tu m’as arrêté.

« — Non !…

« — Pourquoi m’empêches-tu de détruire cette ordure ?

« — Ce n’est pas la peine.

« — Tu es une honnête femme. Un goujat se permet de t’écrire… »

« Alors – ô cruelle enfant – tu as pris, inconsciemment, le vouvoiement dont nous n’usons que devant le monde… comme s’il y avait entre nous la présence d’un tiers…

« — Ne la déchirez pas, m’as-tu dit ; plus tard, ça nous amusera de la relire… quand j’aurai des cheveux blancs…

« Ce pauvre bout de papier que je froissais entre mes doigts me brûlait, je te le rendis.

« — Tenez… et vous avez sans doute l’intention de lier connaissance avec ce charmant poète ?

« — Vous êtes injuste.

« Oui, injuste et bête et maladroit… J’aimais… Tu as repris la lettre, tu ne savais qu’en faire, alors d’un geste qui regrettait, d’un geste lent, réfléchi, tu l’as détruite toi-même ; tu en as éparpillé tous les morceaux… Et sur la route qui nous conduisait à la maison, nous retrouvions, voltigeant devant nous, ironiques, un, deux, trois, dix de ces menus morceaux, emportés, balayés, ramenés par le vent. Et tu te taisais. Et il y avait de l’ombre entre nous.

« Huit jours se passèrent. Nous nous étions réconciliés ; nous n’y pensions plus. Tu t’amusas à revêtir un matin ta petite robe de jeune fille, gardée en souvenir de notre première rencontre, une robe blanche, courte, que nouait un large ruban de moire noire. Et tu avais séparé tes cheveux en deux nattes. J’ai poussé un cri de bonheur…

« — Oh ! ma chérie, tu es ainsi, avec tes nattes blondes, la vraie Marguerite de Faust.

« — C’est vrai ? Dis donc, l’inconnu de la lettre serait heureux, lui qui disait à propos de mes cheveux que les nattes…

« Mais tu t’arrêtas devant mon visage crispé… Tu as eu alors des mots de pitié, très doux, des mots un peu hautains, de ces mots qui blessent en caressant. Et puis, et puis, il y a eu une autre lettre dans la boîte, une troisième lettre dans le jardin, des lettres admirables, respectueuses… Un grand écrivain, un grand poète avait pris comme thème tes cheveux. J’ai surveillé nos gens… Je me suis livré à un espionnage de jour et de nuit. L’inconnu était plus fort que moi. Il a eu enfin recours à la poste…

« Nous vivons à la campagne, d’une vie sans heurts, mais aussi sans griseries mondaines, sans grandes distractions. Il faut à toutes les femmes, même les plus pures, un petit roman – le roman conjugal est toujours le même. Alors que d’autres ont le bal, le théâtre, les fêtes, les regards des hommes, ces regards qui sont des suffrages enivrants, toi, tu n’avais que moi, que moi… Et tu as pris de l’intérêt, un intérêt capital à cette correspondance. Tu me gourmandais :

« — Voyons, tu sais bien que je t’aime ; pourquoi ne pas prendre en riant cette fantaisie d’un artiste ? Tu devrais en être fier au contraire. Tu n’es pas content que ta femme soit admirée ?

« Si, mais quelque chose, quelque chose naissait en toi, grandissait en ton cœur, quelque chose qui m’était étranger. Oh ! la plus impeccable des femmes a eu de ces sentiments-là. Mais, heureusement, nous ne voyons jamais clair dans l’âme des autres. Pour moi, dans la tension nerveuse où je me trouvais, je lisais en toi-même comme dans un livre. Il y avait en face de moi, le mari, dont on connaît les tics, les faiblesses, les manies, les défauts, un être qui ne se manifestait que par d’admirables lettres, d’une poésie parfumée. Ah ! mes pauvres lettres à moi, ces lettres toutes palpitantes, toutes fiévreuses que je t’avais écrites pendant les seuls huit jours où nous avions été séparés, tu te souviens, lors de mon voyage en Belgique. Je ne pouvais m’empêcher de les comparer à ces chefs-d’œuvre…

« Enfin, j’ai été forcé d’aller passer deux jours à Chartres. Je suis revenu le soir. Tu m’as accueilli avec un élan triste. Et j’ai pensé : « Elle l’a revu ! » Et j’ai pensé aussi : « Elle va me le dire tout à l’heure, avec un faux détachement, parce qu’elle pense qu’elle agirait mal en se taisant… » Après le dîner, quand j’allumai ma cigarette, tu me dis en effet :

« — Tu sais, j’ai revu l’inconnu des lettres… sur la route… J’avais encore mes nattes dans le dos… Il m’a regardée… il n’a pas osé m’adresser la parole, tu penses !… Tu n’as pas besoin d’être jaloux ; il n’est ni jeune ni beau !…

« Oui, oui, peut-être… mais que m’importait le visage… Je te sais éprise de ses lettres, parfaitement, éprise ; j’étais sûr que tu aurais pu les réciter par cœur. Et j’ai tremblé de jalousie et j’ai eu l’humiliation suprême de me sentir inférieur à un rival devant toi, avec la certitude que tu avais conscience de cette infériorité…

« Alors je n’ai plus eu qu’une idée : tes cheveux, tes cheveux, il ne les verrait plus ; il ne pourrait plus ni les admirer ni les chanter… Je t’ai détestée ; j’ai peuplé tous tes silences de l’image exécrée de cet homme ; j’ai imaginé que tu ne tenais plus à moi que par le préjugé social et l’habitude et que si nous vivions libres, sur une terre libre, tu irais trouver celui qui célébrait si bien ta beauté, comme l’oiselle va à l’oiseau dont le chant est le plus pur, le plus riche et le plus harmonieux.

« Folie ! Une folie qui m’a conduit comme un voleur dans le sanctuaire de ta chambre. Oui, je suis entré subrepticement, je t’ai endormie, j’ai coupé tes cheveux et je les ai emportés…

« Maintenant… maintenant, je suis dans l’état d’un homme qui, ivre, aurait commis un crime et qui se réveillerait. J’ai honte de moi ; mon injustice, ma cruauté me font horreur. J’ai tous les torts et pourtant c’est moi qui suis à plaindre. Je suis malheureux. Il faut que tu comprennes tout cela. C’est beaucoup demander à ta jeunesse, à ta pureté… Comprends-moi… L’amour, tel que tu l’as rêvé, ne doit en rien ressembler à cette barbarie, à cette brutalité, à cet aveuglement.

« Et pourtant je t’aime…

« Je ne rentrerai que ce soir. Je veux te laisser le temps de t’apaiser.

« Je n’aurai pas assez de toute mon existence pour expier un acte absurde commis dans l’affolement. Je ne puis t’en dire davantage. Pardon ! Pardon à genoux ! »

III

Le soir, quand le mari rentra, il trouva la maison vide.

Il n’interrogea personne. La vieille servante balbutia seulement :

— Madame est partie… elle m’a dit adieu.

— Ah !… Adieu ? Vous êtes sûre ?

— Oui, monsieur.

Voûté, avec une démarche traînante de vieillard, il fit le tour de la demeure. Tout lui parlait de l’absente et, pourtant, malgré le luxe charmant, les fleurs encore fraîches dans les vases, le parfum léger qui palpitait encore, tout avait l’air froid, morne, délaissé. Et les pièces lui parurent immenses soudain et le jardin, où riait pourtant l’été, lui sembla mélancolique comme un jardin abandonné.

Elle ne reviendrait pas ; elle ne reviendrait plus jamais. Et elle avait raison. Sans doute l’avait-il rendue malheureuse par sa jalousie inepte, par ses scènes sans but, par l’existence claustrée à laquelle il la contraignait. De lui-même il avait ouvert la porte de la cage ; elle était partie. On peut être prisonnière d’un amour comme d’une haine…

Il alla dans son cabinet de travail et prit un coffret de bois précieux. Ce coffret avait une histoire. Pendant des siècles il avait contenu la mèche de cheveux d’une reine captive. La mèche avait été donnée, avec les sceaux l’authentifiant, à un musée de province ; mais le coffret était resté, vénérable, avec ses fines serrures, son capitonnage de soie vieux rose.

Il y coucha, après un pieux baiser, les longs cheveux blonds qui l’emplirent tout entier. Au préalable, il les avait réunis dans trois nœuds d’un ruban bleu trouvé dans la chambre de sa femme. Le coffret fermé, il le mit dans un petit coffre-fort qu’il débarrassa de tous les bijoux qu’il contenait. Enfin, il remonta dans la chambre…

Mais là, une sorte de crise jalouse le ressaisit. Il voulait trouver les lettres, les maudites lettres causes de sa détresse et les détruire. Il alla droit à un petit secrétaire, meuble fragile qu’il fractura sans peine.

Il trouva de menus souvenirs serrés là précieusement : des lettres de lui, des fleurs qu’il avait données et qui, gardées avec dévotion, exhalaient leur triste parfum de fleurs sèches !…

Enfin un cahier.

C’était là qu’elle écrivait ses impressions de jeune fille. Des notes courtes. Par une trouvaille mutine, elle dessinait, chaque jour, grossièrement, une tête de femme qui lui ressemblait un peu. Le jour avait-il été triste ? Elle dessinait des paupières abaissées qui laissaient couler des larmes. Au contraire, le jour avait-il été joyeux, les yeux étaient ouverts franchement. Il était des jours où un œil était fermé et l’autre ouvert… C’étaient les jours quelconques, les jours médiocres !…

Mais venait l’époque des fiançailles et il n’y avait plus que des yeux ouverts et de petites notes joyeuses. Il les lut rapidement, avec l’anxiété d’arriver au moment fatal.

« J’ai reçu une lettre d’un passant… Et je suis dans la joie… Les grandes amours ont de ces petitesses… Je suis dans la joie parce qu’Il sera jaloux et j’aime sa jalousie qui me prouve son amour. Que m’importe le suffrage de cet homme… mais j’ai peur pour mon bonheur conjugal de la monotonie d’une existence où mon mari ne voit d’autre femme que moi, où il a perpétuellement ma présence… Cette lettre, c’est un peu d’imprévu, cet imprévu, dont, paraît-il, les hommes ont besoin…

« Pour moi, je trouve qu’un vrai bonheur ne peut changer et que la sensation, la certitude d’éternité est la plus grande et peut-être la seule noblesse de l’amour.

 

*   *   *

 

« Autre lettre… L’inconnu chante mes cheveux. Et ce qu’il en dit est trop beau pour qu’il ne l’ait appliqué à bien d’autres femmes… Quelle sensation merveilleuse : être admirée, convoitée, et appartenir à un seul être, un seul être qu’on aime et dont on sait que l’on n’aura pas assez de toute sa vie pour l’aimer et le comprendre.

 

*   *   *

 

« La troisième lettre me donne une sorte de malaise… Je n’ai pas été habituée à ces hommages qui semblent la monnaie courante de la galanterie masculine. D’abord, j’en ai été flattée, amusée – surtout pour Lui – et maintenant j’ai la sensation qu’il naîtra de là un malheur. Et cette petite expérience que je fais me confirme la chance exceptionnelle que nous avons de vivre loin du monde. Tout ce qui vient des autres, tout ce qui n’est pas nous est mauvais. Je plains les héroïnes qui passèrent à l’immortalité pour avoir inspiré des œuvres fameuses. Elles eussent préféré sans doute cette paix bénie à l’ombre de laquelle fleurit et prospère un amour honnête. Et quand ce ne serait que parce qu’il fortifie cette opinion, je suis reconnaissante à mon correspondant anonyme, lequel d’ailleurs ne se montre pas et croit m’amener par la magie de ses phrases à cet état de trouble dont profitent avec tant de désinvolture les Don Juan littéraires.

« … J’en rirais s’Il ne se montrait nerveux à l’excès. Ah ! s’Il lisait en moi, comme Il serait rassuré. Mais il est un proverbe italien dont la vérité m’a toujours frappée : « Il aime peu, celui qui peut dire combien il aime. » Parfois, quand nous sommes seuls, mon mari et moi, et que je me tais, il m’interroge :

« — Tu t’ennuies ?

« Je réponds non, en souriant. Mon silence est encore et surtout de l’amour. Il est des heures si belles, où la nature est si douce, où l’entente entre deux êtres est si absolue que rien ne pourrait exprimer ce que l’on ressent. Chaque jour est nouveau pour moi dans cette vie en apparence monotone. Chaque jour m’apporte une joie nouvelle…

« Et voilà que je ne sais quoi gâche notre union. Il est impossible que la jalousie soit cela… Non ! Non ! Puisque l’on dit que la jalousie, c’est l’amour, il est impossible que l’amour comporte cette sorte d’hostilité… Quoi dire ? Il m’est impossible de lutter contre cette espèce d’idée fixe, contre cette interrogation latente dont je souffre comme d’une insulte. De quoi suis-je punie ? Et personne à qui me confier, personne à qui demander un conseil…

« Je me souviens que, jeune mariée, dans la conversation que j’avais avec ma mère, celle-ci me demandait souvent :

« — Ton mari est-il jaloux ?

« Certainement… Mais je serais navrée qu’il ne le fût pas !…

« Et ma mère me disait en secouant la tête :

« — Il est des hommes qui ne peuvent être jaloux sans violence, sans injustice… C’est un véritable mal et sans remède. J’en ai été victime, moi… Il a fallu que l’âge arrivât et j’ai accueilli mes premières mèches blanches avec un soupir de soulagement… »

« … Je commence à comprendre… »

Brutalement, l’homme ferma le cahier. Il partit comme un fou. Il chercha d’abord sa femme chez sa mère, chez des parents. En vain. Il lui avait entendu dire que, sans connaître Bruges-la-Morte, il lui semblait que c’était là que le désespoir d’une vie manquée trouverait son meilleur refuge. Il promena son remords, sa tristesse et son isolement dans la ville endormie. Il fit passer dans tous les journaux une note où, appelant sa femme d’un des surnoms qui n’était connu que d’eux seuls, il la suppliait de lui pardonner et de revenir…

Rien…

Il avait demandé à ses gens de faire suivre exactement son courrier et de lui télégraphier tout de suite si madame rentrait. Et il guettait par la fenêtre, l’arrivée d’un télégraphiste, descendait vingt fois par jour au bureau de l’hôtel pour savoir s’il n’était rien arrivé à son adresse.

Alors il se résigna, il reprit le chemin du loyer, décidé à y attendre toute sa vie, à ne plus rien tenter pour revoir contre sa volonté, celle qui s’était enfuie après un outrage sans nom… Et toute sa jalousie s’en était allée, il était sûr de l’exilée, il savait qu’elle cachait très loin, n’importe où, ses larmes et sa détresse, fièrement, dignement…

IV

Jamais il n’avait sorti les cheveux du coffret où il les avait couchés et deux mois s’étaient écoulés.

Un soir, n’y tenant plus, il s’enferma dans son cabinet de travail, ouvrit le coffre et le coffret et contempla la longue tresse liée par les trois nœuds de ruban. C’était comme une exhumation, comme si, de sa compagne disparue à jamais, il ne lui restait que ce souvenir d’or et de parfum.

Il prit ainsi l’habitude, chaque jour, de rester là, devant le coffret ouvert, sans oser toucher à cette parure royale qui lui semblait vivante encore et tiède. Il lui parlait comme si sa femme avait été là pour l’entendre et qu’elle eût été touchée par tout ce qu’il disait…

De rares amis, saisis de pitié devant cette douleur, tentèrent une diversion et mirent à peu près au courant d’autres amis qui accoururent. Il refusa de les recevoir… Maintenant, il ne sortait plus jamais, il restait dans cette maison où tout était pour lui un pèlerinage, depuis ce jardin qu’elle aimait, dont elle hésitait à cueillir les fleurs, jusqu’à cette chambre, close maintenant, et dont le luxe souriant lui faisait mal. Elle n’était plus là pour écouter le tintement des heures ; le tapis regrettait la caresse de ses petits pieds et la bergère où elle lisait si souvent paraissait l’attendre avec ses jolis coussins inutiles… Et des détails… Une étoffe qu’elle avait choisie et qui, jetée sur une chaise, avait encore les plis coquets que ses doigts lui avaient imprimés. Des portraits d’elle…

Il advint qu’il osa sortir du coffret les beaux cheveux où ils dormaient repliés…

Et il fit l’observation machinale qu’ils paraissaient plus courts ainsi. Quand elle était debout, ils descendaient jusqu’à ses genoux, ces cheveux incomparables – et maintenant ils paraissaient d’une longueur ordinaire…

Mais il haussa les épaules. S’il continuait à dévorer ainsi son chagrin, il deviendrait fou sans doute… Il chassa l’obsession et résolut de monter à cheval, de faire de longues marches. Au crépuscule, écrasé de fatigue, il trouvait un sommeil bizarre, peuplé de cauchemars, un sommeil, tout de même, dont il s’éveillait anéanti, n’ayant plus même la force de souffrir…

Une secrète appréhension l’empêchait de rouvrir le coffret. Bien plus, il craignait même de retourner dans son cabinet de travail. C’était une pièce austère qu’il avait voulue telle dans la petite maison, si gaie, où Elle avait mis son empreinte de jeunesse et sa santé lumineuse. Dans cette pièce où, quand Elle était là, il n’allait que très rarement, des vitraux précieux distillaient une lueur avare. Les bleus saphirs, les rouges sanglants, les jaunes intenses d’une scène de la Passion absorbaient tout le jour et n’en renvoyaient que des rayons éteints sur les murs chargés de livres, sur les lourds meubles gothiques dont le cuir était gaufré de vieil or, sur un lutrin curieusement travaillé et sur une immense table de travail dont le chêne séculaire portait, disait-on, une tache brune provenant de l’assassinat d’un personnage historique qui avait été cloué là, d’un coup de poignard.

Quand il rentra dans cette pièce sombre, il eut un frisson et il lui parut qu’un suaire de maléfice était tombé sur ses épaules glacées. Il ouvrit les vitraux. C’était en plein midi, par une chaleur torride. Le soleil, comme s’il avait voulu se venger d’avoir été tenu éloigné de ce coin pendant si longtemps, y pénétra à îlots. Le cuir jaune des reliures du XVIIIe chanta doucement et les vieux bois, les ors curieusement patinés et l’antique lutrin et la table de travail sur laquelle il y avait un portrait d’elle enfant – une enfant sérieuse, à la petite mine grave et réfléchie…

« Ainsi, pensa-t-il, je vais pouvoir donner un baiser à ma chère relique sans être en proie à des hallucinations absurdes. J’ai tort de venir ici la nuit… »

Il ouvrit le coffret : « Allons ! dit-il, voilà que je tremble maintenant, c’est trop bête… »

Les cheveux étaient là. Il les prit…

Mais, en pleine lumière, dans le soleil victorieux qui les faisait flamber, la natte semblait plus courte encore…

Pourtant il était bien sûr d’avoir coupé les cheveux tout près de la tête… N’importe comment, il était victime d’un trouble nerveux. Personne ne connaissait le mot du coffre, personne n’était entré dans ce cabinet de travail… Alors…

Les cheveux avaient diminué… Il en avait la certitude, mais son esprit se refusait à admettre une chose féerique, impossible. Sa raison se cabrait, et, cependant, il avait vu… il avait vu…

Le lendemain il ne put se lever, une fièvre atroce l’avait saisi. Quand la vieille domestique vint lui apporter son premier déjeuner, il lui dit :

— Il faudra aussi apporter le déjeuner de madame. Pourquoi l’avez-vous oublié ? Vous êtes folle.

— Mais monsieur…, balbutia la pauvre femme.

— Madame est ici… cherchez-la. Elle se cache pour me faire une plaisanterie, mais il n’y a qu’à la chercher ; d’ailleurs, attendez, je me lève, j’y vais…

Il se leva, tournoya sur lui-même et tomba. Dès lors, il ne prononça plus que des phrases sans suite : « … Les cheveux… les cheveux… ils diminuent encore… je les vois diminuer… oui… à travers le coffre… ils diminuent encore… je les vois diminuer… oui… à travers le coffre… ils diminuent, il n’y aura plus qu’une mèche… une petite mèche… comme celle que l’on coupe sur la tête des morts… Je veux empêcher cela… Allez les chercher… je les garderai sur mon cœur… je leur demanderai pardon…

Il fut ainsi malade pendant trois semaines… Puis il prolongea sa convalescence… gardant l’espoir qu’Elle apprendrait son état et qu’elle accourrait à son chevet. Il reprit lentement ses forces et dès qu’il put faire quelques pas, il se fit conduire dans son cabinet de travail où il demanda à rester seul.

Le coffret est devant lui.

Il n’ose l’ouvrir…

Dans le bois, des figures énigmatiques sont sculptées, un blason et une devise dont les lettres sont aux trois quarts effacées, une devise indéchiffrable… Ses sens sont tellement aiguisés qu’à travers le bois il respire le parfum… Le coffret est ouvert… L’homme allonge la main et recule, épouvanté… Le nœud de satin bleu qui entourait la torsade du côté où elle avait été coupée, ce nœud, intact cependant – était vide, comme si les cheveux s’en étaient retirés.

Il prit la masse soyeuse dans ses mains. Il était sûr de l’avoir nouée solidement, d’un triple nœud. Il était sûr aussi que les choses étaient dans l’état, la dernière fois. Enfin les cheveux tenaient à l’aise maintenant dans le coffre qu’il avait, au début, de la peine à refermer…

Il refit le nœud au haut de la mèche, la baisa fanatiquement et la coucha dans son tombeau de soie fanée. Puis il remit le tout en place.

Mais l’émotion avait été trop forte ; il dut rester de longues semaines alité… Et l’horrible scène recommença. De nouveau il trouva le nœud vide… à quelques centimètres des cheveux…

Cette fois, il n’y avait plus à douter… La torsade avait diminué d’au moins trente centimètres…

Un tel sortilège sur une chose chérie, sur une chose qui était un peu d’Elle, était atroce. Cet homme qui jusque-là n’écoutait que sa raison, qui n’admettait rien sans le contrôle de la science, était épouvanté par la puissance mystérieuse qui le gagnait ainsi, par ce symbole d’expiation… Il était donc maudit, puisque tout se séparait de lui, puisque tout s’en allait et qu’il resterait seul bientôt, épouvantablement seul…

V

Sur le petit secrétaire où si souvent Elle s’est penchée se courbe maintenant un désespéré. Il écrit ceci :

 « Tu as été sans pitié. Pourtant je n’avais commis nul crime contre notre amour. Et cela seul aurait dû compter. J’ai maintenant la certitude que tu pouvais vivre sans moi, malgré nos serments de fiançailles, t’en souviens-tu, nos beaux serments de fous…

« Moi, je ne puis me passer de toi…

« Je ne serai désormais qu’une triste épave, inutile aux autres et à moi-même. Pour le comble, ma raison s’en va, cette raison victorieuse, qui avait réponse à tout et dont j’étais si fier, que j’opposais jadis à ta foi candide…

« Ceci est un testament. Je ne l’écris pas sain de corps et d’esprit, selon la formule, mais c’est un testament moral, un dernier adieu que je te jette avec un dernier espoir que tu l’entendes et que tu exauces le mort puisque je n’ai pas su te toucher, puisque je n’ai pas pu obtenir mon pardon.

« Sois heureuse…

« On est étrangement pacifié à une heure comme celle que je traverse. Tout ce qui n’est pas douceur, tout ce qui n’est pas renoncement, paraît grotesque quand on va franchir le pas définitif qui sépare du grand mystère…

« Tout ce qui n’est pas amour est vain…

« Adieu. Pour que tu aies eu la force de t’éloigner, il a fallu que ta souffrance fût infinie. Et c’est moi qui te l’ai infligée. La punition est cruelle : elle est méritée. J’avais rêvé une fin différente. Ceux qui se sont aimés et qui ont traversé les orages de la passion trouvent un port dans la vieillesse. Cette anse de salut m’a été refusée. Tu ne seras pas là pour clore mes paupières ; mais c’est ton image qu’emporteront mes yeux…

« Adieu, mon amie, adieu, ma compagne. Il ne faut plus penser à moi. Et si tu y songes, cependant, que ce soit sans aucune appréhension. Je reste le coupable, le seul coupable. Je parlais de pitié. J’avais tort. Il n’y a pas de pitié dans l’amour. Et je crois que nous serons réunis plus tard, dans des régions plus pures que cette terre. »

 

Il prit une enveloppe, y inséra la lettre, alluma une bougie et, posément, scella cet adieu de cinq cachets de cire. Quand cela fut fait, il prit un revolver, le mit dans sa poche, se munit de quelque argent et enleva tout ce qui eût permis de reconnaître son identité. Il voulait disparaître anonyme ; il prendrait le train, il s’en irait très loin, n’importe où, choisirait un coin désert et tout serait fini…

Il se sentait très calme, très froid, très maître de lui ; une résolution implacable l’animait. Même un soulagement soudain lui permettait de respirer plus largement, de se mouvoir avec facilité. Il était libéré…

Il sonna la vieille servante :

— Je pars ; je vais faire un très long voyage… Si jamais madame revenait, vous lui donnerez une lettre qui est pour elle dans le secrétaire.

— Monsieur n’a rien d’autre à me dire ?

— Non… rien…

— Monsieur n’emporte pas de malle, ni de valise.

— C’est inutile… J’achèterai tout ce dont j’aurai besoin là-bas…

— Et que faudra-t-il dire à madame ?

Il ne répondit pas, mais gagna le jardin. La vieille domestique le suivait. Quand il eut cueilli une feuille de lierre pour emporter un souvenir, la pauvre femme éclata en sanglots.

— Qu’avez-vous ? demanda-t-il.

Elle répondit avec des hoquets :

— Il faut rester… monsieur, il faut rester…

Et comme il balançait, arrêté dans sa décision par les pleurs de l’humble femme, elle ajouta :

— Il faut rester… et espérer…

Il rentra.

VI

Dès lors, il parut aller mieux, mais son mutisme, sa démarche alourdie et traînante révélaient un mal profond, une torture morale inguérissable. Il constatait que, tous les jours, les cheveux raccourcissaient de quelques millimètres ; il les mesurait avec exactitude ; l’épaisseur restait toujours la même.

Il fit confectionner une boîte d’acier et brûla le coffret de bois précieux… Dans la boîte d’acier comme dans le coffret de bois précieux, les cheveux diminuèrent lentement, insensiblement, sûrement…

Le médecin venait souvent voir ce malade qui l’inquiétait.

— Docteur, lui demanda-t-il, les cheveux, sur la tête d’une femme jeune, d’une femme de vingt-cinq ans, croissent de combien par jour ?

— C’est très difficile à dire, répondit le médecin, surpris de cette singulière question… Ça dépend… ainsi, arrivés à une certaine longueur, les cheveux poussent plus lentement que s’ils sont courts et fraîchement coupés…

— Précisément, fit le malade, je voulais vous demander ceci : j’admets que l’on ait coupé les cheveux d’une femme dont les cheveux très épais, très vivaces, mesuraient à peu près un mètre cinquante de longueur. Combien faudra-t-il de temps pour que ces cheveux reprennent leur aspect primitif ?

— Encore une fois, le laps de temps varie avec les individus.

— À peu près ?

— Deux ou trois ans…

— Et puis-je compter sur votre franchise ?

— Certes.

— Même si cette franchise doit être cruelle ?

— Je vous en donne ma parole d’honneur.

— Bien. Vivrai-je encore deux ou trois ans ?

— Cette question est aussi saugrenue que l’autre ! Vous n’êtes pas malade ; vous avez des troubles nerveux causés par un grand chagrin… par une violente secousse… Une idée fixe vous martyrise… Tâchez de vous secouer et vous serez guéri.

— J’essaierai.

VII

Maintenant il voulait vivre.

Il pensait ceci : « Au fur et à mesure que ses cheveux repoussent sur sa tête, ceux que l’ai coupés diminuent… Ils vont la rejoindre… elle me les reprend… Dans un an ou deux ce sera fini… car il y a déjà un an que j’ai commis le sacrifice… Alors je pourrai mourir, car il ne me restera rien d’elle.

Tous les jours il les sortait de la boîte d’acier, il constatait la diminution progressive, fatale… quoiqu’il restât absorbé pendant des heures devant eux, il ne les voyait pas plus diminuer qu’on ne voit l’herbe pousser… Et pourtant le soir vint où il ne subsista qu’une mèche de quelques millimètres, un peu de poussière d’or…

Il resta devant le coffret ouvert, il y resta jour et nuit et il regardait avidement disparaître, fondre ce qu’il possédait encore d’elle.

Bientôt il n’y eut plus qu’un point d’or et enfin la boîte fut vide.

« Maintenant, se dit-il, je puis mourir… »

Mais, à ce moment, il devina un pas léger… La porte, derrière lui, s’ouvrait… Il perçut son nom murmuré… puis une voix :

— Je te les rapporte avec mon pardon… Je t’aime…

Et comme il se retournait avec l’anxiété de vivre un rêve, il vit resplendir un visage divin qui lui souriait, dans l’auréole des cheveux d’or. - FIN