Caboussat, Poitrinas
Caboussat. - N'est-ce pas qu'elle est gentille, ma petite Blanche?
Poitrinas. - Charmante! et c'est avec bonheur que... mais plus tard... Mon ami, je vous apporte une nouvelle... considérable!...
Caboussat: - A moi?
Poitrinas. - Vous venez d'être nommé, sur ma recommandation, membre correspondant de l'académie d'Etampes.
Caboussat, à part. - Académicien!... Il me fourre dans l'Académie!
Poitrinas. - Eh bien, voilà une surprise!
Caboussat. - Ah oui!... pour une surprise... Mais je ne sais vraiment si je dois accepter... j'ai de bien faibles titres.
Poitrinas. - Et vos discours?
Caboussat. - Ah! c'est pour mes discours... Chère petite!
Poitrinas. - Et puis j'avais mon idée en vous présentant... Vous pourrez nous être fort utile.
Caboussat. - Comment?
Poitrinas. - Vous surveillerez les fouilles que je vais entreprendre dans ce pays; vous relèverez les inscriptions latines et vous nous enverrez des rapports.
Caboussat, effrayé. - En latin?
Poitrinas, mystérieusement. - Chut!... Je soupçonne aux environs d'Arpajon la présence d'un camp de César... N'en parlez pas!
Caboussat. - Soyez tranquille!
Poitrinas. - Notre département n'en a pas... C'est peut-être le seul.
Caboussat. - C'est une tache.
Poitrinas. - Alors, j'ai fait des recherches... que je vous communiquerai... Gabius Lentulus a dû passer par ici...
Caboussat. - Vraiment?... Gabius... Lin... turlus... Vous en êtes sûr?
Poitrinas. - Certain!... N'en parlez à personne.
Il remonte.
Caboussat. - Soyez donc tranquille.
Poitrinas. - Mais je suis venu encore pour un autre motif... Mon fils Edmond a vu cet été mademoiselle Blanche à Etampes... Il a conçu pour elle un sentiment ardent mais honorable... et je profite de l'occasion de mes fouilles pour vous faire une ouverture de mariage.
Caboussat. - Mon Dieu!... je ne dis pas non... mais je ne dis pas oui... Il faut que je consulte ma fille...
Poitrinas. - C'est trop juste... Edmond est un bon jeune homme, affectueux, rangé, jamais de liqueurs... excepté dans son café...
Caboussat. - Le gloria...
Poitrinas. - Cent trente mille francs de dot...
Caboussat. - C'est à peu près ce que je donne à Blanche.
Poitrinas. - Mais avant tout, il faut être franc... Edmond a un défaut... un défaut qui est presque un vice...
Caboussat. - Ah! diable!... lequel?
Poitrinas. - Eh bien! sachez... Non!... je ne suis pas!... moi, président de l'académie d'Etampes. (Lui tendant une lettre.) Tenez, lisez...
Caboussat. - Une piquante chanson contre l'Académie?
Poitrinas. - Une lettre qu'il m'a adressée il y a huit jours... et que je vous soumets avec confusion.
Caboussat. - Vous m'effrayez!... Voyons. (Lisant.) "Mon cher papa, il faut que je te fasse un aveu dont dépend le bonheur de toute ma vie..."
Poitrinas, à part. - Dépend avec un t... le misérable!
Caboussat, lisant. - "J'aime mademoiselle Blanche d'un amour insensé, depuis que je l'ai vue..."
Poitrinas, à part. - Vu... sans e!... Le régime est avant, animal!
Caboussat, lisant. - "Je ne mange plus, je ne dors plus..."
Poitrinas, à part. - Dors... il écrit ça comme dorer!
Caboussat, lisant. - Son image emplit ma vie et trouble mes rêves..."
Poitrinas, à part. - Rêves... r-a-i... (Haut.) C'est atroce, n'est-ce pas?
Caboussat. - Quoi?
Poitrinas. - Enfin, je devais vous le dire; maintenant, vous le savez.
Caboussat. - Je sais qu'il adore ma fille.
Poitrinas. - Oui, mais contre toutes les règles... Voyez, décidez... Je vais faire une petite inspection dans votre jardin... il m'a semblé reconnaître un renflement de terrain... ça sent le romain... A bientôt.
Il sort par le fond.
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