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BIBLIOBUS Littérature

L’amateur - José Moselli

 

John Strobbins, détective cambrioleur

1912

I

Depuis trois jours exactement, M. John Skeeper était arrivé à l’Atlantic Hotel, le plus luxueux de Savannah, et y avait pris possession d’une confortable chambre, retenue par lui télégraphiquement de New-York.

Novembre venait de finir, et déjà Savannah, où le climat est doux et la neige inconnue, se remplissait d’hivernants frileux fuyant les frimas du Nord.

M. John Skeeper n’était pas de ceux-là. Sur le livre de l’hôtel, il s’intitulait rentier, et, de fait, sa conduite justifiait ce titre.

À l’encontre de ses voisins, M. Skeeper affichait pour les cours de la Bourse télégraphiquement envoyés à l’hôtel le plus profond dédain. Nul ne pouvait se vanter de l’avoir vu consulter une seule fois le tableau des valeurs affiché dans le hall.

M. John Skeeper ne lisait même pas les journaux.

C’était un homme de taille élancée, vêtu avec élégance et sobriété. Son visage au teint mat respirait une énergie un peu narquoise.

M. John Skeeper, d’ailleurs, était peu liant. Venu à Savannah pour se reposer sans doute, il entendait bien avoir la paix et bornait sa contribution mondaine à une politesse un peu hautaine.

Cependant, le deuxième jour de son arrivée à l’Atlantic Hotel, M. John Skeeper ayant arrêté d’une main robuste le poney de M. Elias Mac Dowie, qui s’emballait, une certaine intimité était née entre les deux hommes, c’est-à-dire que John Skeeper, quand il rencontrait M. Mac Dowie, échangeait avec lui des appréciations sur la température du jour et des congratulations sur leur santé mutuelle.

Pourtant, M. Mac Dowie, gros homme au ventre proéminent barré d’une chaîne d’or pesante, à la figure rouge surmontée d’un crâne chauve et reluisant, encadrée de favoris filasse, valait la peine qu’on cultivât sa connaissance : ce n’était rien moins que le « Superintendant » du Trésor Public, à Washington…

Mais M. John Skeeper, étant venu se reposer – et rien de plus – s’en souciait fort peu, sans doute.

C’est pourquoi il fut surpris lorsque ce matin-là – neuf heures – le « steward » venu lui apporter son petit déjeuner s’écria :

— Gentleman, M. Mac Dowie vous serait fort obligé de lui rendre visite chez lui ! Il vous y attendra toute la matinée : il a des choses importantes à vous dire !

— Ah ! ah !… répondit John Skeeper sans dissimuler la surprise que lui causait celle invitation… Et où habite M. Mac Dowie ?

— Appartement 342, au quatrième étage !

— Well ! Vous direz à M. Mac Dowie que je serai chez lui d’ici une heure !… Vous pouvez vous retirer !

Le garçon disparu, M. John Skeeper sembla songeur. Tout en dégustant son thé au lait, il se demanda ce que lui voulait le haut fonctionnaire, sans pouvoir se l’expliquer.

Il haussa les épaules et, sa collation terminée, quitta son pyjama de soie et revêtit un élégant costume de flanelle grise. Un dernier coup d’œil à la glace pour vérifier la parfaite ordonnance de sa mise, et M. John Skeeper sortit de sa chambre.

L’Atlantic Hotel, vaste bâtisse faisant front à la mer dont elle était éloignée d’environ deux cents mètres, était haute de dix-huit étages que desservaient six ascenseurs.

La chambre de M. John Skeeper étant située au troisième étage, il n’avait donc que quelques marches à gravir pour gagner l’appartement du superintendant.

M. John Skeeper dédaigna donc l’ascenseur, et, d’un pas souple, monta le vaste escalier de marbre et arriva devant la porte de l’appartement 342. Il frappa :

— Entrez ! fit une voix à travers la porte.

John Skeeper déféra à cette invitation. Il ouvrit la porte, franchit le seuil, et, après avoir traversé une minuscule antichambre, pénétra dans un salon au milieu duquel, aimable et souriant, se tenait M. Mac Dowie qui accourut à sa rencontre.

— C’est bien aimable à vous d’être venu si vite, gentleman ! dit le gros homme.

— Pas du tout ! C’est vous, au contraire, que je dois remercier de la hâte avec laquelle vous désirez me communiquer des « choses importantes ». Je vous avoue que je suis anxieux d’être renseigné ! Un malheur est si vite arrivé !

Tout en disant ces paroles, M. John Skeeper prenait une mine interrogative et alarmée. Son interlocuteur n’avait sans doute pas prévu une question aussi précise, car il manifesta un certain trouble qui n’échappa pas à John Skeeper :

— Oh ! vous auriez tort de vous inquiéter… Ce n’est pas bien grave… Mais, asseyez-vous donc, je vous en prie !

Et Elias Mac Dowie désignait à son visiteur un fauteuil recouvert de tapisserie, situé près de la fenêtre et évidemment très confortable – si confortable même, pensa John Skeeper après l’avoir examiné d’un regard, que l’on s’y trouvait presque couché, et à la merci de la moindre attaque…

— Je vous remercia beaucoup, monsieur Mac Dowie, répondit John Skeeper, mais mon temps est malheureusement très limité ce matin, et, sitôt que je connaîtrai la communication pour laquelle vous avez bien voulu me faire venir, je serai obligé de vous quitter.

— Ah ?… vous êtes pressé, sans doute ?… La vie est dure, même ici ; vous êtes pris par les affaires ? Ma parole, il est devenu, de nos jours, impossible de prendre un instant de repos complet… Il faut être continuellement sur la brèche…

« Ce n’est certainement pas pour me débiter ces imbécillités que l’honorable Mac Dowie m’a fait venir chez lui… cela, c’est sûr !… Pourquoi est-ce, alors ? » pensait John Skeeper pendant que son interlocuteur parlait ; et il l’interrompit par ccs mots prononcés en souriant :

— C’est sans doute au sujet de mes affaires que vous voulez me parler, monsieur Mac Dowie ?

— Oui… c’est-à-dire… non… enfin…

M. John Skeeper gardait son air aimable.

Soudain, les rideaux de velours de Gênes encadrant les fenêtres s’écartèrent ; deux robustes gaillards armés de casse-têtes apparurent et s’élancèrent sur John Skeeper :

— Cette fois-ci, John Strobbins, nous vous tenons ! cria l’un d’eux.

— Pas encore, Mollescott !

Et John Skeeper – ou plutôt John Strobbins – qui, évidemment, prévoyait ce dénouement depuis quelques instants, – se baissa au moment où son ennemi le policier James Mollescott allait l’appréhender, lui saisit violemment les chevilles et le fit choir de tout son long sur le plancher ; l’autre policier, qui, déjà, s’apprêtait à passer les menottes à John Strobbins, brandit son casse-tête au-dessus du crâne du détective-cambrioleur qui venait de se relever. Il n’acheva pas ce mouvement.

Car John Strobbins, d’un coup de télé en plein visage, l’envoya choir avec six dents brisées à l’autre extrémité de la pièce. Puis, d’une ruade assénée avec adresse, s’étant débarrassé de Mollescott, qui, à peine relevé, retombait sur le tapis, John Strobbins courut vers la porte. Elle était fermée à clé. John Strobbins fit un bond en arrière, empoigna le buste de bronze ornant la monumentale cheminée ; et s’en servant comme d’une massue, enfonça le panneau d’acajou qui s’effondra avec un bruit formidable, et disparut.

Elias Mac Dowie, à l’apparition des policiers, à l’instigation desquels il avait agi, s’était prudemment mis à l’abri dans un coin de la pièce. Il aida le détective, qui avait reçu le coup de tête de John Strobbins et crachait le sang, à se relever.

James Mollescott, bien qu’il eût la jambe à demi disloquée par le coup de pied du John Strobbins, s’était, de lui-même, remis debout. Il croyait bien avoir pris toutes ses mesures et la crainte de voir son ennemi lui échapper lui donnait des ailes !

Sans s’occuper de l’autre policier, il bondit à la suite de John Strobbins, revolver au poing. Il eut le temps de l’apercevoir, courant dans le couloir, à vingt mètres devant lui :

— Arrêtez ! hurla-t-il, ou je tire !

John Strobbins obéit.

Il s’arrêta devant la cage de l’ascenseur, et, avec un sang-froid extraordinaire, pressa le bouton d’appel et attendit. L’ascenseur qui était à l’étage au-dessous arriva et s’arrêta au ras du palier.

James Mollescott arrivait, lui aussi. Au moment où John Strobbins allait entrer dans l’ascenseur, il lui sauta à la gorge. Mais le fugitif saisit simplement le bras du policier et le serra au bon endroit, sur un centre nerveux.

Vaincu par la douleur, James Mollescott lâcha prise et tomba sur les dalles de marbre.

La lutte avait été rapide. Le liftman (conducteur de l’ascenseur) n’en avait rien perdu et, peu, soucieux d’aider à l’évasion d’un homme poursuivi par la police, avait remis l’appareil en marche.

Au risque d’être broyé par l’ascenseur qui commençait à monter, John Strobbins escalada la rampe, saisit un des montants de bronze de la cabine et parvint à passer au-dessus de la cloison de l’ascenseur.

Haletant, il tomba aux pieds du liftman médusé. Celui-ci, d’ailleurs, n’eut pas le temps d’exprimer sa stupeur ; John Strobbins, immédiatement remis de son émotion, lui sauta à la gorge, et, d’une passe de jiu-jitsu, aussi décisive que celle dont il s’était servi pour se débarrasser de Mollescott, l’étendit sur le plancher de l’ascenseur qui continuait à monter. Il tira de sa poche un poignard, alla se placer à côté de l’appareil de mise en marche et dit au liftman :

— Lève-toi, déshabille-toi ! Vite ! ou tu es mort !

Complètement terrifié, l’homme n’hésita pas. Il jeta aux pieds de John Strobbins sa casquette dorée, sa redingote galonnée et son pantalon à passepoil.

Il avait à peine terminé que John Strobbins, qui ne le perdait pas de vue, lui criait :

— Maintenant, les mains en l’air, que je les ligote !

Le liftman obéit. John Strobbins, s’étant rapidement débarrassé de ses bretelles, s’en servit pour attacher solidement les poignets de sa victime, et, lorsqu’il eut terminé – cinq secondes, – il passa par-dessus ses siens les vêtements que venait d’abandonner le liftman. Cela lui fut facile, l’homme étant beaucoup plus gros que lui.

Ayant revêtu le pantalon et la redingote d’uniforme, il coiffa la casquette dorée. À ce moment, l’ascenseur, arrivé au dix-huitième étage, s’arrêta. Dans la cage de l’escalier, des cris montaient :

— Arrêtez-le !… Dans l’ascenseur numéro 4 !

Des sonneries de téléphone crépitaient…

Sans se presser, John Strobbins sortit de l’ascenseur, en ferma la porte et pressa le bouton de la descente…

Puis, tranquillement, il gagna l’escalier de service, et, sûr de n’être pas vu, se mit à califourchon sur la rampe et se laissa glisser, au risque de se rompre le cou, jusqu’au rez-de-chaussée.

Il arriva ainsi dans la cour, la traversa sans que personne fît attention à lui et arriva à la porte cochère de l’hôtel que gardaient quatre policemen.

Dans l’Atlantic Hotel, c’était une agitation indescriptible. À pas lents, John Strobbins joignit les policemen :

— Laissez-moi passer ! dit-il d’un air rogue.

Sans défiance, les policiers s’écartèrent. John Strobbins leur fit un salut négligent et disparut. Deux minutes plus tard, James Mollescott arrivait, écumant :

— Il était habillé en liftman ! Je parie que vous l’avez laissé passer ! hurla-t-il…

Les policiers répondirent affirmativement. Mais John Strobbins était déjà loin. Il fut impossible de le retrouver.

… Seul, Elias Mac Dowie devait avoir de ses nouvelles. Ce fut à sept heures du soir. Le superintendant du Trésor venait de se mettre à table, lorsqu’un steward vint le prévenir qu’on l’appelait au téléphone.

Le gros fonctionnaire, mal remis de ses émotions, courut à l’appareil. Il entendit ces mots :

— Allô ! C’est bien vous, Mac Dowie Elias, superintendant du Trésor public ?

— Oui !

— Well ! Moi, je suis John Strobbins, alias John Skeeper ! Vous vous êtes permis ce matin de jouer à mon égard une indigne comédie ! Ainsi, vous m’obligez à interrompre ma villégiature ! Je vous avertis que je compte vous apprendre à vous mêler de vos affaires et à abandonner vos ridicules prétentions de détective amateur ! Vous vous en apercevrez avant peu. Salut !

M. Mac Dowie ne trouva rien à répondre, tant il était suffoqué.

Et quand il retrouva la parole, il n’y avait plus personne au bout du fil.

II

Mister Elias Mac Dowie, superintendant du Trésor, était un citoyen éminent.

Non content de servir son pays en dirigeant avec conscience et fermeté la fabrication des billets de banque, il s’efforçait en outre d’utiliser sa vocation naturelle – laquelle était de découvrir les criminels – en donnant, chaque fois qu’il en avait l’occasion, d’utiles avis à la police.

Mister Elias Mac Dowie, à vrai dire, n’avait pas encore donné de preuves éclatantes du flair dont il se prétendait doué. Ses amis l’en plaisantaient agréablement. Le gros superintendant, que la raillerie agaçait, avait, depuis quelques mois, trouvé le moyen de s’y soustraire :

— Riez, riez, disait-il ; d’ici peu de temps, vous serez bien obligés de vous incliner devant mes capacités extraordinaires ; c’est moi qui vous le dis ! J’ai l’air de me désintéresser de tout, et vous vous moquez de ce que vous appelez mon impuissance ! ah !… ah !… patience !… Tenez, ceci entre nous, je vais vous révéler, sous le sceau du secret, bien entendu, la vaste entreprise qui me préoccupe : je compte tout simplement m’emparer du célèbre John Strobbins !

Cette affirmation avait rencontré beaucoup d’incrédules : prendre John Strobbins, c’était plus facile à dire qu’à exécuter ! Le célèbre détective-cambrioleur avait tenu tête – et berné – des policiers de métier, autrement subtils que le gros Elias Mac Dowie. Mais, fort de ses capacités transcendantes – à son avis – le superintendant, un sourire supérieur aux lèvres, laissait dire, se contentant de murmurer :

— Qui vivra verra !

Et, peu à peu, devant l’assurance déconcertante du fonctionnaire, les railleries s’étaient apaisées. Qui sait ?

Qui sait ? Qui savait ? Qui ? Pas Elias Mac Dowie, toujours !

Elias Mac Dowie ne savait rien ! Ou plutôt il savait, comme tous les citoyens des États-Unis, que John Strobbins, après avoir dérobé la superbe perle Margarita au National Museum de Washington, avait disparu. Et voilà.

Il comptait sur le hasard. Et, pour une fois, il avait raison !

Il était depuis quelques jours à l’Atlantic Hotel, lorsque le faux John Skeeper arriva.

Elias Mac Dowie n’avait jamais vu John Strobbins autrement que sur les journaux où son portrait – vrai ou faux – s’étalait. Le premier jour qu’il aperçut M. Skeeper, il n’eut, d’ailleurs, aucun soupçon. Il n’en eut pas davantage le deuxième. Mais, le troisième, M. James Mollescott, chef de la Sûreté à San-Francisco, arriva.

M. James Mollescott luttait depuis plusieurs années contre John Strobbins. À plusieurs reprises, le détective-cambrioleur lui avait glissé entre les mains et s’était même donné le plaisir de le ridiculiser en maintes circonstances.

Entre ces deux hommes, c’était la guerre à outrance. James Mollescott, voyant que les plus habiles détectives envoyés par lui à la poursuite de John Strobbins avaient échoué les uns après les autres, s’était décidé, une fois de plus, à donner de sa personne.

Patiemment, au moyen de renseignements recueillis de toutes parts, le chef de la Sûreté de San-Francisco était parvenu à découvrir la trace du détective-cambrioleur, et, muni, pour plus de sûreté, de deux mandats d’arrêt – un du gouverneur de l’État de Californie, l’autre de celui de l’État de Géorgie, il s’était aussitôt jeté à sa poursuite.

Malgré tout, cependant, James Mollescott avait été tant de fois joué par le détective-cambrioleur, qu’un doute lui restait encore sur l’exactitude de ses renseignements. Aussi, voulant éviter une erreur, que John Strobbins n’eût pas manqué de publier à grand fracas, Mollescott, avant de procéder à l’arrestation de son ennemi, voulut-il s’assurer qu’il ne se trompait pas.

Ce fut dans cette intention qu’il arriva à l’Atlantic Hotel, accompagné d’un robuste détective. Lorsqu’il s’y présenta, il était dix heures du soir. Le faux John Skeeper était déjà couché. Il importait, pourtant, de faire vite : s’assurer de l’identité du suspect et l’arrêter immédiatement.

L’entreprise était délicate, car si James Mollescott se-flattait de reconnaître John Strobbins, la réciproque était vraie. Et une fois le détective-cambrioleur sur ses gardes, tout espoir de le prendre s’évanouirait. James Mollescott et son détective, assis dans le hall de l’Atlantic Hotel, réfléchissaient ainsi, lorsque le chef de la Sûreté de San-Francisco entendit nommer M. Elias Mac Dowie !

Elias Mac Dowie ! L’affaire était faite ! James Mollescott, comme tous les policiers des États-Unis, connaissait les prétentions du détective-amateur. Il résolut de s’en servir, et, se levant du fauteuil où il était assis, il rejoignit le superintendant qui s’apprêtait à gagner son appartement.

En quelques mots, James Mollescott se présenta et, à mi-voix, s’assura du concours de son interlocuteur :

— Si j’ose dire, cher monsieur Mac Dowie, c’est presque à un confrère que j’ai l’honneur de parler !… Oui !… oui !… je connais vos extraordinaires capacités, et, de vous voir ici, j’en ai une preuve de plus…

M. Mac Dowie, flatté, se demanda quelle était cette preuve. Le policier continua :

— … Je cherche John Strobbins… et je vois que, comme moi, vous avez découvert sa retraite ! Il est ici. Chut !… oui c’est cela ! John Skeeper, parfaitement. Son compte est bon. Je dois vous avouer que j’hésitais à croire à tant d’audace de sa part, et cela me faisait craindre de m’être trompé.

« Mais, puisque vous êtes sur la même piste que moi, je n’hésite plus ! C’est bien mon homme ! Toutefois, et vous serez de mon avis, j’estime de mon devoir de m’en assurer de visu ! Je connais John Strobbins et le reconnaîtrai sous quelque déguisement qu’il se cache. C’est pourquoi je vous demanderai de le faire venir dans votre appartement demain matin sous un prétexte quelconque. Moi et un de mes hommes serons dissimulés sous des tentures, et après l’avoir dévisagé tout à notre aise, le capturerons sans bruit !

Elias Mac Dowie se rengorgea. En une vision glorieuse, il s’aperçut à son club à Washington entouré de l’admiration respectueuse de tous ses amis dépités, après avoir, lui, Elias Mac Dowie, capturé l’insaisissable John Strobbins. Quelle revanche !

Il est vrai que la veille, John Strobbins avait arrêté son cheval qui s’emballait !… Mais quoi, doit-on faire du sentiment avec de pareils hommes ? Non, n’est-ce pas ?

Elias Mac Dowie parla :

— Vous l’avez deviné : je suivais, moi aussi, John Strobbins à la piste ! Je comptais même câbler au gouverneur de la Géorgie pour le faire arrêter. Mais puisque vous voilà, vous partagerez avec moi l’honneur de sa capture !… Venez donc demain matin de bonne heure dans mon appartement avec votre détective – et prenez-le solide, car notre homme est vigoureux… – Je me charge de l’attirer chez moi aussitôt !

… Ce plan si bien combiné avait été exécuté en tous points, sauf un seul : l’arrestation de John Strobbins !

Pendant toute la journée, Mollescott, traînant la jambe, furieux et humilié, avait en pure perte fait fouiller tout Savannah, tandis que son détective faisait soigner à l’hôpital ses dents brisées !

Elias Mac Dowie était, lui, tellement désappointé qu’il ne déjeuna pas. D’autant plus que, pour comble d’infortune, le gérant de l’hôtel, venu pour constater les dégâts commis par le détective-cambrioleur, lui annonça que la note s’en décomposait ainsi :

 

Tapis de Smyrne déchiré et taché : 125 dollars.

Un panneau de la porte (acajou) effondré : 32 dollars.

Un buste de bronze représentant Mme de Lamballe, dont le nez est aplati. Prix du buste : 500 dollars.

Droits de douane payés pour lui : 250 dollars.

TOTAL : 907 dollars.

 

Neuf cent sept dollars, presque un mois de ses appointements ! Et John Strobbins courait toujours.

Elias Mac Dowie en frémit de rage. Il écarta de la main, après l’avoir lu le papier que lui tendait le gérant et déclara sèchement :

— C’est bien. Vous ajouterez cela à mon compte. Je pars demain…

Ces paroles avaient été dites d’un tel ton que le gérant, bien que regrettant de perdre un riche client, ne crut pas devoir insister.

Dans l’après-midi, Elias Mac Dowie sortit enfin de son appartement et gagna le hall. Il lui sembla que ses voisins d’hôtel le regardaient ironiquement.

Pour une fois, il voyait juste.

Il haussa les épaules et s’en fut se promener sur la plage, regrettant sa villégiature interrompue : un gai soleil faisait luire les flots verts de la mer et dorait le sable fin.

Elias Mac Dowie crispa les poings :

— Je reviendrai l’an prochain ! murmura-t-il… Pour le moment, mieux vaut retourner à mon poste à Washington. Peut-être aurai-je la chance, en intriguant un peu, de faire augmenter mes appointements…

Cette perspective rasséréna un peu le superintendant, et, au dîner, il avait retrouvé son appétit. Malheureusement, il avait à peine terminé sa soupe à la tortue – excellente, cette soupe à la tortue – que le gérant l’appelait au téléphone. La menace de John Strobbins fit son effet. Le gros homme, congestionné par l’émotion, regagna sa place sous les regards moqueurs ou curieux de ses voisins de table.

Il n’avait plus faim ! Misérable John Strobbins !

Le lendemain matin, l’honorable Elias Mac Dowie prenait le train pour Washington en se demandant ce qui allait lui advenir. Il n’allait pas tarder à l’apprendre !

III

M. Elias Mac Dowie, superintendant du Central Treasury avait, comme principale occupation, de surveiller la fabrication des billets de banque. Et ce n’était pas une sinécure.

Les liasses de papier filigrané et rogné à la dimension exacte, étaient ensuite portées sous les presses et, une fois imprimées et numérotées, enfermées dans un coffre-fort blindé comme un cuirassé, dont Elias Mac Dowie, seul, possédait la clé.

Suivant les besoins du Trésor, le superintendant en livrait un certain nombre au directeur de la Banque d’État chargé de les signer et de les mettre en circulation. Mais, comme ce fonctionnaire s’absentait assez souvent, il avait pour habitude de signer d’avance une certaine quantité de coupures qui restaient entre les mains d’Elias Mac Dowie.

Sitôt revenu de Savannah, Elias Mac Dowie avait repris son poste. Mais, de suite, ses subordonnés remarquèrent un changement dans son attitude. Depuis son aventure de l’Atlantic Hotel, le superintendant était devenu sombre et soucieux, occupé seulement de ses fonctions. Au club, il ne prononçait pas deux paroles à l’heure. Ses amis, ayant appris par les journaux sa mésaventure, avaient essayé de le faire parler, sans y parvenir.

Ils y avaient renoncé.

Silencieux et sombre, Elias Mac Dowie pensait plus que jamais à John Strobbins. Mais ce n’était plus pour l’arrêter ! Ah non ! C’était pour se demander quelle serait la vengeance annoncée par le détective-cambrioleur.

Elias Mac Dowie maigrissait. Ses joues sanguines pâlissaient et devenaient flasques…

Huit jours se passèrent ainsi sans que rien de nouveau n’advint. Elias Mac Dowie commençait à reprendre courage et se disait que, certainement, John Strobbins s’occupait à des choses plus intéressantes qu’une vengeance. À peu près rassuré par ce raisonnement et le temps écoulé, le superintendant pensa à rattraper les neuf cents dollars que lui coûtaient ses velléités de policier amateur.

Pour cela, que fallait-il ? Un simple avancement ! Se faire nommer directeur du Trésor. Là, gisait la difficulté.

Elias Mac Dowie était homme à la surmonter. Il s’en fut donc porter ses doléances et exposer ses longs et loyaux services au secrétaire d’État préposé aux finances.

Ce dernier, qui n’avait pas lieu d’être mécontent du fonctionnaire, l’assura que ses désirs seraient comblés sous peu, le directeur du Trésor devant prendre prochainement sa retraite.

Elias Mac Dowie quitta le secrétaire d’État de la joie plein le cœur. Et, le jour suivant, ses subordonnés s’aperçurent avec stupeur que ses joues avaient repris leurs couleurs et que sa bouche souriait !

Au club, Elias Mac Dowie daigna parler, et laissa à ses amis l’espoir qu’il leur raconterait quelque jour la véridique histoire de ses démêlés avec John Strobbins.

Les amis pensèrent : « Il tient peut-être son homme pour être si joyeux ? »

Le bonheur de M. Mac Dowie devait être de courte durée. Quarante-deux heures exactement, au bout desquelles, en arrivant à son bureau, à neuf heures du matin, il lui sembla qu’une agitation insolite régnait dans l’atelier « Engraving et Printing » (Gravure et imprimerie).

Pris d’un pressentiment pénible, il s’y rendit immédiatement.

Tout semblait y être sens dessus dessous. Contremaîtres et ouvriers couraient de tous côtés, comme affolés. Les machines étaient arrêtées. Les outils jetés un peu partout !

À la vue du superintendant, l’agitation se calma et un silence de mort s’établit. La voix d’Elias Mac Dowie résonna :

— Monsieur Quincey ! dit-il, que signifie tout ceci ?

Le chef de la fabrication – vieux fonctionnaire à cheveux gris, – ainsi interpellé, répondit d’une voix tremblante d’émotion :

— Le… La… c’est le cuivre servant à graver le verso des banknotes de vingt-cinq dollars que… qui… qu’on ne retrouve pas !

— Vous êtes fou, monsieur Quincey ? glapit Mac Dowie, hors de lui.

Le chef de la fabrication ne répondit pas et leva les bras au ciel.

Mac Dowie resta silencieux, lui aussi. Il regarda un à un les ouvriers. Ils étaient au complet, groupés un peu partout dans des attitudes embarrassées.

M. Quincey continuait à garder le silence. Invinciblement, le superintendant pensa à John Strobbins. Mais il chassa cette idée. Que ferait d’une plaque de cuivre le détective-cambrioleur ?… Non, non ! l’objet disparu était simplement égaré. Il était certain que John Strobbins, s’il eût voulu se venger de Mac Dowie ainsi qu’il l’avait promis, aurait employé des moyens plus décisifs.

Mac Dowie leva la tête :

— Il règne ici un désordre sans nom ! Il n’a que trop duré ! Le résultat est qu’une plaque est égarée ! Vous entendez, monsieur Quincey ? Je vous donne jusqu’à ce soir pour la retrouver !

M. Quincey fit le gros dos et murmura :

— Je vais faire faire encore des recherches, monsieur le superintendant !

— Je l’espère ! Et tâchez qu’elles soient rapides et décisives ! Et surtout que personne ne connaisse cet incident grotesque !

« Vous m’avertirez sitôt que la plaque sera retrouvée !

Hélas ! M. Quincey, déjà, avait visité et fond en comble, fouillé l’atelier lui-même.

Il savait bien que la plaque n’y était plus ! Il s’inclina devant son chef et dit :

— Vous pouvez compter sur moi, monsieur le superintendant !

Courroucé, mais digne, Elias Mac Dowie se retira et gagna son cabinet de travail.

« Pourvu que ce ne soit pas un tour de John Strobbins ! pensait-il… Si l’on arrive à savoir cela au département des finances, mon avancement est fini ! »

Pendant toute la journée, le superintendant ne put travailler. Il tressaillait au moindre bruit, croyant que c’était M. Quincey qui venait l’informer de la découverte de la plaque disparue.

Mais non ! Cinq heures sonnèrent – heure de la fermeture des bureaux et ateliers du Trésor – sans que personne vînt déranger M. le superintendant !

La situation devenait grave.

Elias Mac Dowie se dressa de son fauteuil et ne fit qu’un bond à l’atelier Engraving Printing.

Personne n’était encore sorti. M. Quincey se tenait debout, appuyé contre une machine, dans l’attitude d’un lamentable désespoir.

Autour de lui, les ouvriers typographes étaient groupés et discutaient avec animation les hypothèses les plus invraisemblables. À la vue de Mac Dowie, ils se turent.

— Eh bien, M. Quincey, s’écriait le superintendant, c’est ainsi que vous avez exécuté mes ordres ? Cette plaque ?

Le vieux fonctionnaire eut un geste d’impuissance :

— Que voulez-vous, monsieur le superintendant, nous avons fouillé partout ! Rien ! Je puis vous assurer que la plaque n’est pas ici ! Comme je ne puis croire qu’aucun mes hommes – dont je réponds – ne l’a emportée, et pourquoi faire ? j’estime que la plaque a été volée cette nuit, puisque nous ne l’avons pas trouvée ce matin !… C’est malheureux, d’autant plus que nous allons avoir à tirer prochainement des banknotes de cinq dollars !

Elias Mac Dowie avait écouté M. Quincey sans l’interrompre.

La dernière phrase du vieillard mit un comble à son exaspération. Certes, il le savait que la plaque était nécessaire et que son remplacement allait s’imposer à bref délai si elle n’était pas retrouvée… Et, pour en faire graver une autre, il faudrait aviser le directeur du Trésor, et même le secrétaire d’État.

Il y aurait enquête, contre-enquête, scandale… et alors, adieu, la place de directeur !

Elias Mac Dowie parla d’une voix lente en scandant ses mots :

— Alors, monsieur Quincey, vous portez absolument garant de votre personnel ?… Ab-so-lu-ment ? Attention à votre réponse ! Je vous avertis que je vais faire une enquête ! Elle sera serrée et précise ! Et si je découvre la négligence ou inobservation du règlement votre part, je sévirai sans pitié.

« J’attends votre réponse ?

Ces dures paroles eurent pour effet de rendre tout son sang-froid à M. Quincey.

— Monsieur le superintendant, dit-il, j’ai le droit, jusqu’à preuve du contraire, d’avoir foi en l’honnêteté de mes subordonnés. Rien ne m’autorise à les suspecter. Hier soir, comme chaque jour, ils ont été minutieusement fouillés à la sortie ainsi que le veut le règlement. J’ai moi-même, hier soir, fermé les portes de l’atelier et ai donné les clés au garde-consigne. Sur votre ordre, j’ai fouillé l’atelier de fond en comble. Je n’ai rien à me reprocher !

Ce petit discours, prononcé d’une voix calme, augmenta la rage d’Elias Mac Dowie.

Mais il se contint :

— C’est bien ! dit-il… Faites sortir vos hommes, il est l’heure ! Et pas un mot en ville, vous autres, sinon c’est la révocation pure et simple !… Je vais prendre les mesures nécessaires pour retrouver l’objet volé !

Dans un silence hostile, les ouvriers sortirent. Derrière eux, Elias Mac Dowie quitta l’atelier « Engraving et Printing », sans avoir dit un mot à M. Quincey. Il regagna son cabinet de travail en murmurant :

— Sûrement, il n’y a pas de doute, c’est un coup de John Strobbins !…

Cette croyance, d’ailleurs, ne désespéra pas le superintendant. Le mal était fait. Il accepterait la lutte. Mais pas tout seul. Non qu’il se défiât de ses propres forces – il s’estimait un policier hors ligne – mais il pensait que, dans cette affaire, un appoint ne serait pas de trop pour aboutir rapidement.

S’il parvenait du même coup à capturer John Strobbins et à retrouver la plaque gravée, il ne regretterait pas ses alarmes !

M. Mac Dowie se souvint qu’il avait reçu, une semaine auparavant, une circulaire recommandant l’agence de Police privée Brockton et Smith.

Ne voulant pas, de peur d’ébruiter l’affaire, employer la police officielle, le superintendant résolut donc de s’adresser à MM. Brockton et Smith – les premiers policiers d’Amérique (et par conséquent de l’univers) affirmait la circulaire.

Le temps pressait. Sans plus attendre, M. Elias Mac Dowie écrivit une lettre à l’agence Brockton et Smith, priant un de ces messieurs de passer de toute urgence à son bureau. Après l’avoir jetée à la poste, Elias Mac Dowie se sentit un peu rasséréné. Il dîna copieusement, et, pendant la nuit, rêva qu’il assistait au prononcé du jugement condamnant John Strobbins à cent ans de « hard labour » (travaux forcés).

Le lendemain matin, à neuf heures, M. Mac Dowie entrait dans son cabinet de travail. À neuf heures cinq, un huissier pénétra auprès de lui et lui tendit une carte de visite ainsi libellée :

 

Chas. Brockton,

de l’agence Brockton et Smith

Everywhere (partout).

IV

— Faites entrer, ordonna Elias Mac Dowie.

M. Chas. Brockton, introduit par l’huissier, apparut sous l’aspect d’un gros homme, au visage rieur encadré d’une épaisse barbe noire. Il attendit que la porte se fût fermée derrière lui, et, d’une voix douce, déclara :

— Monsieur le superintendant, je vous présente mes hommages !… Je suis dès à présent à votre entière disposition !…

— Trop aimable !… Asseyez-vous, je vous prie !… Je vous ai fait venir pour une affaire très délicate, et, qui, par sa nature spéciale, m’empêche, ainsi que vous le comprendrez, de m’en occuper avec chance de succès… Sans cela…

— Oh ! monsieur le superintendant, nous connaissons vos extraordinaires facultés d’investigation ! Nous savons comment vous avez failli capturer John Strobbins qui ne vous échappa que par la maladresse d’un policier officiel !… N’eût été votre haute situation, nous vous aurions depuis longtemps prié de collaborer avec nous – de nous diriger, même !…

Elias Mac Dowie se rengorgea. Ce n’était pourtant pas un imbécile, mais dès qu’on vantait son illusoire science policière, il devenait d’une crédulité incroyable. Il sourit d’aise et répondit :

— Oui… J’aime assez à m’occuper de ces choses-là… et il est certain que bien des criminels n’auraient pas échappé si je m’étais mêlé de leur capture… Enfin !… (Mac Dowie soupira). Il est vrai que j’ai failli capturer le fameux John Strobbins. Et, c’est certainement lui qui motive votre présence ici. Il a juré de se venger de moi. Et je soupçonne fort qu’il est l’auteur de la disparition d’une plaque de cuivre gravée servant à la fabrication des banknotes, qu’on ne trouve plus depuis hier matin.

Et le superintendant relata au policier les circonstances dans lesquelles on s’était aperçu de la disparition de la plaque.

Chas. Brockton, assis dans un confortable fauteuil de cuir, écouta le haut fonctionnaire avec une attention soutenue. Il lui fit même plusieurs questions pour préciser certains détails, et, quand Mac Dowie eut fini de parler, il resta quelques instants muet, plongé dans de profondes réflexions.

— Il est certain, dit-il enfin, que la plaque a bien été volée et emportée. La retrouver est difficile.

« Retrouver le voleur, à mon sens, est facile. Je ne crois pas que John Strobbins soit l’auteur du vol : c’est un gentleman qui ne travaille qu’en « grand »… Non, c’est quelque ouvrier qui s’en sera emparé dans l’espoir de s’en servir pour fabriquer, quand l’émotion produite par le vol se sera calmée, de fausses banknotes. Heureusement, il n’a pu prendre qu’une des deux plaques qui lui sont nécessaires. J’en conclus qu’il tentera, d’ici peu, de s’approprier la seconde. Et c’est alors que nous le pincerons !

Elias Mac Dowie apprécia fort ce raisonnement !

— Vous avez la même idée que moi ! dit-il au policier qui inclina la tête d’un air flatté… Malheureusement, je suis très pressé de recouvrer cette plaque dont je vais avoir besoin d’ici quelques jours. Il faudrait absolument aboutir avant…

— Cela se peut !… Vous n’avez qu’à élaborer un règlement excessivement sévère en indiquant qu’il sera mis en vigueur dans trois jours. Il y a de grandes chances pour que notre voleur se hâte d’accomplir son dessein avant qu’il soit devenu impossible…

— … C’est vrai ! Et comment, comptez-vous opérer ?… car il ne faudrait pas que vous laissiez échapper notre homme à aucun prix !

— Je ne suis pas James Mollescott, moi ! fit le policier souriant… où mettez-vous les plaques de cuivre ?

— Dans un coffre spécial dont le chef du service de la gravure, M. Quincey, a seul la clé… C’est d’ailleurs pour cela que je suis étonné : pourquoi le voleur n’a-t-il pas pris les deux plaques, cela lui aurait été aussi facile, que d’en prendre une ?

— Oui, mais il a peut-être été dérangé… sait-on jamais ?… l’homme qui accomplit un acte aussi dangereux est très impressionnable, le moindre bruit l’épouvante ; c’est ce qui a dû arriver. Et c’est ce qui ne serait pas advenu si John Strobbins eût été le voleur ! c’est un homme maître de lui, celui-là !

« Je vous demanderai donc de me fournir simplement un endroit dans l’atelier de gravure où je puisse me dissimuler. J’agirai seul. J’y passerai la nuit et y attendrai le voleur. J’ai comme une idée qu’il ne tardera pas à venir.

« Sitôt que je l’aurai capturé, un bon coup de casse-tête bien asséné me le livrera vivant – je vous l’amènerai. Nous lui offrirons la liberté contre la restitution de la plaque. Il ne demandera pas mieux. Et ainsi, sans bruit, ni scandale, nous aurons atteint notre but.

— Et s’il ne vient pas ? objecta Elias Mac Dowie presque convaincu.

— Il viendra, sans quoi son vol n’aurait pas d’objet ! Si, par impossible, il n’est pas venu dans trois jours, je verrai à tourner mes investigations ailleurs. Mais je suis si persuadé que le voleur reviendra, que je ne vous demanderai mes honoraires – deux mille dollars – que si la capture a lieu avant cinq jours !

À l’énoncé de la somme de deux mille dollars, Elias Mac Dowie avait fait une légère grimace, mais il se ressaisit et dit :

— Eh bien, c’est entendu. Je vais aussitôt m’occuper de vous trouver une cachette dans l’atelier d’Engraving et Printing.

« Revenez ce soir à quatre heures me voir ici !

— Vous pouvez compter sur moi, monsieur le superintendant !… Un dernier mot : ne parlez à personne de nos projets… À personne ! Vous savez comme moi, combien la moindre indiscrétion est préjudiciable à une enquête !

— Je m’occupe depuis assez longtemps de semblables choses pour ne pas l’ignorer, monsieur ! affirma dignement Elias Mac Dowie.

M. Chas. Brockton se leva. Avec une correction parfaite, il salua le haut fonctionnaire, et, lentement, se dirigea vers la porte et sortit.

Elias Mac Dowie, resté seul, ne perdit point son temps. Sur-le-champ, il rédigea un nouveau règlement, applicable quatre jours plus tard, et destiné au personnel des Ateliers du Trésor.

Ce factum prévoyait les moindres manquements à la discipline, doublait le nombre des gardes de nuit et punissait de peines excessivement sévères le plus petit défaut de vigilance.

Le superintendant, ayant relu son règlement en fut satisfait. Il sonna un huissier et lui ordonna de se rendre immédiatement à l’imprimerie pour faire reproduire le nouveau règlement à cent exemplaires qui devaient être le jour même affichés partout.

Midi allait sonner. Content de lui, Elias Mac Dowie s’en fut déjeuner. Son repas terminé, il regagna le Central Treasury et s’en fut à l’atelier Engraving et Printing afin d’y chercher la cachette où Chas. Brockton devait passer la nuit.

Lorsqu’il arriva, son nouveau règlement, qui avait été affiché pendant la suspension de travail, groupait autour de lui tous les ouvriers de l’atelier. Et ceux-ci ne s’interdisaient pas les commentaires malveillants ou indignés.

À la vue d’Elias Mac Dowie, ils se turent subitement et se dispersèrent, chacun à leur poste.

M. Quincey qui, dans un angle de l’atelier, était occupé à examiner des épreuves, se précipita au-devant du superintendant.

— Je n’aime pas les attroupements pendant le travail, fit Mac Dowie, d’une voix sèche, après un bref salut.

« J’ai institué un nouveau règlement pour renforcer la discipline, qui me paraît être, ici, assez relâchée. J’espère ne pas avoir a sévir. Quant à ceux qui ne trouveraient pas le nouveau règlement à leur goût, rien ne les oblige à rester...

« Maintenant, monsieur Quincey, je désire visiter de fond en comble l’atelier et ses annexes pour y examiner les modification possibles. Veuillez m’accompagner !

Le digne M. Quincey, abasourdi par pareille semonce, courba le dos et répondit :

— Monsieur le superintendant, je suis à votre disposition !

— Allons !

Les deux hommes commencèrent leur tournée, qui, pour Elias Mac Dowie, n’avait d’autre but que de trouver une cachette pour le policier.

Il fut bientôt satisfait : près de l’entrée de la salle des coffres-forts se trouvait une vaste armoire de tôle, contenant divers outils.

Mac Dowie la fit ouvrir et constata qu’un homme pouvait facilement s’y dissimuler. Satisfait, il continua sa visite, et, sans avoir rien laissé voir de ses intentions, regagna son cabinet de travail.

Quelques minutes plus tard, M. Chas. Brockton était auprès de lui.

Le policier était exact : l’horloge de bronze posée sur la cheminée sonna quatre heures au moment où il entrait.

— J’ai votre affaire, monsieur Brockton, dit aussitôt Mac Dowie : près des coffres-forts renfermant les clichés se trouve une armoire dans laquelle vous serez à votre aise pour guetter votre homme !

— Elle n’est pas dans la salle des coffres ?

— Non ! Mais à l’entrée !… Le voleur, s’il vient, devra passer devant vous !

— Tout va bien, alors !… Cependant, j’aurais aimé mieux être dans la salle des coffres afin de prendre le voleur en flagrant délit.

« Son crime eut été plus punissable et ainsi l’homme eût avoué avec plus de facilité pour échapper à ses conséquences. Mais, comme il sera certainement muni des instruments nécessaires pour fracturer le coffre, je n’aurai qu’à le laisser faire… et m’en emparer au bon moment.

— C’est cela… Mais ne lui laissez pas abîmer les coffres : il ne faut pas qu’il y ait de scandale, je vous l’ai dit !

— J’en fais mon affaire… à la première entaille sur la paroi du coffre, j’arrête les frais !… J’ai tout prévu !

« Il me reste maintenant à vous demander un mot de votre main m’autorisant à stationner dans l’atelier cette nuit. Une ronde peut me découvrir ! Et, si je n’avais alors aucun document justifiant ma présence, le scandale que vous voulez éviter, éclaterait… vous me comprenez !

Elias Mac Dowie ne répondit pas. Après quelques instants de réflexion, il se convainquit que son interlocuteur avait raison. Il saisit un papier à l’en-tête du National Treasury et écrivit :

 

Dans un but de surveillance, j’autorise M. Charles Brockton, détective privé, de stationner dans la nuit du 5 au 6 décembre dans l’atelier « Engraving et Printing » et de circuler dans les locaux environnants.

M. Charles Brockton n’aura de comptes à rendre à personne qu’à moi-même.

Washington, le 5 décembre.

Le superintendant du Central Treasury.

ELIAS MAC DOWIE.

 

— Voici ! dit le superintendant en tendant le papier au policier qui, soigneusement, l’inséra dans son portefeuille.

V

— Maintenant, fit Elias Mac Dowie, il ne nous reste plus qu’à attendre la sortie des ouvriers !… Je vous conduirai ensuite à votre cachette. Avez-vous dîné ?

— Non, mais j’ai dans mes poches de quoi manger et de quoi boire ! J’ai tout prévu !…

— All right !… Alors, nous n’avons qu’à attendre… Un cigare ?

— Avec plaisir, monsieur le superintendant !

Les deux hommes allumèrent chacun leur cigare bagué d’or, que Monsieur le superintendant venait de sortir d’une boîte armoriée. Sans parler, ils fumèrent, chacun réfléchissant de son côté…

À six heures du soir, Elias Mac Dowie jugea que le moment était venu. Depuis longtemps, le dernier ouvrier avait franchi la porte de sortie et nul bruit ne s’entendait dans les immenses bâtiments constituant les ateliers du Trésor.

Le superintendant se leva et dit :

— Si vous voulez bien, monsieur Brockton, je vais vous conduire à votre cachette… Attendez-moi un instant ici : je vais chercher les clés !

— Je suis à votre disposition, Monsieur le superintendant ! répéta le policier.

S’étant assuré, d’un coup d’œil, que toutes les serrures de ses meubles étaient fermées, le superintendant qui était un homme méfiant, se dirigea vers la porte et sortit.

Brockton resta seul. Il en profita pour tirer de sa poche un minuscule trousseau de clés avec lequel il eut tôt fait d’ouvrir un des tiroirs du bureau dans lequel il introduisit un mince paquet enveloppé de papier.

Il referma le tiroir, eut un sourire narquois et alla se rasseoir dans le fauteuil qu’il occupait auparavant.

Cinq minutes plus tard, la porte s’ouvrait. Elias Mac Dowie paraissait, tenant à la main un trousseau de clés nickelées. D’un signe de la tête, il invita le policier à sortir, ferma la porte derrière lui, et se mit en marche à travers les couloirs déserts.

Les deux hommes traversèrent successivement une vaste cour, franchirent une petite antichambre et arrivèrent devant une épaisse porte de chêne que Mac Dowie ouvrit en disant :

— Nous voici à l’atelier « Engraving and Printing ! » Venez !

Brockton obéit. À la suite du haut fonctionnaire, il pénétra dans le vaste atelier et arriva devant l’armoire de fer située près de l’entrée de la salle des coffres-forts :

— Voici votre gîte pour la nuit ! fit Mac Dowie en souriant ; il n’est pas très confortable, mais…

— On ne gagne pas deux mille dollars en jouant du banjo ! c’est sûr ! dit le policier, souriant… Ce ne sont jamais que quelques nuits à passer !… Et alors, où est la salle des coffres ?

— Mais là, la porte que vous voyez… oui, c’est elle. En tenant votre armoire entr’ouverte, vous ne perdrez rien des mouvements du voleur ! affirma Mac Dowie.

— En effet !… Et vous en avez les clés ?

— Non ! Elles sont enfermées dans un coffret spécial dont le chef de la fabrication, qui en est responsable, a seul la clé !… Vous n’avez besoin de rien ?

— Non… Je désire simplement que vous ne m’enfermiez pas… ou que, si vous croyez que cela est nécessaire pour ne pas donner de soupçons aux gardiens qui font la ronde, vous me laissiez la clé de l’atelier… un incendie est vite arrivé et je n’ai aucune envie de mourir rôti !

— Diable !… Il est six heures et quart et la première ronde passe à 6 h. 35… c’est vrai !… Il faut que la porte soit fermée, je n’y pensais plus ! Je vous laisserai donc la clé. Vous me la rendrez demain matin ! Vous fermerez dès que je serai sorti !

— C’est entendu ! conclut Chas. Brockton en prenant la clé que le superintendant venait de détacher du trousseau qu’il tenait à la main.

— À demain – et bonne chance !… Enfermez-vous vite dans votre armoire, car la ronde ne va pas tarder à passer !

— N’ayez crainte, monsieur le superintendant !

Sur ces paroles, Elias Mac Dowie se dirigea vers la porte et disparut.

La nuit était complètement venue et, seule, la lueur des lampes électriques de la cour passant à travers les fenêtres grillées de l’atelier y jetait une clarté blafarde.

Chas. Brockton, soigneusement, ferma la porte à double tour. Puis, aussi silencieux qu’un chat, revint vers l’armoire de tôle, s’y fit une place parmi les outils entassés et attira la porte à lui.

Dix minutes plus tard, la ronde annoncée par Mac Dowie pénétrait d’ans l’atelier. Elle était composée de deux gardiens qui, munis de revolvers et de lanternes, explorèrent minutieusement la vaste salle et s’en retournèrent sans avoir rien aperçu d’anormal.

Chas. Brockton, de sa cachette, n’avait rien perdu de leurs mouvements. Sitôt que la porte se fut refermée sur eux, il sortit de sa cachette et eut un rire muet.

— À l’œuvre, maintenant ! dit-il.

 

*    *    *

 

Le lendemain matin, l’honorable Elias Mac Dowie ayant absorbé un substantiel déjeuner, se disposait à quitter sa coquette maison de la 26e rue pour gagner son bureau, lorsque son valet de chambre se précipita dans la salle à manger où il se trouvait.

— Monsieur ! Monsieur ! dit-il rouge d’émotion, il y a là deux gentlemen, deux détectives qui prétendent parler sans délai à Monsieur !

Elias Mac Dowie tressaillit :

— Ça y est, pensa-t-il, c’est Brockton et Smith qui viennent m’aviser de la capture du voleur ! Rudement fins, ces détectives…

— Faites entrer ! dit-il au domestique qui attendait.

— Bien, monsieur !

Le superintendant regarda l’horloge : huit heures et demie. Il avait le temps.

Il achevait cette constatation lorsque son valet de chambre ouvrit la porte et s’écarta pour laisser passer les deux visiteurs.

Aucun d’eux ne ressemblait à Chas. Brockton. C’était certain.

— Gentlemen, fit Mac Dowie, vous avez désiré me voir ?… Que puis-je pour vous ?

— M. Mac Dowie, c’est l’attorney général qui nous envoie… Vous avez devant vous l’inspecteur Martins, c’est moi-même, et le détective Fourner… Ce matin, à six heures, les gardes de nuit du Trésor ont découvert en faisant leur ronde que la salle des coffres-forts où sont enfermées les banknotes en cours de fabrication avait été visitée ! La porte blindée avait été fracturée à l’aide d’un chalumeau à acétylène ! Trois coffres sur six ont été également cambriolés !

L’attorney général, aussitôt prévenu, nous a envoyés vous prier de venir aussitôt au trésor, pour évaluer le montant et la nature du vol !

Elias Mac Dowie en entendant ces terribles paroles, avait passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel : son visage, tour à tour rose, blanc, jaune, rouge-brique, conservait cette dernière teinte. Le superintendant fut obligé de se retenir à la table pour ne pas choir sur le tapis. Il comprenait tout, maintenant. C’était simple, il était joué ! joué !

Et comment !

Le policier Brockton était un émissaire de John Strobbins !

— Je… Je vous suis, gentlemen ! dit-il aux deux détectives qui craignaient sérieusement de le voir défaillir.

D’un pas mal assuré, il gagna la rue et héla une voiture qui le conduisit au Central Treasury. Une agitation frénétique y régnait.

Lorsque Mac Dowie parut dans la cour intérieure, ce fut une ruée vers lui. Coroner, attorney, huissiers, accoururent. L’attorney général, grand vieillard glabre, fit signe au superintendant de le joindre. Les jambes flageolantes, Mac Dowie obéit.

Le magistrat tenait un papier à la main.

— Que signifie cela, monsieur ? dit-il en le montrant à Mac Dowie.

Celui-ci reconnut le laisser-passer qu’il avait délivré à Chas Brockton !

— C’est bien de vous, cela, n’est-ce pas ? fit l’attorney… Eh bien, vous aurez à expliquer pourquoi vous avez écrit ce papier. L’homme qui en était porteur a quitté le Central Treasury à quatre heures du matin – entre deux rondes ! c’est lui qui a éventré les coffres !… Venez avec moi, nous allons évaluer le vol !

Tête basse, Elias Mac Dowie suivit le magistrat, et, à ses côtés, traversa l’atelier Engraving and Printing.

Il arriva ainsi à la salle des coffres-forts. Trois d’entre eux étaient béants.

Le superintendant, d’un seul coup d’œil, jugea l’étendue du désastre. Une vingtaine de liasses de papier filigrané, destinées à la fabrication des banknotes de cent dollars manquaient, et, chose plus grave, dix liasses de chacune mille billets de cent dollars, imprimés, numérotés et signés, prêts à être mis en circulation, avaient disparu !… Soit également un million de dollars !

— Alors ? demanda l’attorney général.

— Un million de dollars en banknotes signées, ont été enlevées !

— Je regrette, mais je me vois obligé de vous mettre en état d’arrestation !…

— Mais je suis innocent !… Écoutez-moi !… Je vous expliquerai…

La stupeur, la rage et le désespoir du superintendant étaient si énormes qu’il bégayait et ne trouvait pas ses mots !

Deux détectives, appelés par l’attorney général, lui passèrent les menottes et l’emmenèrent au milieu de la stupéfaction générale.

… En vain, Elias Mac Dowie, ayant repris son sang-froid ; tenta d’expliquer sa conduite au juge d’instruction. Il ne réussit pas à le convaincre.

À l’agence Brockton et Smith, nulle lettre du superintendant n’avait jamais été reçue.

On ignorait tout de cette affaire ! Fait accablant, la plaque de cuivre gravée disparue avait été retrouvée dans le cabinet de travail du superintendant – dans un tiroir de son bureau !

La préméditation était donc prouvée ! Elias Mac Dowie, pensant n’être pas suspecté, s’était entendu avec un complice pour voler le trésor ; les précautions étaient bonnes ; mais il avait compté sans la justice ! Son complice, resté inconnu, s’en tirait, mais pas lui. Que répondre à cela ? Tout accablait l’infortuné fonctionnaire. Il fut envoyé devant la cour d’assises.

Les débats furent courts ; tout accablait l’accusé à tel point que son avocat, incrédule, lui conseilla de plaider coupable et d’avouer. La plaidoirie de ce dernier terminée, le juge allait prononcer la sentence lorsqu’un gardien du Palais de Justice s’approcha du magistrat et lui remit une lettre.

Le juge la décacheta. Et il lut :

 

Monsieur,

C’est le complice – ou plutôt celui que vous croyez tel – de M. Elias Mac Dowie qui vous écrit.

M. Mac Dowie est innocent. Et, s’il comparaît devant vous, c’est pour s’être mêlé de ce qui ne le regardait pas.

Employé du Trésor, il a voulu se faire policier et a prétendu m’arrêter moi, John Strobbins, détective cambrioleur.

Je dois dire que, sans l’incommensurable policier du sieur James Mollescott, chef de la police de San-Francisco, il aurait pu réussir.

À cause de lui, j’ai dû interrompre ma villégiature à Savannah où je comptais passer l’hiver.

Je résolus de me venger et d’apprendre au dit Mac Dowie d’être plus modeste et surtout plus circonspect à l’avenir.

Je hais les amateurs !

Je fis dérober par un de mes affiliés, ouvrier du Trésor (j’ai des amis partout) une plaque de cuivre gravée destinée à l’impression des banknotes de 25 dollars.

Je savais que Mac Dowie postulait pour le grade de directeur du Trésor et que, par conséquent, il n’ébruiterait pas le vol tout en faisant diligence pour recouvrer l’objet volé dont il avait un besoin pressant.

L’ouvrier sortit la plaque en la cachant dans la semelle d’un de ses souliers – c’est simple, vous le voyez.

Mais je reprends. Comme j’avais eu soin auparavant – quelques jours avant le vol – d’envoyer à Mac Dowie la circulaire d’une agence de détectives très connue – et où j’ai aussi des affiliés (j’en ai partout) il advint ce que l’avais prévu : Mac Dowie fit appel aux services de cette agence.

Ce fut moi, bien déguisé, ma foi, qui me rendis à son invitation. J’en profitais pour glisser dans le tiroir de son bureau la plaque de cuivre dérobée.

Et, l’ayant persuadé de me cacher dans l’atelier de gravure – ainsi qu’il vous l’a expliqué – rien ne me fut plus facile que d’éventrer les coffres à l’aide des outils dont je m’étais muni dans ce but.

Mais je m’en voudrais d’abuser de vos précieux instants… Vous savez le reste… M. James Mollescott peut témoigner de la véracité de mes dires.

Croyez, monsieur, à ma très haute considération.

JOHN STROBBINS,

Détective-cambrioleur.

 

… Une heure plus tard, les débats ayant été repris, Elias Mac Dowie était acquitté.

Mais, ayant été convaincu d’avoir agi avec légèreté et imprudence, il fut condamné aux frais du procès et on le destitua.

Ironie des choses, maintenant qu’Elias Mac Dowie le pourrait, il ne songe plus à s’occuper d’affaires policières. Il n’est plus « amateur »… - FIN

 

 

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