BIBLIOBUS Littérature française

Les animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux (1920)

 


Préface


Salon
LES ANIMAUX ET LEURS HOMMES

  • Animal rit
  • Cheval
  • Vache
  • Porc
  • Poule
  • Poissons
  • Oiseau
  • Chien
  • Chat
  • Araignée

LES HOMMES ET LEURS ANIMAUX

  • Modèle
  • Homme utile
  • Plumes
  • Chien (2)
  • Conduire
  • Manger
  • Mouillé
  • Patte
  • Vache (2)
  • Fuir
  • Poule (2)

LES ANIMAUX ET LEURS HOMMES, LES HOMMES ET LEURS ANIMAUX
(1920)

Préface

Qu’une force honnête nous revienne.

Quelques poètes, quelques constructeurs qui vécurent jeunes nous l’avaient déjà enseigné.

Connaissons ce dont nous sommes capables.

La beauté ou la laideur ne nous paraissent pas nécessaires. Nous nous sommes toujours autrement souciés de la puissance ou de la grâce, de la douceur ou de la brutalité, de la simplicité ou du nombre.

La vanité qui pousse l’homme à déclarer ceci beau ou laid, et à prendre parti, est à la base de l’erreur raffinée de plusieurs époques littéraires, de leur exaltation sentimentale et du désordre qui en résulta.

Essayons, c’est difficile, de rester absolument purs. Nous nous apercevrons alors de tout ce qui nous lie.

Et le langage déplaisant qui suffit aux bavards, langage aussi mort que les couronnes à nos fronts semblables, réduisons-le, transformons-le en un langage charmant, véritable, de commun échange entre nous.

Pour moi, rien ne me semble meilleur signe de cette volonté que ce poème écrit depuis que je songe à cette page d’ouverture :

Salon

Amour des fantaisies permises,

Du soleil,

Des citrons,

Du mimosa léger.

 

Clarté des moyens employés :

Vitre claire,

Patience

Et vase à transpercer.

 

Du soleil, des citrons, du mimosa léger

Au fort de la fragilité

Du verre qui contient

Cet or en boules,

Cet or qui roule.

P. E.

LES ANIMAUX ET LEURS HOMMES

Animal rit
 

Le monde rit,

Le monde est heureux, content et joyeux.

La bouche s’ouvre, ouvre ses ailes et retombe.

Les bouches jeunes retombent,

Les bouches vieilles retombent.

 

Un animal rit aussi,

Étendant la joie de ses contorsions.

Dans tous les endroits de la terre

Le poil remue, la laine danse

Et les oiseaux perdent leurs plumes.

 

Un animal rit aussi

Et saute loin de lui-même.

Le monde rit,

Un animal rit aussi,

Un animal s’enfuit.

 

Cheval
 

Cheval seul, cheval perdu,

Malade de la pluie, vibrant d’insectes

Cheval seul, vieux cheval.

 

Aux fêtes du galop,

Son élan serait vers la terre,

Il se tuerait.

 

Et, fidèle aux cailloux,

Cheval seul attend la nuit

Pour n’être pas obligé

De voir clair et de se sauver.

 

Vache
 

On ne mène pas la vache

À la verdure rase et sèche,

À la verdure sans caresses.

 

L’herbe qui la reçoit

Doit être douce comme un fil de soie,

Un fil de soie doux comme un fil de lait.

 

Mère ignorée,

Pour les enfants, ce n’est pas le déjeuner,

Mais le lait sur l’herbe

 

L’herbe devant la vache,

L’enfant devant le lait.

 

Porc
 

Du soleil sur le dos, du soleil sur le ventre,

La tête grosse et immobile

Comme un canon,

Le porc travaille.

 

Poule
 

Hélas ! ma sœur, bête bête,

Ce n’est pas à cause de ton chant,

De ton chant pour l’œuf

Que l’homme te croit bonne.

 

Poissons
 

Les poissons, les nageurs, les bateaux

Transforment l’eau.

L’eau est douce et ne bouge

Que pour ce qui la touche.

 

Le poisson avance

Comme un doigt dans un gant,

Le nageur danse lentement

Et la voile respire.

 

Mais l’eau douce bouge

Pour ce qui la touche,

Pour le poisson, pour le nageur, pour le bateau

Qu’elle porte

Et qu’elle emporte.

 

Oiseau
 

Charmée… Oh ! pauvre fille !

Les oiseaux mettent en désordre

Le soleil aveuglant du toit,

Les oiseaux jouent à remplacer

Le soleil plus léger que l’huile

Qui coule entre nous.

 

Chien
 

Chien chaud,

Tout entier dans la voix, dans les gestes

De ton maître,

Prends la vie comme le vent,

Avec ton nez.

 

Reste tranquille.

 

Chat
 

Pour ne poser qu’un doigt dessus

Le chat est bien trop grosse bête.

Sa queue rejoint sa tête,

Il tourne dans ce cercle

Et se répond à la caresse.

 

Mais, la nuit, l’homme voit ses yeux

Dont la pâleur est le seul don.

Ils sont trop gros pour qu’il les cache

Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.

 

Quand le chat danse

C’est pour isoler sa prison

Et quand il pense

C’est jusqu’aux murs de ses yeux.

 

Araignée
 

Découverte dans un œuf,

L’araignée n’y entrera plus.

LES HOMMES ET LEURS ANIMAUX

Modèle
 

Les filets des arbres ont pris beaucoup d’oiseaux

Natures,

Les pattes des oiseaux ont pris les branches sûres

À leurs os.

 

Homme utile
 

Tu ne peux plus travailler. Rêve,

Les yeux ouverts, les mains ouvertes

Dans le désert,

Dans le désert qui joue

Avec les animaux – les inutiles.

 

Après l’ordre, après le désordre,

Dans les champs plats, les forêts creuses,

Dans la mer lourde et claire,

Un animal passe – et ton rêve

Est bien le rêve du repos.

 

Plumes
 

L’homme voudrait être sorti

D’un fouillis d’ailes.

Très haut, le vent coule en criant

Le long d’une aile.

 

Mais la mère n’était pas là

Quand le nid s’envola,

Mais le ciel battait de l’aile

Quand le nid s’envola.

 

Et, désespoir du sol,

L’homme est couché dans ses paroles,

Au long des branches mortes,

   Dans des coquilles d’œufs.

 

Chien (2)
 

Sonnettes, bras ballants, on ne vient pas jusqu’ici,

Sonnettes, portes ouvertes, rage de disparaître.

Tous les chiens s’ennuient

Quand le maître est parti.

 

Conduire
 

La rue est bientôt là,

À la rue le cheval.

 

Plus beau que le corbeau

Il lui faut un chemin.

 

Fine jambe, léger héros

Qui suit son maître vers le repos.

 

La rue est bientôt là :

On y court, on y marche, on y trotte,

On s’y arrête.

 

Manger
 

Si vous désirez la lourde chair,

Arrachez les bras, les mains et les doigts,

Déchirez les branches

Qui contenaient le ciel, l’espace.

 

Et vous tombez, c’est votre poids.

 

Mouillé
 

La pierre rebondit sur l’eau,

La fumée n’y pénètre pas.

L’eau, telle une peau

 

Que nul ne peut blesser

Est caressée

Par l’homme et par le poisson.

 

Claquant comme corde d’arc,

Le poisson, quand l’homme l’attrape,

Meurt, ne pouvant avaler

Cette planète d’air et de lumière.

 

Et l’homme sombre au fond des eaux

Pour le poisson

Ou pour la solitude amère

De l’eau souple et toujours close.

 

Patte
 

Le chat s’établit dans la nuit pour crier,

Dans l’air libre, dans la nuit, le chat crie.

Et, triste, à hauteur d’homme, l’homme entend son cri.

 

Vache (2)
 

Adieu !

Vaches plus précieuses

Que mille bouteilles de lait,

 

Précieuses aux jeunes qui se marient

Et dont la femme est jolie,

 

Précieuses aux vieux avec leur canne

Dont la richesse est chair, lait, terre,

 

Précieuses à qui veut bien vivre

De la nourriture ordinaire,

Adieu !

 

Fuir
 

L’araignée rapide,

Pieds et mains de la peur,

Est arrivée.

 

L’araignée,

Heureuse de son poids,

Reste immobile

Comme le plomb du fil à plomb.

 

Et quand elle repart,

Brisant tous les fils,

C’est la poursuite dans le vide

Qu’il faut imaginer,

 

Toute chose détruite.

 

Poule (2)

Il faut que la poule ponde :

Poule avec ses fruits mûrs,

Poule avec notre gain.

FIN

Date de dernière mise à jour : 25/08/2023