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BIBLIOBUS Littérature française

Au défaut du silence (1925)


 

 Je me suis enfermé dans mon amour, je rêve.

 *

 Qui de nous deux inventa l’autre ?

 *

 Visage perceur de murailles.

 *

 

Ta chevelure d’oranges dans le vide du monde

Dans le vide des vitres lourdes de silence

Et d’ombre où mes mains nues cherchent tous tes reflets.

 

La forme de ton cœur est chimérique

Et ton amour ressemble à mon désir perdu.

Ô soupirs d’ambre, rêves, regards.

 

Mais tu n’as pas toujours été avec moi. Ma mémoire

Est encore obscurcie de t’avoir vue venir

Et partir. Le temps se sert de mots comme l’amour.

 *

 Elle m’aimait pour m’oublier, elle vivait pour mourir.

 *

 Dans les plus sombres yeux se ferment les plus clairs.

 *

Les lumières dictées à la lumière constante et pauvre passent avec moi toutes les écluses de la vie. Je reconnais les femmes à fleur de leurs cheveux, de leur poitrine et de leurs mains. Elles ont oublié le printemps, elles pâlissent à perte d’haleine.

Et toi, tu te dissimulais comme une épée dans la déroute, tu t’immobilisais, orgueil, sur le large visage de quelque déesse méprisante et masquée. Toute brillante d’amour, tu fascinais l’univers ignorant.

Je t’ai saisie et depuis, ivre de larmes, je baise partout pour toi l’espace abandonné.

 *

 Amour, ô mon amour, j’ai fait vœu de te perdre.

 *

 

Grimace, petite fille de naissance.

 *

 La forme de tes yeux ne m’apprend pas à vivre.

 *

Et si je suis à d’autres, souviens-toi.

 *

 Ta bouche aux lèvres d’or n’est pas en moi pour rire

Et tes mots d’auréole ont un sens si parfait

Que dans mes nuits d’années, de jeunesse et de mort

J’entends vibrer ta voix dans tous les bruits du monde.

 

Dans cette aube de soie où végète le froid

La luxure en péril regrette le sommeil,

Dans les mains du soleil tous les corps qui s’éveillent

Grelottent à l’idée de retrouver leur cœur.

 

Souvenirs de bois vert, brouillard où je m’enfonce,

J’ai refermé les yeux sur moi, je suis à toi,

Toute ma vie t’écoute et je ne peux détruire

Les terribles loisirs que ton amour me crée.

*

Pleure, les larmes sont les pétales du cœur.

*

Où es-tu ? Tournes-tu le soleil de l’oubli dans mon cœur ?

*

Donne-toi, que tes mains s’ouvrent comme des yeux.

*

Folle, évadée, tes seins sont à l’avant.

*

À maquiller la démone, elle pâlit.

*

Elle est – mais elle n’est qu’à minuit quand tous les oiseaux blancs ont refermé leurs ailes sur l’ignorance des ténèbres, quand la sœur des myriades de perles a caché ses deux mains dans sa chevelure morte, quand le triomphateur se plaît à sangloter, las de ses dévotions à la curiosité, mâle et brillante armure de luxure. Elle est si douce qu’elle a transformé mon cœur. J’avais peur des grandes ombres qui tissent les tapis du jeu et les toilettes, j’avais peur des contorsions du soleil le soir, des incassables branches qui purifient les fenêtres de tous les confessionnaux où des femmes endormies nous attendent.

Ô buste de mémoire, erreur de forme, lignes absentes, flamme éteinte dans mes yeux clos, je suis devant ta grâce comme un enfant dans l’eau, comme un bouquet dans un grand bois. Nocturne, l’univers se meut dans ta chaleur et les villes d’hier ont des gestes de rue plus délicats que l’aubépine, plus saisissants que l’heure. La terre au loin se brise en sourires immobiles, le ciel enveloppe la vie : un nouvel astre de l’amour se lève de partout – fini, il n’y a plus de preuves de la nuit.

FIN

Date de dernière mise à jour : 25/08/2023