BIBLIOBUS Littérature française

Poésie et vérité (1942)

 

Table des matières

  •  ÉDITION DE 1942
  • Liberté
  • Sur les pentes inférieures Aussi bas que le silence
  • Première marche la voix d’un autre
  • Le rôle des femmes
  • Patience
  • Un feu sans tache
  • Bientôt
  • La halte des heures
  • Dimanche après-midi
  • Douter du crime
  • Couvre-feu
  • Dressé par la famine
  • Un loup
  • Un loup
  • Du dehors
  • Du dedans
  • La dernière nuit
  • AJOUTS DE L’ÉDITION DE 1943


L’âne
Aucun secret tout m’échappe
N
Façons de parler façons de voir
Hasards noirs des voyages
RÊVES
Plaisirs du premier printemps
La poursuite
En dépit de l’âge
Le sort
Compagnon
Diable-dindon
Retraite
LA TÊTE INERTE
Notre nuit Meilleure que nos jours
Médieuse
Ma fille
L’oreille du taureau
L’horizon droit
Derniers instants
La main le cœur le lion l’oiseau


Liberté

 

Sur mes cahiers d’écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige

J’écris ton nom

 

Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sang papier ou cendre

J’écris ton nom

 

Sur les images dorées

Sur les armes des guerriers

Sur la couronne des rois

J’écris ton nom

 

Sur la jungle et le désert

Sur les nids sur les genêts

Sur l'écho de mon enfance

J’écris ton nom

 

Sur les merveilles des nuits

Sur le pain blanc des journées

Sur les saisons fiancées

J’écris ton nom

 

Sur tous mes chiffons d’azur

Sur l’étang soleil moisi

Sur le lac lune vivante

J’écris ton nom

 

Sur les champs sur l’horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres

J’écris ton nom

 

Sur chaque bouffée d’aurore

Sur la mer sur les bateaux

Sur la montagne démente

J’écris ton nom

 

Sur la mousse des nuages

Sur les sueurs de l’orage

Sur la pluie épaisse et fade

J’écris ton nom

 

Sur les formes scintillantes

Sur les cloches des couleurs

Sur la vérité physique

J’écris ton nom

 

Sur les sentiers éveillés

Sur les routes déployées

Sur les places qui débordent

J’écris ton nom

 

Sur la lampe qui s’allume

Sur la lampe qui s’éteint

Sur mes maisons réunies

J’écris ton nom

 

Sur le fruit coupé en deux

Du miroir et de ma chambre

Sur mon lit coquille vide

J’écris ton nom

 

Sur mon chien gourmand et tendre

Sur ses oreilles dressées

Sur sa patte maladroite

J’écris ton nom

 

Sur le tremplin de ma porte

Sur les objets familiers

Sur le flot du feu béni

J’écris ton nom

 

Sur toute chair accordée

Sur le front de mes amis

Sur chaque main qui se tend

J’écris ton nom

 

Sur la vitre des surprises

Sur les lèvres attentives

Bien au-dessus du silence

J’écris ton nom

 

Sur mes refuges détruits

Sur mes phares écroulés

Sur les murs de mon ennui

J’écris ton nom

 

Sur l’absence sans désir

Sur la solitude nue

Sur les marches de mort

J’écris ton nom

 

Sur la santé revenue

Sur le risque disparu

Sur l’espoir sans souvenir

J’écris ton nom

 

Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

 

Liberté.

Sur les pentes inférieures
Aussi bas que le silence

 

Aussi bas que le silence

D’un mort planté dans la terre

Rien que ténèbres en tête

 

Aussi monotone et sourd

Que l'automne dans la mare

Couverte de honte mate

 

Le poison veuf de sa fleur

Et de ses bêtes dorées

Crache sa nuit sur les hommes.

Première marche
la voix d’un autre

 

Riant du ciel et des planètes

La bouche imbibée de confiance

Les sages

Veulent des fils

Et des fils de leurs fils

Jusqu’à périr d’usure

 

Le temps ne pèse que les fous

L’abîme est seul à verdoyer

Et les sages sont ridicules.

Le rôle des femmes

 

En chantant les servantes s’élancent

Pour rafraîchir la place où l’on tuait

Petites filles en poudre vite agenouillées

Leurs mains aux soupiraux de la fraîcheur

Sont bleues comme une expérience

Un grand matin joyeux

 

Faites face à leurs mains les morts

Faites face à leurs yeux liquides

C’est la toilette des éphémères

La dernière toilette de la vie

Les pierres descendent disparaissent

Dans l’eau vaste essentielle

 

La dernière toilette des heures

À peine un souvenir ému

Aux puits taris de la vertu

Aux longues absences encombrantes

Et l’on s’abandonne à la chair très tendre

Aux prestiges de la faiblesse.

 

Patience

 

Toi ma patiente ma patience ma parente

Gorge haut suspendue orgue de la nuit lente

Révérence cachant tous les ciels dans sa grâce

Prépare à la vengeance un lit d’où je naîtrai.

Un feu sans tache

 

La menace sous le ciel rouge

Venait d’en bas des mâchoires

Des écailles des anneaux

D’une chaîne glissante et lourde

 

La vie était distribuée

Largement pour que la mort

Prît au sérieux le tribut

Qu’on lui payait sans compter

 

La mort était le dieu d’amour

Et les vainqueurs dans un baiser

S’évanouissaient sur leurs victimes

La pourriture avait du cœur

 

Et pourtant sous le ciel rouge

Sous les appétits de sang

Sous la famine lugubre

La caverne se ferma

 

La terre utile effaça

Les tombes creusées d’avance

Les enfants n’eurent plus peur

Des profondeurs maternelles

 

Et la bêtise et la démence

Et la bassesse firent place

À des hommes frères des hommes

Ne luttant plus contre la vie

 

À des hommes indestructibles.

Bientôt

 

De tous les printemps du monde

Celui-ci est le plus laid

Entre toutes mes façons d’être

La confiante est la meilleure

 

L’herbe soulève la neige

Comme la pierre d’un tombeau

Moi je dors dans la tempête

Et je m’éveille les yeux clairs

 

Le lent le petit temps s’achève

Où toute rue devait passer

Par mes plus intimes retraites

Pour que je rencontre quelqu’un

 

Je n’entends pas parler les monstres

Je les connais ils ont tout dit

Je ne vois que les beaux visages

Les bons visages sûrs d’eux-mêmes

 

Sûrs de ruiner bientôt leurs maîtres.

La halte des heures

 

Immenses mots dits doucement

Grand soleil les volets fermés

Un grand navire au fil de l’eau

Ses voiles partageant le vent

 

Bouche bien faite pour cacher

Une autre bouche et le serment

De ne rien dire qu’à deux voix

Du secret qui raye la nuit

 

Le seul rêve des innocents

Un seul murmure un seul matin

Et les saisons à l’unisson

Colorant de neige et de feu

 

Une foule enfin réunie.

Dimanche après-midi

 

S’enlaçaient les domaines voûtés d’une aurore grise dans un pays gris, sans passions, timide,

S’enlaçaient les cieux implacables, les mers interdites, les terres stériles,

S’enlaçaient les galops inlassables de chevaux maigres, les rues où les voitures ne passaient plus, les chiens et les chats mourants,

S’auréolaient de pâleur charmante les femmes, les enfants et les malades aux sens limpides,

S’auréolaient les apparences, les jours sans fin, jours sans lumière, les nuits absurdes,

S’auréolait l’espoir d’une neige définitive, marquant au front la haine,

S’épaississaient les astres, s’amincissaient les lèvres, s’élargissaient les fronts comme des tables inutiles,

Se courbaient les sommets accessibles, s’adoucissaient les plus fades tourments, se plaisait la nature à ne jouer qu’un rôle,

Se répondaient les muets, s’écoutaient les sourds, se regardaient les aveugles,

Dans ces domaines confondus où même les larmes n’avaient plus que des miroirs boueux, dans ce pays éternel qui mêlait les pays futurs, dans ce pays où le soleil allait secouer ses cendres.

Douter du crime

 

Une seule corde une seule torche un seul homme

Étrangla dix hommes

Brûla un village

Avilit un peuple

 

La douce chatte installée dans la vie

Comme une perle dans sa coquille

La douce chatte a mangé ses petits.

Couvre-feu

 

Que voulez-vous la porte était gardée

Que voulez-vous nous étions enfermés

Que voulez-vous la rue était barrée

Que voulez-vous la ville était matée

Que voulez-vous elle était affamée

Que voulez-vous nous étions désarmés

Que voulez-vous la nuit était tombée

Que voulez-vous nous nous sommes aimés.

Dressé par la famine

 

Dressé par la famine

L’enfant répond toujours je mange

Viens-tu je mange

Dors-tu je mange.

Un loup

 

La bonne neige le ciel noir

Les branches mortes la détresse

De la forêt pleine de pièges

Honte à la bête pourchassée

La fuite en flèche dans le cœur

 

Les traces d’une proie atroce

Hardi au loup et c’est toujours

Le plus beau loup et c’est toujours

Le dernier vivant que menace

La masse absolue de la mort.

Un loup

 

Le jour m’étonne et la nuit me fait peur

L’été me hante et l’hiver me poursuit

 

Un animal sur la neige a posé

Ses pattes sur le sable ou dans la boue

Ses pattes venues de plus loin que mes pas

Sur une piste où la mort

A les empreintes de la vie.

Du dehors

 

La nuit le froid la solitude

On m’enferma soigneusement

Mais les branches cherchaient leur voie dans la prison

Autour de moi l’herbe trouva le ciel

On verrouilla le ciel

Ma prison s’écroula

Le froid vivant le froid brûlant m’eut bien en main.

Du dedans

 

Premier commandement du vent

La pluie enveloppe le jour

Premier signal d’avoir à tendre

La voile claire de nos yeux

 

Au front d’une seule maison

Au flanc de la muraille tendre

Au sein d’une serre endormie

Nous fixons un feu velouté

 

Dehors la terre se dégrade

Dehors la tanière des morts

S’écroule et glisse dans la boue

 

Une rose écorchée bleuit.

La dernière nuit

 

I

Ce petit monde meurtrier

Est orienté vers l’innocent

Lui ôte le pain de la bouche

Et donne sa maison au feu

Lui prend sa veste et ses souliers

Lui prend son temps et ses enfants

 

Ce petit monde meurtrier

Confond les morts et les vivants

Blanchit la boue gracie les traîtres

Transforme la parole en bruit

 

Merci minuit douze fusils

Rendent la paix à l’innocent

Et c’est aux foules d’enterrer

Sa chair sanglante et son ciel noir

Et c’est aux foules de comprendre

La faiblesse des meurtriers.

 

II

Le prodige serait une légère poussée contre le mur

Ce serait de pouvoir secouer cette poussière

Ce serait d'être unis.

 

III

Ils avaient mis à vif ses mains courbé son dos

Ils avaient creusé un trou dans sa tête

Et pour mourir il avait dû souffrir

Toute sa vie.

 

IV

Beauté créée pour les heureux

Beauté tu cours un grand danger

 

Ces mains croisées sur tes genoux

Sont les outils d’un assassin.

 

Cette bouche chantant très haut

Sert de sébile au mendiant

 

Et cette coupe de lait pur

Devient le sein d’une putain.

 

V

Les pauvres ramassaient leur pain dans le ruisseau

Leur regard couvrait la lumière

Et ils n’avaient plus peur la nuit

 

Très faibles leur faiblesse les faisait sourire

Dans le fond de leur ombre ils emportaient leur corps

Ils ne se voyaient plus qu’à travers leur détresse

Ils ne se servaient plus que d’un langage intime

Et j’entendais parler doucement prudemment

D’un ancien espoir grand comme la main

 

J’entendais calculer

Les dimensions multipliées de la feuille d’automne

La fonte de la vague au sein de la mer calme

J’entendais calculer

Les dimensions multipliées de la force future.

 

VI

Je suis né derrière une façade affreuse

J’ai mangé, j’ai ri, j’ai rêvé, j’ai eu honte

J’ai vécu comme une ombre

Et pourtant j’ai su chanter le soleil.

Le soleil entier celui qui respire

Dans chaque poitrine et dans tous les yeux

La goutte de candeur qui luit après les larmes.

 

VII

Nous jetons le fagot des ténèbres au feu

Nous brisons les serrures rouillées de l’injustice

Des hommes vont venir qui n’ont plus peur d’eux-mêmes

Car ils sont sûrs de tous les hommes

Car l’ennemi à figure d'homme disparaît.

AJOUTS DE L’ÉDITION DE 1943[2]

L’âne

 

Il va sous un soleil de foin

Et son regard est un chemin

Où marche un âne.

Aucun secret
tout m’échappe

 

Aucun secret tout m’échappe

Puis l’exil dans les ténèbres

Les yeux purs la tête inerte

N

 

I

À quoi penses-tu

Je pense au premier baiser que je te donnerai.

 

II

Baisers semblables aux paroles du rêveur

Vous êtes au service des forces inventées.

 

III

Aux rues de petites amours

Les murs finissent en nuit noire

J’aime

Et mes rideaux sont blancs.

 

IV

Sans éclat et douce à son nid

Elle apparaît dans un sourire.

 

V

Le 21 du mois de juin 1906

À midi

Tu m’as donné la vie.

 

VI

J’ai dit facile et ce qui est facile

C’est la fidélité.

 

VII

Il faut la voir au dur soleil grevé de roches inaccessibles

Il faut la voir en pleine nuit

Il faut la voir quand elle est seule.

Façons de parler
façons de voir

 

I

Je me lève, je suis jeune. Quand je me couche, le soir je suis vieux, je vais mourir dans la nuit. On m’enterrera demain. Et pourtant, le matin je suis jeune. Mes vêtements plus légers, mon corps plus apparent, mes yeux plus clairs font le monde plus léger, plus apparent, plus clair. Une meilleure circulation.

 

II

Ce matin, à six heures, l’air est pâle, le soleil absolument blanc et plat. Un seul mur devant un immense horizon me donne l’idée de l’espace. Un seul mur dans lequel s’ouvre à peine une fenêtre comme une petite plante bleue cueillie dans l’eau et réconciliée avec le soleil.

 

III

Nous sommes en Juin, la fête est dans tout son éclat, la nudité première, gracile et satinée, entre dans ma chambre. L’été est simple, il faut se confier à l’été. Tout s’élance et s’envole et s’allume.

 

IV

Chaque matin, baignée, la fleur garde sa force. Une main d’arbre dans un gant d’herbe. Sa force et sa fraîcheur. Des grappes de rosée glaciale, toujours la même.

 

V

Chaque matin, baignée, la fleur ne pâlit pas. Et la feuille reste verte. La lumière paraît s’éprendre, s’inspirer de la verdure ardente, de la fleur odorante. Feuille ancienne, fleur nouvelle et fleur d’hier, espoir et rapide proie.

 

VI

La fleur, qui a été belle comme un enfant, est livrée au soleil comme le bois aux flammes. Il y a plus de rapports entre l’arbre et la fleur qu’entre l’os et la chair, qu’entre la rainette et la truite. Plus de rapports entre la fleur et la flamme qu’entre le couteau et la scie.

 

VII

Entre la beauté des enfants et le beau temps que je reçois chez moi, j’intercale une prière : « Bel été, ouvre l’œil sur moi. Jusqu’au soir. » Car, d’image en image, tout s’est écoulé. Le jour a déjà pris la mesure de la vie et l’accent monotone du soleil utile.

Hasards noirs des voyages

 

I

Parfaitement éveillée et très belle

A-t-elle le pain qu’il lui faut

Elle n’a que sa beauté

Cet éclat perché haut comme une étoile seule

Pourtant la terre est là

 

II

Pour voir la terre il faut voir

L’homme et ses enfants hors d’âge

 

Nul n’a de nom ni d’empire

 

III

Ô ma muette désolée

Le chasseur ivre prend ta place

Contemplons le souverain maître

Il s’engourdit

L’acier prolongeait sa prunelle

Pour lui maintenant le monde est couché

 

IV

Et sous les couvertures dures de la terre

La vie est pleine comme un œuf

D’un bouquet d’ombres colorées ombres formées et mûres

Et de jolis yeux purs riant à des langues tirées

 

V

Ô ma sœur mon bel aimant

Je te garde le soleil

Le bel espoir du soleil

Je te réchaufferai

Je te désaltérerai

 

VI

La clarté perce les murs

La clarté perce tes yeux

Tu vas voir et tu vivras

 

VII

Nos caresses d’or nos vagues lustrées

Nos corps confondus le temps transparent

Nous concevrons le bonheur

Dans le plus grand des miroirs.

RÊVES

Plaisirs du premier printemps

 

Plaisirs du premier printemps

Pierre propre de l’enfance

Caresse aux jointures fines

J’inventerai la sagesse

 

À peine éclairé je rêve.

 

La poursuite

 

Une poursuite à travers les salles obscures

D’un château rose ou bleu

Nuit brillante entre les colonnes

Nuit rayonnante entre les lampes d’or

 

Tout est permis la nuit

 

Serai-je celui qui tue

Ou celui qui est tué.

 

En dépit de l’âge

 

De loin en loin les nouvelles du passé

La bonne clé de la cage.

 

Le sort

 

Dès qu’il s’abandonnait au sommeil

Un voyou toujours le même

Dans une rue déserte

Appuyait un revolver sur son cœur

 

Et le temps s’arrêtait

 

Il ne s’y habitua jamais.

 

Compagnon

 

Comme une bête domestique

Dans la haute forêt

Une voix sans écho me hèle.

 

Diable-dindon

 

J’ai rabattu les ailes de l’amour

Tiré le drap sur un corps lourd de sang

Autour de moi je suis fort je suis nu

Je parle haut je vois clair et je flambe.

 

Retraite

 

Je sens l’espace s’abolir

Et le temps croître en tous sens.

LA TÊTE INERTE

Notre nuit
Meilleure que nos jours

 

Le jour revient le jour est maintenant partout

La terre s’ouvre et glisse et meurt et disparaît

Mais déjà les vivants ont accepté leur sort

Dans l’épaisseur de l’homme une étoile s’éteint

Et la femme soulève son enfant de plomb

 

Le palais de la mer se dresse dans l’azur

Aujourd’hui comme hier la lande aux cloches pâles

La main sans avenir l’oiseau de nul présage

Les robes les maisons bien fermées à l’amour

La route monotone sous les pieds des pauvres

 

Le soleil n’est pas loin et toi qui dors encore

Tu montes lentement menant ton dernier rêve

Vers l’assouvissement de l’espace et ton sein

Est semblable à la terre au grain qui germera

Très précise fontaine de nécessité

 

Nous reverrons ton soir nous reverrons ta nuit

Tout sera de nouveau teinté de nudité

La lumière perdra ses feuilles sur ton front

Tout sera recouvert de tes légers secrets

Et le sommeil vivra sans fin jusqu’au matin.

 

Médieuse

 

La rosée la pluie la vague la barque

La reine servante

Médieuse

 

La perle la terre

Perle refusée terre consentante

 

Le départ entre deux feux

Le voyage sans chemins

D’un oui à un autre oui

Le retour entre les mains

De la plus fine des reines

Que même le froid mûrit.

 

Ma fille

 

Ma fille la papillonne

Tu prends la forme de la coupe

Où tu bois

Où tu reflètes tes ailes.

 

L’oreille du taureau

 

L’oreille du taureau à la fenêtre

Et la lumière d’aujourd’hui le prisme de la force

Sur la paille du vaincu sur l’or du pauvre

 

Sur la table au niveau du vin dans la bouteille

L’œil qui saisit la bouche et l’embrasse

Et regarde il fait beau

 

Et regarde au sillon du laboureur sanglant

Le taureau le beau taureau lourd de désastres

 

Et regarde il fait beau

Sous le ciel de la bouche ouverte à l’amour

Un nuage lourd qui soutient le soleil

Le sang du laboureur le pain des noces

 

Le drapeau du taureau

Que le vent tend comme une épée.

 

L’horizon droit

 

Je porte un panier de mauvais réveil

Oubli du repos fenêtre sévère

La forme du corps la forme sans fard

Et les mains bornées les folles déchues

 

Je porte des mains à cueillir Décembre

Pour m’en rassasier je crie mon chagrin

À faire hurler avec moi les sourds

Et les prisonniers que le jour insulte

 

Matin sans désirs matin sans journée

Sous la bouche affreuse un feu s’est éteint

Il faudra passer les arches détruites

Du soleil d’hier qui niait l’espace

 

Salir d’un pas lourd les sons de l’azur

Ternir d’un regard les empreintes d’or

Et les blés du cœur couchés dans la boue

Gagner sur mon ombre au fond de l’ennui

 

Un autre matin aussi désolé.

 

Derniers instants

 

Bois meurtri bois perdu d’un voyage en hiver

Navire où la neige prend pied

Bois d’asile bois mort où sans espoir je rêve

De la mer aux miroirs crevés

 

Un grand moment d’eau froide a saisi les noyés

La foule de mon corps en souffre

Je m’affaiblis je me disperse

J’avoue ma vie j’avoue ma mort j’avoue autrui.

 

La main le cœur le lion l’oiseau

 

Main dominée par le cœur

Cœur dominé par le lion

Lion dominé par l’oiseau

 

L’oiseau qu’efface un nuage

Le lion que le désert grise

Le cœur que la mort habite

La main refermée en vain

 

Aucun secours tout m’échappe

Je vois ce qui disparaît

Je comprends que je n’ai rien

Et je m’imagine à peine

 

Entre les murs une absence

Puis l’exil dans les ténèbres

Les yeux purs la tête inerte.

FIN

Date de dernière mise à jour : 25/08/2023