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BIBLIOBUS Littérature française

Lingères légères (1945

  • LINGÈRES LÉGÈRES (1945)
  • SAINT-ALBAN
  • UN CORPS
  • AUBE
  • UN SEUL CORPS
  • LE BAISER
  • POUR L’EXEMPLE
  • ANNEAU DE PAIX
  • LE PAYSAGE NU
  • LE BIEN
  • UN RÊVE OÙ TOUT EST INVENTÉ.

 

 

SAINT-ALBAN

L’eau dans les prés de la montagne

Continue à nos pieds de chanter mollement

Il fait frais le soir tombe et nous réunissons

Nos yeux sur le chemin que nous savons par cœur

 

Nos jeunes amis nous attendent

Il fait bon vivre à la campagne

Nos feuilles vont regagner l’arbre

Notre herbe retrouver la nuit de sa croissance

 

Ce soir il y aura des rires quelques larmes

S’y mêleront l’amour baptisera la nuit

De noms nouveaux à la couleur de nos corps nus

Rose mettra son bonnet rouge

 

Blanche perdra son bonnet noir.

UN CORPS

De ce côté c’est l’été

La musique à la volière

La langue au palais d’oiseaux

La rivière à la sorcière

Dont le flot brûle entre mes mains

 

Est-elle brune

À la chair dure

Marquée de bleu

Très dure dorée de force

Une tulipe le soir

Des caresses de raisin

 

Est-elle blanche

Tendre rousse et orangée

Que la chaleur affaiblit

Herbe claire perle inerte

Toute une plage timide

Tombée d’un ciel de coton

 

Nul jeu ne nous divertit

Nos armes ont peu d’espace

C’est un bel été sans voiles

Le lourd devoir de l’été.

AUBE

Le soleil qui court sur le monde

J’en suis certain comme de toi

Le soleil met la terre au monde

 

Un sourire au-dessus des nuits

Sur le visage dépouillé

D’une dormeuse rêvant d’aube

 

Le grand mystère du plaisir

Cet étrange tournoi de brumes

Qui nous enlève ciel et terre

 

Mais qui nous laisse l’un à l’autre

Faits l’un pour l’autre à tout jamais

Ô toi que j’arrache à l’oubli

 

Ô toi que j’ai voulue heureuse.

UN SEUL CORPS

La chaleur a dénoué

La forêt nue

Il n’y a plus de forêt

Plus de voyages sur l’eau

Plus d’ombre légère aux reins

Le ciel nous est un fardeau

 

Notre corps est une proie

Vêtue de larmes mûries

Les doigts sont des clous sanglants

Les seins tournent sur eux-mêmes

La bouche n’a que des sœurs

 

Il n’y a plus de fenêtre à ouvrir

Il n’y a plus de paysage

D’air pur ni d’air impur

Nos yeux reviennent à leur source

Sous la chair nue de leur beauté natale.

LE BAISER

Toute tiède encore du linge annulé

Tu fermes les yeux et tu bouges

Comme bouge un chant qui naît

Vaguement mais de partout

 

Odorante et savoureuse

Tu dépasses sans te perdre

Les frontières de ton corps

 

Tu as enjambé le temps

Te voici femme nouvelle

Révélée à l’infini.

 

POUR L’EXEMPLE

N’est-ce pas depuis toujours

Que les jours sont sans amour

Chaque aurore impardonnable

Chaque caresse vilaine

Et chaque rire une injure

 

Je m’entends et tu m’entends

Hurler comme un chien perdu

Contre notre solitude

Notre amour a plus besoin

D’amour que l’herbe de pluie

 

Il faut qu’il soit un miroir.

ANNEAU DE PAIX

J’ai passé les portes du froid

Les portes de mon amertume

Pour venir embrasser tes lèvres

 

Ville réduite à notre chambre

Où l’absurde marée du mal

Laisse une écume rassurante

 

Anneau de paix je n’ai que toi

Tu me réapprends ce que c’est

Qu’un être humain quand je renonce

 

À savoir si j’ai des semblables.

LE PAYSAGE NU

Le paysage nu

Où je vivrai longtemps

A de tendres prairies

Où ta chaleur repose

 

Des sources où tes seins

Font miroiter le jour

Des chemins où ta bouche

Rit à une autre bouche

 

Des bois où les oiseaux

Entr’ouvrent tes paupières

Sous un ciel réfléchi

Par ton front sans nuages

 

Mon unique univers

Ma légère accordée

Au rythme de nature

Ta chair nue durera.

LE BIEN

Tu n’as jamais la même allure

Le plaisir est toujours nouveau

Le bien ne se pose jamais

N’a pas de nid n’a que des ailes

 

Claire ou sombre au ciel de mes songes

Tu ne sais rien de l’avenir

Tu l’incarnes il est présent

En toi qui ne finira pas.

UN RÊVE OÙ TOUT EST INVENTÉ.

à Luc Decaunes.

 

Dans la brume des statues se dessinent

Molles et dorées molles et charnelles

Elles prennent l’air

Étoiles fondues d’humaines étoiles

Dans le linge simple et blanc du matin

 

Des statues douces comme des fruits blets

Ayant conservé leur forme sacrée

Leur écœurement leur fièvre cachée

Leur souffle torride

Au mépris d’un arbre éteint par l’hiver

 

Boire est en l’honneur

D’un jour envahi dès la première heure

Velours des statues mouillé de vin doux

Les faveurs nouées des bras et des cous

Sont à la santé d’une aile immobile

 

Corps délibéré rêves satisfaits

Immense repos vaste nudité

D’une chair hostile à la chair des bêtes

Sans frissons sans rien que l’angle majeur

Du règne établi

 

Ce qu’il faut voir à travers ce dédale

Du temps non vécu

C’est l’œil de l’herbe et quelques doigts de terre

Pour justifier le plomb de l’azur vert

Le pur fardeau d’un geste vers les astres.

FIN

Date de dernière mise à jour : 25/08/2023