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BIBLIOBUS Littérature française

Notes de voyage



À Monsieur Bourdin, rédacteur en chef du Figaro.


Tu te rappelles, mon cher ami, que le 22 juillet au soir, et au moment où je m'y attendais le moins, m'ayant rencontré sur le boulevard, tu m'as prié de prendre ta place parmi la députation des journalistes et chroniqueurs parisiens, invités par la Compagnie du chemin de fer du Nord à assister aux courses annuelles de Boulogne. Outre que j'ai toujours été partisan de l'imprévu, le nom de mes futurs compagnons de voyage m'a décidé à accepter ta proposition, et une demi-heure après t'avoir quitté, je me présentai à la portière du wagon-salon réservé à l'émigration littéraire.
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Chacun commençait à s'installer suivant ses habitudes de voyage; mais tous ces petits arrangements, où se révélaient naïvement l'instinct d'égoïsme du voyageur amoureux de ses aises, furent bientôt troublés par l'arrivée du retardataire et gigantesque Nadar.—Comme chacun le sait, Nadar est pourvu d'un appareil de locomotion qui lui permet de régler sa démarche sur le pas des Dieux. Aussi, en le voyant paraître, chacun se demande avec inquiétude où Nadar pourra mettre ses jambes.—En effet, ces deux colossales perpendiculaires importunent et bouleversent toutes les combinaisons d'angles et d'horizontalité. Pendant une demi-heure, on s'exerce inutilement à une sorte de jeu de patience, dont les membres des voyageurs sont les pièces.—On fait appel à la science.—Un prix de vingts-cinq cigares est offert à celui qui résoudra le difficile problème d'installer Nadar.—Les calculs scientifiques n'ayant pas abouti,—Nadar trouve un biais,—trois ou quatre de ses amis resteront debout dans le wagon;—de celle manière il pourra s'allonger à son aise.—La proposition est repoussée par ces messieurs, qui accusent Nadar d'abuser des droits que donne l'amitié.
Nadar répond par cet axiome:
—En wagon, il n'y a pas d'amis, il n'y a que des coins.
Au moment de partir, un riche étranger, qui a entendu dire que notre wagon était habité par des journalistes parisiens, propose cinq mille francs pour faire le voyage dans notre société.—L'administration refuse. On se met en route. À la station de Breteuil, le convoi s'arrête, et nous sommes régalés d'une aubade d'un joueur d'orgue du pays, qui a déjà doté deux de ses filles avec ses recettes quotidiennes. Favorisé par l'administration, qui lui accorde ses entrées sur la voie au passage de tous les trains, cet instrumentiste est, dit-on, au mieux avec les employés supérieurs de la compagnie.—Dans ses fréquents voyages, M. de Rothschild ne manque jamais à s'arrêter à Breteuil, et gratifie du prix de la place qu'il occupe la sérénade nasillarde qui lui est donnée à son passage.
Entre Breteuil et Amiens,—on essaye de dormir,—mais il n'y a pas moyen.
Amiens. Vingt minutes d'arrêt.—La population altérée du wagon se précipite vers le buffet,—et y produit l'effet d'une éponge qui tomberait dans une fontaine.—Quelques pâtés de canards succèdent aux rafraîchissements.—On demande la carte,—et l'on apprend qu'elle a été payée cinq mille francs par le riche étranger du débarcadère, qui a voulu, à l'instar de François Ier, être une fois dans sa vie le restaurateur des lettres.
La cloche du départ se fait entendre: on remonte en voiture,—et, à la liberté d'espace dont chacun jouit, on s'aperçoit qu'il manque—quelqu'un et quelque chose.—Ce quelqu'un et ce quelque chose,—c'est Nadar et ses jambes.—Tout le wagon entonne à l'unanimité, sur une musique vague, un hymne à l'indépendance, qui commence, comme tous les hymnes de ce genre, par ces paroles:

«Libres du joug qui nous oppresse.»
Cet enthousiasme est troublé par un double cri d'épouvante échappé à un des voyageurs, qui, en se penchant à la portière, vient d'apercevoir Nadar marchant sur la voie et suivant le train, au petit pas, en fumant son cigare.—Au premier arrêt,—il se fait ouvrir la portière, et se réallonge de nouveau d'un pôle à l'autre du wagon; le désordre se rétablit.
Abbeville.—Lever du soleil,—salué par un chœur formidable de deux millions de canards qui barbottent dans les marais de la route.—S..... fait observer judicieusement que la présence de ces oiseaux n'est peut-être pas étrangère à l'industrie des pâtés, qui est une richesse de la contrée.—On ne lui dit pas le contraire.—L'heure de la justice semble à la fin venue.—Nadar vient d'épuiser sa provision de cigares, et se livre à l'emprunt;—on lui refuse:—il propose comme transaction de rester debout pendant tout le temps qu'il fumera.—Douze porte-cigares lui sont tendus.—Nadar se lève, tout le monde peut s'asseoir.
Entre Abbeville et Boulogne, dont nous sommes encore éloignés d'une vingtaine de lieues, quelqu'un propose de charmer les dernières heures du voyage par un jeu quelconque. Ce vœu n'est pas plus tôt exprimé, qu'un sixain de cartes se trouve comme par miracle éparpillé sur la table.—La partie s'engage avec une fureur douce.—Nadar a la veine: dans un moment, il a cinq mille francs devant lui;—le ponte est intimidé;—*** se consulte et ne tient pas le coup, dans la crainte d'un refait. Tout à coup une voix qui sort du wagon voisin, et qu'on reconnaît pour celle du riche étranger, crie: Banco!—Nadar abat deux as de pique;—*** se félicite de sa prudence,—et le riche étranger, auquel on a notifié sa perte, envoie à Nadar, par un employé du train, une enveloppe chargée sur laquelle il a écrit: Enchanté d'avoir fait votre connaissance. Tel est le dernier épisode de notre voyage.
Quant aux courses où j'ai assisté, je t'avouerai que c'est un plaisir auquel je ne crois pas devoir être parfaitement initié.—S....., qui est passé maître en matière de sport, s'est donné beaucoup de mal pour m'en expliquer tous les termes et tous les usages. J'ai eu beau me mettre une carte au chapeau, je n'ai rien compris aux cérémonies du pesage, ni au jargon de ces petits gnomes, habillés en glaces panachées, qu'on appelle des jockeys, et qui n'ont d'autre industrie que d'être plus légers qu'une douzaine de bouchons. Un attelage de dix percherons traînant un bloc de dix à vingt mille kilogrammes, et faisant saillir leur robuste musculature sous l'effort, me paraît un spectacle plus intéressant que le plus merveilleux handicap. À l'issue du banquet qui nous a été offert à l'hôtel des Bains,—Et qui a clos cette journée hospitalière,—Nadar m'a appris qu'il partait pour Londres le soir même, et qu'il m'attachait à sa suite.—À toi donc, je t'écrirai de l'autre côté de la Manche.
II
Comme je te l'ai dit, mon cher ami, il est décidé que Nadar et moi nous partons pour Londres à la marée de deux heures. Étant très-fatigués de la journée de plaisir que nous avons passée à Boulogne, nous nous sommes rendus à minuit à bord de la Panthère pour y choisir nos places. T'étonnerai-je beaucoup en te disant que Nadar cherche la meilleure?—Non!—Malheureusement il a été prévenu. Presque tous les voyageurs sont déjà embarqués et ont retenu les cadres les mieux disposés.—Je dois pour ma part me contenter d'une case inférieure, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant lorsqu'on ignore les habitudes maritimes du passager qui vous servira de plafond.—Pendant que je m'installai dans le salon demi-réfectoire, demi-dortoir, du chief-cabin, plusieurs Anglais entourent la table à manger et s'y font servir les productions les plus variées de la race porcine. Un volumineux gentleman, qui semble moulé sur la corpulente nature de sir John Falstaff, se sistingue surtout parmi les convives par son appétit pantagruélique. Après avoir épuisé un fort tirage de sandwichs au jambon, cet insulaire, à la fois carnivore et frugivore, demande un melon, qu'il pèse et mange en deux bouchées comme il eût fait d'un abricot.—Je plaignais instinctivement le voyageur qui aurait la mauvaise chance de se trouver au-dessous de lui, lorsque je vis l'insulaire appeler deux garçons et se faire hisser dans le cadre au-dessus du mien.
Mon superposé a-t-il le melon heureux? J'en doute, car voici le garçon qui commence la distribution des soucoupes sans tasses, et le locataire de l'entresol en réclame deux. Je commence à mal augurer de mon voisinage, et je propose diplomatiquement à Nadar de lui faire le sacrifice de mon rez-de-chaussée. Il refuse! Parmi les passagers, il s'en trouve qui font la traversée pour la première fois. Ils s'interrogent les uns les autres sur les précautions éprendre. Chacun dit la sienne.
Celui-ci raconte qu'ayant l'habitude d'aller sur les chevaux de bois des Champs-Élysées, il ne sera pas incommodé.
Celui-là a une provision de pastilles préservatrices.
Un autre affirme qu'il faut fermer les yeux. Un autre qu'il faut au contraire les ouvrir et les tenir fixés sur le même point.
Au même instant un grand mouvement se fait entendre sur le pont. La cloche sonne pour les retardataires. Une vibration lente et régulière ébranle toutes les parties du paquebot. Les palettes des roues se mettent en mouvement; le capitaine crie: All right. Nous sommes en route.
Tout va bien tant que nous sommes dans le port. Mais au moment où nous franchissons la passe, quelques personnes commencent à se moucher, ce qui en mer comme au théâtre est un signe d'émotion. Un petit bonhomme de huit ans auquel un garçon vient d'apporter un ustensile de prévoyance demande à son père à quoi peut servir ce récipient.
Son père le lui explique par une démonstration.
Deux passagers qui se racontaient des histoires curieuses, afin de se distraire,—manquent mutuellement de mémoire.—Peu à peu leur récit devient pâle;—eux aussi.
—Mon voisin de droite demande du thé.
Mon voisin de gauche se mouche—trop tard.
Nous prenons le large, et la Panthère, se croyant à Mabille, commence à chalouper.—Aussi l'usage de la porcelaine se répand-il assez généralement dans les masses.—Mon voisin d'en haut, qui s'était endormi, se réveille au moment où il rêvait qu'il venait de prendre une purgation.—Il demande à être monté sur le pont.
Sauvé, mon Dieu!
*
* *
Au jour naissant, nous commençons à voir la côte anglaise surgir à l'horizon, comme une ligne blanche et mince. Une heure après, nous sommes à l'embouchure de la Tamise.
La Panthère, en entrant dans des eaux plus calmes, reprend des allures pacifiques qui permettent aux passagers de réparer par le sommeil les fatigues de la nuit. Mais déjà on les invite à montre sur le pont, car c'est l'heure où, suivant les habitudes du bord, le dortoir masculin se transforme en salle à manger. Nadar, qui n'a pas encore faim et qui a encore sommeil, demande un délai et se l'accorde. Le bruit de la machine le gênant un peu pour se rendormir, il fait même prier le mécanicien de stopper. Malheureusement, le bruit de la mécanique empêche également le mécanicien d'entendre les ordres de Nadar, et le steamer continue sa route.—Cependant un flot de ladies et de miss affamées, dont le sybaritisme prolongé de Nadar retarde la réfection, se presse à la porte du chief-cabin, et hésitent à entrer en apprenant qu'un voyageur s'y trouve encore couché; une humble adresse est présentée à Nadar.—En apprenant qu'il fait attendre des dames,—il se lève spontanément, mû par le ressort national de la galanterie française.
En une seconde, l'essaim affamé entoure la table, qui ploie déjà sous une montagne de nourriture et qu'arrosé un fleuve de thé. En une autre seconde, la montagne est aplanie et le fleuve est tari. Ce spectacle m'a rappelé les beaux travaux gastronomiques que j'ai vu quelquefois exécuter par M. Ch. Monselet. Les hommes succèdent aux femmes et ne le leur cèdent en rien. Je retrouve parmi eux le formidable insulaire dont le voisinage m'avait tant alarmé.—Son insuccès ne l'a pas fait renoncer à entreprendre une lutte nouvelle avec son indigeste adversaire; et, obstiné comme un plaideur qui a perdu son procès en instance,—il en appelle,—en se faisant servir un melon deux fois plus gros que celui de la veille.—Bien qu'il ait eu la précaution de tempérer, par une copieuse libation de sherrey, la dangereuse crudité du fruit de nos vergers, cette fois encore, la récidive ne lui est pas heureuse et son appel est rejeté.
Cependant nous avions fait du chemin.—Déjà l'embouchure de la Tamise est franchie, et la Panthère file comme une flèche entre les rives du large fleuve sillonné de nombreux bateaux pêcheurs qui rentrent dans les petits ports du voisinage.
Le père du petit garçon dont j'ai déjà parlé, jaloux de faire briller les talents géographiques de son fils, l'arme d'une longue vue, et l'invite à désigner, au fur et à mesure que nous passerons devant, toutes les villes, ports, bourgs, villages et hameaux, ainsi qu'à faire connaître le chiffre exact de leur population, leur production spéciale et les faits historiques se rattachant à chacun d'eux. L'enfant, qui est en vacances, et pour qui cette fonction de cicérone équivaut à une rentrée en classe, montre d'abord peu de soumission aux désirs paternels, et commence, la mémoire un peu troublée, une explication qui n'est pas d'accord avec Malte-Brun. Quelques voyageurs, possédant des Guides, se permettent de relever quelques erreurs commises par le jeune collégien, entre autres celle qui place Dublin sur la Tamise.—Blessé dans son amour-propre, le père soutient l'opinion de son fils,—et celui-ci profite de la discussion pour aller se cacher derrière un panier de prunes, auquel il a remarqué une fuite qu'il n'hésite pas à encourager.
L'approche de Londres se fait sentir à chaque tour de roue. Nous en sommes encore éloignés de plusieurs lieues, et déjà la vapeur carbonique qui s'élève plane au-dessus de nous, et nous couvre de cette impalpable poussière qu'on appelle la pluie sèche. Il fait, au reste, un temps magnifique, et, comme il y a sans doute quelque fête aux environs, nous nous croisons à tout moment avec des bateaux à vapeur chargés d'une population endimanchée et joyeuse qui pousse en passant de vigoureux hurrahs. À la hauteur de Gravesend, le gouvernement anglais nous envoie à bord des ambassadeurs chargés de l'indiscrète mission de visiter nos bagages. Il faut déclarer, à la louange de la douane britannique, qu'elle ne ressemble pas à la nôtre. Le douanier français, à la frontière surtout, procède à la visite des malles avec la brutale impatience d'un mari jaloux qui fouille dans les tiroirs de sa femme pour y chercher les objets de contrebande conjugale.—L'employé de la douane anglaise, au contraire, visite, mais ne bouleverse pas.—Sa curiosité est minutieuse, mais polie.—Il aide les voyageurs à refermer leur malle, à reboucler leur valise, et s'il aperçoit dans un sac de nuit une chemise à laquelle il manque des boutons,—il s'offre volontiers de les recoudre.
Pendant la visite de la douane, nous sommes arrivés à Greenwich, où se trouve le célèbre hôpital des invalides de la marine, et déjà commence à se dérouler le merveilleux spectacle qui a fait tant de fois comparer la Tamise à une forêt de mâts. J'aurais là une belle occasion de me livrer au dithyrambe, si c'était mon instrument. Mais tu ne m'as pas donné, mon cher ami, la mission de découvrir que l'Angleterre était la première nation maritime du globe. Je passe la main à un maître du genre descriptif intelligent. Si tu as quelques minutes à perdre ou plutôt à gagner, ouvre les Caprices et Zig-Zags de Théophile Gautier, et tu y trouveras le tableau fidèle de la route de Greenwich à Londres, qui nous apparaît au premier détour de la rivière; il est certaines formules vulgaires qui, mieux que toutes les recherches du langage académique, excellent à exprimer certaines impressions.
«J'ai reçu le coup de poing,» me disait un jour en se frappant la poitrine un ouvrier dont l'imagination venait d'être vivement frappée par un grand spectacle.—Cette figure brutale rend parfaitement la nature de l'étonnement que m'a causé la vue de cette ville, où le gigantesque paraît se multiplier lui-même. Moi aussi,—j'avais reçu le coup de poing.—Pendant qu'on jette les amarres, je cherche Nadar pour lui faire partager mon enthousiasme, et je le trouve à l'avant du bateau en conversation réglée avec une de ses connaissances, qu'il vient de voir passer à London-Bridge, auprès duquel nous sommes arrêtés.—Le débarquement s'opère, et nous voici sur le quai, où les pisteurs des hôtels français commencent à nous assaillir.—Leur loquacité et leur esprit de ruse restent pourtant bien loin de ce que j'ai vu à la descente du chemin de fer dans certaine ville du midi de la France.
À Marseille, notamment, où un aubergiste, furieux de me voir suivre son concurrent, lui vida sur l'épaule un cornet rempli de punaises, qu'il me montra ensuite comme un échantillon de l'hospitalité que je rencontrerais à l'hôtel rival,—j'eus la bonhomie de me laisser prendre à cette supercherie, qui obtint le succès que son auteur en avait espéré, car il m'emmena triomphalement à son hôtellerie en me vantant la propreté qui y régnait.
J'étais cependant à peine à table, que je vis grouiller sur la nappe deux ou trois insectes nocturnes, que je montrai à mon hôte, en lui reprochant son abus de confiance.
—Monsieur, me répondit-il gravement, je ne puis nier qu'il y en ait quelques-unes ici, comme partout; mais si je leur tolère la salle à manger, je leur interdis la chambre à coucher. Monsieur peut être tranquille; il dormira bien.
Nadar a jeté nos bagages dans un cab, et remet au cocher l'adresse d'un hôtel qui nous a été indiqué.
Cette première course à travers les rues de Londres est quelque chose d'assez inquiétant, quand on en a peu l'habitude, car le cab est un véhicule enragé, auprès desquels nos coupés parisiens ne sont que des coches.
Nous arrivons dans Leceister-square, où nous devons habiter, et, après quelques instants accordés à notre toilette,—nous nous lançons à pied dans les rues de Londres.
—À propos, me demanda Nadar, sais-tu un peu d'anglais?
—Je sais: To be or not to be.
—Eh bien! je suis plus riche que toi; j'en sais une quinzaine de mots.—Nous les partagerons en frères.
III
Un journaliste français rencontrant à Londres un de ses compatriotes qui habite cette ville depuis longtemps, s'étonnait que celui-ci éprouvât encore de la difficulté à se faire comprendre.
—Si tu savais comme ces gens-là ont la tête dure, lui répondit l'ami; voilà six ans que je vis avec eux et ils n'ont pas pu apprendre le français.
Je regrette d'autant plus vivement cette lacune dans l'éducation de nos voisins d'outre-Manche, que Nadar m'a appris un anglais de fantaisie qui n'a pas cours à Londres: aussi je me trouve aussi embarrassé dans ce pays que pourrait l'être dans le nôtre un étranger qui aurait appris le français en lisant les faits divers de la Patrie.
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Je viens de rencontrer Lherminier, qui m'a conseillé d'acheter un dictionnaire de conversation franco-anglaise.—C'est un recueil de dialogues par demandes et par réponses, dans lequel, dit la préface, toutes les circonstances de la vie sont prévues, depuis les plus solennelles jusqu'aux plus familières.—Je remarque, en effet, des chapitres intitulés:—Réception à la cour,—Audience du ministre,—Demande en mariage. Malheureusement, le dictionnaire de conversation ressemble à ces instruments à vent dont il est impossible déjouer si on ne possède pas ça que les musiciens appellent l'embouchure. Or, l'embouchure d'une langue, c'est sa prononciation.—Et comme je n'ai pas l'embouchure de l'anglais,—la pantomime est encore ma meilleure ressource pour me faire comprendre.
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Si le Dictionnaire de conversation a prévu les cas exceptionnels d'une réception royale, ou d'une audience ministérielle, soit dédain, soit oubli volontaire, il se montre moins prévoyant à propos des circonstances familières, et il en résulte quelquefois un certain embarras pour le voyageur. Aujourd'hui même me trouvant dans un des beaux quartiers de Londres, je désirais, pour dès motifs étrangers à la misanthropie d'Alceste, rencontrer un endroit écarté.—Ne connaissant pas les ressources du quartier dans lequel je me trouvais, j'abordai un policeman avec l'intention de l'interroger. Mais ce fut inutilement que je cherchai la phrase dans mon dictionnaire. Sa pruderie restait muette sur cet article! Dans cette circonstance éminemment familière, la pantomime me parut un moyen de traduction trop expressif pour que j'osasse en faire usage avec le policeman qui, d'ailleurs, me parut manquer d'initiative.
Cependant, comme il y avait urgence, j'allai peut-être me risquer à braver le no comit nuisance, prohibitif inscrit sur la muraille, lorsque je fus soudainement retenu par un souvenir.—Quelques jours auparavant, j'avais vu à Paris un Anglais surpris par un sergent de ville au moment où il semblait lire de trop près les affiches de spectacle. Ignorant sans doute combien nos lois sont paternelles pour ces petits délits qui sont dans la nature, le délinquant parut frappé d'une invincible terreur, et je n'oublierai jamais l'accent avec lequel il demanda au sergent de ville «quel siouplice lui était réservé?» Il ne fallut pas moins que le rappel de ce fait pour m'arrêter sur le bord d'une contravention dont les suites pouvaient être dangereuses. Heureusement que je rencontrai un compatriote qui m'emmena à Westminster, où se trouve un office spécial.
Si l'on en croit les statisticiens et la foule qui encombre incessamment tous les lieux publics où l'on débite de la boisson, la population de Londres est une éponge qui absorbe quotidiennement une quantité de liquide suffisante pour mettre à flot le Great-Britain, navire du port de dix mille billards.—Cependant il s'en faut que les conséquences naturelles de cette absorbtion prodigieuse aient été prévues dans une juste mesure. On pourrait croire, au contraire qu'il y a à Londres un parti pris de provoquer à la contravention, et que le no comit nuisance est un piège tendu par le fisc.—On est quelquefois obligé de marcher pendant une heure avant de rencontrer un endroit où l'on puisse, à l'abri de la pruderie britannique, se livrer tranquillement à l'antithèse de la soif.—Encore ces refuges hospitaliers qui avoisinent les monuments sont tellement encombrés, que, pour être sûr d'y trouver une place, ce n'est pas imprudent de la prendre la veille en location. Si M. de Rambuteau eût été lord-maire, il est certain que cet état de chose l'eût frappé, et sans doute il aurait pensé à utiliser au profit de la population de Londres les nombreuses colonnes monumentales qui font ressembler cette ville à un immense jeu de quilles dont le dôme de Saint-Paul est la boule.
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J'ai vu tant de fois les monuments de Londres servir de décors au mélodrame, et j'éprouve si peu la nostalgie de l'Ambigu, de la Gaîté et de la Porte-Saint-Martin, que j'avais d'abord conçu le projet de ne point visiter les curiosités historiques de la ville. Mais, profitant de la circonstance qui m'avait attiré vers Westminster, j'ai réfléchi que je manquerais à tous mes devoirs de touriste si je n'entrais pas dans le vieil édifice où repose, parmi tant d'illustres personnages, le corps de l'immortel auteur de Richard III.
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En sortant de Westminster, mon compatriote, familier avec les curiosités de Londres, m'a amené dans le quartier des mouchoirs volés. Figure-toi la Cité des Mystères de Paris restituée par un architecte ami du sombre et de la malpropreté. Le nom de ce quartier indique suffisamment l'industrie qu'on y exerce, et que les habitants ne songent même pas à dissimuler, car j'ai vu des enseignes où on lisait : À LA RENOMMÉE DU POINT D'ANGLETERRE ; un tel, receleur : Tient tout ce qui concerne son état.
Ce commerçant, recelait même un caisson aux armes royales, avec le By appointement traditionnel, ce qui pourrait faire supposer qu'il était autorisé par le gouvernement. La maison la mieux fournie et la plus en vogue est l'ancienne maison Sheppard, traduite plusieurs fois devant les assises, et tout récemment par M. André de Goy. Au moment où je passais devant ses magasins, on opérait le déballage d'objets provenant de l'exposition de Manchester.
De nombreux commis s'occupaient à préparer la mise en vente. Les uns effaçaient les initiales gravées sur les bijoux, les autres tondaient les chiens volés dans les parcs, pour en métamorphoser la race. J'ai vu devant mes yeux un superbe épagneul écossais, dont un ciseau ingénieux a fait en moins de cinq minutes, un pointer. Des femmes étaient particulièrement employées à démarquer les pièces de linge.—Et jamais vaudevilliste ayant besoin d'une idée ne fut plus habile à démarquer le sujet d'un livre et à faire un torchon avec de la dentelle.
La vocation des Sheppard est tellement éternisée, qu'un jeune baby de quelques mois, qui était au sein de sa nourrice, a interrompu son repas pour venir me prendre mon mouchoir dans ma poche. Je dois au reste déclarer qu'on me proposa immédiatement d'entrer dans l'arrière-boutique,—où on me le rendrait,—moyennant dix pences.
C'est dans ce quartier que s'élève le Conservatoire des voleurs.—Là, du matin au soir, une multitude de jeunes gens,—l'espoir de Newgate, se livrent à l'étude préparatoire de la distraction.—Les cours sont faits par d'habiles praticiens.—Il y a une chaire de mouchoir, une chaire de montre, une chaire de bourse.—Les expériences se font sur un mannequin à ressort,—Ce qui rend les études quelquefois très-dures,—c'est que le mannequin qui représente toujours un gentleman—est armé d'une canne, et au moindre faux mouvement de l'opérateur—le gentleman lève sa canne et la laisse retomber.—Un professeur d'ivresse simulée est attaché à l'établissement.—Il enseigne aux élèves—l'art du zigzag ingénieux—que le pick-pocket emploie dans les rues pour heurter les passants et les dévaliser.—Des professeurs de boxe et de gymnastique perfectionnent les aptitudes des élèves en leur apprenant l'art de ne pas se laisser prendre—ou pendre.—Le Conservatoire des voleurs de Londres est un des établissements les mieux tenus de l'Europe. Il y a chaque année un concours,—où assistent les directeurs de bandes qui ont besoin de renouveler leur troupe.
Le dernier concours a mis en relief des sujets merveilleux qui pourront, avant peu, être appréciés par le public. On parle surtout d'un jeune homme qui peut voler une montre en dix-sept langues. Bien que ce concours ait été très animé, il était attristé par le jugement prononcé récemment contre le directeur du Conservatoire, arrêté dans le Strand au moment où il démontrait un coup difficile.—Il devrait être pendu le soir même.—C'est une perte.
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Au voleur!—mon cher Bourdin,—le compatriote qui me pilotait est un faux compatriote. C'est un ancien lauréat du Conservatoire qui travaille les étrangers. Je lui avais inspiré quelque confiance, sans doute,—et, sans que je m'en sois aperçu, il a opéré dans mes poches un travail pneumatique qui a parfaitement réussi. Je n'ai pas même de quoi acheter un carnet pour recueillir mes observations. Adresse-moi, au plus vite, une lettre—chargée,—très chargée,—et surtout aie le soin d'écrire mon nom en gros caractères, car la poste française a l'ingénieuse habitude d'apposer son timbre sur cette partie principale de l'adresse.
Chargée! très chargée!
IV
Te rappelles-tu, mon cher ami, de cette époque déjà lointaine où nous n'aurions pas pu, comme aujourd'hui, concourir au prix de cent mille francs, fondé par M. Lob, le Véron de la chimie capillaire.—Possédant déjà quelque teinture d'orthographe, nous collaborions avec une audacieuse activité à une feuille, où, par exception, notre prose était payée à raison de huit francs l'arpent,—ce qui mettait nos lignes au prix des poires d'Angleterre.—Le fondateur de ce journal, où, par prudence, on ne lisait jamais: La suite à demain, disparut un jour en nous devant plusieurs hectares de copie.—Nous commençâmes d'abord par nous arracher les cheveux,—distraction qui ne nous est plus permise,—puis nous prîmes en collaboration le parti de passer cette banqueroute aux profits et pertes.
Cependant, trois mois après,—un samedi,—le dernier du carnaval, et comme nous regrettions avec mélancolie de ne pas pouvoir le graisser, on nous apporta une lettre dans laquelle nous étions convoqués, comme créancier du journal, à venir toucher 75% de notre créance.—Ah! conviens-en! jamais rentrée, même celle de Bouffé, ne fut plus heureuse.—Je t'ai rappelé cet épisode de notre jeunesse pour te faire comprendre la nature de l'émotion que j'ai éprouvée hier en recevant ta lettre chargée,—pas assez cependant, pour que je n'aie point pu l'emporter moi-même.—Il était temps,—je commençais à devenir aussi gêneur pour les employés de la poste anglaise que peut l'être un débutant littéraire qui veut faire passer son premier feuilleton,—et tu sais si ça tient, ces bêtes-là!

Mais puisque je retrouve un ami si fidèle,
Ma fortune va prendre une face nouvelle.
J'ai cependant vu le moment où j'allais me trouver fort embarrassé pour faire traduire en argent anglais le souvenir de la patrie contenu dans ta lettre, non pas que les traducteurs manquent ici;—ils y sont même fort nombreux.—Mais c'était un samedi, et ce jour-là, dès quatre heures de l'après-midi, non-seulement tous les comptoirs de change, mais encore tous les magasins sont fermés.—J'allai chez un garçon de ma connaissance, qui tient dans le Strand le dépôt d'une grande maison parisienne, et je le priai de me donner la monnaie de mon billet.—Il m'ouvrit sa caisse,—un monument qui paraissant destiné à loger le Pérou, et qui cependant ne contenait qu'une somme contre laquelle le dernier mendiant de Londres n'aurait pas voulu troquer sa journée.—Si vous étiez venu cinq minutes plus tôt, me dit mon ami, j'avais dix mille francs en or. Mais je viens de les envoyer à la Banque. Il m'apprit alors que c'était une mesure de précaution adoptée par tous les commerçants de Londres.—À la fin de la journée, chacun d'eux, dans la crainte d'être volé, ne conserve chez lui que la somme indispensable à ses besoins, et envoie sa recette du jour passer la nuit à la banque de son quartier, d'où il la retire chaque matin.
Frappé d'une non-valeur momentanée, mon billet de banque me devenait aussi inutile qu'un billet de l'Ambigu pourrait l'être à Londres—et même à Paris. Ce qui m'inquiétait surtout, c'est que j'étais à la veille d'un de ces dimanches anglais durant lesquels le tour du cadran semble plus long à faire que le tour du monde. Je fus heureusement sorti d'embarras par l'obligeance du docteur Verdé-Delisle, qui vient de mettre tout le monde médical en émoi, par la publication d'un livre contre la vaccine, à laquelle il attribue l'abâtardissement de la race moderne en Europe. Ce qu'il y a de singulier, c'est que le Docteur Delisle, qui est un révolutionnaire par conviction, est, avec Fonta, un des plus beaux grêlés de France.
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* *
Aujourd'hui dimanche,—fidèle à ses traditions d'ennui dominical,—la ville s'est réveillée au milieu d'un brouillard mieux imité qu'au théâtre de la Porte-Saint-Martin.—C'est une sorte de brume opaque, où les bruits de la rue s'absorbent;—on sent, en marchant dans les rues, palpiter dans l'air, autour de soi, les grandes ailes de hibou du spleen britannique.—À aucun prix on ne pourrait, avant une heure de l'après-midi, se faire ouvrir une boutique, pas même celle d'un armurier, si l'on avait l'envie bien naturelle de se brûler la cervelle, ne fût-ce que pour faire un peu de bruit au milieu de ce silence. Toute la population de Londres émigre dans les environs; aussi, après les offices, tous les pauvres abandonnent-ils les églises pour se réunir aux stations de chemins de fer ou de bateaux vapeur.—Gavarni nous a initiés à ces types de gueuserie, où toutes les races soumises à la domination anglaise ont leurs représentants, depuis l'Irlandais, fils de la famine, jusqu'à l'Indien, fils du soleil.
Nous avons été passer la journée à la campagne, qui est bien telle qu'on la représente dans les gravures de steeple-chase.—J'ai vu Richemond, où lord Ward avait, quelques jours auparavant, donné en l'honneur des beaux yeux d'une cantatrice,—qui sera bientôt une lady,—un magnifique banquet, auquel assistait toute la troupe du Théâtre-Italien.—Après Richemond, nous avons visité Hampton-Court, dont le parc est une merveille. La célèbre galerie de Hampton-Court est actuellement dénudée par les emprunts de l'exposition de Manchester. C'est là qu'on voit la plus belle collection des Holbein connus,—et plusieurs cartons de Raphaël, parmi lesquels celui de la Pêche miraculeuse et de la Transfiguration.
De Hampton-Court à Windsor, la route est charmante, mais elle est accidentée de nombreuses barrières, où un impôt qui varie de six pences à un demi-shelling est prélevé sur tous les équipages. Un paysagiste en quête de pittoresque ne ferait pas fortune dans cette campagne unie et joliette.—Ma grande préoccupation était de voir des chaumières et des paysans, mais les chaumières sont des maisons de campagne bâties sur un modèle uniforme; quant aux paysans, ils sont tous en habit noir, et ils mettent des cravates blanches jusqu'à leur charrue. En approchant de Windsor, le pays s'accidente un peu. On sait qu'il y a lutte, comme beauté de points de vue, entre la terrasse de Windsor et celle de Saint-Germain. L'opinion des touristes est partagée, mais je vote pour Saint-Germain, où il y a le pavillon Henri IV, dans lequel on dîne, tandis que Castle-Hotel est une gargote solennelle que le duc de Wellington et la duchesse de Kent n'auraient certainement point recommandée par une patente autographe, s'ils y avaient mangé un certain potage à la queue de bœuf que la beauté du paysage ne m'a pas fait digérer.
À la station de Windsor, nous nous sommes rencontrés avec des gardes de la reine, qui se sont mis à regarder Nadar avec la considération que les phénomènes se doivent entre eux. Tu sais que ces soldats sont les plus beaux hommes de l'Angleterre. L'un d'eux, qui était sergent, s'est approché de notre monumental ami pour se mesurer avec lui.—L'avantage de la taille est resté à Nadar, mais il a failli le payer cher. Le sergent, qui était recruteur, lui a tendu une demi-couronne à l'effigie de la reine d'Angleterre, et Nadar, croyant qu'il lui en demandait la monnaie, allait prendre la pièce, lorsque le docteur Delisle l'arrêta soudain, et lui expliqua que, en Angleterre, dès qu'on avait accepté d'un recruteur une pièce de monnaie à l'effigie du souverain régnant, on faisait partie de l'armée anglaise.
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J'ai été hier passer la soirée à la fameuse taverne de Nicholson's, où a lieu, comme tu le sais, la parodie de tous les procès curieux jugés par les tribunaux anglais. C'est une sorte de cour d'appel comique où l'opinion casse quelquefois les arrêts rendus par les magistrats; anomalie assez étrange à constater dans un pays où le respect de la loi est souvent poussé jusqu'à l'exagération. On donnait ce soir-là, à la demande du public, la représentation d'une affaire de conversation criminelle, qui avait récemment jeté quelque émoi dans la cité.—Un mécanicien, possédant, comme le dit Quinola, plutôt l'amour de la mécanique que la mécanique de l'amour, s'était, après un an de mariage, séparé amiablement de sa femme.—Les deux époux vivaient sous le même toit, mais ne partageaient point la même chambre, et n'avaient de rapport entre eux que pour regretter l'association légale de leurs incomptabilités.—En attendant que la loi sur le divorce lui eût rendu le libre exercice de ses sympathies, la femme encourageait les soins d'un jeune locataire de sa maison, et plusieurs fois l'avait reçu dans son appartement particulier à une heure où le soleil était couché et endormi depuis longtemps. Ces entrevues n'étaient pas sans péril, car elles avaient lieu dans une chambre assez voisine de celle habitée par le mari; mais, en tout pays, les gourmands de fruit défendu le trouvent meilleur s'il est cueilli au nez du garde-champêtre.—Cependant un matin, à l'heure où tous les chats de Londres se réveillent au cri de milk milk, poussé par les marchands de lait, le mécanicien crut, comme Angelo, entendre du bruit dans son mur. Il prêta l'oreille, et sentit quelque chose se dresser sur sa tête. En pareil cas, la loi anglaise est précise, et, avant de faire partie du club que nous plaçons en France sous la présidence de Georges Dandin, il faut prouver qu'on y a des titres.
Aussi la plainte d'un mari n'est-elle admise, judiciairement, qu'après une constatation évidente, et, comme on dit en vénerie, pour juger le délit, il faut l'avoir vu par corps; autrement, le plaignant court le risque d'être considéré comme un vantard. Instruit des exigences de la législation, le mécanicien résolut d'employer les ressources de son art pour arriver, comme Vulcain, son patron mythologique, à la surprise des deux coupables, et, dans le silence du cabinet, il inventa un appareil ingénieux que l'on pourrait appeler le compteur conjugal. Pendant une courte absence de sa femme, il pénétra dans la chambre à coucher de celle-ci, et appliqua au meuble principal de cette pièce un mécanisme dont la présence était habilement dissimulée, et qui communiquait, par un fil conducteur, à une sorte de cadran où se trouvait une aiguille indiquant des chiffres. Ce cadran était placé dans l'alcôve du mari, et restait toute la nuit éclairée par une lampe.
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Un soir, le mécanicien invite deux de ses amis à venir prendre le thé chez lui, et, désignant la chambre voisine de la sienne, habitée par sa femme, il les invite à ne point faire de bruit pour ne pas troubler son repos.—Puis, ayant su les retenir jusqu'à une heure assez avancée, il leur proposa de prendre des actions pour l'exploitation d'un nouveau système de surveillance dont, il voulut sur-le-champ leur expliquer l'usage.—Supposez, leur dit-il, que vous soyez séparés de vos femmes et que vous ayez des doutes sur l'emploi qu'elles font de leur liberté,—surtout à une heure pareille à celle où nous sommes,—mon appareil vous renseigne exactement. Voyez ce cadran.—L'aiguille est arrêtée sur le chiffre indiquant la pesanteur du corps de ma femme, qui est dans la chambre voisine.—Le moindre objet ajouté à ce poids serait indiqué immédiatement par mon cadran.
—Mais, interrompit l'un des invités, il me semble que votre aiguille varie beaucoup: du chiffre 45, la voici qui passe à 90.
—Il est impossible que ma femme ait pu engraisser de quarante-cinq kilos dans une soirée, reprit gravement le mécanicien; et conduisant les deux amis dans la chambre voisine, avant que le poids supplémentaire ait pu se dissimuler, il requit leur témoignage pour constater le flagrant délit devant la loi.—Le juge devant lequel l'affaire avait été portée avait condamné le séducteur à un farthing d'amende (deux liards de notre monnaie).—Quant à la femme, son mari avait été autorisé à la rendre à sa famille.—Le mécanicien a dû partir pour la France, où il compte exploiter son invention.
V
Londres, le...
J'ai assisté hier à une représentation de la troupe italienne au théâtre de la Reine; mademoiselle Alboni chantait la Cenerentola. Cela m'a un peu reposé du Sire de Framboisy, que des commis-voyageurs en médiocrités continentales ont introduit à Londres, malgré la surveillance de la douane. Quelle occasion cependant pour établir un impôt prohibitif ou pour mettre strictement en vigueur les règlements qui protègent l'observation du no comit nuisance!—Quelle bonne humeur saine et mélodieuse dans Cenerentola, et se peut-il vraiment que l'auteur de ce chef-d'œuvre consente à vivre dans Paris,—au milieu de cette ville où les rues n'ont de voix que pour fredonner le Sire de Framboisy, où les salons n'ont de pianos que pour accompagner les Deux Gendarmes.—Mademoiselle Alboni est toujours le plus merveilleux instrument que l'on connaisse, et auquel il ne manque, pour être complet, que de lui manquer quelque chose.—Un défaut rendrait peut-être la virtuose admirable, quand ce ne serait que les jours où elle essayerait de le vaincre.—On m'avait beaucoup vanté la salle du théâtre de la Reine, aussi ai-je éprouvé une déception;—cela est grand, mais non point grandiose;—le style décoratif en est mesquin, et rappelle celui de notre café des Aveugles, où on fait de si bonne musique pour les sourds. Il faut dire aussi qu'il n'y avait qu'une demi-chambrée, quelques amis, comme à l'Odéon les jours de tragédie classique. La saison est terminée et une partie de l'aristocratie est rentrée dans ses terres.
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Les personnes de marque qui sont restées à Londres s'abstiennent de paraître dans les lieux publics pour qu'on ne puisse pas supposer qu'elles n'ont pas encore quitté la ville.—Aussi n'ai-je pu assister à une de ces grandes représentations d'apparat, où la présence de S. M. la reine fait du théâtre une succursale de la cour.—Ces jours-là, l'étiquette s'assied au contrôle, où un lapidaire est installé avec la mission de refuser l'entrée à toutes les dames qui se présenteraient en ayant sur elles moins de cent mille livres de diamants.—Les hommes sont également soumis au frac et à la cravate blanche. Ce n'est pas gênant pour les Anglais, qui, en arrivant au monde, en trouvent une dans leur layette. Mais il arrive quelquefois aux voyageurs, ignorant les usages, de se présenter au théâtre comme ils iraient à l'estaminet, et de se heurter à un refus d'entrée.—Le cas a été prévu,—et dans presque toutes les boutiques qui avoisinent Her Majesty's-Theatre,—on loue des costumes d'opéra.—Les petits industriels vagues, qui rôdent sous le péristyle, font même concurrence aux vestiaires officiels, en abaissant à la portées des petites bourses la location de leurs propres habits noirs et de leurs propres cravates blanches.—Ils ne demandent d'autre gage que le vêtement qu'on dépouille pour mettre le leur.—Mais il y a quelqu'imprudence à les honorer de sa confiance, car pendant que l'on conduit leur habit noir à l'Opéra, il peut arriver qu'un policeman les emmène prendre le thé dans une maison où ils sont reçus même en paletot.—Une fois la saison terminée, l'entrée du théâtre de la Reine est abordable à toutes les classes de la société.—Outre que le prix des places est diminué de moitié, le contrôle se montre moins sévère sur le chapitre du costume—une mise décente est seulement de rigueur, et on serait reçu même avec l'arc-en-ciel autour du cou,—mais il n'en reste plus pour se faire une cravate—Léo Lespès a acheté le dernier coupon.
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Le soir où j'étais au théâtre, je n'ai vu de diamants qu'au jabot de Nadar et de perles que dans la bouche de madame Taglioni. Les loges de l'aristocratie étaient vivement démocratisées, je dirai même qu'au premier flair on respirait dans la salle cette vague odeur du billet donné... Le décor et la mise en scène m'ont paru être à l'Opéra des éléments dramatiques absolument inconnus. J'ai vu, dans le Cenerentola, des toiles auprès desquelles le fameux salon jaune, qui servait de mairie aux amoureux de M. Scribe, eût été une galerie d'Apollon,—et on a apporté sur la scène, pour chanter le duo assis, deux fauteuils sur lesquels un gamin du boulevard n'aurait pas voulu monter, même pour voir le feu d'artifice. Quant aux costumes, ils m'ont paru brodés par la main des fées de l'économie.—Mademoiselle Rosati a dansé Marco Spada avec mademoiselle Taglioni, pour laquelle le public de Londres a une idolâtrie évidente.
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Le jour où a eu lieu la clôture de la saison, la représentation a été égayée par un intermède comique qui n'était pas indiqué sur l'affiche, et dont le directeur du théâtre de la Reine a été le héros. Comme c'est la coutume, à Londres, après l'exécution solennelle du God save the Queen, écouté avec le respect religieux que tous les Anglais portent à leur souveraine, les artistes qui composent la troupe se sont avancés, chacun à leur tour, pour saluer le public privilégié qui leur témoigne à son tour sa sympathie par des bravos et des rappels. Il y a bien dans la salle quelques parents et quelques amis qui donnent le la à l'enthousiasme britannique—mais la cérémonie s'exécute;—on crève quelques paires de gants et on jette quelques bouquets. M. Lumley, qui s'étonne de ne pas encore voir, sur une place de Londres, une colonne monumentale supportant sa statue, avait imaginé de se faire comprendre dans l'ovation que la première aristocratie du monde accordait à ses artistes. Exceptionnellement, il voulait quêter le piédestal de sa dignité directoriale pour se mettre au même rang que son premier ténor ou sa prima donna.
En conséquence,—un nombreux groupe d'amis—attendait l'instant où le dernier artiste aurait achevé sa dernière révérence, pour procurer à M. Lumley le triomphe romain que celui-ci s'était commandé.—À un signal donné, un formidable chœur s'élève dans la salle, au moment où le public se disposait à se retirer:—Lumley! Lumley! Lumley! et au milieu d'un étonnement général.—M. Lumley s'avance sur la scène,—il a le soleil sur son jabot, et l'on voit briller les planètes aux boutonnières de son gilet,—il salue à quatre-vingts degrés, pose la main sur son cœur et se prépare à prononcer un speach; mais l'émotion, ou sa cravate, étranglent son éloquence,—et alors,—ah! dame!—et alors—l'aristocratie, qui n'a point en public l'hilarité expansive,—s'est souvenue qu'elle faisait partie de la joyeuse Angleterre, et elle a fait à M. Lumley un de ces succès—qui coulent un homme,—mais pas en bronze.
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En sortant du théâtre, à minuit, je me suis trouvé au milieu des lumineuses féeries de Hay-Market, qui est la rue de Londres où se trouvent en plus grand nombre les publics-houses, les tavernes élégantes, et tous les établissements où l'on noctambulise—entre un homard et une bouteille de sherrey.
M. Méry,—un jour qu'il était parvenu à retrouver la plume avec laquelle il écrivait jadis Héva et la Guerre de Nizam, a écrit dans les Nuits anglaises vingt pages qu'il peut revendiquer comme étant l'invention de la photographie. Je n'essayerai pas de lutter avec ce passage qui est resté dans toutes les mémoires littéraires comme un bon point à marquer à l'écrivain qui s'en marque lui-même tant de mauvais.—Qu'il vous suffise de savoir que Hay-Market, Piccadilly et les rues avoisinantes sont les principaux docks—de la compagnie de Cythère.—Depuis minuit jusqu'à cinq heures du matin, dans cette rue et dans celles qui l'avoisinent, on trouve l'affluence qu'on remarque à Paris aux Champs-Élysées les jours de feu d'artifice. Sans doute c'est un tableau affligeant pour le moraliste, mais à Londres la morale se couche à neuf heures. À partir de ce moment, le pavé appartient à ceux qui ont l'habitude de le battre, et c'est en battant ce pavé-là, que Shakespeare a rêvé les types immortels de Juliette, de Cordélia, de Desdemone et de toutes les femmes-anges qui peuplent son répertoire.
Un spectacle bien cher à tous ceux dont le tempérament est fait avec une rognure de Gargantua, c'est le luxe apéritif des tavernes et la mise en scène pleine de séductions de leur étalage extérieur où, sous la blanche lumière du gaz, se rassemblent toutes les variétés connues du règne animal.—Les publics-houses de Hay-Market et de Piccadilly sont de préférence ceux où l'on va souper au retour du Wauxhall, de Cremorn et du Casino. Un homard vivant, passant ses longues pinces au travers du grillage de Scott, m'a invité à aller le manger. Scott est la Maison-d'or du quartier. Il est patronné par les jeunes gens de l'aristocratie et par les crinolines de grande circonférence. Le cabinet particulier existe peu dans les tavernes anglaises. Les salons sont divisés en compartiments,—ce qui rend l'isolement absolu à peu près impossible.—Mais ce que la morale y peut gagner, elle le perd dans les parcs qui restent ouverts toute la nuit.—Cependant, depuis quelque temps, l'autorité s'est émue de ces pèlerinages après boire.—Les parcs n'ont point été fermés, mais, sur une pétition de la chaste Diane qui avait sa statue dans Saint-James, on a organisé des rondes, qui assurent à la déesse un repos tranquille, en éloignant de ses regards tout ce qui pourrait lui faire regretter trop vivement l'absence d'Endymion.
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Cependant, on n'a pas encore pu, ou on n'a pas voulu retirer pendant la nuit l'hospitalité des parcs aux nombreux hôtes de ces dortoirs de la belle étoile. Ils y viennent reposer pacifiquement avec leurs femmes et leurs enfants. Chaque famille a son banc ou son arbre accoutumé. Le matin, aux premiers sons de la diane, ils se lèvent comme une troupe familiarisée avec la discipline et se répandent dans les rues où ils vont, pour la plupart, se livrer au productif far niente de la mendicité, profession qui n'est nullement interdite dans le département des Îles Britanniques, car elle est, avec le vagabondage, la soupape de sûreté des deux ou trois cents propriétaires auxquels appartient la ville de Londres.—Les Anglais, il faut le dire, ont l'instinct—de la charité,—tous ceux dont le formidable appétit de jouissances humaines est habitué à mâcher le million,—payent généreusement aux établissements de bienfaisance le droit de digérer avec sécurité.
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Mais l'aumône sur la voie publique est encore très-fréquente.—À Londres, quiconque peut donner donne, et avec bonne grâce comme on lui demande, car j'ai vu un jour un pauvre qui n'osait pas tendre sa main parce qu'il n'avait pas de gants et que c'était dimanche. Les bras croisés entre sa peau et le drap de son habit, il désignait timidement aux passants, par un mouvement de la tête, un chapeau en ruine, au fond duquel on apercevait encore un double chiffre surmonté d'une couronne ducale.—Ce chapeau armorié d'un pauvre honteux, qui n'avait pour oreiller que le pavé de la rue, avait appartenu peut-être à un lord propriétaire du quartier. Tous ceux qui jetaient leur aumône dans cette sébile armoriée, savaient bien qu'elle irait tomber dans le comptoir du dieu Gin.—Mais ils savaient aussi qu'il est le dieu de l'abrutissement résigné, que chaque taverne,—où la misère va s'abreuver, vaut un corps-de-garde,—et qu'en encourageant les pauvres honteux,—on prévient les pauvres hardis. Cela est si vrai, qu'un des principaux magistrats de Londres,—auquel on montrait le recensement de la population, classe par classe,—secouait la tête et disait avec inquiétude:—Que se passe-t-il?—je n'ai pas mon compte de pauvres.
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Je m'aperçois que ces remarques ne sont pas à leur place au milieu de ces lignes frivoles,—- qui auraient pu, sans que personne y perdît, rester dans le carnet, où les jetaient les hasards de la flânerie;—mais il est bien difficile de ne point parler de misère à propos d'un pays où l'haleine d'une population mourant de froid pendant l'hiver suffit pour former un brouillard qui cache la vue du soleil.
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Le gouvernement anglais a du reste le génie de la prévoyance, et, sans compromettre son autorité, il sait à propos faire des concessions.—Tout récemment il avait été question, à l'instigation du clergé, m'a-t-on dit, de supprimer les musiques publiques qui sont le dimanche une récréation populaire.—Il y a eu commencement d'émeute, on a déraciné quelques chênes dans les parcs pour les opposer aux bâtons des policemen. La police a dû rendre au peuple ses orchestres en plein vent.—Mais pour rester d'accord avec le principe religieux, qui en réclamait l'interdiction,—on a seulement permis la musique sacrée.—C'est du moins à ce titre que le Postillon de Longjumeau est exécuté à Londres dans les parcs sous le nom d'Oratorio.—On est devenu également beaucoup moins rigoureux pour les règlements, qui obligeaient les dimanches la stricte fermeture des débits de boisson.—Les portes et les volets, sont bien fermés jusqu'au soir; mais cependant—il y a bien un sésame qui entre-baille l'huis prohibé, s'il ne l'ouvre entièrement.—Je me souviens pour mon compte, d'avoir consommé plusieurs ginger-beer,—à une heure où la loi me condamnait à la soif.
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J'ai été ce soir à Cremorn-Garden,—c'est une imitation de Mabille. Le jardin beaucoup plus grand, mais moins somptueux, contient un théâtre, un cirque et une foule de divertissements.—L'éclairage est mesquin,—est-ce dans un but favorable au mystère? je ne le crois pas, car les labyrinthes et les bosquets sont peu fréquentés. La foule se disperse plus volontiers dans le cirque, vers les jeux, et surtout vers les loteries de bibelots.—La rotonde du bal, où s'élève un orchestre excellent, est, à l'instar de Mabille, l'empire où règne un Pilodo—qui pourrait rendre des points de grêle a à son confrère de Paris.—On m'affirme que c'est pour rappeler le plus possible le roi des bals parisiens, que le chef d'orchestre de Cremorn s'applique cette grêlure postiche, seulement il arrive quelquefois que, dans la chaleur de l'exécution d'un quadrille, le masque tombe et il reste un très-joli garçon, fort apprécié de ses danseuses.—Cremorn, qui est le Parc-aux-Biches de Londres, a, comme Mabille, ses grands et ses petits jours.—On y trouve beaucoup d'émigrées des Folies-Nouvelles et du Café du Cirque.
C'est le fonds de magasin de la galanterie parisienne. Elles ne valent pas à beaucoup près les Anglaises; mais comme elles viennent de France, le pavillon couvre la marchandise.—En résumé, ce bal, comme tous ceux qui existent à Londres, n'a pas l'entrain que l'on remarque quelquefois dans les nôtres.—Les Anglais sont des gens mathématiques et pressés qui ne font rien d'inutile. Aussi ne perdent-ils pas leur temps à faire la cour aux femmes qu'ils rencontrent dans les lieux de plaisir.—S'ils en invitent une pour le quadrille ou la valse,—ils lui présentent non pas la main, mais leur canne ou leur parapluie;—lorsque la femme, en valsant, permet à son cavalier de lui appuyer sa canne derrière le dos, c'est un indice d'espérances. On va ordinairement les arroser d'un verre de boisson froide, qui a le sherrey pour base, et qui se boit avec une paille.—Toute femme qui fréquente les bals apporte sa paille à sherrey dans son corset.—Si, après en avoir fait usage, elle l'offre à son cavalier, c'est comme si le notaire y avait passé.—Tout ceci n'est pas du dernier galant, mais le madrigal n'est pas une monnaie anglaise.—On peut revenir de Cremorn par le penny-boat. Quand la soirée est belle, c'est un charmant voyage d'un quart d'heure. À bord du steamer l'Anglais retrouve la gaieté qu'il n'avait pas au bal.—C'est l'Antée de l'eau, il faut qu'il soit dessus pour qu'il paraisse vivre. Quant à moi—mon retour de Cremorn a été gâté par des Parisiens, qui se racontaient le dernier drame de l'Ambigu.
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Aujourd'hui, à quatre heures, j'ai été pris dans la rue d'une attaque de spleen foudroyant. C'est une espèce de suie morale qui s'attache à toutes vos idées. Il n'est pas de distraction qui puisse vous ramoner l'âme. Il n'y a qu'un remède à ce mal-là:—c'est le départ. Je fais ma malle,—ce ne sera ni long ni lourd.
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L'ami qui me reconduit au chemin de fer m'a glissé dans la poche, en me quittant, une nouvelle à la main anglaise.
Il y a deux jours,—comme il avait fait mauvais temps et que le macadam avait délayé la boue dans la rue, un de ces industriels de la rue avait imaginé de tracer dans Regent-street un chemin praticable pour les piétons.—Chaque personne qui passait lui donnait un penny. Vers la fin du jour, et comme il avait amassé une assez belle recette, le balayeur, ayant quitté la place, prit son balai, et se mit à détruire son travail du matin, en effaçant le passage qu'il avait tracé au milieu de la boue.
—Et bien! lui dit mon ami qui à la même heure mettait les volets à son magasin, que faites-vous donc là?
—Mais je fais comme vous.—je ferme ma boutique. Un gamin de Paris aurait-il mieux dit!
En arrivant à la station de Folkestone où je dois m'embarquer, j'ai acheté pour lire, pendant la traversée, les numéros du Cours de littérature où se trouve l'éloge d'Alfred de Musset par M. de Lamartine.
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Ah!

NOTE:
[1] La Jeunesse, comédie en cinq actes et en vers.










 

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Date de dernière mise à jour : 05/07/2021