Triste à ma cellule,
 Quand la nuit s'abat,
 Je n'ai de pendule
 Que mon coeur qui bat ;
 Si l'ombre changeante
 Noircit mon séjour,
 Quelque atome chante,
 Qui m'apprend le jour.
 
 Dans ma cheminée,
 Un grillon fervent
 Faisant sa tournée
 Jette un cri vivant :
 C'est à moi qu'il livre
 Son fin carillon,
 Tout charmé de vivre
 Et d'être grillon.
 
 La bonté du maître
 Se glisse en tout lieu ;
 Son plus petit être
 Fait songer à Dieu.
 Sait-il qu'on l'envie,
 Seul et ténébreux ?
 Il aime la vie,
 Il est bien heureux !
 
 La guerre enfiévrée
 Passait l'autrefois,
 Lionne effarée,
 Broyant corps et voix ;
 Mon voisin l'atome
 Fut mon seul gardien,
 Joyeux comme un gnome
 A qui tout n'est rien.
 
 Dieu nous fit, me semble,
 Quelque parité :
 Au même âtre ensemble
 Nous avons chanté.
 Il me frappe l'heure,
 Je chauffe ses jours ;
 Mais, femme, je pleure ;
 Lui, chante toujours.
 
 Si jamais la fée
 Au soulier d'azur,
 D'orage étouffée,
 Entre dans mon mur,
 Plus humble et moins grande
 Que sa Cendrillon,
 Oh ! Qu'elle me rende
 Heureuse, ou grillon !