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Le Camélia Rouge - Sabine Sicaud (1913-1928)

 

 

Au milieu des plantes fragiles

qu’une vitre épaisse défend,

plusieurs boutons pointent, fragiles,

un premier cocon vert se fend.

Déjà, le long des pots d’argile,

on devine du bleu, du blanc.

Un cyclamen joue au volant,

-Soignez les petits pots d’argile-

Mais plus haut, bien plus haut déjà,

vers les branches qui se ravivent

une fée a passé. Déjà

en bouffette de pourpre vive

Le premier cocon se changea.

Cocarde rouge -est-ce un insigne?

Velours sombre jaspé de clair,

dans le sang, deux plumes de cygne. . .

De quelle infante est-ce l’insigne?

Rose orgueilleuse de l’hiver,

on la sent faite pour des gerbes

qu’on vendra tôt, qu’on vendra cher,

bien avant la saison des gerbes!

Fleurs des sillons, des bois, de l’herbe,

vous n’entendez rien à cela.

C’est pour des doigts trop blancs, trop las,

que l’on cueille ces branches-là.

Branche verte aux feuilles vernies

vous offrant en cérémonie

cette corolle sans parfum. . .

Vers les boudoirs, vers les palaces,

les rameaux s’en vont un à un.

Dans le cadre des hautes glaces,

saluez la fleur des palaces.

Vous parlez de cette main lasse

de la Dame aux camélias.

Je ne sais pas ce qu’il y a

dans le coeur des camélias;

je n’y cherche ni l’humble grâce

ni l’arôme de tant de fleurs-

De s’ouvrir à la Chandeleur

dans une atmosphère factice,

d’être rare; d’être une fleur

avant que d’autres ne fleurissent,

de tout ce qu’il y a de factice

lui sais-je gré? Je ne sais pas.

Je l’aime à l’abri des frimas

pour tout ce qu’il est ou n’est pas.

Immobile papillon rouge

entre deux feuilles qui ne bougent

il est sous les vitres, là-bas,

le premier camélia rouge.

Date de dernière mise à jour : 24/11/2024

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