Ô bruyère, bruyère,
Je croyais te connaître et je ne savais rien
De cette odeur mêlée à la rumeur légère
Qui vient du fond des pignadas, qui vient
Des longs pays qui sont les tiens, bruyère. . .
-Je connaissais ta petite âme de chez nous,
Ta petite âme éparse au pied de chênes roux
Et de sorbiers déjà couleur d’automne. . .
-Mais ce rose éclatant, ces violets pourprés,
Ces épis de corail aux grains serrés,
Cette lumière en fins grelots qui sonnent,
Les trouve-t-on chez nous, même l’automne?
-Ici, les pins tendent si haut leurs parasols
Que les vents de la dune se prélassent
Et que le soleil joue à pile ou face,
Librement, sur tes chauds tapis couvrant le sol. . .
-Et c’est comme une flamme au ras des sables,
Un couchant rouge et mauve interminable
Sous les hauts parasols,
Quand tu fleuris, bruyère. . .
-Tes fleurs. . . tes fleurs sont le tapis
D’un temple ouvert, bourdonnant de prières. . .
Entre les piliers bruns, des parfums assoupis
D’encens et de résine,
Des parfums d’immortelle et de mousse marine
Accompagnent le tien, bercé dans l’air. . .
-Et ton âme d’ici, je la découvre
De ce wagon-joujou courant près de la mer,
Au seuil de ces pays roses et verts
Qui s’ouvrent
Sur le vert et le rose argentés de la mer. . .
Côte d’Argent, 1925