A Madame Sanson.
Une jeune et belle Linotte
Faisait les honneurs du printems :
Les gosiers les plus éclatans
Venaient d'elle apprendre la note.
De mille agrémens rassemblés
Elle était la dépositaire ;
Aussi mille oiseaux de Cithère
D'amour se sentirent troublés.
Elle était douce, elle était bonne ;
Ce qui fit qu'un vilain corbeau
Se mit à l'aimer bien et beau.
Le voilà donc qui s'abandonne
A toute l'ardeur, de ses feux :
Il parle, il presse, il importune ;
Mais bien loin de faire fortune,
Elle chasse l'amant hideux.
Aucunement ne se rebute
L'animal hautement exclus
Et sa maîtresse encore plus
Fatigue-t-il et persécute.
Apprenez qu'un aigle jaloux,
Disait-il à l'oiseau timide,
Dans le fond de la Thébaïde
Ira bientôt jouir de vous.
Je crains encor, belle insensible,
Que ma trop grande pauvreté
N'effarouche votre bonté,
Et ne vous rende moins flexible.
Mais de beaux talens j'ai plus d'un
Que m'a départi la nature ;
Sur-tout, dans la magistrature ,
Vous me verrez hors du commun.
D'ailleurs, un rabat une robe,
Font un magistrat bien paré :
L'emphase du bonnet carré
Toute laideur aux yeux dérobe,
Bref, si vous vous voulez dire amen
Ma reine , mon cœur, ma charmante
A jamais vous serez contente
De la suite de notre hymen.
Plus qu'à demi persuadée
Fut la pauvrette : on allait voir
Naître par-tout le désespoir,
Quand aux rivaux vint cette idée.
Vers Jupiter on députa ,
Et cet hymen illégitime,
Devant lui, fut traité de crime;
Mille raisons on apporta
Pour empêcher cette alliance.
Le sage Jupin s'y rendit ;
Aux députés il répondit,
Et prononça cette sentence :
A l'immonde il est défendu
De prétendre à cette victoire.
Qu'il aille chez la troupe noire
Exercer son art prétendu.
Mais en compagnie honorable
On voit les ris et les amours ;
Qu'il en soit banni pour toujours
Comme aninal, insociable.
Qu'à ma fable prenne intérêt
Quiconque en-soit trop se confie,
De peur qu'on ne lui signifie
Un duplicata de l'arrêt.