BIBLIOBUS Littérature française

Numéro 7 du 21 février 1852.

Ferdinand Galiani.1- (suite.)

Les lettres de Galiani sont ce qu’était l’homme. – Cela était écrit avec cette simplicité de bien dire que nous n’avons plus. Le grand charme de ces lettres est dans ceci : qu’elles sont des lettres et rien que des lettres. Les commissions pour des chemises s’y coudoient avec les réflexions les plus collet-montées. Tout cela est pensé au courant de la plume. On ne sent ni effort ni prétention ; et pourtant ces lettres visent et attrapent tout, les hommes et les systèmes ; elles ont des verges pour les rois et les encyclopédistes ! – Ces vérités à l’usage des gens d’esprit, – qu’on nomma plus tard des paradoxes, – on les rencontre là à toutes les pages. – L’abbé n’a point de rapporteur de ses opinions ; il juge lui-même tous les procès qu’il évoque ; – et comme, dans le laisser-aller d’une conversation qui s’attarde, dans l’abandon d’un pique-nique au Gros-Caillou, il va d’un sujet à l’autre, toujours osé, toujours pensant lui-même, toujours pensant tout haut, éclatant parfois en éclairs de génie, en révélation de l’avenir !

Voulez-vous le portrait du cœur de Mme Geoffrin ? – (Mort-Dieu ! si elle me fâche, disait Greuze, je la peindrai !) – « Mme Geoffrin a le tic de détester tous les malheureux, car elle ne veut pas l’être, pas même par le spectacle du malheur d’autrui. Cela vient d’une belle cause ; elle a le cœur sensible, elle est âgée, elle se porte bien ; elle veut conserver sa santé et sa tranquilité. »

Du catéchisme de l’abbé, voilà tout ce qu’on trouve : « La Géorgique n’est plus un sujet de poëme à notre âge. Il faut une religion agricole à un peuple coloniste, pour parler avec emphase et avec grandeur des abeilles, des poireaux et des oignons. Avec votre triste consubstantialité et transubstantiation, que voulez-vous qu’on fasse ? Il y a deux classes de religions : celles des peuples nouveaux sont riantes et ne sont qu’agriculture, médecine, athlétique et population ; celles des vieux peuples sont tristes et ne sont que métaphysique, rhétorique, contemplation, élévation de l’âme ; elles doivent causer l’abandon de la cultivation, de la population, de la bonne santé et du plaisir. Nous sommes vieux. » – « L’incrédulité est le plus grand effort que l’esprit de l’homme puisse faire contre son propre instinct et son goût. Il s’agit de se priver à jamais de tous les plaisirs de l’imagination, de tout le goût du merveilleux ; il s’agit de vider tout le sac du savoir, de nier ou de douter toujours et de tout, et rester dans l’appauvrissement de toutes les idées, des connaissances des sciences sublimes. Quel vide affreux ! quel rien ! quel effort ! Il est donc démontré que la très-grande partie des hommes (et surtout des femmes, dont l’imagination est double) ne saurait être incrédule ; et celle qui peut l’être n’en saurait soutenir l’effort que dans la plus grande force et jeunesse de son âme. Si l’âme vieillit, quelque croyance reparaît. » – Quel rien ! quel effort ! C’est du Bossuet.

Le 29 février 1772, – un an avant la publication du Théâtre de S. Mercier, – Galiani écrivait : « En vérité, ma belle dame, il me paraît que l’ignorance des auteurs a engendré l’ignorance des acteurs, et de ces deux ignorances est née l’ignorance des spectateurs, qui n’a été ni créée, ni engendrée, mais qui procède des deux. Voilà une trinité d’ignorance qui a créé le monde théâtral. Ce monde n’existe qu’au théâtre. Les hommes, les vertus, les vices, le langage, les événements, le dialogue, tout lui est particulier. Il s’est fait une convention parmi les hommes que cela serait ainsi, que le théâtre aurait ce monde, et l’on est convenu de trouver cela beau. Les raisons de cette convention seraient difficiles à retrouver, l’acte en est fort ancien et n’a pas été insinué au greffe. J’ai bien peur qu’on ne soit convenu de trouver Lekain bon et parfait ; on ne peut pas revenir contre une convention et une transaction en forme. Au reste, je crois que les causes qui ont produit cet éloignement de la nature qui a lieu dans le théâtre au point de créer un monde entier tout à fait nouveau, a été la difficulté de s’approcher de la vérité en gardant son langage vulgaire et la défense d’y placer les événements modernes. On fait une bonne comédie, vraie au dernier point parce qu’il est permis d’y représenter le cocu arrivé dans la semaine même, la querelle entre mari et femme arrivée dans le mois, la ruine d’un joueur arrivée dans l’année : mais s’il ne vous est pas permis de rendre en tragédie ni la chute du duc de Choiseul, ni même celle du cardinal de Bernis, comment peut-on peindre la vérité ? Si vous mettez sur la scène Thémistocle et Alcibiade, je m’aperçois qu’ils ont parlé grec et qu’on leur fait parler français ; qu’ils étaient citoyens d’une république, et que nous sommes à Paris, à ce que dit l’Almanach royal… »

Parfois il semble que Galiani écrive sous la dictée de Chamfort.

– J’en suis fâché pour M. Sainte-Foix ; mais c’est que le bon goût français peut passer chez les autres nations ; le bon ton n’y passera jamais. C’est une maladie tout à fait parisienne, comme la plique est polonaise.

– L’immortalité n’est qu’un terrain disputé à l’oubli, mais bien faiblement disputé.

– Savez-vous à quoi je compare cette mort de Marie-Thérèse ? À un encrier qu’on a renversé sur la carte géographique de l’Europe.

– On a la rage, en France, de faire quelque chose de ses enfants ; ici on n’en sait faire que des héritiers de leur père.

– Au fait, tout être qui fait une profonde révérence à quelqu’un tourne le dos à quelqu’autre.

– Les sectes sont une ressource pour les gueux.

– La fatalité est la chose du monde la plus curieuse ; sans elle, point d’imprévu : tout serait calculé, et la chute d’un ministre n’intéresserait pas plus que l’équinoxe ou le solstice ; elle serait imprimée d’avance dans les almanachs.

De l’éducation, il médit en ces termes : « L’éducation n’est que l’élaguement des talents naturels pour donner place aux devoirs sociaux. L’éducation doit amputer et élaguer les talents. Si elle ne le fait pas, vous avez le poëte, l’improvisateur, le brave, le peintre, le plaisant, l’original qui amuse et meurt de faim, ne pouvant plus se placer dans aucune niche de celles qui existent dans l’ordre social. »

En politique, il y a pour Galiani beaucoup d’idées qui ne sont que des mots. Galiani est sans scrupule ; il ne regarde ni aux outils ni aux moyens. Plus d’une fois, dans sa correspondance, c’est un Cassandre, mais un Cassandre le rire à la bouche : « 21 août 1773. Vous avez appris déjà la débâcle des jésuites, arrivée à Rome le 16. Leur histoire n’est pas plus finie que celle des Juifs après la destruction de Jérusalem, elle a seulement changé de ton et de couleur : de l’actif au passif… » – « Autrefois, le pape était le calife de l’Europe, et tous les sultans des différentes provinces s’intéressaient à son élection. Aujourd’hui qu’il n’est que le souverain de Rome, ce sont les grandes familles de Rome qui le font absolument : Albani, Corsini, Borghèse, Colonna s’arrangent et choisissent, pour leur plus grande commodité, un laquais dans leurs maisons pour en jouer le rôle. » – « 1er janvier 1774. Vous y parlez des chutes des empires. Qu’est-ce que cela veut dire ? Les empires ne sont ni en haut ni en bas et ne tombent pas. Ils changent de physionomie ; mais on parle chute et ruine, et ces mots font tout le jeu de l’illusion et des erreurs. Si on disait les phases des empires, on dirait plus juste. La race humaine est perpétuelle comme la lune, mais elle nous présente tantôt une face, tantôt une autre, parce que nous ne sommes pas toujours bien placés pour la voir dans son plein. Il y a des empires que ne sont jolis que dans leur décadence, comme l’empire français ; il y en a qui ne seront bons que dans leur pourriture, comme l’empire turc ; il y en a qui ne brillent que dans leur premier quartier, comme l’empire jésuitique. Le seul qui n’a été beau que dans son plein a été l’empire papal. Voilà tout ce que j’en sais, et je n’en sais pas beaucoup. » – « Il (Turgot) punira quelques coquins, il pestera, se fâchera, voudra faire le bien, rencontrera des épines, des difficultés, des coquins partout. Le crédit diminuera, on le détestera, on dira qu’il n’est pas bon à la besogne. L’enthousiasme se refroidira, il se retirera ou on le renversera, et on reviendra une bonne fois de l’erreur d’avoir voulu donner une place telle que la sienne, dans une monarchie telle que la vôtre, à un homme très-vertueux et très-philosophe. » – « En politique, je n’admets que le machiavélisme pur, sans mélange, cru, vert, dans toute sa force et dans toute son âpreté. Il s’étonne que nous fassions la traite des nègres en Afrique ; et pourquoi ne s’étonne-t-il pas qu’on fasse la traite des mulets de la Guyenne en Espagne ? Y a-t-il rien de si horrible que de châtrer les taureaux, de couper la queue aux chevaux ? Il nous reproche d’être les brigands des Indes ; mais Scipion peut bien l’être des côtes de Barbarie et César des Gaules. Il dit que cela tournera mal ; mais tout le bien tourne en mal : la danse se tourne en lassitude ; ne dansez donc pas ! – l’amour en peine ; n’aimez donc pas ! Ainsi mon avis est donc qu’on achète des nègres tant qu’on nous en vendra, sauf à s’en passer si nous réussissons à les faire vivre en Amérique. Mon avis est de continuer nos ravages aux Indes tant que cela nous réussira, sauf à nous retirer quand nous serons battus. Il n’y a pas de commerce lucratif au monde. Détrompez-vous : le seul bon est de troquer des coups de bâton qu’on donne, contre des roupies qu’on reçoit. » – Enfin voici de ses vues : « 2 janvier 1773. Au reste, voilà mon plan d’Apocalypse. Le roi joue son jeu, les parlements jouent leur jeu ; et tous deux ont raison, tous les deux ont leur raison. La monarchie tient essentiellement à l’inégalité des conditions, l’inégalité des conditions au bas prix des denrées, le bas prix aux contraintes. La liberté entière amène la cherté des vivres et la richesse des paysans. Le paysan riche ne tire plus à la milice, ne supporte plus la taille arbitraire, les saisies des contrebandes ; il a la force de ne plus se laisser fouler, soit en se révoltant, soit en plaidant en justice ; il a assez d’argent pour gagner des procès. Il amène donc la forme républicaine, enfin l’égalité des conditions qui nous a coûté six mille ans à détruire. Mais laquelle des deux formes aimez-vous le mieux ? me demandera-t-on. J’aime la monarchie parce que je me sens bien plus proche du gouvernement que de la charrue. J’ai quinze mille livres de revenu que je perdrais en enrichissant des paysans. Que chacun en agisse comme moi et parle selon ses intérêts, on ne disputera plus tant dans ce monde. Le galimatias et le tintamarre viennent de ce que tout le monde se mêle de plaider la cause des autres et jamais la sienne. L’abbé Morellet plaide contre les prêtres, Helvétius contre les financiers, Beaudeau contre les fainéants, et tous pour le plus grand bien du prochain. Peste soit du prochain ! Il n’y a pas de prochain. Dites ce qu’il vous faut, ou taisez-vous. »

De ces lettres de Galiani, les lecteurs n’ont en main que deux éditions : la première de Dentu, 1818, publiée par Séryes ; l’autre de Treuttel et Wurtz, 1819, publiée par Guinguéné ; et encore M. Brunet accuse-t-il la première de contenir des lettres supposées. L’une et l’autre se rencontrent difficilement. – Galiani, en mourant, a laissé vingt-deux volumes de réponses à ses lettres : ne serait-il pas bientôt temps de donner de sa correspondance une nouvelle édition plus complète que les deux autres ?

Nous n’avons pas autorité, pour notre part, à assigner une place à cette correspondance, mais nous ne faisons point de doute que si Galiani venait à être réédité, il y aurait – d’ici à peu – un remaniement dans l’ordre des épistolaires français, et peut-être changement de rang dans les premiers rangs.

Edmond et Jules de Goncourt.

 

 

M. LECOU ET LE XVIIIe SIÈCLE.

93 fut brutal pour la curiosité. Du catalogue de Mme de Pompadour, la mode sauta à la nudité spartiate. Le directoire se fit hypocritement athénien. L’empire consacra tout le supellex grec sans trop se soucier si la décoration antique, avec ses lignes droites, ses coupes sévères, sa maigre ornementation, allait à nos mœurs, à notre ciel, à nos appartements. Trente ans, les chaises eurent des lyres dans le dos. Toilette, meubles, costumes, peinture, architecture, littérature, tout fut calqué, – comme on calquait alors, – sur les débris d’une civilisation morte depuis deux mille ans. Trente ans, les salons jouèrent le décor d’une tragédie.

Au beau milieu de cette exhumation de l’art grec, une réaction se fit : des abonnés de brocanteurs convertirent leurs amis à leurs trouvailles gothiques. Le mouvement, d’abord limité à quelques archéologues, gagna les gens du monde. Peu à peu l’on revint de cet anathème prononcé par le xviie siècle contre les merveilles du moyen âge, et l’on commença à traiter d’outrecuidante l’opinion de Marolles, lorsqu’il vient à parler de la maison de Jacques Cœur : « … Elle est assez bien bâtie, mais fort au-dessous de celles que font à présent les petits commis des officiers qui administrent les finances. » – On se convertit d’abord à peu de frais : sur les vignettes de Fragonard et sur les estampes de Devéria. Puis Notre-Dame de Paris parut ; de savantes monographies architecturales furent publiées ; des trésors qu’on ne savait plus furent retrouvés ; l’on se prit à regarder la cathédrale d’Amiens, l’église de Brou, l’hôtel de ville de Louvain ; le sculpteur alla aux beaux modèles ; et vielz ou nouveaulx, bahuts, dressoirs, crédences, bancs seigneuriaux, diptyques, triptyques, prirent possession en despotes de nos appartements.

Quand fut faite l’apothéose du xve siècle, les femmes, ces révolutionnaires de la mode, s’ingénièrent à trouver quelque chose de cénobitique et de claustral à ces ameublements en cœur de chêne. Elles avaient entrevu les bois de rose, les laques de Martin, les marqueteries de Boule, les fantaisies de la rocaille, les Sèvres aux plaisants bouquets, de gracieux visages signés Latour, les caprices de Boucher et de Watteau ! et, un beau jour, les femmes aidant, les belles pièces gothiques sortirent de l’ameublement pour former des cabinets ou entrer dans les musées ; les pièces de rebut rentrèrent dans le domaine du bric-à-brac, et toutes les grâces du xviiie siècle trouvèrent dans nos logis modernes le cadre juste des boudoirs du siècle passé. Le mouvement gothique avait amené l’impression de toute la littérature manuscrite du moyen âge : fabliaux, chroniques, épopées, romans ; l’olifan de Roncevaux sonna par toute la littérature, – et comme tout se tient dans l’histoire de l’esprit humain, un fait analogue se produit en cette ère du rococo. Quelques hommes de goût, enamourés de tous ces charmants riens qu’avaient collectionnés leurs grand’-mères, allèrent des meubles aux livres ; et quand ils eurent lu, ils se prirent à vouloir venger cette débauche d’esprit tant calomniée. Un beau jour, les Bachaumont ne se vendirent plus au poids, et toute cette armée de petits livres, éclaireurs jetés sur les flancs de la vieille société, passèrent rarissimes. Et ne voilà-t-il pas qu’une société blanchie dans la publication des Mémoires de Richer, d’Éginhard, de Grégoire de Tours, se met à publier le journal d’un anecdotier.

M. Lecou a déjà donné une suite de volumes remarquables par la beauté de l’impression et le luxe du papier. Aujourd’hui, il veut avoir sa collection de monuments littéraires, historiques, artistiques du xviiie siècle. Nous souhaitons à l’entreprise bon vent et bonne marée, comme dit l’Anglais, résolus à l’encourager de notre bourse, à la faire encourager, – s’il est possible, – de la bourse de nos amis.

Chamfort a paru en un volume. Le choix des pièces est heureusement fait, et Chamfort est bien là tout entier. Personne ne regrettera la Jeune Indienne. Rivarol trié, mais trié avec intelligence, peut tenir, à la grande rigueur, en un second volume de la collection. Mais de Collé, de Grimm et, en dernier lieu, de Bachaumont, cette chronique où chaque ligne est nécessaire à l’histoire de la cour, du théâtre, de la littérature, si vous ne donnez que des extraits ; si vous en donnez une édition expurgata des prétendues inutilités, des prétendues vivacités de langage, ne renvoyez-vous pas aux anciennes éditions tous ceux qui s’occupent sérieusement du xviiie siècle ? et pour ceux qui ne s’en occupent pas, vous achèteront-ils davantage ainsi mutilé ? – Donc Bachaumont paraîtra complet ; et si le succès s’en mêle, M. Lecou nous donnera les dix-neuf petits volumes de Métra (le Métra introuvable qui va jusqu’en 1793) ; nous donnera en recueil les Mémoires perdus dans les grandes collections, comme les Mélanges des bibliophiles français, le Mercure étranger, la Revue rétrospective, etc. ; nous donnera même Barbier, Barbier qui va coûter 36 francs, et dont un volume est épuisé, dont maint passage est supprimé. Ainsi revivra sur beau papier, à 3 francs le volume, toute la monnaie du xviiie siècle.

Edmond et Jules de Goncourt.

 

 

CHRONIQUE DES THÉÂTRES.- Gymnase.

Les Premières Armes de Blaveau, vaudeville en un

acte, par MM. Jules et Gustave de Wailly.

« Ne dites pas que vous m’avez vue au Havre ! » murmure à l’oreille de Blaveau Mme de Villarseau.

« Ne dites pas que vous m’avez vue au Havre ! » murmure à l’oreille de Blaveau Mme Désétang.

« Ne dites pas que vous m’avez vue au Havre ! » murmure à l’oreille de Blaveau Mlle de Romilly.

Mme Désétang est jeune et jolie ;

Mme de Villarseau, – sa cousine, – est jeune et jolie ;

Mlle de Romilly, – sa tante, – est vieille et laide.

Mme Désétang est mariée à M. Désétang. – un vieillard assez vieux.

Mme de Villarseau est mariée à M. de Villarseau, – un mari assez jeune.

Mlle de Romilly n’est pas mariée du tout.

Ah ça ! expliquons-nous. La nuit du 17 avril, Blaveau, sur un rendez-vous que lui a donné Clara, – personne légère, rencontrée sur la jetée du Havre, – se faufile, à minuit, tel corridor, tel numéro, hôtel Frascati. Blaveau, – qui n’est rien moins qu’un bachelier ès-bonnes-fortunes, – trouve à l’heure dite une clef sur une serrure, c’est vrai ; mais, – dans la chambre pas de lumière, et, au lieu et place d’un accueil, un grand cri ? – Parbleu ! se dit Blaveau, c’est Mme Désétang… non, c’est Mme de Villarseau… à moins que ce ne soit Mlle de Romilly. Fichtre ! – Et Blaveau passe trois quarts d’heure à monter, à descendre, de l’une à l’autre, – un réjouissant voyage, je vous assure, un peloton de fil bien embrouillé, digne des meilleurs maîtres de l’intrigue.

Ce charmant vaudeville de MM. Gustave et Jules de Wailly est enlevé par Geoffroy, qui joue le vaudeville comme s’il n’était pas un grand comique, – par Geoffroy, dont nous espérons un de ces jours mettre en relief tout le talent dans une étude sur Mercadet.

Madame Schlick, comédie-vaudeville en un acte,par M. Varner.

Êtes-vous proscrit ? – Ayez une sœur. Une sœur comme Rose Chéri, s’entend. Fût-elle femme de chambre, pour de rire, ayez une sœur. Elle finira, – laissez faire, – elle finira par vous donner un beau-frère aussi distingué que Bressant, et à gagner du même coup la clémence du public, et de l’empereur d’Autriche, – deux empereurs ! Villars a créé un rôle de valet en dehors du Frontin, – ce Dave de Marivaux. – C’est bien le meilleur valet moderne que nous connaissions.

Nous applaudissons d’autant plus volontiers à ces deux jolis petits actes que certaines personnes avaient cru lire dans les quelques lignes que nous donnions la dernière fois au Gymnase, une hostilité systématique. D’hostilité, nous ne nous en sentons, pour notre part, contre aucune direction, nous ne tâchons d’en avoir que contre les mauvaises pièces ; et d’ailleurs en aurions-nous contre un théâtre, ce ne serait pas contre celui de M. Montigny. – Nous n’avons pas oublié qu’il y a un mois à peine, Mme Rose Chéri jouait une comédie de Musset dont n’avait pas voulu le théâtre de la rue Richelieu ; nous n’oublierons jamais que son mari a fait jouer Mercadet.

Edmond et Jules de Goncourt.

 

 

MADAME SCHLICK, COMEDIE-VAUDEVILLE EN UN ACTE, PAR M. VARNER.

Êtes-vous proscrit ? – Ayez une sœur. Une sœur comme Rose Chéri, s’entend. Fût-elle femme de chambre, pour de rire, ayez une sœur. Elle finira, – laissez faire, – elle finira par vous donner un beau-frère aussi distingué que Bressant, et à gagner du même coup la clémence du public, et de l’empereur d’Autriche, – deux empereurs ! Villars a créé un rôle de valet en dehors du Frontin, – ce Dave de Marivaux. – C’est bien le meilleur valet moderne que nous connaissions.

Nous applaudissons d’autant plus volontiers à ces deux jolis petits actes que certaines personnes avaient cru lire dans les quelques lignes que nous donnions la dernière fois au Gymnase, une hostilité systématique. D’hostilité, nous ne nous en sentons, pour notre part, contre aucune direction, nous ne tâchons d’en avoir que contre les mauvaises pièces ; et d’ailleurs en aurions-nous contre un théâtre, ce ne serait pas contre celui de M. Montigny. – Nous n’avons pas oublié qu’il y a un mois à peine, Mme Rose Chéri jouait une comédie de Musset dont n’avait pas voulu le théâtre de la rue Richelieu ; nous n’oublierons jamais que son mari a fait jouer Mercadet.

Edmond et Jules de Goncourt.

1 Dans le dernier article, à la quatrième colonne, lire confettiau lieu de concetti. - FIN

 

 

Numéro 8 du 28 février 1852.

Date de dernière mise à jour : 29/03/2016