Créer un site internet
BIBLIOBUS Littérature française

Numéro 3 du 24 janvier 1852.

OUVERTURE DU COURS DE M. SAINT-MARC GIRARDIN.

M. Saint-Marc Girardin est monté un mercredi en chaire, a relevé ses manches, a pris sous un de ses bras la Fantaisie, l’a troussée vivement, et de sa férule a appliqué à la pauvre fille, qui n’en pouvait mais, une rude fessée, aux applaudissements généraux. — Elle avait beau crier, l’innocente : Mais je suis l’Imagination ! Non ; disait M.Saint-Marc, entre deux cinglées, tu n’es pas l’Imagination, tu es la Fantaisie ! Toi, l’Imagination, le vrai génie poétique ! — Non, tu es la Fantaisie ; la contrefaçon, la parodie. — L’Imagination qui peint les nobles côtés de la nature humaine ! toi, la caricature, toi le grotesque, toi, l’ambition personnelle ! — L’ambition personnelle ! disait la pauvre petite au professeur de la Faculté. — Tais-toi, que je finisse. L’Imagination qui se développe par l’étude et le travail ! Toi, fille perdue, qui cherches ton inspiration dans le caprice, les rêveries, les chimères ! L’Imagination ! toi, le faux génie des poëtes et des romanciers modernes.

Ici le professeur s’arrêta pour ravaler sa salive, et la Fantaisie put s’esquiver, mais flagellée.

Eh ! donc ! voilà qui est convenu. l’Imagination s’appellera l’Imagination au xviie siècle, attendra un nom pour le xviiie, et aura nom Fantaisie au xixe. — On disait avant-hier : anciens et modernes ; hier : classiques et romantiques ; on dit aujourd’hui : imaginatifs et fantaisistes ! — Il n’y a rien de tel vraiment que les gens d’esprit pour résoudre les questions !

D’abord, dit M. Saint-Marc, défalquons de la fantaisie Hoffman, Jean-Paul, Swift et Sterne. J’en fais grand cas. — Le respect humain, monsieur, le respect humain. Certaines personnes, quand elles admettent le bénéficiaire de Sutton et l’homme de Berlin, Tristan Shandy et le violon de Crémone, ne vous rappellent-elles pas ces pères irréligieux, de bonne compagnie, qui font faire la première communion à leurs fils ?

« Le brouillard n’a rien qui me charme, continue le professeur ; et voilà pourquoi je n’aime pas la fantaisie. » « Le comédien Baron ayant prié Corneille de lui expliquer quatre vers, Corneille lui répondit : « Je ne les entends pas trop bien non plus ; mais récitez-les toujours. Tel qui ne les entendra pas, les admirera. »

« L’imagination du xviie siècle est la conception des grands caractères et des grands sentiments. » Autrement dit : le sublime. M. Saint-Marc rebaptise les idées : c’est une spécialité. Les grands caractères ! les grands sentiments ! Vraiment, nous croirions faire injure à la sincérité des opinions de M. Saint-Marc en le soupçonnant d’avoir lu Jacques et Honorine. « Ce que je reproche d’ailleurs à la fantaisie, c’est qu’elle est trop individuelle et trop égoïste. » Ainsi le cœur de M. Saint-Marc bat avec celui des personnages tragiques ; mais du moment que le héros n’est pas roi ou empereur, qu’il ne parle pas tout le temps de la pièce en roi ou en empereur, qu’il se nomme, par exemple, Triboulet ou Chatterton, les larmes tarissent. Il faut convenir que M. Saint-Marc a les larmes les plus obéissantes du monde. Ainsi, la lettre d’Esther ne dira rien à M. Saint-Marc, parce qu’elle est trop individuelle et trop égoïste ; mais il pleurera aux fureurs d’Œdipe, parce que cela a bien plus un coin d’idées et de sentiments généraux, parce qu’il s’y retrouve lui-même. Ainsi, M. Saint-Marc ne sera pas ému le moins du monde en lisant la Grenadière, parce que c’est chose individuelle et trop égoïste ; mais il pleurera avec César sur le cadavre de Pompée..... Merveilleuse faculté, et bien digne d’être applaudie par cet auditoire qui, depuis vingt-ans, a vieilli avec le professeur !

Eh ! monsieur, vous oubliez donc le succès toujours jeune, toujours renouvelé de ce livre, le plus prodigieux et le plus monstrueux livre de l’individualisme : les Confessions de Jean-Jacques ! C’est que le doigt touche la chair vivante.

En vérité, il fait peine, il fait honte à voir donner pour des vérités ces doctrines souffletées sur les deux joues depuis vingt ans, depuis trente ans, depuis cinquante ans, par tous les succès, par toutes les gloires !

Voltaire, un jour de franchise, disait que tout le monde avait encore plus d’esprit que lui. M. Saint-Marc Girardin peut descendre de Lucien : ses amis le disent ; mais est-ce une raison pour avoir plus d’illusions que Voltaire ?

Nous finissons : « Ce sont les fictions et les chimères de nos jours de migraine que nous appelons nos jours d’imagination, voilà la fantaisie moderne ! » — « Quelle belle chose que le coup de l’étrier ! Une jeune femme sur le pas de sa porte, le feu allumé qu’on aperçoit au fond de la chambre, le souper préparé, les enfants endormis ; toute la tranquillité de la vie paisible et contemplative dans un coin du tableau ! Et là, l’homme encore haletant, mais ferme sur la selle, ayant fait vingt lieues, en ayant trente à faire ; une gorgée d’eau-de-vie, et adieu. La nuit est profonde là-bas, le temps menaçant, la forêt dangereuse ; la bonne femme le suit des yeux une minute, puis elle laisse tomber, en retournant à son feu, cette sublime aumône du pauvre : Que Dieu le protège ! »

Ceci est une migraine d’Alfred de Musset.

Nous sommes à attendre celles de M. Saint-Marc Girardin.

Edmond et Jules de Goncourt.

LA RUE LAFFITTE.

Autrefois, — et cet autrefois est encore d’une bien fraîche date, — les marchands de tableaux ne logeaient nulle part. Ils logeaient un peu partout. Ils n’avaient point, comme certains commerces prosaïques, une rue inféodée à leur industrie. Il y avait la rue Cléry pour les meubles, la rue Guérin-Boisseau pour les bottes. Il n’y avait point de rue pour les Véronèse, signés Couture, ou les Canalette, signés Ziem.

Ce fut Beugniet, je crois, qui inventa la rue Laffitte. La rue Laffitte, cette rue de toutes les bohêmes, où tous les ateliers descendent, fut merveilleusement trouvée. Elle va comme vous savez de Bréda à Tortoni. Aussi tous les moutons sautèrent. Les derniers arrivés prirent la queue dans les rues adjacentes. Chaque jour ce fut une nouvelle vitrine ; et cette artère touristique de Paris devint comme le relais de la grande exposition, comme un lever de rideau qui fait attendre la grande pièce ; ce fut comme un bazar où la boutique appela la boutique. Cornu, Jules, de Peyrelongue, allumèrent leurs becs de gaz, montrèrent qui un Diaz, qui un Dupré, qui un Troyon, qui un Hoguet, qui dans un rez-de-chaussée, qui à une fenêtre, qui dans un magasin tout doré comme un salon du dernier siècle ; et dans une arrière-pièce de ce rez-de-chaussée, dans un débarras de cette chambre, dans un boudoir de ce salon, se donnèrent rendez-vous les artistes, et je ne dirai pas les amis des artistes, — Henri Monnier les a tués, — mais les amis des amis de l’art ; et ce fut, comme après la grande peste de Rome, des mains serrées, des mots inchangés, des idées prêtées entre les Michelagnolo, les Giulo Pippi, les Gianfrancesco, les Cellini, les Aurelio d’Ascoli, et un peu aussi les Pantasilea de la moderne pléiade : la boutique devint atelier, et le marchand amateur.

Beugniet. — Un Christ de Delacroix, vieille connaissance du Salon que le public réadmire. — D’éblouissantes débauches de couleur de Diaz ; — Le Rubens du chevalet est représenté par deux petites toiles. Dans l’une, un Escalier où descendent des pêcheurs, M. Isabey semble avoir un peu divorcé avec la lumière et le gras des contours ; mais l’autre, un Intérieur d’église bretonne, a toutes les anciennes qualités, peut-être même un peu plus sérieuses, de la spirituelle peinture. — Deux vieux Hoguet, bien pleins de brouillard, bien râpeux et bien grenus, du temps que ses ciels n’avaient pas encore tournés à la faïence. — Un Roqueplan, plein de mélancolie, mais qui a le malheur des Roqueplan, d’avoir le dessin des lignes cerclé. — Un Loubon. Un homme à cheval, qui pousse devant lui des chevaux blancs ; fouillis de croupes blanches fuyant vers un ciel bleu, sur un terrain calciné, brûlé, poudroyant, pulvérulent. — D’Hervier : une Rue en montée avec des plans de toits et un Moulin pyramidant ; du gris, du sale, du fumier, des loques criardes, des masures écloppées, un ciel tout noir de pluie d’hiver ; et tout cela fouillé, plein air et de couleur. — Millet : la Batteuse de beurre ; du réalisme qui fait rêver. — Des Fauvelet, ce vignettiste heureux de la peinture à l’huile. — Fromentin : Scènes des champs, originales, à côté de celles de M. Millet. Peinture beurrée, chaudement colorée. Seulement des terrains sans solidité, dans lesquels s’emboueraient les rustiques chariots. — Un Effet de matin de Troyon ; une naissance de jour sous un manteau de brouillard, d’une science et d’une vérité incroyables. Ce tableau a été lithographié par François ; et l’on est à savoir qui du peintre ou du lithographe a mieux attrapé le matin. — M. Beugniet possède encore un Intérieur de forêt, le dernier tableau qu’ait vendu Longuet.

Cornu possédait un Ziem passé depuis en Belgique : une Vue de Venise, comme Ziem sait en faire avec des lointains de palais rosés, des ciels bleus dégradés dans le clair des transparences méridionales, cette Adriatique, toute clapotante de lumières, où semblent dormir, les ailes pliées, ces vaisseaux à grandes voiles que le peintre fait si bien reposer à l’ancre devant Saint-Marc, et ces horizons fourmillants, et tout ensoleillés, avec des dômes innombrables et des clochetons d’argent. — Si nous disions que M. Ziem peint avec du soleil, on nous dirait que nous calomnions le soleil ; de bien peu, vraiment. Maintenant Venise est à M. Ziem : c’est son douaire ; et M. Joyant ne réclamera pas. — L’Orient de Marilhat et de Decamps l’attend. Combien l’attendront-ils ? — M. Ziem nous disait dernièrement qu’il avait failli partir cet été à Constantinople. — Nous avons un budget des arts. Est-ce que le gouvernement devrait permettre à certains artistes d’arrêter leurs projets avec le mot de panurge : Faulte d’argent ?

Jules. — Une Tête d’étude de l’école Couture, d’un furieux effet et d’une merveilleuse assimilation du maître, signée Hount ; une tête de femme du peuple vraie, un type canaille, à qui le peintre a donné je ne sais quel accent, comme Auguste Barbier a peint le voyou, en lui donnant grande tournure. — C’est le secret des forts de faire autre chose que du daguerréotype.

De Peyrelongue. — Sous ces lambris d’or faits d’hier, où Mme de Pompadour ne se trouverait pas dépaysée, une Marine capitale d’Eugène Isabey. — Chèvres et Bouquins, par Palizzi, deux pendants qui se recommandent par la vérité et le bien touché. — Dumarescq : Un tableau de fruits, d’un faire large et osé. Verres et fruits, tout est éclairé d’une seule touche ; — deux des plus jolis tableaux de Villain, qui doit se garder des réminiscences de Beaume. — Galetti : Une vue de Montmartre, en pleine pâte. Les blancs crient peut-être un peu sur cette colline si noire. — De Lessore, d’heureuses croquades. — Un Durand-Brager, d’une belle dimension. La mer roule. Une barque en haut d’une vague saute dans une trouée de lumière. Cette percée d’argent au centre du tableau, dans ce ciel encore voilé, en haut de cette mer sombre, est du plus heureux effet. — Tillot : une Étude de coquelicots, grande et savante étude. — La plus belle sans contredit de toutes les aquarelles de Deshayes. — Dans les cartons, une série d’aquarelles de Hoguet, seconde manière. Plus de rehauts de gomme, plus de frottis, plus d’arrachis. Tout est lavé, relavé, et comme estompé. M. Hoguet cherche maintenant l’aquarelle sans ficelles ; mais cela revient un peu au primitif. Les ombres non gommées perdent l’éclat et la transparence. Les ciels sont toujours prodigieux ; toujours ces pâtés de nuages gris qu’il écrase si bien dans un ciel blanc. Mais les premiers plans n’ont plus cet enlevé et cet avancé de ses aquarelles du Musée du Havre, ou de celle encore que nous avons vue à Lyon, une vieille femme tout en frottis, dont le jupon rouge ressautait comme une jupe de Castiglione. — N’oublions pas les pastels d’un jeune homme d’avenir, M. Pouthier.

Edmond et Jules de Goncourt.

À M. A. DE PONTMARTIN.

« MM. Edmond et Jules de Goncourt... que l’ardeur du travail et le zèle ardent de l’inspiration pourraient placer si haut. »

Jules Janin, Journal des Débats.

« MM. Edmond et Jules de Goncourt... Vadius de tabagie. »

A. de Pontmartin, Revue des Deux Mondes.

Nous ferons une simple question à M. A. de Pontmartin : Croit-il que ce soit dans une tabagie ou dans une bibliothèque que nous ayons trouvé la lettre inédite de Mme de Maintenon ?

Edmond et Jules de Goncourt.

 

CHRONIQUE DES THÉÂTRES.-THÉÂTRE-FRANÇAIS.

Nous devons quatre-vingts lignes. Oui, madame, ni plus ni moins, quatre-vingts lignes ! Le Pour et le Contre, c’est un proverbe d’Octave Feuillet. Vous avez vu ce petit volume à couverture grise, en flânant rue Vivienne, à la vitrine de Michel Lévy. M. Feuillet a fait ses premières armes dans la Revue des Deux Mondes. Il est de l’école de l’esprit.

C’est un talent charmant, distingué, féminin presque, à qui le maître sourit. M. Feuillet affectionne le proverbe. Dans ce petit cadre, il est à l’aise comme Metzu dans une petite toile. Il a jeté bas l’intrigue pour aller à droite à gauche, et aussi un peu pour que les personnages parlassent plus ; et il fait de si jolis écarts, et il laisse parler ses gens si bien, qu’on ne lui en veut pas longtemps. La scène n’est ni ici ni là, elle est où il vous plaît. Peut on mieux dire ?

Tantôt, ce sont deux vieillards qui vous rappellent un Ménage d’autrefois de Gorgol, — une nouvelle à lire, et qui fait venir les larmes aux yeux ; tantôt, c’est un don Quichotte du célibat, courant blés et châteaux, avec un Sancho Pança qui ne demande qu’à peupler, dirait d’Allainval.

Les décors changent et varient : c’est un palais, puis une chambre, puis une allée ; là, sur ce balcon, les marmitons s’entretiennent ; ici, sous cette feuillée, deux cœurs chuchotent ; plus loin, maris et femmes se boudent et se raccommodent : LE POUR ET LE CONTRE.

Mme la marquise va être trompée par son mari, absolument par la seule raison qu’elle est sa femme. Dans un tête-à-tête, la marquise plaide le pour des fautes de l’épouse, le marquis plaide le contre ; puis c’est le marquis qui plaide le pour des fautes de l’époux, et c’est la marquise qui plaide le contre. Chacun prêche pour son saint, et chacun se convertit, en ne laissant à M. Feuillet que le temps de faire une charmante avocasserie de sentiment. « Allez en paix et ne péchez plus ! » Et tout est pardonné. Voilà le Pour et le Contre ! le Pour et le Contre, un charmant sous-titre du Caprice ! Ce soir donc, en allant rue Richelieu, nous nous attendions à de la monnaie de Musset ; non pas du billon, mais bien de ces petites piécettes reluisantes et frappées au bon coin que Mme de Léry eût mises en réserve pour la bourse bleue. Mais nous avons eu à faire à MM. Nyon et Laffite.

Avez-vous vu la Savonnette impériale ?

Donc Derval s’est fait Brindeau ; Mme Dupuis s’est faite Mme Denain ; Pellerin, le dragon brosseur de la salle Montansier, est devenu Tronchet, le hussard brosseur de la Comédie-Française. Il n’y a qu’une Brohan de plus. Augustine Brohan promène à travers cet amour inscrit au budget des recettes du ministère de la guerre un rire moqueur, une charmante robe rose et toutes les démangeaisons coquettes d’une jeune femme qui se sent veuve jour et nuit d’un mari absent.

Quelques vieilles pensées rhabillées de neuf, quelques mots fins et délicats, quelques emprunts spirituels à la langue politique, ne réussissent pas à faire croire à une comédie.

M. Broussard, qui est né au Palais-Royal pour les jurons, et au Gymnase pour les sentiments… Savez-vous, soit dit en passant, que c’est une chose assez triste que le Palais-Royal desserve son grand voisin. Le Théâtre-Français, qui garde si bien certaines traditions, ne devrait plus se laisser prendre à ces vaudevilles émondés de couplets. M. Gozlan a commencé la contrebande ; mais il nous semble que Comme on se débarrasse d’une Maîtresse aurait dû être une leçon. Oui, nous jugeons cela triste, que notre première scène française, cette scène où passait hier Didier ou Octave, ce frais rire et ces larmes poignantes, se fasse le rendez-vous des clairvillades repenties !

Elles sont inquiètes, nos deux veuves. Elles n’attendent pas, les jeunes femmes ! c’est une justice à leur rendre. Elles aspirent, elles espèrent, elles ont le cœur entre-bâillé. Comme il n’y a pas de romans à la campagne, elles en font un à propos de tout. Une tabatière en or trouvée sur l’herbe, voilà le prétexte. Son nom, son âge ? Ces dames essaient de juger sur tabatière ; la découverte de la tabatière les rend fort perplexes sur la pose des pièges à loup dans le jardin, ou de verrous à leur cœur… Cré mille… ! C’est le colonel Broussard qui vient fumer sa pipe dans le salon de Mme de Blaves ; il apporte son brevet de mari signé par l’empereur. Elle fera comme la Catalogne, Mme Denain. Supposant que l’homme à la tabatière est un sien cousin, elle lui écrit qu’elle est prête à l’épouser. — Pour le rôle que joue la tabatière dans la pièce, on pourrait bien l’offrir à Lablache. — Mais vous le savez déjà : Mme de Blaves a trouvé un rustre du plus beau modèle chez le colonel de hussards. Broussard l’a vue priser dans ladite tabatière : ils doivent s’aimer. Ils s’aiment, et tout s’arrange. Broussard est comte ; il chante, il peint des fleurs, il fait des mots, il salue ; il se découvre ; il ne s’assied que quand on est assis. Il a peut-être une boîte de cachou sur lui.

Tout s’arrange, et dans l’arrangement général regardez le bonheur de Mme de Chantreuil retrouvant son mari dans l’homme à la tabatière ; un mari plein de confiance qui a acheté un château aux environs pour expertiser en voisin la fidélité de sa femme.

Le public applaudit au bonheur de Mme Brohan ; le public applaudit Brindeau et ses exagérations de caserne ; il l’applaudit encore pour revenir si vite à ce rôle dans lequel nous le tenons en grande estime : l’homme de salon.

Et nous recommençons notre romance :

Avez-vous vu la Savonnette impériale ?

Edmond et Jules de Goncourt.

GAÎTÉ.

L’histoire de la claque se perd dans la nuit des temps.

Chez les Romains, on distinguait trois variétés d’applaudissements : les bombi, dont le bruit imitait le bourdonnement des abeilles ; les imbrices, qui retentissaient comme la pluie tombant sur les tuiles ; et les testœ, dont le son éclatait comme celui d’une cruche qu’on casse.

C’est à la Gaîté, l’autre soir, au Château de Grantier, que nous nous sommes rappelé notre Suétone. La grande pièce était jouée au-dessous du lustre, sous prétexte d’un drame décroché par M. Maquet au vestiaire du Cirque : une Closerie des Genêts militaire. — M. Maquet vaut mieux que cela.

Il faut le reconnaître, depuis quelque temps les acteurs prennent l’habitude d’être meilleurs que les pièces. — Deshayes est d’un dramatique simple et sobre, Mme Lacressonnière a un balbutiement d’une grande émotion, Mme Lambquin a de vraies larmes. Quant à Mlle Thuillier, qu’elle nous permette de lui dire ce que Rodolphe disait à son ancienne maîtresse : Vous n’êtes plus Mimi ! - FIN

 

 

Numéro 4 du 31 janvier 1852.

Date de dernière mise à jour : 28/03/2016