Du tems que la Raison était dans son enfance,
C'était nouveau jeu chaque jour :
La Raison partageait alors avec l'Amour
Mille plaisirs où régnait l'innocence.
Un jour d'été , dans un bois, à l'écart,
Ils goûtaient à loisir, le charme de l'ombrage ,
Ecoutant des oiseaux le gracieux ramage ,
Quand du jeu de Colin-maillard
Amour donna l'invention première.
Tirons au sort, dit le dieu de Cythère,
Pour voir à qui de nous il écheoira
D'être bandé. Sur le champ on tira :
La courte-paille en fit l'affaire.
L'Amour perdit, il se mit en colère.
Quand il fut appaisé , la Raison le banda ;
Puis, sans faire de bruit la belle s'évada.
L'Amour têta, chercha, courut de plaine en plaine,
Afin d'obliger la Raison
De tirer ses yeux de prison ;
Mais hélas ! sa peine fut vaine:
Le dieu des cœurs depuis n'a point vu la clarté ,
Et la Raison l'a toujours évité.