BIBLIOBUS Littérature

II

 

 


D'un pas martial, il descendit les marches du perron en faisant sonner les clous de ses souliers. Déjà, à grandes enjambées, il se dirigeait vers la grille du jardin, lorsque Mme Colin-Tampon éprouva le besoin d'ajouter quelques conseils aux nombreuses recommandations qu'elle lui avait déjà prodiguées.

«Ernest!» s'écria-t-elle.

Ernest fit volte-face, et, voyant que sa femme accourait vers lui, il voulut galamment lui épargner les deux tiers du chemin. Il ne courait pas il volait, et les trois petites plumes qui ornaient son chapeau étaient rejetées en arrière par la rapidité de sa course.

En le voyant si jeune et si leste, Mme Colin-Tampon sourit. Ernest arriva comme elle descendait la dernière marche du perron; son mouvement fut si vif, que le tendre baiser destiné à la joue de Mme Colin-Tampon retentit sur le bout de son nez.

«Ernest, dit-elle, tu seras prudent.

—Je te l'ai promis.

—Un malheur est sitôt arrivé.

—Je ne suis plus un enfant.

—Non; mais tu es si jeune et si pétulant pour un homme de ton âge!»

Ce fut au tour de M. Colin-Tampon de sourire; i1 cambra les reins, tendit les jarrets et se disposait à partir lorsque Mme Colin-Tampon lui dit:

«Je ne te souhaite pas bonne chance, parce que l'on dit que cela porte malheur; mais je suis bien sûre que tu ne reviendras pas le carnier vide.

—On ne peut pas savoir, répondit le chasseur avec une feinte modestie.

—Je suis si sûre de la justesse de ton coup d'oeil, que Jeannette n'achètera pas de rôti pour le dîner; je compte sur toi. Vous entendez, Jeannette?

—Oui, madame, j'entends,» répondit Jeannette avec un sérieux parfait. Son maître était si beau dans son costume de chasse qu'il ne pouvait manquer de faire de nombreuses victimes.

Azor, en son âme de chien, se disait: «A qui en ont-ils? Est-ce que nous ne partirons pas aujourd'hui?»

 

Un tout petit oiseau, perché sur une branche à quelques pas de là, chantait à plein gosier; si près de Paris, les petits oiseaux eux-mêmes deviennent sceptiques et moqueurs comme des gamins de Paris. Celui-là savait que l'habit ne fait pas le chasseur, et l'apparence martiale de M. Colin-Tampon l'égayait au lieu de lui inspirer de l'effroi. Si M. Colin-Tampon eût été plus au courant des usages, des moeurs et des superstitions de l'antiquité, il aurait tiré un fâcheux présage du chant moqueur de ce petit oiseau.

Mais M. Colin-Tampon n'était point au courant des usages, des moeurs et des superstitions de l'antiquité. Il y avait à cela d'excellentes raisons M. Colin-Tampon n'avait point fait d'études classiques. Le peu qu'il savait, il l'avait appris dans le Moniteur de la Mercerie, qui se soucie, comme d'une guigne, de l'antiquité et de ses superstitions.

 

 

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