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BIBLIOBUS Littérature française

Le rire et les rieurs - Henri Roorda (1870 – 1925)

 

 

 

1925-26

 

Table des matières

 

  • LE RIRE ET LES RIEURS.
  • INTRODUCTION. 
  • COMMENT ON A EXPLIQUÉ LE RIRE.. 
  • LE MOT ET LA CHOSE.. 
  • LES RIEURS. 
  • L’HUMORISTE ET LE FANATIQUE.. 
  • NOTE.. 

 

INTRODUCTION.

Comme le photographe, la Nature, de temps en temps, nous dit : – « Souriez ! » – Dans ces moments-là, les gens simples obéissent sans demander d’explications. Il y en a même (les plus jeunes) qui, devant le spectacle plaisant qu’on leur offre, éclatent de rire. Mais les philosophes sont des particuliers qui veulent savoir pourquoi ils rient et pourquoi ils sourient. Ce sont de grands enfants. On leur donne une belle poupée et ils la déchirent pour savoir ce qu’elle a dans le ventre. Quelques-uns d’entre eux nous ont fait part de leurs trouvailles. Nous en parlerons tout à l’heure.

Les cas où nous rions sont extrêmement variés. On peut nous faire rire en nous chatouillant. Nous rions lorsque le ciel nous envoie un bonheur inespéré : par exemple, une grosse somme d’argent, – ce qui, soit dit en passant, est très rare. Nous rions aussi lorsque nous voyons un passant s’étaler dans la boue. Les grimaces d’un clown, la bêtise de notre prochain, les mots spirituels d’un comédien, nous font rire. Il existe même de tristes personnages qui, dans le monde, sont égayés par les incongruités d’un malappris. On peut rire encore pour cette raison qu’on grelotte de froid, ou bien, parce qu’on est en train de devenir fou. Enfin, il nous arrive de rire pour ne pas pleurer. Moi-même, si je ne craignais pas d’inquiéter mes proches, je pourrais, en cette minute, éclater de rire bruyamment, pour le seul plaisir de montrer qu’on peut rire sans raison ; et, en se prolongeant, mon rire finirait peut-être par devenir « naturel ».

On le voit : il ne sera pas facile d’indiquer, en peu de mots, les conditions nécessaires et suffisantes pour qu’un être humain se mette à rire, ou à sourire. Des hommes célèbres : Kant, Schopenhauer, Herbert Spencer, Bergson, et d’autres encore, ont essayé de résoudre ce problème. Un philosophe est une machine à faire de l’unité. Mettre de l’unité dans le monde sensible ; rattacher les phénomènes les plus divers à une cause générale, toujours la même, c’est, pour l’intelligence, le jeu le plus passionnant. Cette recherche de la loi a, d’ailleurs, donné, dans le domaine de la physique, des résultats merveilleux. Mais, souvent, le travail auquel les philosophes se livrent n’est qu’un jeu. Il y a des penseurs qui, heureux de la formule saisissante qu’ils ont trouvée, oublient qu’en mettant de l’unité dans les mots on ne supprime pas la diversité, peut-être essentielle, qu’il y a dans les choses.

S’il y avait plus d’unité dans les phénomènes, notre intelligence en saisirait un grand nombre avec un effort moindre. Notre besoin de généralité est donc un besoin normal de notre esprit. Mais, à supposer qu’il y ait une Volonté dans l’Univers, rien ne prouve que celui-ci soit constitué de manière à satisfaire un jour tous les besoins de l’esprit humain.

Je vais dire brièvement comment quelques philosophes ont « expliqué » le rire.

COMMENT ON A EXPLIQUÉ LE RIRE

Il y a une théorie du rire qu’on peut appeler : théorie de la dégradation. Si elle était complètement juste, nous ririons seulement dans les cas où nous apercevons quelque chose d’indigne ou de dégradé dans le spectacle qui s’offre à nous. Notre rire ne ferait que manifester notre tendance à rabaisser notre semblable, notre penchant à chercher en autrui, pour en jouir, ce qui est bas et laid. Voici, par exemple, ce que dit le philosophe Thomas Hobbes :

« La passion du rire n’est pas autre chose que le brusque sentiment de triomphe qui naît de la conception soudaine de quelque supériorité en nous, par comparaison avec l’infériorité d’autrui, ou avec notre infériorité antérieure. »

Autrement dit, notre rire ne serait jamais autre chose que de la moquerie.

On pourra citer beaucoup de cas où l’idée de Hobbes sera confirmée. Au théâtre, ou ailleurs, nous avons bien souvent ri de la maladresse, de la bêtise, de la laideur ou de la vanité de certains personnages. Pour que, dans un salon, des femmes élégantes échangent un sourire furtif, il suffit, parfois, qu’une de leurs chères amies se présente à elles dans une toilette démodée. Et je n’ai pas besoin de rappeler que les infortunes conjugales du pauvre Anatole ont prodigieusement amusé quelques-uns de ses collègues.

Mais on peut rire aussi sans se moquer de personne. Dans tel mot spirituel que nous avons goûté en souriant, il n’y a pas trace de méchanceté. Ces enfants ont éclaté de rire et ont battu des mains parce que des prestidigitateurs venaient de les émerveiller. Et il nous arrive, à nous aussi, de sourire d’admiration ; – ou de bonheur. La théorie de Hobbes n’explique pas le sourire que viennent d’échanger ces deux amoureux.

L’illustre philosophe Kant a aussi étudié le problème du rire. Il nous raconte l’histoire d’un Hindou qui, assis à la table d’un Anglais, et voyant des torrents de mousse s’échapper d’une bouteille de bière, en témoignait son étonnement. Comme on lui demandait d’où venait sa surprise, il répondit : – « Je ne m’étonne pas du tout qu’elle s’échappe ; mais je me demande comment vous avez pu la faire entrer. » – D’après Kant, ce qui constitue le comique de cette réponse c’est ce qu’il y a en elle d’inattendu. Nous rions, dit-il, lorsque l’événement qui se produit n’a aucun rapport avec celui auquel nous pouvions, raisonnablement, nous attendre. Voici, d’ailleurs, sa définition : « Le rire est une affection naissant de la soudaine réduction à rien d’une expectative intense. »

Cette définition est tout à fait insuffisante. D’abord, il se produit parfois dans notre vie des événements imprévus qui n’ont absolument rien de risible. Un embêtement auquel on ne s’attendait pas n’en est pas moins un embêtement. Et puis, si nous désirions vivement la chose que nous attendons, « la soudaine réduction à rien de notre expectative » ne nous ferait pas rire. Elle nous ferait peut-être pleurer.

Prenons un exemple. Un homme attend la femme qu’il aime. Elle va venir. On sonne. Tremblant, l’amoureux ouvre la porte… et il se trouve en face d’un colporteur qui vend des brochures édifiantes. Voilà un cas où une expectative intense se réduit soudainement à rien. Mais si l’événement est drôle, ce n’est en tout cas pas pour l’homme déçu. Je me représente l’aménité avec laquelle il va répondre à l’apôtre ambulant.

D’autre part, James Sully fait au philosophe allemand cette objection très juste : – « Quand nous suivons d’un œil amusé tous les actes d’une personne qui ignore le bon tour qu’on lui a joué, et que nous sommes nous-mêmes dans le secret du complot, nous pouvons prévoir ces actes avec une assez grande précision ; et l’élément de surprise s’amoindrit au point de disparaître. » –

Parfaitement ! C’est lorsque la personne mystifiée agit comme nous l’avions prévu, que la farce nous paraît le plus drôle.

Concluons : Pour qu’une chose nous fasse rire, il ne suffit pas qu’elle soit imprévue ; et cela n’est pas nécessaire. Mais je veux bien accorder à Kant qu’une histoire comique est moins amusante lorsqu’on l’entend pour la dixième fois. Elle manque alors un peu trop d’imprévu.

Disons deux mots du philosophe Schopenhauer. Celui-là, pour illustrer sa théorie, nous donne un exemple bien ahurissant. D’après lui, le spectacle d’un cercle et d’une ligne droite tangente à ce cercle devrait nous mettre en gaîté. Il reconnaît d’ailleurs que cette figure géométrique n’est pas d’un comique intense. C’est égal : en qualité de professeur de mathématiques, j’ai très souvent contemplé une droite tangente à un cercle ; mais je n’y ai jamais rien aperçu de drôle. Schopenhauer a envie de rire parce qu’au point où la droite touche le cercle il se forme un angle sans qu’il y ait intersection de deux lignes. C’est donc un angle qui n’est pas conforme à l’idée qu’on se fait généralement de l’angle. Pour ce philosophe, nous rions lorsque les phénomènes qui nous apparaissent ne répondent pas à la définition qu’on a l’habitude d’en donner.

Schopenhauer nous donne un second exemple, meilleur que le premier. Un homme a été arrêté par des soldats qui lui permettent de jouer aux cartes avec eux. Ils reconnaissent bientôt que cet homme triche et ils le chassent à coups de pied, oubliant complètement qu’il est leur prisonnier.

Ici, selon Schopenhauer, nous rions parce que l’incident, c’est-à-dire le renvoi d’un prisonnier, ne rentre pas dans cette règle générale : « Les tricheurs doivent être mis à la porte. » Remarquons aussi que l’acte des soldats est en désaccord avec cette autre règle générale : « Quand on a fait un prisonnier, on doit l’empêcher de fuir. » Cette seconde manière de dire ne fait d’ailleurs que confirmer la théorie de Schopenhauer. Examinons cette explication d’un peu plus près.

LE MOT ET LA CHOSE

Un jour, un ami qui voyageait en France m’a envoyé de là-bas un journal intitulé « Le Réveil des Limonadiers. » Il espérait que ce titre me ferait sourire. Il ne s’est pas trompé : j’ai souri. J’aurais sans doute souri de même si, derrière la vitrine d’un libraire, j’avais aperçu un livre intitulé : « L’âme du lampiste » ou bien : « L’idéal du pédicure ».

Notre sourire n’est pas toujours très intelligent. Pourquoi le pédicure n’aurait-il pas un idéal ? Pourquoi le lampiste n’aurait-il pas une âme ? Pourquoi le limonadier n’aurait-il pas un « réveil », comme le chrétien, comme le lion ?

Les mots que nous entendons nous donnent une idée très incomplète, et donc fausse, de la réalité. Nous employons des mots qui sont simples pour désigner des choses qui ne le sont pas. Le nom de la chose ne nous rappelle pas tout ce qu’il y a dans la chose. Il y a dans un limonadier quelque chose de plus qu’un limonadier. Il y a dans un amoureux quelque chose de plus qu’un amoureux. Un amoureux peut être, en même temps, un malheureux qui souffre de rhumatismes. Il peut avoir des soucis d’argent qui, par moments lui font oublier ses chagrins d’amour. Et, à l’ordinaire, c’est un homme qui exerce une certaine profession. Les choses de notre métier occupent dans notre pensée une place qui n’est pas négligeable. Enfin, dans les moments où l’on a très faim, on ne pense pas uniquement à sa bien-aimée. Nous ne devrions donc pas nous attendre à ce que toutes les paroles et tous les actes de l’amoureux qu’on nous a annoncé soient les paroles et les actes de l’amoureux-type. Mais notre intelligence est paresseuse ; et, pour commencer, nous ne nous représentons qu’un seul aspect du phénomène dont nous connaissons la définition. Le mot cambrioleur, par exemple, ne nous rappelle d’abord que le caractère commun à tous les cambrioleurs.

Cette remarque explique le comique spécial de quelques-uns des personnages que Tristan Bernard nous présente dans ses romans et dans ses comédies. Cet impeccable humoriste nous montre des fiancés, des hommes d’affaires, des cambrioleurs, des guerriers, des pionniers de la civilisation, qui ne ressemblent pas du tout aux êtres conventionnels que l’on retrouve si souvent dans les livres. Ce sont des héros manqués, des types plus ou moins ratés. Ce sont des êtres indéfinissables, pareils aux êtres quelconques que nous rencontrons dans la vie. La timidité, l’hypocrisie, ou, simplement, une certaine torpeur les gênent dans l’expression de leur passion dominante. Et puis, leurs états d’âme ne sont pas plus stables que ne le sont les nôtres. En eux, comme en nous-mêmes, les passions sont parfois profondément endormies. Voilà pourquoi leur conduite n’est pas toujours celle à laquelle nous nous attendions. C’est parce qu’ils sont vrais que ces personnages sans éclat nous déconcertent et nous amusent. Mais c’est pour la même raison, parce qu’ils ne sont pas conformes au Modèle, qu’ils déplaisent aux personnes cultivées qui ont étudié l’humanité dans les chefs-d’œuvre de la littérature classique. Molière, Corneille et Racine ont mis trop de logique dans les choses du sentiment. Leurs héros disent toujours exactement ce qu’ils doivent dire. Ils nous montrent des êtres dont le mécanisme intérieur est facile à démonter, comme s’ils avaient voulu faciliter la tâche des professeurs qui, pendant des siècles, expliqueront encore leurs œuvres aux collégiens.

Les types, créés par les grands écrivains que je viens de nommer sont des êtres abstraits, c’est-à-dire simplifiés. Tristan Bernard sait fort bien que, chez un individu en chair et en os, les mouvements de l’âme sont, presque toujours, des « mouvements gênés ». Dans notre vie intérieure, les petites choses occupent autant de place que les grandes.

Le mot n’est pas la photographie de la chose. Nous rions lorsque l’image qui se présente à nous contraste violemment avec celle qu’un nom avait déjà évoquée confusément dans notre esprit. On pourrait toutefois répondre à Schopenhauer que ce contraste n’est pas toujours comique. Il peut être attristant. Des « pionniers de la civilisation » qui, pour ne pas mourir de faim, en sont réduits à manger les nègres de leur escorte, ne sont certes pas conformes à l’idée qu’on se fait de l’Européen qui a été chargé d’aller délimiter les régions du continent africain où le cannibalisme sévit encore. Tels que Tristan Bernard nous les présente, ces pionniers nous font rire. Mais il est facile d’imaginer des cas où un « père de famille », par exemple, qui se conduirait d’une manière anormale, provoquerait notre indignation. Ce qui est en désaccord avec la règle n’est pas nécessairement risible.

Que le lecteur veuille bien m’excuser. À la longue, l’effort d’attention qu’il faut faire pour comprendre les explications des philosophes devient fatigant. Quand on écoute les théoriciens du rire, on ne rit plus. J’aurais bien voulu ne mettre aucun sérieux dans cette brochure ; mais cela m’a été impossible. Je n’ai jamais réussi à me débarrasser de mon sérieux héréditaire, que je dois à mon grand-père, le pasteur. Lorsque je parle de cet excellent grand-père, que je n’ai jamais connu, j’éprouve toujours le besoin de raconter qu’il a été enterré à Sainte-Hélène. (! !) Oh ! ce n’est pas pour les mêmes raisons que l’Autre. Mais j’aime à rappeler la chose, car cela met entre ma famille et celle de Napoléon une indiscutable analogie. J’ajoute que mon grand-père est encore là-bas. Pourquoi le déplacer ?

Qu’on soit indulgent. Mon sérieux n’est rien à côté de celui de James Sully. Celui-là est un véritable savant. Il veut traiter le problème du comique d’une manière complète. Le jour où j’ai acheté son : Essai sur le Rire, je me disais que cet ouvrage de quatre cents pages serait pour moi d’une lecture facile. Eh bien, ça n’a pas été très drôle. J’ai dû sauter bien des pages.

Lorsqu’un auteur anglais nous annonce un essai, il faut se méfier. Comme il est fermement décidé à ne pas essayer une seconde fois, il dit tout de suite tout ce qu’il a à dire et même, parfois, quelque chose de plus. Dans son gros volume, James Sully nous parle des occasions et des causes du rire ; de ses origines ; des variétés du risible ; du rire pendant les trois premières années de notre vie ; du rire chez les sauvages ; du rire chez les philosophes allemands ; des théories qu’on a imaginées pour expliquer le rire ; du chatouillement ; du rire dans l’évolution sociale ; de la valeur définitive du rire et de ses limites… Et je ne dis pas tout.

Par moments, je trouvais tout cela un peu triste. Je n’ai absolument rien à reprocher à l’auteur, dont la probité scientifique est admirable. Mais je m’attendais à autre chose.

C’est égal : le livre de James Sully est très instructif. Si je ne l’avais pas ouvert, mes idées sur le rire seraient beaucoup plus pauvres. L’auteur se pose des questions auxquelles, très probablement, nous n’aurions jamais songé. Je le prouverai tout à l’heure.

James Sully se penche sur les berceaux pour savoir au bout de combien de jours le nouveau-né commence à sourire. À cet égard, certains bébés sont beaucoup plus précoces que d’autres. Je me dis que cela doit dépendre, en particulier, de la tête des parents, et je me demande avec inquiétude ce que deviendrait un enfant qui ne verrait jamais sourire et qui n’entendrait jamais rire. Car il arrive bien rarement à l’être humain d’inventer quelque chose. On doit presque tout lui apprendre.

Voilà donc une circonstance qui complique encore le problème : le rire est un phénomène naturel et spontané ; et c’est aussi quelque chose que le milieu social nous a enseigné.

Voici une question plus imprévue que se pose notre auteur. Il se demande : Pourquoi est-ce la contraction de nos muscles faciaux, de notre muscle zygomatique, qui est le signe de notre allégresse ? Est-ce que le dodelinement de la tête, le retroussement des narines ou la flexion des jambes, par exemple, seraient moins expressifs ? Car, n’est-ce pas, nos sentiments peuvent se traduire par des mouvements de toutes sortes. J’ai tellement l’habitude de sourire avec le visage que je n’ai jamais songé à faire sourire d’autres régions de ma surface. Mais James Sully pense à tout. Le problème qu’il essaie de résoudre est d’ailleurs très intéressant. Il constate d’abord que beaucoup de sauvages manifestent leur contentement en se frottant le ventre. (Remarquons, en passant, que certains Vaudois font la même chose.) On comprendra ce geste si l’on se dit que, pour les êtres primitifs, le plaisir ordinaire, c’est le plaisir de manger. Cela est encore plus vrai pour les bébés, lesquels sont particulièrement heureux lorsqu’ils tètent.

Et, maintenant attention ! Le premier sourire d’un nouveau-né est le mouvement de la bouche qu’il fait en tétant. C’est en tétant que l’être humain a, pour la première fois, l’occasion de manifester sa joie. Plus tard lorsqu’il ne tète plus, les muscles de sa bouche, par droit d’ancienneté, sont préposés à l’expression des sentiments agréables. James Sully ne va pas jusqu’à prétendre qu’une jolie femme qui sourit ne fait pas autre chose que de téter dans le vide. Mais je crois traduire fidèlement sa pensée en disant que le rieur apparaît à la surface du globe sous la forme primitive d’un têtard.

Je l’ai dit : l’auteur dont je m’occupe procède scientifiquement. Pour lui, le rire n’est pas le propre de l’homme. Il a étudié le rire chez les animaux. Mes propres observations m’ont appris que les poissons ne rient jamais. Et ce n’est pas l’eau qui les gêne ; car, lorsqu’on les sort de cet élément liquide, ils restent impassibles et froids. Par contre j’ai souvent aperçu de la malice dans les yeux de l’éléphant. Jules Lemaître remarquait déjà que ces pachydermes ont quelque chose d’éléphantaisiste. Une nuit, j’ai entendu le barrissement d’une de ces bonnes bêtes qu’on mettait en wagon, à destination de Genève. C’était une musique joyeuse qui enchanta sûrement les habitants du quartier sujets aux insomnies. Mais voilà : dans le monde des éléphants barrit-on pour exprimer de la gaîté ? Rire ou barrir : là est la question.

James Sully nous rappelle que les singes et les chiens, par exemple, aiment à jouer. Il y en a aussi qui aiment à être chatouillés. Ils font des grimaces tout à fait analogues à la grimace de notre rire. Mais, quel est, alors, leur état d’esprit ? On ne saurait être trop prudent lorsqu’on parle de l’hilarité des animaux. Je les soupçonne plus sérieux que nous. Ils croient sûrement que c’est arrivé. Si l’on donne au mot « rire » une signification trop générale, on finira par dire que le homard est un pince-sans-rire, on parlera des calembours du perroquet et des « pointes » spirituelles du cactus.

Revenons plutôt, pour quelques minutes encore, à nos philosophes.

Henri Bergson a écrit sur « le Rire » un petit livre qui est un délicieux chef-d’œuvre. Pour lui, le rire a, essentiellement, une signification sociale. « Ce que la vie et la société exigent de chacun de nous, dit-il, c’est une attention constamment en éveil… et c’est aussi une certaine élasticité du corps et de l’esprit. » Puisque nous vivons au milieu de nos semblables, il importe que nous surveillions nos mouvements et nos paroles et que nous soyons toujours prêts à les corriger. Toute raideur du caractère, de l’esprit et même du corps sera donc suspecte à la société. « Cette raideur, dit Bergson, est le comique et le rire en est le châtiment. »

Notre rire serait donc un avertissement salutaire que nous donnons à ceux qui commettent des fautes légères par distraction, par étourderie, par maladresse ou par vanité. Je dis « fautes légères », car lorsque l’individu se rend coupable d’un véritable crime, la police le pince… sans rire.

Voici ce que dit encore l’auteur dont je parle : « Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l’exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique. » L’ingéniosité avec laquelle Bergson choisit les exemples abondants et extrêmement variés qui justifient sa thèse est au-dessus de tout éloge. On reconnaîtra d’ailleurs tout de suite qu’il a raison dans des cas innombrables. Au cirque, des clowns nous font rire en exécutant les mouvements d’un pantin, d’un corps inanimé, d’une machine. Au théâtre, un vaudevilliste nous amuse en provoquant avec une sûreté mathématique, chez quelques-uns de ses personnages, les réparties auxquelles nous nous attendons, – comme s’il tenait toutes les ficelles qui règlent le mécanisme intime de ces automates. Et, dans la rue, dans les salons, dans les lieux publics, ne sommes-nous pas très fréquemment divertis par les tics des gens, par leurs manies, par les formules invariables dont ils abusent sans s’en apercevoir et, enfin, par tout ce qui, en eux, est devenu machinal ? Je pourrais citer encore les maladresses amusantes de personnes distraites. Quant à certaines déformations professionnelles qui peuvent nous rendre si ridicules, elles sont aussi l’effet de cet automatisme dont parle Bergson.

Voici, par exemple, des douaniers, au bord de la mer, qui se portent au secours de quelques naufragés. Dès l’abord, ils leur disent : – « Vous n’avez rien à déclarer ? » – Ces fonctionnaires trop réglés, ont évidemment cessé, pour un moment, d’être des hommes.

Autre exemple. Il y a eu collision de deux trains, dans le voisinage immédiat d’une ville. Le chef de gare est là. Indifférent à l’horrible spectacle des morts et des blessés, il contemple avec sévérité un voyageur dont la tête est broyée et dont les jambes ne sont pas complètement sorties d’un compartiment de première classe. Après un moment de réflexion, il s’écrie : – « Et celui-là, qu’est-ce qu’il foutait dans le compartiment des dames seules ? » –

Quand on est chef de gare depuis vingt ans, on a dans l’âme un mécanisme qui fonctionne automatiquement.

Je confirme encore la théorie de Bergson en rappelant un mot du chanteur Lablache. Celui-ci était exceptionnellement grand et très gros. Il se trouvait à Londres, à une époque où l’on exhibait, dans un théâtre, le général Tom Pouce, célèbre par son extrême petitesse. Et ces deux hommes remarquables avaient, par hasard, leurs chambres dans le même hôtel. Une dame de Londres qui devait s’absenter, mais qui ne voulait pas partir sans avoir vu le minuscule général, se rendit chez lui. Mais, arrivée à l’hôtel, mal renseignée, elle frappa à la porte de Lablache. L’homme énorme vint répondre.

– « Je voudrais voir le général Tom Pouce », dit la dame.

– « C’est moi. Madame », répondit Lablache.

Très surprise, la dame s’exclama :

– « Mais, Monsieur, on m’avait dit que vous étiez très petit. »

– « Au théâtre, oui ;… mais, rentré chez moi, je me mets à l’aise. »

Pascal a dit quelque part : « Deux visages semblables, dont aucun ne fait rire en particulier, font rire ensemble par leur ressemblance. »

À ce propos, Bergson remarque que ces visages sont deux exemplaires qui semblent avoir été obtenus avec un même moule, comme deux objets identiques sortis d’une même fabrique.

Il est bien certain que si, un jour, nous rencontrions trois ou quatre personnes entre lesquelles nous ne distinguerions aucune différence, nous trouverions cela profondément comique. Et nous serions peut-être portés à croire en la possibilité de fabriquer ces individus-là par douzaines, comme s’il s’agissait de simples pantins.

Bergson a-t-il raison ? Les erreurs d’un écrivain très habile ressemblent beaucoup à des vérités. L’auteur dont je parle défend sa thèse d’une manière très persuasive. D’ailleurs, comme ses confrères, il a le seul tort de formuler une vérité incomplète. Il a, par exemple, profondément raison lorsqu’il dit : « Imiter quelqu’un (pour le rendre ridicule) c’est dégager la part d’automatisme qu’il a laissée s’introduire dans sa personne. » C’est incontestable : on nous singera d’autant plus facilement que nous ressemblerons davantage, dans nos gestes et dans nos paroles, à des êtres réglés comme le sont certaines mécaniques.

Mais, il y a des cas où c’est précisément l’homme normal, – celui qui ne fait pas rire, – qui a les mouvements réguliers d’une machine. Voici, par exemple, un piéton qui passe sur le trottoir. Le trottoir est large et la rue presque déserte. Notre piéton peut donc avancer sans prendre beaucoup de précautions. Il aurait même tort de surveiller et de régler le mouvement alternatif de ses jambes, lesquelles sont capables d’accomplir leur fonction sans qu’on s’occupe d’elles. Eh bien, imaginez que ce piéton, tout à coup, cesse d’être un automate. Il lève maintenant la jambe comme si, pour faire un pas, il avait chaque fois un problème très difficile à résoudre. Nous n’avons plus sous les yeux un passant distrait, mais un être profondément attentif, qui utilise toutes les ressources de son intelligence pour ne pas commettre d’erreur en posant le pied sur l’asphalte. Ce marcheur trop inquiet et trop conscient ne sera-t-il pas beaucoup plus comique que le précédent dont les jambes se déplaçaient avec autant de régularité que les organes d’une machine ?

Supposons encore qu’un disciple de Bergson, pour ne pas se comporter comme un automate, pour ne pas faire rire à ses dépens, se promette de surveiller désormais ses paroles. Désormais, il évitera ces formules toute faites, ces clichés, que tant de gens emploient sans s’en apercevoir. Car le maître a dit : « Le comique, c’est du mécanique, plaqué sur du vivant. » Dans la pension où il prend ses repas, notre bergsonien est toujours assis à côté de la même dame. Hier, il a dit à sa voisine : – « Osé-je vous prier, Madame, de me passer la moutarde ? » – Aujourd’hui, il ne veut pas se répéter ; et il commence en ces termes : – « Madame, c’est vers la moutarde que mon désir est tendu ; et si vous voulez bien… » – Ce soir, dans sa chambre, il préparera, pour les jours suivants, des phrases dans le goût de celles-ci :

– « Madame, je ne mets pas la moutarde au-dessus de la vertu ; mais… »

– « L’homme des cavernes, Madame, se passait de moutarde. Mais c’était une brute… » Etc.

Ce causeur toujours attentif à ce qu’il dit sera certainement plus comique que s’il employait machinalement les clichés de tout le monde. Contrairement à ce que prétend Bergson, nous avons quelquefois envie de rire lorsque, dans les gestes humains, du vivant se substitue à ce qui devrait être mécanique.

L’explication que Bergson donne du comique est conforme, me semble-t-il, aux principes essentiels de sa philosophie. Voici ce qu’il a dit un jour : – « La loi fondamentale de la vie est de ne se répéter jamais » – Il est possible qu’au regard pénétrant d’un métaphysicien il y ait toujours une petite différence entre le phénomène qui se produit et les phénomènes analogues qui se sont produits auparavant. Mais, nous, les simples mortels, les rieurs, nous ne sommes pas des métaphysiciens. Notre œil imparfait ne voit pas le fond des choses. Trompés par les apparences, nous serions souvent tentés de dire que la vie se répète terriblement. Gabriel Tarde a même pu écrire un beau livre sur la Répétition universelle. Dans une société, les individus s’imitent les uns les autres, c’est-à-dire qu’ils répètent les formules et les actes d’autrui. Dans le monde animal, la génération nouvelle reproduit assez exactement la génération précédente. N’insistons pas. Bergson se trompe lorsqu’il croit que nous devons toujours voir quelque chose de risible dans la répétition automatique des paroles et des gestes chez un être humain. L’individu qui nous étonnerait et nous amuserait, ce serait, au contraire, celui qui se renouvellerait constamment. Un être vivant est, dans une certaine mesure, une machine. La succession régulière des jours et des nuits suffit déjà pour mettre une incontestable périodicité dans nos occupations et, même, dans nos besoins et dans nos sentiments. Il est donc inévitable que nos paroles, comme nos gestes, se répètent souvent.

Marcel Schwob, dans un de ses ouvrages, a consacré une quinzaine de pages au sujet qui nous occupe. Il nous rappelle que Philémon mourut de rire en voyant un âne manger des figues. Étant poète, Philémon était sûr d’être bien supérieur à un âne ; et l’idée que cette bête pût manger le même dessert que lui l’agita d’une manière excessive.

À ce propos, Marcel Schwob remarque que les philosophes et les moralistes ont exagéré l’importance de la personnalité humaine. Autrefois, il existait des gens simples qui éprouvaient de l’inquiétude lorsqu’un ennemi courroucé les menaçait de les transformer en couteau de cuisine ou en saladier. Aujourd’hui, la perspective d’une telle métamorphose ne nous effraie plus. Nous savons bien que notre moi pensant n’est pas de la même essence que les objets au milieu desquels nous vivons.

Si les différences que nous apercevons entre nous et les autres nous font rire, c’est que nous ne soupçonnons pas l’unité de l’univers, c’est que nous ne sommes pas conscients de tout ce qui nous apparente aux plus humbles choses.

Le fait est là : fréquemment, on trouvait jadis, dans les asiles, des fous accroupis qui se croyaient transformés en pots d’argile. Il y en avait d’autres qui, sûrs d’être devenus des fromages, vous offraient, le couteau à la main, une tranche de leur mollet. Et il y en avait aussi qui fumaient comme des théières, moussaient comme des bouteilles de champagne ou se pliaient comme une chemise fraîchement blanchie. Les statistiques nous apprennent que cette folie est devenue extrêmement rare. À notre époque, les fous eux-mêmes se font une idée trop haute de leur personnalité.

Voilà ce que nous dit Marcel Schwob. Ainsi, si nous avions assez d’humilité philosophique, si nous avions assez d’intelligence fraternelle pour ne pas exagérer l’importance de tout ce qui nous met au-dessus d’une poule ou, même, d’une vieille brosse à dents, plus rien ne nous ferait rire. Sachons comprendre que nous n’occupons pas plus de place dans l’univers qu’une cellule animale ou végétale. Alors, le spectacle d’une poule armée d’un fer à friser, et ondulant ses plumes devant un miroir de poche, ne nous fera plus sortir de notre sérénité. Il nous rappellera simplement la loi universelle qui règle tous les gestes de l’Éternel Féminin.

Il y a ceci de juste dans l’idée de Marcel Schwob que, souvent, notre rire n’est rien de plus que le signe de notre ignorance et de notre inintelligence. Celui qui comprendrait tout ne rirait sans doute jamais.

Nous l’avons tous constaté : dans bien des cas, le rire est un soulagement.

L’homme est en même temps un être social qui, dans la compagnie de ses semblables, se conforme aux règles du savoir-vivre et un être biologique, en chair et en os, qui souffre un peu lorsqu’il est privé de la liberté de ses mouvements. Il lui est donc agréable d’enlever par moments le masque qu’il porte lorsqu’il va dans le monde et de reprendre une attitude naturelle. Par exemple, lorsque nous assistons à l’enterrement d’un grand personnage qui nous est tout à fait indifférent, nous nous imposons une légère contrainte qui, à la longue, devient pénible. Dans ces cas-là, le moindre incident trivial peut nous faire rire ; car, en riant nous jouissons de quelques secondes de détente. Dans certaines circonstances très graves ou, même, tragiques, un éternuement musical et sonore suffit pour remettre de la joie sur quelques centaines de visages consternés. La vraie utilité des éternuements est peut-être là.

Cela m’amène à parler d’un dernier philosophe, Herbert Spencer, qui, lui aussi, a voulu expliquer le rire. Son explication est celle d’un physiologiste.

Supposons, dit-il, que vous soyez au théâtre, devant une scène qui excite votre sympathie : la réconciliation entre le héros et l’héroïne, à la suite d’un long et pénible malentendu. Or, tandis que vous contemplez ce couple heureux avec un vif intérêt et avec émotion, voici que sort de derrière la scène un chevreau apprivoisé qui, après avoir promené ses regards sur l’assistance, va vers les amoureux et renifle contre eux. Pourquoi vous mettez-vous à rire ?

L’illustre philosophe, dont je me permettrai de critiquer la thèse, explique le phénomène de la manière suivante :

Le spectacle des deux amoureux avait sorti votre esprit de sa torpeur et avait mis en liberté, dans votre système nerveux, une certaine quantité d’énergie. Or, tout à coup, votre conscience qui était occupée par de grands objets, n’en saisit plus que de petits. Vous n’aurez plus, en observant les allures du chevreau, des pensées et des sentiments assez importants, assez profonds, pour absorber, dans sa totalité, cette force nerveuse qui est en vous et qui demande à s’écouler. L’excédent doit donc se décharger dans quelque autre direction. Eh bien, c’est dans les nerfs moteurs que s’écoule cette énergie inemployée, dans les nerfs qui mettent en mouvement les muscles du rire (lesquels sont particulièrement mobiles).

Spencer généralise. D’après lui, notre rire se produirait lorsque, dans notre conscience, quelque chose de petit succède brusquement à quelque chose de grand. Dans ces cas-là, notre force nerveuse, qui allait se transformer en pensées et en sentiments, s’échappe par ailleurs.

Je n’ai que des notions très vagues sur ce qui se passe dans notre système nerveux. Mais mon ignorance ne m’empêchera pas de faire une objection à Herbert Spencer. D’après lui, l’intensité de notre rire serait, en quelque sorte, proportionnelle à la quantité d’énergie libérée qui était dans nos nerfs avant que le spectacle comique s’offrît à nous. Ce spectacle a simplement fourni à notre force nerveuse l’occasion de se dépenser sous forme de mouvements. Or, dans l’histoire de tout à l’heure, on peut imaginer un événement beaucoup plus drôle que l’arrivée imprévue du gracieux chevreau ; un événement qui, non seulement aurait mis en action nos muscles zygomatiques, mais qui aurait modifié nos mouvements respiratoires, qui aurait agité nos mains et nos genoux et qui nous aurait, peut-être, littéralement tordus. Je veux dire que la brusque apparition d’une chose risible n’a pas seulement pour effet de fournir une issue à la force nerveuse déjà libre qui, en nous, allait se dépenser autrement : elle peut aussi accroître considérablement cette dépense d’énergie. Parfois, deux secondes avant que nous éclations de rire, nos nerfs sont dans un état de parfaite tranquillité, de détente absolue. Dans ces cas-là, ce n’est pas quelque chose de petit qui succède, tout à coup, dans notre conscience à quelque chose de grand : c’est, peut-être, quelque chose d’énorme qui vient brusquement nous sortir de notre indifférence et qui nous met dans un état de gaîté violente.

J’ai résumé trop brièvement et, donc, imparfaitement, quelques-unes des théories que des philosophes ont élaborées pour expliquer le rire. Mais les pages qui précèdent suffisent pour montrer que le problème qu’ils ont voulu résoudre a des aspects multiples. Elles suffisent aussi pour suggérer quelques réflexions au lecteur que ce sujet intéresse.

Voici une historiette assez peu connue, de Jules Renard, à propos de laquelle on pourra se demander si c’est Hobbes, ou Bergson, ou un autre qui a raison.

« Passant au pied de la croix plantée hors du village et qui semble le garder contre une surprise, Tiennette la folle voit que le Christ est tombé.

Cette nuit, sans doute, le grand vent l’a décloué et jeté par terre.

Tiennette se signe et redresse le Christ, en prenant des précautions comme pour une personne qui vit encore. Elle ne peut pas le remettre sur la croix trop haute ; elle ne peut pas le laisser tout seul, au bord de la route.

D’ailleurs, il s’est fait mal dans sa chute et des doigts lui manquent.

– « Je vais porter le Christ au menuisier, dit-elle, afin qu’il le répare.

Elle le saisit pieusement par le milieu du corps et l’emporte, sans courir. Mais il est si lourd qu’il glisse entre ses bras et que fréquemment, d’une violente secousse, elle doit le remonter.

Et chaque fois, les clous dont on a percé les pieds du Christ accrochent la jupe de Tiennette, la soulèvent un peu, découvrent ses jambes.

– « Voulez-vous bien finir, Seigneur ! lui dit-elle.

Et simple, Tiennette donne aux joues du Christ de légères tapes, délicatement, avec respect. »

 

 *  *  *

 

Ne soyons pas trop sévères pour Tiennette : Jules Renard a eu soin de nous dire que c’est une folle.

À la fin de Paludes, André Gide a dressé une « liste des phrases les plus remarquables » de son livre. C’est toujours avec plaisir que je me rappelle celle-ci :

« Les capitaines vainqueurs ont une odeur forte. »

 

Bergson pourrait-il m’expliquer pourquoi cette phrase me fait sourire ?

 

J’ai aussi envie de rire lorsque Tristan Bernard nous dit :

– « Mon oncle Mathias, qui se croyait du meilleur monde, vient de partir pour un monde meilleur. » –

Et Herbert Spencer n’aurait sans doute pas pu m’expliquer, ici, les causes de ma gaîté.

Le dessinateur H. Avelot, en nous parlant d’un prétendu voyage qu’il a fait dans les environs du Pôle Nord, nous donne ce renseignement précis :

– « Je me mouchais avec une hache. » –

On ne saurait mieux caractériser le froid intense qui règne là-bas.

Je fais ces citations afin que le lecteur puisse comparer, à leur sujet, les théories que j’ai esquissées tout à l’heure.

Les théoriciens ne disent jamais tout. Cela pourrait compromettre la solidité de leurs théories. Voici encore un cas où l’être humain peut se mettre à rire et que seul James Sully a pris en considération.

Bien que le « moi » soit haïssable, je dois apprendre à mes lecteurs que je suis membre d’une petite société secrète (composée de dames et de messieurs) dont le but n’a rien de très élevé. Périodiquement, après deux mois de vie à peu près frugale, nous nous réunissons, chez l’un ou chez l’autre, pour le seul plaisir de manger et de boire ensemble de très bonnes choses. Car nous avons constaté qu’en nourrissant notre personne physique nous redonnons une énergie nouvelle à notre personne morale : Nous luttons ainsi contre le pessimisme qui menace ceux qui vieillissent. La dernière fois, j’ai observé attentivement les convives au moment où ils se mettaient à table : ils souriaient tous. Et moi aussi. Kant, Bergson et les autres expliqueront ça comme ils pourront ; mais le fait est là : la perspective d’un bon repas fait sourire l’être humain. Il faut croire que, chez l’adulte, quelque chose du têtard originel subsiste.

De la loi générale que nous venons d’énoncer découle le corollaire suivant :

Les hommes souriraient plus souvent s’ils se nourrissaient mieux.

Sur la terre il n’y a pas assez de bonnes choses à manger…

Mais je ne veux pas parler de ça, car c’est trop triste.

 

LES RIEURS

Les penseurs que j’ai nommés ont tous essayé d’expliquer « le rire ». Comme on a pu le voir, leurs explications sont incomplètes. Aucun d’eux n’a raison dans tous les cas. Il n’est pas possible, semble-t-il, de dire, d’avance, une fois pour toutes : – « Voici les choses qui font rire et voilà celles qui n’auront jamais rien de comique, » –

Audacieusement, les philosophes disent : « le rire » au lieu de dire : « les rires ». Nous ne sommes que trop portés à parler au singulier lorsque nous devrions parler au pluriel. Tous les rires ne sont pas de la même nature pour cette simple raison que tous les rieurs ne sont pas les mêmes. Le philosophe qui ferait une classification systématique des rieurs n’aboutirait sans doute pas à la même idée générale que s’il étudiait méthodiquement les objets qui font rire.

Voici un vase plein d’eau chaude. Albert y plonge la main et dit : – « Cette eau est très chaude. » – Maurice essaie à son tour et prétend que cette eau n’est pas si chaude que ça. Mais en dépit de ce désaccord, ils doivent reconnaître que la température de l’eau est de 53 degrés centigrades. C’est ce que leur apprend un thermomètre qui, depuis cinq minutes, est dans le vase.

Hier, Albert a beaucoup ri devant un spectacle qui laissa Maurice indifférent. Ils exprimèrent à ce sujet des opinions contradictoires ; et ils ne se sont pas encore mis d’accord, car aucun thermomètre ne put leur apprendre le degré de comique de ce qu’ils ont vu.

Le comique d’une chose dépend moins de ses caractères spécifiques que de la nature du sujet qui rit. Ce qui fait rire les uns ne fait pas rire les autres.

Un homme à qui l’on demandait pourquoi il ne pleurait pas, à un sermon où tout le monde versait des larmes, répondit : – « Je ne suis pas de la paroisse. » – Bergson, qui raconte cette histoire, remarque que la réponse de l’étranger s’expliquerait beaucoup mieux s’il s’agissait, non pas d’un sermon émouvant, mais d’une histoire amusante. Et, à ce propos, il ajoute : – « Notre rire est toujours le rire d’un groupe. » –

Quoi qu’il en soit, il nous est arrivé à tous, en wagon ou dans un restaurant, de rester insensibles à des drôleries qui faisaient rire bruyamment des inconnus assis dans notre voisinage immédiat. Nous n’étions pas « de la paroisse ». Mais Bergson aurait pu dire quelque chose de plus. Le rire est parfois strictement individuel. Dans un même groupe de rieurs, l’un de ceux-ci restera, tout à l’heure, indifférent au spectacle nouveau qui amusera les autres.

L’idée de Bergson est juste. Il y a des choses qui égayent les enfants et qui laissent impassibles la plupart des adultes. Ce qui est drôle pour un imbécile ne l’est pas nécessairement pour une personne intelligente. Et réciproquement. Les cannibales ont des plaisanteries qu’un missionnaire, par exemple, ne goûtera pas du tout. Remarquons aussi que tel mot spirituel qui fait sourire un Français perdra toute sa saveur si on le traduit en allemand ou en norvégien.

Le rieur blasé qui, vingt ans de suite, – peut-être par devoir professionnel, – a raconté des histoires amusantes, ne sourit que faiblement dans certains cas où les novices laissent éclater bruyamment leur hilarité. Enfin, il conviendrait de distinguer le rieur solitaire, capable de découvrir tout seul le côté risible du spectacle humain, du rieur docile qui ne se met à rire que lorsqu’il voit rire son semblable. Car le rire est contagieux. Il suffit donc qu’il y ait dans la société un nombre très limité de rieurs-chefs.

J’ai dit que le degré du comique que nous apercevons dans les choses dépend, en particulier, de notre âge. Je rougis en me rappelant les tristes platitudes qui nous dilataient la rate, à mes camarades et à moi, à l’époque lointaine où nous étions collégiens. Pour avoir le dernier mot, lorsqu’un maître sévère nous traitait de gamins, il nous suffisait de répondre à voix basse : « Poil aux mains ! ». Et, lorsque nos bons parents nous recommandaient d’éviter les accidents, c’était bien entendu, « poil aux dents ». Ce poil que nous mettions sur toutes choses a sufi pour alimenter notre joie pendant des années. Avec l’âge, heureusement, notre goût s’est beaucoup affiné.

Autre exemple. Considérez cet homme de quarante ans penché sur le berceau de sa petite Suzanne. Pour amener un sourire sur le visage du bébé, il produit depuis quelques minutes un bourdonnement musical en agitant rapidement ses lèvres avec l’index de sa main gauche. C’est un moyen presque infaillible si le bébé a plus de trois mois et s’il est en bonne santé. Mais si, quelques heures plus tard, cet heureux époux essaie d’amuser la mère en employant le même procédé que pour l’enfant, il ira au-devant d’un échec certain. Tout âge a ses plaisirs.

C’est quelquefois d’une différence de deux ou trois heures que dépend la valeur comique d’une plaisanterie. Tristan Bernard porte quelque part un jugement sévère sur un individu qui racontait au début d’un souper ces histoires inconvenantes et drôles que les gens bien élevés ne racontent qu’au dessert. Tristan Bernard a raison : erreur en deçà du gigot, vérité au delà.

Je le répète : les choses comiques ne font pas rire tout le monde. Et ceux qui rient ne rient pas tous de la même façon. Considérons ces deux boxeurs qui se battent devant un millier de spectateurs. L’un, avec une rapidité foudroyante, envoie son poing sur le nez de son adversaire. Le sang coule. Un connaisseur, qui est assis au premier rang des fauteuils d’orchestre, est réjoui par la perfection du coup, et il sourit. Son voisin sourit aussi ; mais c’est pour une autre raison. Il ne connaît rien à la science de la boxe : il est heureux parce qu’un visage humain a été mis en bouillie.

La théorie de Hobbes, dont j’ai dit deux mots, s’applique à ce rieur vulgaire ; mais elle n’explique pas le sourire léger du spécialiste satisfait.

Le mot qu’ils viennent d’entendre a fait rire Pierre et Jean. Mais c’est seulement au point de vue anatomique que leurs sourires se ressemblent : même grimace chez l’un et chez l’autre. À vrai dire, Jean a trouvé le mot très spirituel et Pierre l’a jugé ridiculement bête. Pour le rire c’est comme pour la chaussure : tout le monde n’a pas le même numéro.

On a dit : « Rira bien qui rira le dernier ». C’est probablement faux. L’homme qui rira le dernier ne rira presque plus. Son rire léger sera bien peu de chose à côté du rire homérique des premiers âges[1]. Dans quelques milliers d’années les hommes ne sauront peut-être plus rire parce que plus rien ne les étonnera. Grâce aux progrès de la science et de la pédagogie, il n’y aura plus d’enfants, il n’y aura plus rien d’enfantin, plus rien de naïf dans les intelligences. Nous ne connaîtrons heureusement pas cette sale époque.

Avant que le Rire s’éteigne pour toujours, il pourrait encore jouer dans l’histoire humaine un rôle magnifique. Il y a des rieurs dont l’irrespect salubre affranchit les intelligences. Montaigne a dit : – « Si haut que son trône soit placé, un roi n’est jamais assis que sur son derrière. » – Un tel mot suffit pour ramener à de justes limites la vénération que nous inspire le Maître.

Un personnage d’Anatole France (dans La Révolte des Anges) résume à peu près en ces termes une doctrine philosophique (le réalisme) que défendirent certains théologiens du Moyen-Âge :

– « Les uns disaient : avant qu’il y eût des pommes, il y avait la Pomme ; avant qu’il y eût des moines paillards et gourmands, il y avait le Moine, la Paillardise, la Gourmandise ; bien avant qu’il y eût des pieds et des culs en ce monde, le Coup de pied au cul résidait de toute éternité dans le sein de Dieu. » –

Quand on a lu ça, on n’a plus le courage d’affirmer que la Pomme a précédé les pommes. Un éclat de rire suffit parfois pour renverser une métaphysique.

Le rire désarme. Il ne désarme pas seulement le rieur : il peut désarmer aussi celui dont on rit. Quand je songe à ceux qui mènent le monde, je ressemble à ce personnage de Rabelais, qui ne savait pas s’il devait « rire comme une vache ou pleurer comme un veau ». Le rire irrespectueux de Rabelais, de Molière, de Voltaire, d’Anatole France, s’il était entendu partout, protégerait les peuples contre les menteurs et contre les agités qui veulent les entraîner. Avec un espoir qui diminue d’année en année, j’attends le formidable éclat de rire de l’humanité qui provoquera le désarmement universel.

 

L’HUMORISTE
ET
LE FANATIQUE

Je voudrais ne pas exagérer : il y a incontestablement des spectacles plus comiques que d’autres. Les vaudevillistes le savent bien. Mais je crois que nous ferions allusion à des différences plus profondes en disant que tous les sujets ne sont pas également portés à rire.

Swift a dit : – « Le monde est une comédie pour ceux qui pensent, une tragédie pour ceux qui sentent. » – Or, l’homme est à la fois un être pensant et un être sentant. Voilà pourquoi tout peut être gai et tout peut être triste.

Souvent on donne le nom d’humoristes à ceux qui savent voir le côté gai de la vie et qui aiment à raconter, avec gravité, des histoires plaisantes. Mais le véritable humoriste sait aussi, mieux qu’un autre, voir le côté triste des choses qui, par définition, devraient faire rire. Il diffère profondément du vulgaire boute-en-train. James Sully constate que les grands humoristes ont une sensibilité vive et sont facilement accessibles à la pitié. Je serais tenté de les caractériser par l’extrême mobilité qu’il y a dans leurs pensées et dans leurs états d’âme. Remarquons que le mot humour ressemble beaucoup au mot humeur. Les personnes qui aiment l’ordre et qui respectent les conventions disent de l’humoriste : – « On ne sait jamais s’il est sérieux ou s’il ne l’est pas. » – Et, pour cette raison, elles le jugent sévèrement. C’est injuste. Le pauvre humoriste, ondoyant, divers et trop mobile, ne peut pas fixer longtemps son attention sur un même aspect des phénomènes. Il sait bien que la réalité a des aspects multiples et que toutes les questions, par conséquent, sont complexes. La naturelle agilité de son esprit fait qu’il franchit, sans s’en apercevoir, les frontières que les hommes ont mises entre les choses qui sont « sérieuses » et celles qui ne le sont pas. Et il peut être, simultanément, gai et triste.

Trop mobile, il s’approche ou il s’éloigne rapidement du phénomène qu’il contemple. Il ne ressemble pas aux gens raisonnables qui, pour regarder un tableau, savent se mettre à la bonne distance. Il se met tantôt trop près, tantôt trop loin. Dans La Lanterne sourde, Jules Renard nous parle d’Éloi en ces termes :

« Ce soir, Éloi est allé dans le monde. Il se promène sous les lustres, salue quelques invités et trouve enfin le sujet qu’il cherchait pour son expérience : il retient longuement dans sa main la main d’une femme.

« – Quelle peau fine vous avez, chère madame ! vous devez en être fière, dit-il.

« À ces mots, il tire de sa poche une loupe :

« – Regardez plutôt.

« Le verre appliqué, on voit des ornières profondes, des grains pareils aux pierres de la route, des veines navigables, des poils oubliés comme de mauvaises herbes, de sombres taches ici, là un point qui bouge, une petite bête sans doute, et partout des horreurs.

« Éloi se garde de faire une réflexion blessante.

« Il ne dit rien. Il remet la loupe dans sa poche, presse une dernière fois cette main de femme, discrètement, et s’éloigne. »

Il ne faut pas regarder de trop près la main d’une jolie femme. Il ne faut rien regarder de trop près. Un jour, à la veille des élections, j’ai cessé de prendre au sérieux le suffrage universel parce que je venais d’entendre, de trop près, la conversation très animée de deux électeurs. Plus tard, ayant eu l’occasion d’observer de près Sa Majesté Christian XXIX, je suis redevenu républicain.

À quelle distance faut-il se placer pour juger les hommes ? Si l’on se penche sur l’individu, si l’on regarde ce qu’il y a dans son cœur et dans son esprit : ses idées trop courtes, ses puériles espérances, ses inquiétudes, ses manies et ses faiblesses, et ses vieux chagrins mal étouffés, ou ne peut éprouver pour lui qu’une pitié inutile et décourageante. Mais il est dangereux aussi de regarder les hommes de trop loin. Vue de très loin, la terre n’est rien de plus que « la planète tiède qui a des poux ». Les poux, c’est nous.

Parfois le rire n’est qu’un ricanement très amer. Georges Courteline nous a dit un jour comment son ami Léon Dierx se représentait la fin du monde. Dierx imaginait un recommencé du déluge universel. La terre a de nouveau disparu sous les eaux. De la nappe liquide sans limites émergent seulement, çà et là, les extrémités de quelques mâtures. Et, au bout de ces mâts il y a des perroquets rescapés, suprêmes épaves d’un monde fini, qui, de leurs voix de polichinelles, crient dans le vide : « Patrie ! Religion ! Vérité ! » ces grands mots pour lesquels les hommes auront lutté pendant des centaines de siècles et se seront trempés de sang jusqu’au cou.

L’homme prévoyant pense au lendemain, il pense à l’année prochaine ; mais il arrive à l’humoriste de regarder un peu trop loin dans l’avenir. Encore une fois, son « point de vue » se déplace trop facilement.

Dans un discours qu’il adressait aux étudiants du Quartier Latin, Ernest Renan disait un jour :

« – Faites une part au sourire et à l’hypothèse où ce monde ne serait pas quelque chose de bien sérieux. » Pour l’humoriste, rien n’est absolument sérieux. Il ne connaît pas de choses assez sérieuses, pas un dogme assez vénérable pour justifier la violence de ceux qui tuent au nom du Vrai et du Bien.

L’humoriste est l’adversaire naturel du fanatique. Dans l’esprit de celui-ci, il y a une certaine « raideur » qui l’oblige à regarder longtemps le même aspect de la vérité. Incapable de voir les problèmes comme d’autres les voient, il est intolérant. Son intolérance fait sa force. Au moment d’agir, il ne connaît pas les hésitations de ceux qui comprennent trop de choses. Les fanatiques sont souvent des entraîneurs d’hommes. Dans tous les grands mouvements historiques ils ont joué un rôle important.

Si tous les hommes avaient de l’humour, il y aurait moins d’étroitesse dans leurs jugements et moins de violence dans leurs disputes. Mais dans le combat de la vie ils mettraient sans doute une énergie insuffisante. Sa pensée trop mobile et son humeur changeante font de l’humoriste un indiscipliné. Ceux qui luttent doivent se défier de ce partisan peu sûr, toujours prêt à reconnaître ce qu’il y a de juste dans les arguments de l’adversaire. Parce qu’il éprouve trop facilement de la sympathie pour l’individu, il ne sait pas respecter les conventions nécessaires.

Dame Nature qui tient, semble-t-il, à ce que la comédie humaine dure encore longtemps, produit peu d’humoristes. Observez les passants et écoutez ceux qui causent : contrairement à ce que conseillait Renan, ils se comportent, presque tous, comme si ce monde était quelque chose de très sérieux. Même lorsqu’ils s’offrent une partie de plaisir, ils respectent les Règles du jeu.

Pour que la vie continue, il n’est pas nécessaire que les êtres comprennent : il suffit qu’ils agissent. En se généralisant, le rire des hommes paralyserait l’Action et finirait par ébranler l’armature solide de l’univers. Ma grand’mère avait raison : nous ne sommes pas sur la terre pour nous amuser.

NOTE

J’ai parlé tout à l’heure du « rire homérique des premiers âges ». Cette expression n’est sans doute qu’un déplorable cliché. Ah ! qu’il faut être attentif, lorsqu’on écrit ! Les mots que nous avons dans la mémoire nous dispensent, nous empêchent de penser.

Dans les premiers âges, l’homme ne riait sûrement pas. Il menait une existence précaire et il devait être sans cesse tendu, ou soucieux. Pour pouvoir rire, il devait d’abord connaître la sécurité, il devait cesser momentanément d’avoir peur. L’homme qui a ri le premier a peut-être voulu narguer l’Ennemi invisible. Le rire aurait donc commencé par être irrespectueux. Et, pour finir, il ne manifestera peut-être plus que la vaine révolte de l’individu contre l’ordre universel. – FIN

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021