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BIBLIOBUS Littérature française

« Cur » ou « cuir » - Georges Feydeau


Extrait de la scène première de : Gibier de potence

Pépita, Plumard

Plumard, écrivant à la table de droite… — … Vous le reconnaîtrez facilement à son air de profond crétinisme. Signé : un anonyme… qui ne dit pas son nom. (Parlé.) Là ! voilà qui est fait… Et maintenant à nous deux, mon bonhomme.

Pépita, lisant le journal.— Ah ! mon Dieu !

Plumard, sursautant.— Qu’est-ce qu’il y a ?

Pépita.— Elle est morte.

Plumard.— Qui ça ?

Pépita.— La victime du crime de Suresnes.

Plumard.— Oui ? Eh bien ! qu’est-ce que ça me fait à moi ?

Pépita, avec dédain.— Monsieur Plumard ! vous n’avez pas de cœur… Toutes les fois que ce n’est pas vous qui mourez, ça vous est égal.

Plumard.— Ah ! tu sais, c’est le mépris de la vie qu’avaient nos pères… le mépris de la vie des autres.

Pépita.— Tenez ! vous ! vous êtes trempé comme un Curiace.

Plumard.— Ma bonne amie, on dit "cuirasse…" Tu ne dis pas un "curiassier !" mais un "cuirassier…" il ne faut pas confondre cur et cuir

Pépita.— Oh ! vous ne les confondez pas, vous, les cuirs… (À part.) Quel ignare ! Et dire que c’est mon mari… Ah ! pourquoi faut-il que moi, la Lamballe… une étoile d’opérette à la mode, j’aie épousé cet ancien herboriste…

Elle se plonge dans son journal.

 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021