- Les cloches sont parties…
Les grosses cloches les premières.
Ou les petites, que sait-on? si diverties,
Si pimpantes de s’en aller toutes légères! –
Leur jupe bouffait autour d’elles;
Et le battant ne disait rien,
Comme un oiseau blotti dans une cage.
Elles volaient sans ailes,
Par des chemins à elles, très anciens,
Des chemins bleus au-dessus des nuages.
- Les gros bourdons, parfois devant, parfois derrière,
S’essoufflaient à vouloir montrer qu’ils allaient vite.
Et les petites cloches des couvents
Ou des églises de campagne, si petites
Qu’elles semblaient des gobelets d’enfants, si fières
D’aller quand même à Rome – étaient devant,
Derrière, et partout à la fois, toutes légères…
- Les enfants regardaient en l’air, criant : Bonjour!
Les gens d’âge levaient aussi la tête,
Mais ne les voyaient plus de leurs yeux clignotants.
- Et les enfants attendent leur retour,
Comme une grande fête.
Les gens d’âge attendent aussi, comme on attend
Quand on n’est plus bien sûr de croire aux œufs de Pâques…
- Cependant, il faut croire aux miracles, toujours.
Resonnez les Matines, frère Jacques!
Je vois les cloches reparaître, se hâtant…
- De leur jupe, sur les jardins, glisse autour d’elles
Tout le printemps de Rome, et chaque battant
S’échappent, aux Alleluias, deux hirondelles.
(Sabine Sicaud, Poèmes d’enfant, Poitiers, Cahiers de France, 1926)