
Ah ! Laissez-moi crier 
       
 
« Ah! Laissez-moi crier, crier, crier ... 
Crier à m'arracher la gorge! 
Crier comme une bête qu'on égorge, 
Comme le fer martyrisé dans une forge 
Comme l'arbre mordu par les dents de la scie, 
Comme un carreau sous le ciseau du vitrier... 
Grincer, hurler, râler. Peu me soucie 
Que les gens s'en effarent. J'ai besoin 
De crier jusqu'au bout de ce qu'on peut crier.
Les gens? Vous ne savez donc pas comme ils sont loin 
Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie 
Cette douleur qui vous fait seul au monde? 
Avec elle on est seul, seul dans sa geôle 
Répondre? Non. Je n'attends pas qu'on me réponde. 
Je ne sais même pas si j'appelle au secours 
Si même j'ai crié, crié comme une folle 
Comme un damné toute la nuit et tout le jour 
Cette chose inouïe, atroce, qui vous tue 
Croyez-vous qu'elle soit 
Une chose possible à quoi l'on s'habitue 
Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue 
Avec quel art cruel de supplice chinois 
Elle montait, montait à petits pas sournois 
Et nul ne la voyait monter, pas même toi 
Confiante santé, ma santé méconnue 
C'est vers toi que je crie, ah c'est vers toi, vers toi! 
Pourquoi, si tu m'entends n'être pas revenue? 
Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi 
Ou si c'est ta revanche et parce qu'autrefois 
Jamais, simple santé, je ne pensais à toi? »