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BIBLIOBUS Littérature française

L'ANCIEN FIGARO - 1830

 

BIGARRURES.

On a trouvé un bon moyen d’empêcher les électeurs de faire sauter le ministère: on met le feu à leurs maisons.

*
* *

Les Français seront dorénavant admissibles à tous les emplois, pourvu qu’ils aient une fortune suffisante. Ainsi le veut un article nouvellement promulgué de la Charte Polignac.

*
* *

MM. de Polignac, de Montbel, d’Haussez, Chabrol, Courvoisier et Guernon de Ranville se trouvaient réunis, l’autre jour, en grand conseil.

—Oh! mon Dieu! que vous êtes jaunes, mes chers collègues, dit le prince romain.

—C’est que nous allons entrer en dissolution, répondirent tristement les cinq autres Excellences.

M. FONTAN A POISSY.

Il n’y manquait ce matin que le galérien malade, car, pour le reste, nous étions revenus aux beaux jours de M. Franchet, il y avait les gendarmes, les voleurs de grand chemin et, au milieu de tout cela, M. Fontan, que le préfet de police avait trouvé trop heureux à Sainte-Pélagie, et qu’il a fait transporter à la maison privilégiée de Poissy.

C’est un réveil digne de M. Mangin; la veille, il avait été assez clément pour le malheureux détenu. Il avait permis aux acteurs de l’Odéon, à mademoiselle Georges elle-même, de pénétrer jusqu’au prisonnier pour entendre la lecture d’un nouveau drame plein d’émotions neuves et fortes, composé sur la grande route de Bruxelles, au milieu des gendarmes de la Belgique, et terminé au milieu des gendarmes de Paris.

Et les acteurs avaient applaudi à ce drame de l’auteur de Perkins, et ils l’avaient quitté en lui promettant un succès de plus, et peut-être la liberté.

Le lendemain, c’était aujourd’hui, M. Fontan était arraché à ses amis de prison, au concierge qui l’aimait, aux poètes ses collègues, à tant d’organes de la presse libérale si facilement incarcérés; adieu à toute la prison, à sa cellule repeinte, à ses habitudes domestiques, à tout ce monde qu’il s’était fait pour cinq années! Oui, violemment arraché de tout ce bien-être; violemment arraché à ces porte-clefs qui lui souriaient; adieu même à ce Paris lointain du faubourg; adieu au Pauvre Jacques: M. Mangin le veut, il faut aller à Poissy.

O Poissy! à sept lieues de l’Odéon et des Nouveautés, dans la poussière, une méchante prison à porte basse et, dans l’intérieur, des voleurs repris de justice, des escrocs de second ordre, tout le menu fretin de la police correctionnelle! Et, entré là, il faut quitter son dernier habit de poète, son pauvre habit tout usé, mais auquel on tient encore comme à son habit de noces! Allons, encore un effort, tendez les bras à la livrée du crime; un forçat a porté cet habit. N’importe, te voilà en livrée; tu n’as pas même le droit d’être vêtu comme les autres poètes. Voilà M. Fontan à Poissy.

Il est parti ce matin: il couchera ce soir, dans sa prison nouvelle, dans le dortoir comme à ces beaux temps du collége; il s’endormira aux conversations d’argot de ses compagnons, et il ne comprendra pas cette langue étrange et il regrettera plus que jamais sa prison toute composée de poètes et d’écrivains, et, tout à côté, les joyeux dissipateurs de leur patrimoine, insouciants amateurs de bonne chère et de plaisirs, habiles architectes de châteaux en Espagne, même malgré les verrous!

Vraiment, c’est une indignité d’en agir ainsi vis-à-vis un homme, parce qu’il n’est ni voleur, ni escroc, ni faussaire, ni menteur, ni calomniateur; parce qu’il a le désavantage d’être un écrivain, rien de plus. Tu écris, scélérat! Des menottes, des fers, des forçats pour compagnons. Tu écris! le feu et la mort. Tu écris! qu’on te pende, qu’on te marque au feu!... Reposez en paix, vous autres qu’attend le bagne; vous, honnêtes assassins, qui n’écrivez pas.

Honneur donc à l’arrêt de M. Mangin; honneur à ce capricieux hasard qui joue avec un homme et qui le brise avec dédain, quand il a assez joué. Quoi donc? la loi qui vous enferme vous condamne-t-elle à l’exil, au travail des mains, à l’habit infamant, à la cohabitation avec le crime? Prisonnier veut-il dire forçat? Une prison est elle un bagne? Et ici n’est-ce pas dire à M. Fontan: «Tu ne vivras pas!» que de l’enlever à ses amis, à ses protecteurs, au souvenir de la ville, à sa famille, à tout ce qui pouvait adoucir cinq ans de cette infortune qu’on appelle la prison. Cinq années d’esclavage, mon Dieu, pour quelques lignes hasardées! Toute une vie perdue!


BIGARRURES.

M. de Polignac a tenu le poêle à un mariage qui a été célébré à Saint-Germain l’Auxerrois. Quand donc tiendra-t-on le poêle au convoi du ministère?

*
* *

Un client, que rasait le perruquier Figeac,
Lui demandait: Quelle nouvelle?
—Quoi donc! ignorez-vous celle du jour?—Laquelle?
—Le ministère Polignac,
Lassé d’une longue querelle,
Dans deux mois va déménager.
—Dans deux mois, non, c’est en septembre.
—Parbleu, j’ai le journal, je pourrais bien gagner.
Regardez..... en juillet il doit changer de Chambre.


Dimanche, 16 mai 1830.

EXTRAIT DES BORDEREAUX D’UN PRÉFET.

Pour guirlandes de fleurs appendues à la préfecture, lampions, verres de couleur et vers de circonstance

30

fr.

Honoraires de dix hommes qui sont allés au-devant de Son Excellence, et ont crié: Vive M. de Bourmont! à chaque 1 fr.

10

»

Pour le dîner, le foin et l’avoine consommés par Monseigneur, sa suite et ses chevaux

250

»

Pour la rédaction de l’éloquent discours de M. le préfet

15

»

Honoraires de vingt hommes chargés de coudoyer, rudoyer et injurier les mauvais citoyens qui riaient et proféraient des plaisanteries et quolibets séditieux, à chaque 2 fr.

40

»

Plus, indemnités pour les coups de canne reçus par les susdits

40

»

Pour les arrhes données aux individus qui devaient traîner la voiture de Monseigneur, ce qui n’a pas eu lieu

20

»

Pour gratifications aux agents de police et petits verres à la gendarmerie pour réchauffer et remonter le dévoûment d’iceux

200

»

Pour messes, neuvaines et chandelles bénies, à l’occasion de l’expédition d’Alger

50

»

Pour l’achat de dix exemplaires de la Quotidienne, de la Gazette et du Drapeau blanc, pour être mis en évidence dans le salon de M. le préfet

5

»

Pour bas de soie de M. le préfet, éloge des vertus de M. de Bourmont, et autres menus détails

20

»

Total:

680

fr.

M. le préfet supplie humblement Mgr le ministre de l’intérieur de lui faire rembourser ces avances; sans quoi, quand il passera par sa préfecture quelque grand personnage, ses moyens ne lui permettraient pas de le recevoir dignement, le dévoûment étant pour le moment hors de prix, et personne ne voulant en donner à crédit.


Mercredi, 19 mai 1830.

SÉANCE DU CONSEIL.

(15 mai.)

M. DE POLIGNAC.—Ah! çà, Messieurs, j’ai envie de dissoudre.

M. D’HAUSSEZ.—Par le mât de misaine, ce devrait être déjà fait.

M. DE POLIGNAC.—Si je dissolvais?

M. SYRIEYS.—Oui, si on dissolvait?

M. DE POLIGNAC.—Mais c’est que nos affaires n’en iront pas mieux pour cela. La France va se lever tout entière contre nous. Je n’ose pas dissoudre.

M. SYRIEYS.—Ne dissolvons pas.

M. DE POLIGNAC.—Mais on ne peut pas faire autrement; la Chambre de l’adresse séditieuse n’est guère venue à résipiscence.

M. SYRIEYS.—Alors, dissolvons.

M. DE POLIGNAC.—Moi, je ne sais que faire. Aidez-moi de vos conseils.

M. SYRIEYS.—Mon avis est..... si je puis me permettre de l’énoncer aussi ouvertement..... mon avis est que notre situation est excessivement embarrassante.

M. DUDON.—Je suis parfaitement de l’avis de l’honorable préopinant.

M. COURVOISIER.—Et si les saints ne nous sont pas en aide, je ne sais comment nous nous tirerons d’affaire. Il faut pourtant se décider à quelque chose.

M. SYRIEYS.—Si nous tirions à la courte-paille ou à pile ou face?

M. D’HAUSSEZ.—A-t-il de l’esprit aujourd’hui, ce coquin de Syrieys!

M. COURVOISIER.—Attendez, j’ai une médaille bénie à l’occasion de la translation des reliques de saint Vincent de Paul; elle va nous servir. Eh!... où donc est ma médaille? j’ai perdu ma médaille, on m’a volé ma médaille. Dudon, vous ne me l’auriez pas prise par hasard?

M. DUDON, avec assurance.—Moi, je ne sais pas ce que vous voulez dire.

M. SYRIEYS.—Tenez, voilà un louis.

M. D’HAUSSEZ.—Vaisseau démâté que vous êtes, vous ne voyez pas que c’est un napoléon.

M. COURVOISIER, se signant.—Bonne sainte Vierge!

M. DE POLIGNAC.—La figure de l’individu!... Tenez, voilà un vrai louis. D’Haussez, vous êtes pour la dissolution; moi contre. Pile ou face?

M. D’HAUSSEZ.—Face.

(M. de Polignac jette la pièce; elle tombe face, et la dissolution est arrêtée définitivement.)


M. DE PEYRONNET AU MINISTÈRE.

On lit dans la Gazette d’hier: «MM. de Chabrol et de Courvoisier ayant donné leur démission, le Roi l’a acceptée et a nommé M. de Montbel ministre des finances, M. de Chantelauze ministre de l’Instruction publique, et M. de Peyronnet ministre de l’intérieur.»

M. de Peyronnet!!! Ce nom dit tout, et nous savons de quoi est capable celui qui a pris pour devise: Non solum togâ. Nous voici revenus à l’expectative des coups d’État dont nous menaçaient depuis si longtemps les journaux à gage de la camarilla.....

Bien joué, nos Seigneurs! M. de Peyronnet est pris pour tailleur dans notre dernière partie, voyons ce qu’il retournera!


BIGARRURES.

M. de Peyronnet entre dans la nouvelle troupe avec le même engagement et les mêmes feux; il a pour emploi les coups d’État. On est généralement curieux de voir le beau grenadier à cheval.

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* *

La nouvelle de la rentrée de M. de Peyronnet au ministère a fait baisser la rente, et les projets de M. de Polignac font hausser les épaules.

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Les électeurs se préparent à prouver à l’auteur de la loi du droit d’aînesse, qu’il n’est qu’un triste cadet.

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* *

M. de Peyronnet a de la rancune; il veut nous faire payer cher sa salle à manger, mais nous tenons les cordons de la bourse.

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* *

M. Dudon a pris un habit de ministre, il continue à voler dans le chemin de la fortune.

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* *

Chodruc-Duclos dit qu’il aime mieux être Chodruc que Peyronnet; Chodruc n’est pas si fou qu’il en a l’air.

M. Capelle joue les traîtres, M. Polignac les niais, M. Guernon de Ranville les pères dindons, M. de Peyronnet les tyrans. M. de Bourmont est chargé spécialement de l’emploi des déserteurs. M. Dudon va compléter la troupe; on sait d’avance quel rôle il jouera.

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On assure que M. de Peyronnet a en portefeuille une trentaine de lois d’amour inédites.

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* *

Décidément le ministère est à l’agonie; M. de Peyronnet se plaint d’avoir été appelé trop tard.

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* *

Chodruc-Duclos a pris un chapeau neuf; il paraît qu’un changement notable s’est opéré dans ses finances; il finira peut-être par être ministre.

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* *

M. de Peyronnet va donner un grand assaut....... à la Charte.

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* *

M. de Polignac veut monter à cheval après les élections; nous l’engageons à bien se tenir.

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* *

M. de Polignac voyant approcher les élections et désirant s’assurer un poste en rapport avec ses goûts et sa capacité, a retenu la place de bedeau de Saint-Roch.

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* *

On vend maintenant des tabatières électorales et du tabac à la Charte. Il y a de quoi faire fumer le ministère.

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* *

M. de Polignac trame ses coups dans l’ombre, c’est le hibou du ministère.

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* *

Telle est pourtant l’influence des plus petits motifs dans les choses de ce monde! Les oies ont sauvé le Capitole, et M. de Pol... pouvait causer une révolution en France.

*
* *

M. de Polignac prétend servir les intérêts du pays; il ne sait servir que la messe.


LA CHARTE

COMME LA VEULENT LES HOMMES DU 8 AOUT ET DU 19 MAI.

Article premier.—Les Français sont inégaux devant la loi, parce qu’il serait absurde qu’un libéral ou un homme qui ne va pas à la messe fût l’égal d’un émigré ou d’un congréganiste; qu’un député du côté gauche, qu’un écrivain ou un manufacturier marchassent de front avec un homme du centre, un évêque et un marquis; qu’un rédacteur du Constitutionnel ou du Courrier français, qui n’ont ni de avant leur nom, ni rubans, ni pensions, ni croix, fût autant qu’un rédacteur de la Gazette qui a deux de l’un devant, l’autre derrière, qui est de plus commandeur de l’ordre d’Isabelle la Catholique, qui dîne chez les ministres et qui tient les cordons du dais.

Art. 2.—Il serait assez agréable de ne faire payer les impôts qu’aux libéraux; mais, par cela, ils se trouveraient être seuls électeurs. Au contraire, seront dégrevés, autant que possible, les citoyens atteints ou soupçonnés de libéralisme.

Art. 3.—Ne sont admissibles aux emplois civils et militaires que les hommes bien pensants, affiliés à la congrégation, ayant au moins une fois trahi la France, dénoncé quelque conspiration ou sauvé trois fois la monarchie.

Art. 4.—La liberté individuelle est garantie, à moins que le suspect ne soit un écrivain libéral, parce que alors les traitements les plus rigoureux sont permis et même ordonnés. En ce cas, les gendarmes doivent se servir de leurs sabres et les guichetiers redoubler d’insolence.

Art. 5 et 6.—Chacun professe sa religion avec une égale liberté. Néanmoins on brûlera quiconque ne sera pas de la société de Jésus, qui est la religion de l’État.

ART. 7.—Les ministres de la religion catholique percevront la dîme de tous les biens des laïques; les prêtres de toute autre religion mourront de faim.

ART. 8.—Les Français ont le droit de faire imprimer et de publier leurs opinions, pourvu qu’ils n’écrivent que la vie des saints et le panégyrique de saint Louis, pour l’histoire; des cantiques et des noëls pour la poésie; l’éloge du gouvernement, des ministres et des jésuites, ou des invectives contre les libéraux.

ART. 9.—Les propriétés sont inviolables, sauf le cas où il faudrait qu’il en fût autrement.

Art. 10 et 11.—Il est défendu de rappeler que M. de *** a déserté et passé à l’ennemi; que tels et tels ont rampé aux pieds de l’usurpateur; que M. *** a vendu son honneur pour telle somme, que M. M*** n’a pu trouver à vendre le sien; que M. D*** a volé la nation; etc.

ART. 12.—Seront soumis au recrutement tous libéraux serfs et vilains; seront excellents officiers et généraux expérimentés, tous nobles, baron ou homme de haute lignée, de naissance et ancienne souche.

Art. 13.—Les ministres sont inviolables et, par conséquent, non responsables; à eux seuls appartient la puissance exécutive. Les ministres n’auront ni capacité, ni impartialité, ni conscience.

Art. 14 et 15.—La puissance législative s’exerce par les ministres; la Chambre des pairs et la Chambre des députés ne sont que pour la forme, jusqu’à ce qu’on les ait composées autrement.

Art. 16.—Les ordonnances des ministres ont force de loi.

Art. 17.—Quand la loi est fixée d’une manière immuable, on la porte aux Chambres pour la forme.

Art. 18.—Toute loi doit être discutée et votée librement; seulement, sera empoigné et conduit en prison, maltraité, diffamé, vexé, destitué et anathématisé tout député qui votera ou parlera contre le ministère. Des gendarmes, avec leurs carabines chargées, seront dans la salle, de distance en distance, en nombre double de celui des membres.

Art. 19.—Les Chambres ne peuvent ni se plaindre des ministres, ni prier le Roi d’écouter le cri du peuple; les Chambres doivent estimer les ministres, quels qu’ils soient.

Art. 20.—Si les Chambres demandent le renvoi des ministres, la demande sera soumise à l’approbation desdits ministres.

Art. 21.—Si la proposition est adoptée par les ministres, elle sera mise sous les yeux du Roi; si elle est rejetée, elle ne pourra être représentée pendant toute la durée du ministère.

Art. 22.—Les ministres promulguent les lois selon leur bon plaisir.

Art. 23.—Les traitements des ministres seront fixés et ne pourront subir de variations qu’en augmentant.

Art. 24.—Tout ministre chassé par le vœu de la nation est nommé de droit à la pairie.

Art. 25.—Toutes les délibérations de la Chambre des pairs sont secrètes, quand il s’y prononce des discours comme le dernier de M. de Chateaubriand.


DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS DES DÉPARTEMENTS.

Art. 26.—La Chambre des députés sera composée des députés élus par les conseils électoraux. Les ministres, dans leur impartialité, ne se réservent d’autre influence que de choisir les électeurs.

Art. 27.—Chaque département n’aura qu’un seul député, vu la rareté toujours croissante des hommes bien pensants.

Art. 28.—Tout député sera destitué à la volonté du ministre.

Art. 29.—Aucun député ne peut être admis dans la Chambre, s’il ne porte habituellement de la poudre et des bas chinés.

Art. 30.—Si néanmoins il ne se trouvait pas dans le département assez d’hommes réunissant les conditions requises, on choisirait dans les simples marguilliers, pourvu qu’ils soient abonnés à la Gazette, à la Quotidienne, ou à l’Apostolique.

Art. 31.—Si quelque homme bien pensant ne payait pas le cens exigible, on y pourvoirait par un ou plusieurs faux.

Art. 32.—Les présidents des colléges électoraux sont autorisés et même invités à faire triompher la bonne cause par tous les moyens légaux ou illégaux: fraude dans les dépouillements, influence par promesses ou menaces, etc.

Art. 33.—La moitié au moins des députés sera choisie parmi les Trois-Cents de M. de Villèle, le centre et les ventrus bien connus.

Art. 34.—Le président de la Chambre est tenu de clore les discussions avant qu’elles soient ouvertes, toutes les fois qu’elles prennent une tournure peu favorable au ministère.

Art. 35.—Les séances de la Chambre sont publiques, mais les tribunes réservées au public ne contiendront pas plus de quatre personnes.

Art. 36.—Au moindre signe de joie ou de tristesse qui paraîtra sur la figure du public, les tribunes seront évacuées.

Art. 37.—Aucun discours ne peut se terminer sans un court éloge des ministres.

Art. 38.—La Chambre des députés n’a pas le droit de refuser des impôts.

Art. 39.—En conséquence, aucun impôt ne peut être perçu s’il n’est consenti par la Chambre.

Art. 40.—Aucune diminution ne peut être proposée dans les impôts.

Art. 41.—Les ministres peuvent proroger la Chambre et, si elle les ennuie, la dissoudre, sans en convoquer une nouvelle.

Art. 42.—Les ministres ont le droit de faire emprisonner, déporter, ou d’exclure de la Chambre tout député qui ne se renfermerait pas dans le respect qui leur est dû.

Art. 43.—Les ministres peuvent faire par leurs journaux stipendiés injurier, insulter et calomnier les députés.

Art. 44.—Les pétitions envoyées aux Chambres resteront sans être dépliées.

DES MINISTRES.

Art. 45.—La voix d’un ministre comptera pour dix dans les délibérations des Chambres; on doit les écouter avec admiration quand ils daignent parler à la Chambre, et ne pas leur adresser d’arguments trop forts qui pourraient les embarrasser.

Art. 46.—La Chambre des députés a le droit d’accuser les ministres et de les traduire devant le conseil des ministres, qui seul a le droit de les juger.

Art. 47.—Dans le cas où les ministres accusés ne se condamneraient pas, leurs accusateurs seront punis comme calomniateurs.

DE L’ORDRE JUDICIAIRE.

Art. 48.—Les ministres se réservent de rendre justice sous les tilleuls du Palais-Royal.

DROITS PARTICULIERS MAINTENUS PAR L’ÉTAT.

Art. 49.—La dette publique est garantie, sauf quelques restrictions, telles que le trois pour cent.

Art. 50.—On rétablira le droit d’aînesse, les droits de haute justice, de vasselage. On fait des nobles et des pairs à discrétion.

Art. 51.—Les colons seront traités comme des nègres.

ARTICLE TRANSITOIRE.

Art. 52.—Il est défendu à tout citoyen de lire ou d’avoir chez lui cette Charte constitutionnelle.


Numéro du 25 juillet 1830.

LE 4 AOUT 1830.

DOUVRES.

(Deux inconnus, l’un arrivant de Calais, l’autre s’embarquant pour la même destination.)

Premier inconnu: God save my!... C’est vous?

Deuxième inconnu: Le prince de Pol...

—Chut! ne me nommez pas.

—Pourquoi?

—Parce que... j’allais chez vous.

—Tiens, c’est drôle, j’allais chez vous.

—J’allais m’asseoir à votre foyer.

—Je n’en ai plus, j’allais vous demander à partager la fortune du pot.

—Le pot!... on me l’a renversé sur la tête.

—Diable! Voilà qui est malheureux!.... Qu’allons-nous faire?

—Avez-vous de l’argent?

—Oui, un peu; j’ai écorché de mon mieux le pauvre John Bull.

—Moi, je n’ai pas un sou; ils crient avant qu’on les écorche.

—Il fallait les laisser crier.

—Oui, mais ils montraient les dents.

—C’est différent. Guillaume n’a plus besoin de mes services.

—La France a jugé à propos de se passer des miens.

—Mon cher, comme Denys de Syracuse, il faudra nous faire maîtres d’école.

—Tiens, est-ce que vous savez lire, vous?

—Non, et vous?

—Ni moi non plus.

—Alors il faut faire comme Dioclétien, il faut nous mettre jardiniers.

—Non, j’ai un projet, je vais me faire jockey à New-Market.

—L’idée n’est pas déjà si mauvaise; moi, si j’y avais pensé, je me serais fait roi des Grecs, quoique la place ne fût pas très-bonne. Un conquérant!... je vais me faire restaurateur.

—Et moi! le descendant d’une si noble maison!

—N’importe, je vais à Paris.

—Tenez, mon cher, voilà une recommandation pour Piet. Il vous aidera, quoique sa cuisine soit bien maigre à présent, ce pauvre Piet! il a bu un bouillon avec nous.

—Adieu donc, que la paix soit avec vous!

—Que la miséricorde du ciel vous accompagne!


Les prophétiques menaces de cet article ne devaient pas tarder à se réaliser.

Le 26 juillet, les ordonnances parurent. D’un trait de plume, Charles X venait de décider la déchéance de sa dynastie.

Avec la monarchie de Juillet, après les trois glorieuses, Figaro reparaît triomphant. Une fois encore sa vignette a subi une transformation, elle est devenue comme l’enseigne de sa victoire.

Basile fuit, Figaro ne menace plus, il frappe: «Ah! Basile, mon mignon, faiseur de coups d’État, en voici du bois vert.»

Mais le but est atteint, la rédaction se disperse: c’est un autre Figaro. Nous n’entreprendrons pas de le suivre dans sa fortune nouvelle.

FIN.

TABLE DES MATIÈRES

Deux mots.

1

Introduction.

5

Victor Bohain.

23

1826.

33

1827.

86

1828.

190

1829.

235

1830.

336

FIN DE LA TABLE.

Imprimé par Charles Noblet, rue Soufflot, 18.

NOTES:

[1] J’ai sous les yeux, en écrivant ces lignes, le très-remarquable travail de M. Hatin, l’Histoire du journal en France, dont le volume consacré à la Restauration vient de paraître à la librairie Poulet-Malassis et de Broise. Malheureusement, effrayé sans doute des proportions que prenait son ouvrage, M. Hatin n’a pu qu’indiquer en passant le rôle du petit journal et en particulier du Figaro, «de toute cette artillerie légère, si terrible dans les grandes luttes de l’opinion.»

[2] Adolphe Blanqui, on peut le dire aujourd’hui, était l’auteur des Esquisses de la Chambre des députés.

[3] Allusion à M. de Quatrebarbes.

[4] Les ciseaux de la censure qui venait d’être supprimée.

[5] M. Franchet-Despérey était directeur général de la police.

[6] Est-il besoin de dire que la comédie dont veut parler Figaro est la session législative?

[7] Voici à peu près le trait d’un de ces couplets:

Un ministre qu’on destitue,
Dit qu’il n’a voulu que le bien;
Comédien! comédien!

[8] Allusion à une proposition faite à la Chambre pour la mise en accusation du ministère Villèle, «pour crimes de concussion et de trahison.» Cette proposition, prise en considération, donna lieu à un débat orageux. Les anciens ministres l’échappèrent belle. Ils durent leur salut à M. de Martignac, qui tint la promesse faite au roi d’empêcher toute poursuite contre le cabinet qu’il remplaçait. En échange on lui avait permis d’arrêter l’envahissement de l’intérêt religieux sur les choses de la politique. On lui retira vite cette permission.

[9] Histoire des deux Restaurations, t. 7.

[10] M. de Polignac était alors ambassadeur en Angleterre; connaissant les projets du roi, il guettait anxieusement l’heure de s’emparer du pouvoir. A chaque crise il accourait. Lorsqu’il ne venait pas, Charles X l’appelait près de lui, parfois même à l’insu de ses ministres, qui voyaient d’un mauvais œil l’homme qui convoitait leurs portefeuilles.

[11] Un beau jour, au moment où on s’y attendait le moins, M. de Polignac, à la tribune de la Chambre des pairs, fit un long discours pour prouver que la charte était la plus chère de ses affections. Ces protestations ne surprirent personne. M. de Polignac voulait être ministre, il pensa que le portefeuille valait bien une protestation. Henri IV avait bien accepté une messe. Les ultra furent remplis de joie. M. de Polignac, mystique ridicule, entêté, ignorant, s’était vanté d’anéantir la Charte en deux ans, SANS COMMOTION.

[12] Allusion à la loi sur le monopole des tabacs, qui avait fort indigné.—Tous les titres et articles sont la parodie presque textuelle des dispositions du projet.

[13] Charles X lui-même se moquait de l’éloquence de son ministre, il le considérait comme un artiste en phrases.—«Avez-vous entendu la Pasta?» demandait-il à un de ses familiers qui revenait de la Chambre, où M. de Martignac avait prononcé un fort beau discours.

[14] Le ministère avait été contraint de retirer les deux projets de loi présentés sur l’organisation communale et départementale. De ce jour l’alliance de la gauche et du cabinet Martignac était brisée. Le ministère n’avait plus la majorité, il était bien malade, en effet.

[15] Ce n’est point ici une scène de fantaisie, il n’y a rien que de très-exact dans cette curieuse étude des mœurs administratives du temps. Plusieurs procès même furent intentés à des maires qui avaient refusé complétement d’inscrire des enfants sur les registres de l’état civil, sous prétexte que les noms choisis par les parents étaient des noms révolutionnaires.

[16] Cette affaire du Mouton enragé est un des épisodes les plus tristes de l’histoire de la presse sous la Restauration. Il eut, à l’époque, un immense retentissement. L’auteur de l’article, Fontan, et le directeur de l’Album, M. Magallon, furent condamnés à cinq ans de prison et conduits à Poissy avec les menottes et accouplés à des voleurs. Les cheveux de Fontan blanchirent dans une nuit. Il n’avait pas vingt-cinq ans. - FIN

Date de dernière mise à jour : 16/01/2023