Les boîtes à joujoux sont en effet des sortes de villes dans lesquelles les jouets vivent comme des personnes. Ou bien les villes ne sont peut-être que des boîtes à joujoux dans lesquelles les personnes vivent comme des jouets.
1° TABLEAU :
d’un magasin de jouets, presque dans l’obscurité. Par un vitrage, on voit un réverbère qui brûle. Au premier plan, une grande boîte en bois blanc avec couvercle et un phonographe. Au fond, appuyés contre le mur, Pierrot, Arlequin, Polichinelle et trois poupées dorment. Une des poupées se réveille et marche en cadence. Elle touche un interrupteur : Lumière ! Elle touche le phonographe : Musique ! Les poupées, Pierrot, Arlequin et Polichinelle se réveillent. Les poupées s’en vont et reviennent, traînant tous les jouets du magasin. Pierrot, Arlequin et Polichinelle les imitent. Le couvercle de la boîte s’est soulevé : une tête de soldat de bois est apparue dans l’entrebâillement et regarde curieusement. Pas de l’éléphant. Vieux chant hindou qui sert, de nos jours encore, à apprivoiser les éléphants. Il est construit sur la gamme de «5 h du matin». L’éléphant s’en va, navré. Danse de l’Arlequin. Le Soldat anglais. Polichinelle. Danse de la poupée : valse. Pierrot, Arlequin, Polichinelle et les deux poupées commencent une ronde. Ronde générale. La poupée vient les retrouver. En passant devant la boîte, la Poupée laisse tomber une fleur… devant le petit Soldat qui la ramasse et l’embrasse. Mais la Poupée fait un pied de nez au Soldat, et vient très vite retrouver le Polichinelle qui retourne vers la boîte… et donne un coup de pied dans le nez du Soldat. Tout le couvercle se soulève alors. On voit la tête courroucée du Capitaine, un tambour, un morceau de drapeau. La ronde continue. Par le vitrage, le jour apparaît peu à peu, on éteint le réverbère. La tête de l’agent se montre au vitrage. Frayeur des jouets qui se dispersent. Pierrot, Arlequin, Polichinelle et les trois poupées reprennent leur place de sommeil. La poupée qui a allumé l’électricité retourne bien vite l’éteindre.
2° TABLEAU :
Une grande plaine verte : deux arbres. Polichinelle est assis à côté de la Poupée et lui conte fleurette. La Poupée lui demande un anneau de mariage. Polichinelle rit et l’embrasse de plus belle. Bruit d’une troupe en marche. Le Capitaine, de son sabre, désigne aux soldats Polichinelle qui se sauve. Les soldats se mettent en rangs de bataille. Polichinelle revient avec d’autres polichinelles, des artilleurs et des canons. Bataille. Les combattants se retirent. Nuit/Lune. Le Soldat qui portait la fleur au bout de son fusil reste couché entre les deux arbres. Il tient la fleur sur son cœur. La Poupée prie. Polichinelle revient à pas de loup. Geste de terreur de la Poupée. Il prend la fleur, rit en la regardant, la remet sur la poitrine du Soldat, fait une dernière grimace et s’en va, emportant le fusil. La Poupée vient doucement vers le Soldat, se penche vers lui et le soigne. Le Soldat se lève doucement. Dans le lointain, bruit de fête et musique des polichinelles.
3° TABLEAU :
Un paysage désolé : dans le fond, une bergerie cassée avec des barrières démolies et un écriteau « Bergerie d’occasion à vendre ». Le Soldat, avec un bras en écharpe et tenant la fleur de l’autre main, est seul avec la Poupée. Un pâtre qui n’est pas d’ici joue du chalumeau dans le lointain. Un air de vielle se fait entendre. Un berger passe, traînant derrière lui ses moutons. La Poupée en achète deux. Une gardeuse d’oies vient ensuite. La Poupée achète deux oies. Seuls, avec leurs deux oies et leurs deux moutons, le Soldat et la Poupée se laissent aller à la mélancolie que verse dans leurs petites âmes en bois le chalumeau du pâtre. Ils s’embrassent et s’en vont lentement, se dirigeant vers la bergerie.
4° TABLEAU :
Un confortable chalet qui porte une banderole sur laquelle on lit « Vingt ans après ». On voit d’abord Polichinelle en garde-champêtre avec baudrier et plaque « LA LOI ». Devant le chalet, le Soldat, avec une grande barbe blanche, s’appuie sur un coffre-fort, tenant à la main la fleur fanée de la Poupée. La Poupée est à côté de lui, considérablement grossie ; puis, par rang de taille, leurs enfants. La Poupée, qui ne peut plus danser, essaie de chanter. Les enfants, enthousiasmés, dansent une polka célèbre, avec un évident irrespect pour la pensée de l’auteur. Tout s’éteint. Peu à peu, on revoit le décor du premier tableau, avec les mêmes personnages. La tête du petit Soldat de bois apparaît. Il fait le salut militaire au moment où le rideau tombe. L’HISTOIRE Le texte intégral