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LE LIÈVRE ET LA PERDRIX
Il ne se faut jamais moquer des misérables Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux ? Le sage Esope, dans ses Fables, Nous en donne un exemple ou deux. Celui qu'en ces vers je propose, Et les siens, sont même chose. Le lièvre et la perdrix, concitoyens d'un champ, Vivaient dans un état, ce semble, assez tranquille, Quand une meute s'approchant Oblige le premier à chercher un asile : Il s'enfuit dans son fort, met les chiens en défaut, Sans même en excepter Brifaut. Enfin il se trahit lui-même Par les esprits sortant de son corps échauffé. Miraut sur leur odeur ayant philosophé, Conclut que c'est son lièvre, et, d'une ardeur extrême, Il le pousse ; et Rustaut qui n'a jamais menti, Dit que le lièvre est reparti Le pauvre malheureux vient mourir à son gîte. La perdrix le raille, et lui dit Tu te vantais d'être si vite : Qu'as-tu fait de tes pieds ? Au moment qu'elle rit, Son tour vient, on la trouve. Elle croit, que ses ailes La sauront garantir à toute extrémité ; Mais la pauvrette avait compté Sans l'autour aux serres cruelles.
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L'HUITRE ET LES PLAIDEURS
Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent Une huître que le flot y venait d'apporter ; Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ; A l'égard de la dent il fallut contester. L'un se baissait déjà pour ramasser la proie ; L'autre le pousse, et dit : Il est bon de savoir Qui de nous en aura la joie. Celui qui le premier a pu l'apercevoir En sera le gobeur ; l'autre le verra faire. Si par là l'on-juge l'affaire, Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon, Dieu merci. Je ne l'ai, pas mauvais aussi, Dit l'autre et je l'ai vue avant vous sur ma vie. Eh bien ! vous l'avez vue ; et moi je l'ai sentie. Pendant tout ce bel incident, Perrin-Dandin arrive : ils le prennent pour juge. Perrin fort gravement ouvre l'huître et la gruge, Nos deux messieurs le regardant. Cerepas fait, il dit d'un ton de président : Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille Sans dépens, et qu'en paix chacun chez soi s'en aille Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui ; Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles : Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.
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LE SINGE ET LE LÉOPARD
Le singe avec le léopard Gagnaient de l'argent à la foire Ils affichaient chacun à part. L'un d'eux disait : Messieurs, mon mérite et ma gloire Sont connus en bon lieu : le roi m'a voulu voir, Et si je meurs il veut avoir Un manchon de ma peau, tant elle est bigarrée, Et vergetée, et mouchetée. La bigarrure plaît : partant chacun le vit. Mais ce fut bientôt fait ; bientôt chacun sortit. Le singe de sa part disait : Venez, de grâce, Venez, messieurs ; je fais cent tours de passe-passe. Cette diversité dont on vous parle tant, Mon voisin léopard l'a sur soi seulement Moi, je l'ai dans l'esprit. Votre serviteur Gille, Cousin et gendre de Bertrand, Singe du pape en son vivant, Tout fraichement en cette ville Arrive en trois bateaux, expès pour vous parler : Car il parle, on l'entend ; il sait danser, baller, Faire des tours de toute sorte, Passer en des cerceaux et le tout pour six blancs ; Non, messieurs, pour un sou si vous n'êtes contents, Nous rendrons à chacun son argent à la porte. Le singe avait raison : ce n'est pas sur l'habit Que la diversité me plaît ; c'est dans l'esprit L'une fournit toujours des choses agréables ; L'autre, en moins d'un moment, lasse les regardants. Oh ! que de grands seigneurs, au léopard semblables
N'ont que l'habit pour talents !
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LE LION, LE LOUP ET LE RENARD
Un lion, décrépit, goutteux, n'en pouvant plus, Voulait que l'on trouvât remède à la vieillesse. Alléguer l'impossible aux rois, c'est un abus. Celui–ci parmi chaque espèce Manda des médecins : il en est de tous arts : Médecins au lion viennent de toutes parts ; De tous côtés lui vient des donneurs de recettes. Dans les visites qui sont faites, Le renard se dispense, et se tient clos et coi. Le loup en fait sa cour, daube, au coucher du roi, Son camarade absent. Le prince, tout à l'heure, Veut qu'on aille enfumer renard dans sa demeure, Qu'on le fasse venir. Il vient, est présenté ; Et sachant que le loup lui faisait cette affaire : Je crains, sire, dit-il, qu'un rapport peu sincère Ne m'ai à mépris imputé D'avoir différé cet hommage ; Mais j'étais en pélérinage, Et m'acquittais d'un vœu fait pour votre santé. Même j'ai vu dans mon voyage Gens experts et savants, leur ai dit la langueur Dont votre majesté craint à bon droit la suite. Vous ne manquez que de chaleur : Le long âge en vous l'a détruite. D'un loup écorché vif appliquez-vous la peau Toute chaude et toute fumante : Le secret sans doute en est beau Pour la nature défaillante. Messire loup vous servira, S'il vous plaît, de robe de chambre. Le roi goûte cet avis–là On écorche, on taille, on démembre Messire loup. Le monarque en soupa, Et de sa peau s'enveloppa.
Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire ; Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire ! Le mal se rend chez vous au quadruple du bien. Les daubeurs ont leur tour, d'une ou d'autre manière ? Vous êtes dans une carrière
Où l'on ne se pardonne rien.
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LE RENARD & LES RAISINS
Certain renard gascon, d'autres disent normand, Mourant presque de faim, vit au hautd'une treille Des raisins mûrs apparemment, Et couverts d'une peau vermeille. Le galant en eût fait volontiers un repas ; Mais comme il n'y pouvait atteindre . Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats Fit-il pas mieux que de se plaindre ?
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LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS
Autrefois le rat de ville Invita le rat des champs, D'une façon fort civile, A des reliefs d'ortolans. Sur un tapis de Turquie. Le couvert se trouva mis. Je laisse à penser la vie Que firent ces deux amis. Le régal fut fort honnête ; Rien, ne manquait au festin ; Mais quelqu'un troubla la fête Pendant qu'ils étaient en train. A la porte de la salle Ils entendirent du bruit. Le rat de ville détale Son camarade le suit. Le bruit cesse ; on se retire : Rats en campagne aussitôt ; Et le citadin de dire : Achevons tout notre rôt. C'est assez, dit la rustique : Demain vous viendrez chez moi. Ce n'est pas que je me pique De tous vos festins de roi. Mais rien ne vient m'interrompre ; Je mange tout à loisir. Adieu donc. Fi du plaisir Que la crainte peut corrompre.
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