BIBLIOBUS Littérature française

X

X, s. f. (Gram.) c’est la vingt-troisieme lettre, & la dix-huitieme consonne de l’alphabet françois. Nous la nommons ixe, & c’est ce nom qui est féminin ; mais cette dénomination ne sauroit convenir à l’épellation ; & pour désigner ce caractere, relativement à sa destination originelle, il faut l’appeller xe, nom masculin.

Nous tenons cette lettre des Latins, qui en avoient pris l’idée dans l’alphabet grec, pour représenter les deux consonnes fortes C S, ou les deux foibles G Z. C’étoit donc l’abréviation de deux consonnes réunies, ou une consonne double : X duplicem, loco C & S, vel G & S, posteà à groecis inventam, assumpsimus, dit Priscien, (lib. I.) c’est pourquoi Quintilien, (I. iv.) observe qu’on auroit pu se passer de ce caractere ; X littera carere potuimus, si non quoesissemus : & nous apprenons de Victorin (Art. gram. I.) que les anciens Latins écrivoient séparément chacune des deux consonnes réunies sous ce seul caractère ; latini voces quoe in X litteram incidunt, si in declinatione earum apparebat G, scribebant G & S, ut conjugs legs. Nigidius in libris suis X litter â non est usus, antiquitatem sequens.

J’ai dit que les Latins avoient pris l’idée de leur X dans l’alphabet grec ; non qu’ils y ayent pris le caractere qui y avoit la même valeur, savoir Ξ ou ξ, mais parce qu’ils ont emprunté le Χ, qui y valoit K H, ou K, pour signifier leur C S ou G Z.

Cette lettre a dans notre ortographe différentes valeurs ; & pour les déterminer je la considérerai au commencement, au milieu, & à la fin des mots.

I. Elle ne se trouve au commencement que d’un très petit nombre de noms propres, empruntés des langues étrangeres, & il faut l’y prononcer avec sa valeur primitive C S, excepté quelques-uns, devenus plus communs & adoucis par l’usage ; comme Xavier, que l’on prononce Gzavier ; Xénophon, que l’on prononce quelquefois Sénophon ; Ximénez, qui se prononce Siménez ou Chiménez.

II. Si la lettre X est au milieu du mot, elle y a différentes valeurs, selon ses diverses positions.

1°. Elle tient lieu de C S entre deux voyelles, lorsque la premiere n’est pas un e initial ; comme axe, maxime, Alexandre, Mexique, sexe, flexible, vexation, fixer, Ixion, oxicrat, paradoxe, luxe, luxation, fluxion, &c.

On en exceptoit autrefois les mots Bruxelles, Flexelles, Uxelles, qui ne font plus exception, parce qu’on les écrit conformément à la prononciation, Brusselles, Flesselles, Usselles ; mais il faut encore excepter aujourd'hui sixain, sixieme, deuxieme, dixain, dixaine, dixainier, dixieme, où X se prononce comme Z ; & soixante, soixantaine, soixantieme, que l’on prononce soissante, soissantaine, soissantieme.

2°. Elle tient encore lieu de C S, lorsqu’elle a après elle un C guttural, suivi d’une des trois voyelles a, o, u, ou d’une consonne, ou lorsqu’elle est suivie de toute autre consonne, excepté H ; comme excavation, excommunié, excuse, exclusion, excrément, exfolier, expédient, mixtion, exploit, extrait.

3°. Elle tient lieu de G Z, lorsqu’étant entre-deux voyelles, la premiere est un e initial ; & dans ce cas la lettre h qui précéderoit l’une des deux voyelles est reputée nulle : comme dans examen, héxametre, exécution, exhérédation, exil, exhiber, exorde, exhorter, exultation, exhumer.

4°. Elle tient lieu de C guttural, quand elle est suivie d’un C sifflant, à cause de la voyelle suivante e ou i ; comme excès, exciter, qui se prononcent eccès, ecciter.

III. Lorsque la lettre X est à la fin des mots, elle y a, selon l’occurence, différentes valeurs.

1°. Elle vaut autant que C S à la fin des noms propres, Palafox, Pollux, Styx ; des noms appellatifs, borax, index, larynx, lynx, sphinx, & des deux adjectifs perplex, préfix.

2°. Lorsque les deux adjectifs numéraux six, dix, ne sont point suivis du nom de l’espece nombrée, on y prononce x comme un sifflement fort ; j’en ai dix, prenez-en six.

3°. Deux, six, dix, étant suivis du nom de l’espece nombrée, commençant par une voyelle, ou par une h muette, ou bien dix n’étant qu’une partie élémentaire d’un mot numéral composé & se trouvant suivi d’une autre partie de même nature, on prononce X comme un sifflement foible, ou Z : deux hommes, six aunes, dix ans, dix-huit, dix-neuf, dix-neuvieme.

4°. A la fin de tout autre mot X ne se prononce pas, ou se prononce comme Z. Voici les occasions où l’on prononce X à la fin des mots, le mot suivant commencant par une voyelle, ou par une h muette ; 1°. Après aux, comme aux amis, aux hommes. 2°. A la fin d’un nom suivi de son adjectif, quand ce nom n’a pas x au singulier ; chevaux alertes, cheveux épars, travaux inutiles, feux ardens, voeux indiscrets. 3°. A la fin d’un adjectif suivi du nom avec lequel il s’accorde ; heureux amant, faux accords, affreux état, séditieux insulaires. 4°. Après les verbes veux & peux ; comme je veux y aller, tu peux écrire, je peux attendre, tu en veux une.

X dans la numération romaine, valoit 10 ; & avec un trait horisontal X valoit 10000. […] valoit seulement 1000. I avant X en souffrait une unité, & IX=9: au contraire XI=11, XII=12, XIII =13, XIV=14, XV=15, &c. X avant L ou avant C, indique qu’il faut déduire 10 de 50 ou de 100 ; ainsi XL=40, XC=90.

La monnoie frappée à Amiens est marquée X. (B. E)