BIBLIOBUS Littérature française

THÊME

THÊME, s. m. (Gram.) ce mot est grec θέμα, & vient de τίθημι, pono ; thema, (thème), positio, id quod primò ponitur. Les grammairiens font usage de ce terme dans deux sens différens.

1°. On appelle communément thême d’un verbe, le radical primitif d’où il a été tiré par diverses formations.

« On appelle thême en grec, le présent d’un verbe, parce que c’est le premier tems que l’on pose pour en former les autres ».

(Méth. gram. de P. R. liv. V. ch. vj.) Il me semble qu’en hébreu le thême est moins déterminé, & que c’est absolument le premier & le plus simple radical d’où est dérivé le mot dont on cherche le thême.

« La maniere de trouver le thême (en grec), est donc de pouvoir réduire tous les tems qu’on rencontre, à leur présent ; ce qui suppose qu’on sache parfaitement conjuguer les verbes en ω, tant circonflexes que barytons ; & les verbes en μι, tant réguliers qu’irréguliers ; & qu’on connoisse aussi la maniere de former ces tems (ibid.) ».

Ainsi l’investigation du thême grec, est une espece d’analyse par laquelle on dépouille le mot qui se rencontre, de toutes les formes dont le présent aura été revêtu par les lois synthétiques de la formation, afin de retrouver ce présent radical ; & par-là de s’assurer de la signification du mot que l’on a décomposé.

Par exemple, pour procéder à l’investigation du thême de λυσόμενος, dont la terminaison annonce un futur premier du participe moyen : j’observe, 1°. que ce tems se forme du futur premier de l’indicatif moyen, en changeant μαι en μενος ; d’où je conclus qu’en otant μενος, & substituant μαι, j’aurai le futur premier de l’indicatif moyen, λύσομαι : j’observe 2°. que ce tems de l’indicatif moyen est formé de celui qui correspond à l’indicatif actif, en changeant ω en ομαι ; si je mets donc ω à la place de ομαι, j’aurai λύσω, futur premier de l’indicatif actif : j’observe enfin que ce futur en σω suppose un thême en ω pur, ou en δω, τω, θω ; ainsi consultant le lexicon, je trouve λύω, solvo, d’où vient λύσω, puis λύσομαι, & enfin λυσόμενος, soluturus.

L’investigation du thême, dans la langue hébraïque, est aussi une sorte d’analyse, par laquelle on dépouille le mot proposé, des lettres serviles, afin de n’y laisser que les radicales, qui servent alors à

montrer l’origine & le sens du mot. Les Hébraisans entendent par lettres radicales, celles qui, dans toutes les métamorphoses du mot primitif, subsistent toujours pour être le signe de la signification objective ; & par lettres serviles, celles qui sont ajoutées en diverses manieres aux radicales, relativement à la signification formelle, & aux accidens grammaticaux dont elle est susceptible. On peut approfondir dans les grammaires hébraïques ce méchanisme, qui ne peut appartenir à l’Encyclopédie, non plus que celui de l’investigation du thême grec.

2°. Le second usage que l’on fait en grammaire, du mot thême, est pour exprimer la position de quelque discours dans la langue naturelle, qui doit être traduit en latin, en grec, ou en telle autre langue que l’on étudie. Commencer l’étude du latin ou du grec par un exercice si penible, si peu utile, si nuisible même, est un reste de preuve de la barbarie où avoient vêcu nos ayeux, jusqu’au renouvellement des lettres en France, sous le regne de François I. le pere des lettres : car c’est à-peu-près vers ce tems que la méthode des thêmes s’introduisit presque partout ; aujourd'hui justement décriée par les meilleures têtes de la littérature, personne ne peut plus ignorer les raisons qui doivent la faire proscrire, & qui n’ont plus contre elle que l’inflexibilité de l’habitude établie par un usage déja ancien. Voyez Etudes, Littérature, & Méthode.

« Au reste, dit M. du Marsais, (Préf. dune gram. lat. §. vj.) je suis bien éloigné de desapprouver, qu’après avoir fait expliquer du latin pendant un certain tems, & après avoir fait observer sur ce latin les regles de la syntaxe, on fasse rendre du françois en latin, soit de vive voix, soit par écrit. Je suis au-contraire persuadé que cette pratique met de la varieté dans les études, qu’elle fait voir de nouveau (& sous un autre aspect) la réciprocation des deux langues, & qu’elle exerce les jeunes gens à faire l’application des regles qu’ils ont apprises dans l’explication, & des exemples qu’ils y ont remarqués ; mais le latin que le disciple compose, ne doit être qu’une imitation de celui qu’il a vu auparavant.

Quand votre disciple sait bien decliner & bien conjuguer, & qu’il a appris la raison des cas dont il a remarqué l’usage dans les auteurs qu’il a expliqués, vous ferez bien de lui donner à mettre en latin, un françois composé sur l’auteur qu’il aura expliqué, en ne changeant guere que les tems, & quelques légeres circonstances : mais il faut lui permettre d’avoir l’original devant les yeux, afin qu’il le puisse imiter plus aisément : pourquoi l’empêcher d’avoir recours à son modele ? plus il le lira, plus il deviendra habile ; c’est à vous à disposer le françois de façon qu’il ne trouve ni l’ouvrage tout fait, ni trop éloigne de l’original ».

On peut encore, quand le disciple a acquis une certaine force, lui donner le françois de quelque chose qu’il a déja expliqué, & lui en faire retrouver le latin : vous ferez cela sur une explication du jour ; peu après vous le ferez sur celle de la veille, ensuite sur une plus ancienne. Insensiblement vous pourrez lui proposer le françois de quelque trait qu’il n’aura pas encore vu, & lui en demander le latin ; vous serez sûr de le bien corriger, & de lui donner un bon modele, si vous avez pris votre matiere dans un bon auteur. Un maitre intelligent trouvera aisément mille ressources pour être utile ; le véritable zele est un feu qui éclaire en échauffant.

« Je ne condamne donc pas, continue M. du Marsais (ibid.), la pratique de mettre du françois en latin ; j’en blâme seulement l’abus & l’usage déplacé ».

Ainsi pense le rédacteur des instructions pour les professeurs de la grammaire latine, faites & publiées par ordre du roi de Portugal, à la suite de son édit sur le nouveau plan des études d’humanités, du 28 Juin 1759.

« Comme pour composer en latin il faut auparavant savoir les mots, les phrases, & les propriétés de cette langue, & que les écoliers ne peuvent les savoir qu’après avoir fait quelque lecture des livres où cette langue a été déposée, pour être comme un dictionnaire vivant, & une grammaire parlante. Les hommes les plus habiles soutiennent en conséquence que dans les commencemens on doit absolument éviter de faire faire des thêmes… ils ne servent qu’à molester les commençans, & à leur inspirer une grande horreur pour l’étude ; ce qu’il faut éviter sur toutes choses, selon cet avis de Quintilien, dans ses institutions : (lib. I. cap. j. §. 4.) Nam id in primis cavere oportet, ne studia, qui amare nondùm potest, oderit ; & amaritudinem semel praeceptam, etiam ultrà rudes annos, reformidet ».

Instruct. pour les professeurs de la gramm lat. §. xiv. (B. E. R. M.)