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MODE

MODE, anciennement Moeufs, s. m. (Grammaire). Divers accidens modifient la signification & la forme des verbes, & il y en de deux sortes : les uns sont communs aux verbes & aux autres especes de mots déclinables ; tels sont les nombres, les cas, les genres & les personnes, qui varient selon la différence des mêmes accidens dans le nom ou le pronom qui exprime le sujet déterminé auquel on applique le verbe. Voyez Nombre, Cas, Genre, Personne, Concordance, Identité

Il y a d’autres accidens qui sont propres au verbe, & dont aucune autre espece-de mot n’est susceptible : ce sont les tems & les modes ; les tems sont les différentes formes qui expriment dans le verbe les différens rapports d’existence aux diverses époques que l’on peut envisager dans la durée. Ainsi le choix de ces formes accidentelles dépend de la vérité des positions du sujet, & non d’aucune loi de Grammaire ; & c’est pour cela que dans l’analyse d’une phrase le grammairien n’est point tenu de rendre compte pourquoi le verbe y est à tel ou tel tems. Voyez Tems.

Les modes semblent tenir de plus près aux vûes de la Grammaire, ou du-moins aux vûes de celui qui parle. Perizonius, not. l. sur le chap. xiij. du liv. I.

de la Minerve de Sanctius, compare ainsi les modes des verbes aux cas des noms : Eodem planè modo se habent modi in vertis, quo casus in nominibus. Utrique consistunt in diversis terminationibus pro diversitate constructionis. Unique ab illa terminationum diversa forma nomem suum accepêre, ut illi dicantur terminationum varii casus, hi modi. Denique utrorumque terminationes singulares appellantur à potissimo earum usu, non unico. Il ne faut pourtant pas s’imaginer que l’on puisse établir entre les cas & les modes un parallele soutenu, & dire, par exemple, que l’indicatif dans les verbes répond au nominatif dans les noms, l’impératif au vocatif, le subjonctif à l’accusatif, &c. on trouveroit peut être entre quelques-uns des membres de ce parallele, quelque analogie eloignée ; mais la comparaison ne se soutiendroit pas jusqu’à la fin, & le succès d’ailleurs ne dédommageroit pas assez des attentions minutieuses d’un pareil détail. Il est bien plus simple de rechercher la nature des modes dans l’usage que l’on en fait dans les langues, que de s’amuser à des généralités vagues, incertaines & stériles. Or,

I. On remarque dans les langues deux especes générales de modes, les uns personnels & les autres impersonnels.

Les modes personnels sont ceux où le verbe reçoit des terminaisons par lesquelles il se met en concordance de personne avec le nom ou le pronom qui en exprime le sujet : facio, facis, facit, je fais, tu fais, il fait ; facimus, facitis, faciunt, nous faisons, vous faites, ils font, c’est du mode indicatif : faciam, facias, faciat, je fasse, tu fasses, il fasse ; faciamus, faciaris, faciant, nous fassions, vous fassiez, ils fassent, c’est du mode subjonctif ; & tout cela est personnel.

Les modes impersonnels sont ceux où le verbe ne reçoit aucune terminaison pour être en concordance de personne avec un sujet : facere, fecisse, faire, avoir fait, c’est du mode infinitif ; faciens, facturus, faisant, devant faire, c’est du mode participe ; & tout cela est impersonnel.

Cette premiere différence des modes porte sur celle de leur destination dans la phrase. Les personnes, en Grammaire, considérées d’une maniere abstraite & générale, sont les diverses relations que peut avoir à la production de la parole le sujet de la proposition, & dans les verbes ce sont les diverses terminaisons que le verbe reçoit selon la relation actuelle du sujet de ce verbe à la production de la parole. Voyez Personne. Les modes personnels sont donc ceux qui servent à énoncer des propositions, & qui en renferment ce que les Logiciens appellent la copule, puisque c’est seulement dans ces modes que le verbe s’identifie avec le sujet, par la concordance des personnes qui indiquent des relations exclusivement propres au sujet considéré comme sujet. Les modes impersonnels au contraire ne peuvent servir à énoncer des propositions, puisqu’ils n’ont pas la forme qui désigneroit leur identification avec leur sujet considéré comme tel. En effet, Dieu est éternel, sans que nous comprenions, vous auriez raison, retire-toi, sont des propositions, des énonciations complettes de jugemens. Mais en est-il de même quand on dit écouter, avoir compris, une chanson note'e, Auguste ayant fait la paix, Catilina devant proscrire les plus riches citoyens ? non, sans doute, rien n’est affirmé ou nié d’aucun sujet, mais le sujet tout au plus est énoncé ; il faut y ajouter quelque chose pour avoir des propositions entieres, & spécialement un verbe qui soit à un mode personnel.

Il. Entre les modes personnels, les uns sont directs, & les autres sont indirects ou obliques.

Les modes directs sont ceux dans lesquels seuls le verbe sert à constituer la proposition principale, c’est-à-dire l’expression immédiate de la pensée que l’on veut manifester.

Les modes indirects ou obliques sont ceux qui ne constituent qu’une proposition incidente subordonnée à un antécédent qui n’est qu’une partie de la proposition principale.

Ainsi, quand on dit je fais de mon mieux, je ferois mieux si je pouvois, faites mieux, les différens modes du verbe faire, je fais, je ferois, faites, sont directs, parce qu’ils servent immédiatement à l’expression du jugement principal que l’on veut manifecter. Si l’on dit au contraire, il est nécessaire que je fasse mieux, le mode je fasse est in direct ou oblique, parce qu’il ne constitue qu’une énonciation subordonnée à l’antécédent il, qui est le sujet de la proposition principale ; c’est comme si l’on disoit il que je fasse mieux est nécessaire.

Remarquez que je dis des modes directs qu’ils sont les seuls dans lesquels le verbe sert à constituer la proposition principale ; ce qui ne veut pas dire que toute proposition dont le verbe est à un mode direct, soit principale, puisqu’il n’y a rien de plus commun que des propositions incidentes dont le verbe est à un mode direct : par exemple, la remarque que je fais est utile, les remarques que vous ferez seroient utiles, &c. Je ne pretends donc exprimer par-là qu’une propriété exclusive des modes directs, & faire entendre que les indirects n’énoncent jamais une proposition principale, comme je le dis ensuite dans la définition que j’en donne.

Si nous trouvons quelques locutions où le mode subjonctif, qui est oblique, semble être le verbe de la proposition principale, nous devons être assurés que la phrase est elliptique, que le principal verbe est supprimé, qu’il faut le suppléer dans l’analyse. & que la proposition exprimée n’est qu’incidente. Ainsi, quand on lit dans Tite-Live, VI. xjv. Tune vero ego nequicquam capitolium arcemque serv averim, si, &c. il faut réduire la phrase à cette construction analytique : Tune vero (res erit ita ut) ego serv av erim nequicquam capitolium que arcem, si, &c. C’est la même chose quand on dit en françois, qu’on se taise ; il faut sous-entendre je veux, ou quelqu’autre equivalent. Voyez Subjonctif.

Nous avons en françois trois modes personnels directs, qui sont l’indicatif, l’impératif & le suppositif. Je sais est à l’indicatif, sais est à l’impératif, je ferais est au suppositif.

Ces trois modes également directs, different entr’eux par des idées accessoires ; l’indicatif exprime purement l’existence d’un sujet déterminé sous un attribut : c’est un mode pur ; les deux autres sont mixtes, parce qu’ils ajoutent à cette signification primitive d’autres idées accessoires accidentelles à cette signification. L’impératif y ajoute l’idée accessoire de la volonté de celui qui parle : le suppositif celle d’une hypothèse. Voyez Indicatif, Impératif, Suppositif .

Les Grecs ni les Latins n’avoient pas le suppositif ; ils en suppléoient la valeur par des circonlocutions que l’ellipse abrégeoit. Amsi, dans cette phrase de Ciceron, de nat. dear II. xxxvij. Profectò & esse deos, & hoec tanta opera deorum esse arbitrarentur, le verbe arbitrarentur ne seroit pas rendu littéralement par ils croioient, ils se persuaderoient ; ce seroit ils crussent, ils se persuadassent, parce que la construction analitique est (res est ita ut) arbitrarentur, &c. Ce mode est usité dans la langue italienne, dans l’espagnole & dans l’allemande, quoiqu’il n’ait pas encore plu aux grammairiens de l’y distinguer, non plus que dans la nôtre, excepté l’abbé Girard. Voyez Suppositif.

IV. Nous n’avons en francois de mode oblique que

le subjonctif, & c’est la même chose en-latin, en allemand, en italien, en espagnol. Les Grecs en avoient un autre, l’optatif, que les copistes de méthodes & de rudimens vouloient autrefois admettre dans le latin sans l’y voir, puisque le verbe n’y a de déterminaisons obliques que celles du subjonctif. Voyez Subjonctif, Optatif.

Ces modes different encore entr’eux comme les précédens : le subjonctif est mixte, puisqu’il ajoute à la signification directe de l’indicatif l’idée d’un point de vûe grammatical ; mais l’optatif est doublement mixte, parce qu’il ajoute à la signification totale du subjonctif l’idée accessoire d’un souhait, d’un desir.

V. Pour ce qui concerne les modes impersonnels, il n’y en a que deux dans toutes les langues qui conjuguent les verbes ; mais il y en a deux, l’infinitif & le participe.

L’infinitif est un mode qui exprime d’une maniere abstraite & générale l’existence d’un sujet totalement indéterminé sous un attribut. Ainsi, sans cesser d’être verbe, puisqu’il en garde la signification & qu’il est indéclinable par tems, il est effectivement nom, puisqu’il présente à l’esprit l’idée de l’existence sous un attribut, comme celle d’une nature commune à plusieurs individus. Mentir, c’est se déshonorer, comme on diroit, le mensonge est déshonorant : avoir fui l’occasion de pécher, c’est une victoire, comme si l’on disoit, la fuite de l’occasion de pécher est une victoire : devoir recueillir une riche succession, c’est quelquefois l’écueil des dispositions les plus heureureuses, c’est-à-dire, une riche succession à venir est quelquefois l’écueil des dispositions les plus heureuses. Voyez Infinitif.

Le participe est un mode qui exprime l’existence sous un attribut, d’un sujet déterminé quant à sa nature, mais indéterminé quant à la relation personnelle. C’est pour cela qu’en grec, en latin, en allemand, le participe reçoit des terminaisons relatives aux genres, aux nombres & aux cas, au moyen desquelles il se met en concordance avec le sujet auquel on l’applique ; mais il ne reçoit nulle part aucune terminaison personnelle, parce qu’il ne constitue dans aucune langue la proposition que l’on veut exprimer : il est tout à-la-fois verbe & adjectif ; il est verbe, puisqu’il en a la signification, & qu’il reçoit les inflexions temporelles qui en sont la suite : precans, priant, precatus, ayant prié, precaturus devant prier. Il est adjectif, puisqu’il sert, comme les adjectifs, à déterminer l’idée du sujet par l’idée accidentelle de l’événement qu’il énonce, & qu’il prend en conséquence les terminaisons relatives aux accidens des noms & des pronoms. Si nos participes actifs ne se déclinent point communément, ils se déclinent quelquefois, ils se sont déclinés autrefois plus généralement ; & quand il ne se seroient jamais déclinés, ce seroit un effet de l’usage qui ne peut jamais leur ôter leur déclinabilité intrinseque. Voyez Participe.

Puisque l’infinitif figure dans la phrase comme un nom, & le participe comme un adjectif, comment concevoir que l’un appartienne à l’autre & en fasse partie ? Ce sont assurement deux modes différens, puisqu’ils présentent la signification du verbe sous différens aspects. Par une autre inconséquence-des plus singulieres, tous les méthodistes qui dans la conjugaison joignoient le participe à l’infinitif, comme en étant une partie, disoient ailleurs que c’étoit une partie d’oraison differente de l’adjectif, du verbe, & même de toutes les autres ; & pourtant l’infinitif continuoit dans leur système d’appartenir au verbe. Scioppius, dans sa grammaire philosophique, de participio, pag. 17, suit le torrent des Grammairiens, en reconnoissant leur erreur dans une note.

Mais voici le système figuré des modes, tel qu’il résulte de l’exposition précédente. [Omission table]

Voilà donc trois modes purs, dont l’un est personsonnel & deux impersonnels, & qui paroissent fondamentaux, puisqu’on les trouve dans toutes les langues qui ont reçu la conjugaison des verbes. Il n’en est pas de même des quatre modes mixtes ; les Hébreux n’ont ni suppositif, ni subjonctif, ni optatif : le suppositif n’est point en grec ni en latin ; le latin ni les langues modernes ne connoissent point l’optatif ; l’impératif est tronqué par-tout, puisqu’il n’a pas de premiere personne en grec ni en latin, quoique nous ayons en françois celle du plurier, qu’au contraire il n’a point de troisieme personne chez nous, tandis qu’il en a dans ces deux autres langues ; qu’enfin il n’a point en latin de prétérit postérieur, quoiqu’il ait ce tems en grec & dans nos langues modernes. C’est que ces modes ne tiennent point à l’essence du verbe comme les quatre autres : leurs caracteres différenciels ne tiennent point à la nature du verbe ; ce sont des idées ajoutées accidentellement à la fignification fondamentale ; & il auroit eté possible d’introduire plusieurs autres modes de la même espece, par exemple, un mode interrogatif, un mode concessif, &c.

Sanctius, minerv. I. xiij. ne veut point reconnoître de modes dans les verbes, & je ne vois guere que trois raisons qu’il allegue pour justifier le parti qu’il prend à cet égard. La premiere, c’est que modus in verbis explicatur fréquentiùs per casum sextum, ut meâ sponte, tuo jussu feci ; non rarò per adverbia, ut malè currit, benè loquitur. La seconde, c’est que la nature des modes est si peu connue des Grammairiens, qu’ils ne s’accordent point sur le nombre de ceux qu’il faut reconnoître dans une langue, ce qui indique, au gré de ce grammairien, que la distinction des modes est chimérique, & uniquement propre à répandre des ténebres dans la Grammaire. La troisieme enfin, c’est que les différens tems d’un mode se prennent indistinctement pour ceux d’un autre, ce qui semble justifier ce qu’avoit dit Scaliger, de caus. L. L. liv. V. cap. cxxj. modus in verbis non fuit necessarius. L’auteur de la méthode latine de P. R. semble approuver ce système, principalement à cause de cette troisieme raison. Examinons-les l’une après l’autre.

I. Sanctius, & ceux qui l’ont suivi, comme Scioppius & M. Lancelot, ont été trompés par une équivoque, quand ils ont statu que le mode dans les verbes s’exprime ou par l’ablatif ou par un adverbe, comme dans meâ sponte feci, benè loquitur. Il faut distinguer dans tous les mots, & conséquemment dans les verbes, la signification objective & la signification formelle. La signification objective, c’est l’idée fondamentale qui est l’objet de la signification du mot, & qui peut être commune à des mots de différentes especes ; la signification formelle, c’est la maniere particuliere dont le mot présente à l’esprit l’objet dont il est le signe, laquelle est commune à tous les mots de la même espece, & ne peut convenir à ceux des autres especes. Ainsi le même objet pouvant être signifié par des mots de différentes especes,

on peut dire que tous ces mots ont une même signification objective, parce qu’ils représentent tous la même idée fondamentale ; tels sont les mots aimer, ami, amical, amiablement, amicalement, amitié, qui signifient tous ce sentiment affectueux qui porte les hommes à se vouloir & à se faire du bien les uns aux autres. Mais chaque espece de mot & même chaque mot ayant sa maniere propre de présenter l’objet dont il est le signe, la signification formelle est nécessairement différente dans chacun de ces mots, quoique la signification objectve soit la même : cela est sensible dans ceux que l’on vient d’alléguer, qui pourroient tous se prendre indistinctement les uns pour les autres sans ces différences individuelles qui naissent de la maniere de représenter. Voyez Mot.

Or il est vrai que les modes, c’est à dire les différentes modifications de la signification objective du verbe, s’expriment communément par des adverbes ou par des expressions adverbiales : par exemple, quand on dit aimer peu, aimer beaucoup, aimer tendrement, aimer sincérement,, aimer depuis long-tems, aimer plus, aimer autant, &c. il est évident que c’est l’attribut individuel qui fait partie de la signification objective de ce verbe, en un mot, l’amitié qui est modifiée par tous ces adverbes, & que l’on pense alors à une amitié petite ou grande, tendre, sincere, ancienne, supérieure, égale, &c. Mais il est évident aussi que ce ne sont pas des modifications de cette espece qui caractérisent ce qu’on appelle les modes des verbes, autrement chaque verbe auroit ses modes propres, parce qu’un attribut n’est pas susceptible des mêmes modifications qui peuvent convenir à un autre : ce qui caractérise nos modes n’appartient nullement à l’objet de la signification du verbe, c’est à la forme, à la maniere dont tous les verbes signifient. Ce qui appartient à l’objet de la signification, se trouve sous toutes les formes du verbe ; & c’est pourquoi dans la langue hébraïque la frequence de l’action sert de fondement à une conjugaison entiere différente de la conjugaison primitive, la réciprocation de l’action sert de fondement à une autre, &c. Mais les mêmes modes se retrouvent dans chacune de ces conjugaisons, que j’appellerois plus volontiers des voix, voyez Voix. Ce qui constitue les modes, ce sont les divers aspects sous lesquels la signification formelle du verbe peut être envisagée dans la phrase ; & il faut bien que Sanctius & ses disciples reconnoissent que le même tems varie ses formes selon ces divers aspects, puisqu’ils rejetteroient, comme très-vicieuse, cette phrase latine, nescio utrùm cantabo, & cette phrase françoise, je crains qu’il ne vient ; il faut donc qu’ils admettent les modes, qui ne sont que ces differentes formes des mêmes tems.

Il. Pour ce qui concerne les débats des Grammairiens sur le nombre des modes ; j’avoue que je ne conçois pas par quel principe de logique on en conclud qu’il n’en faut point admettre. L’obscurité qui naît de ces débats vient de la maniere de concevoir des Grammairiens qui entendent mal la doctrine des modes, & non pas du fonds même de cette doctrine ; & quand elle auroit par elle-même quelqu’obscurité pour la portée commune de notre intelligence, faudroit-il renoncer à ce que les usages constans des langues nous en indiquent clairement & de la maniere la plus positive ?

III. La troisieme considération sur laquelle on insiste principalement dans la méthode latine de P. R. n’est pas moins illusoire que les deux autres. Si l’on trouve des exemples où le subjonctif est mis au lieu de l’indicatif, de l’impératif & du suppositif, ce n’est pas une substitution indifférente qui donne une expression totalement synonyme, & dans ce cas là même le subjonctif est amené par les principes les plus rigoureux de la Grammaire. Ego nequicquam capito lium serv averim ; c’est, comme je l’ai déja dit, res erit ita ut servaverim, ce qui est équivalent à servavero & non pas à servavi ; & l’on voit que servaverim a une raison grammaticale. On me dira peut-être que de mon aveu le tout signifie servavero, & qu’il étoit plus naturel de l’employer que servaverim, qui jette de l’obscurité par l’ellipse, ou de la langueur par la périphrase : cela est vrai, sans doute, si on ne doit parler que pour exprimer didactiquement sa pensée ; mais s’il est permis de rechercher les graces de l’harmonie, qui nous dira que la terminaison rim ne faisoit pas un meilleur effet sur les oreilles romaines, que n’auroit pû faire la terminaison ro ? Et s’il est utile de rendre dans le besoin son style intéressant par quelque tour plus énergique ou plus pathétique, qui ne voit qu’un tour elliptique est bien plus propre à produire cet heureux effet qu’une construction pleine ? Un coeur échauffé préocupe l’esprit, & ne lui laisse ni tout voir ni tout dire. Voyez Subjonctif.

Si les considérations qui avoient déterminé Sanctius, Ramus, Scioppius & M. Lancelot à ne reconnoître aucun mode dans les verbes, sont fausses, ou inconséquentes, ou illusoires ; s’il est vrai d’ailleurs que dans les verbes conjugués il y a diverses manieres de signifier l’existence d’un sujet sous un attribut, ici directement, là obliquement, quelquefois sous la forme personnelle, d’autres fois sous une forme impersonnelle, &c. enfin, si l’on retrouve dans toutes ces manieres différentes les variétés principales des tems qui sont fondées sur l’idée essentielle de l’existence : c’est donc une nécessité d’adopter, avec tous les autres Grammairiens, la distinction des modes, décidée d’ailleurs par l’usage universel de toutes les langues qui conjuguent leurs verbes. (B.E.R.M.)