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BIBLIOBUS Littérature française

APOLOGUE

APOLOGUE, s. m. (Belles-Lettr.) fable morale, ou espece de fiction, dont le but est de corriger les mœurs des hommes.

Jules Scaliger fait venir ce mot d’ἀπόλογος, ou discours qui contient quelque chose de plus que ce qu’il pràsente d’abord. Telles sont les fables d’Esope ; aussi donne-t-on communément l’épithete d’œsopicæ aux fables morales.

Le P. de Colonia prétend qu’il est essentiel à la fable morale ou à l’apologue, d’être fondé sur ce qui se passe entre les animaux ; & voici la distinction qu’il met entre l’apologue & la parabole. Ce sont deux fictions, dont l’une peut être vraie, & l’autre est nécessairement fausse, car les bêtes ne parlent point. V. Parabole. Cependant presque tous les auteurs ne mettent aucune distinction entre l’apologue & la fable, & plusieurs fables ne sont que des paraboles.

Feu M. de la Barre, de l’Académie des Belles-Lettres, a été encore plus loin que le P. de Colonia, en soûtenant que non-seulement il n’y avoit nulle vérité, mais encore nulle vraissemblance dans la plûpart des apologues, « J’entends, dit-il, par apologue cette sorte de fables, où l’on fait parler & agir des animaux, des plantes, &c. Or il est vrai de dire que cet apologue n’a ni possibilité, ni ce qu’on nomme proprement vraissemblance. Je n’ignore pas, ajoûte-t-il, qu’on y demande communément une sorte de vraissemblance : on n’y doit pas supposer que le  chêne soit plus petit que l’hyssope, ni le gland plus gros que la citrouille, & l’on se moqueroit avec raison d’un fabuliste qui donneroit au lion la timidité en partage, la douceur au loup, la stupidité au renard, la valeur ou la férocité à l’agneau. Mais ce n’est point assez que les fables ne choquent point la vraissemblance en certaines choses, pour assurer qu’elles sont vraissemblables ; elles ne le sont pas, puisqu’on donne aux animaux & aux plantes des vertus & des vices, dont ils n’ont pas même toûjours les dehors. Quand on n’y feroit que prêter la parole à des êtres qui ne l’ont pas, c’en seroit assez ; or on ne se contente pas de les taire parler sur ce qu’on suppose qui s’est passé entr’eux ; on les fait agir quelquefois en conséquence des discours qu’ils se sont tenus les uns aux autres. Et ce qu’il y a de remarquable, on est si peu attaché à la premiere sorte de vraissemblance, on l’exige avec si peu de rigueur, que l’on y voit manquer à certain point sans en être touché, comme dans la fable où l’on représente le lion faisant une société de chasse avec trois animaux, qui ne se trouvent jamais volontiers dans sa compagnie, & qui ne sont ni carnaciers ni chasseurs.

Vacca & capella, & patiens ovis injuriæ, &c.

» De sorte qu’on pourroit dire qu’on n’y demande proprement qu’une autre espece de vraissemblance, qui, par exemple, dans la fable du loup & de l’agneau, consiste en ce qu’on leur fait dire ce que diroient ceux dont ils ne sont que les images. Car il est vrai que celle-ci n’y sauroit jamais manquer, mais il est également vrai qu’elle n’appartient pas à l’apologue considéré seul & dans sa nature : c’est le rapport de la fable avec une chose vraie & possible qui lui donne cette vraissemblance, ou bien, elle est vraissemblable comme image sans l’être en elle-même ». Mém. de l’Acad. tom. IX.

Ces raisons paroissent démonstratives : mais la derniere justifie le plaisir qu’on prend à la lecture des apologues : quoiqu’on les sache dénués de possibilité, & souvent de vraissemblance, ils plaisent au moins comme images & comme imitations. (G)

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021