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BIBLIOBUS Littérature française

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DAB, s. m. Roi, et, plus particulièrement Père,—dans l'argot des voleurs.

Les Anglais ont le même mot pour signaler un homme consommé dans le vice: A rum dabe disent-ils.

DAB, s. m. Maître, dans l'argot des domestiques; Patron,—dans l'argot des faubouriens.

DABESSE, s. f. Reine.

DABICULE, s. m. Fils du patron.

DABOT, s. m. Préfet de police.

DABUCHE, s. f. Mère, nourrice.

DACHE, s. m. Diable,—dans l'argot des voleurs, qui pourtant ne croient ni à Dieu ni à diable.

Envoyer à dache. Envoyer promener, envoyer au diable.

Les ouvriers emploient aussi cette expression.

DADA, s. m. Cheval,—dans l'argot des enfants.

Fantaisie, manie,—dans l'argot des grandes personnes, plus enfants que les enfants.

DADAIS, s. m. Imbécile, homme qui fait l'enfant,—dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas que le mot a trois cents ans de noblesse.

DAIM, s. m. Monsieur bien mis, et garni d'un porte-monnaie mieux mis encore, qui se fait gloire et plaisir d'être le mâle de la biche,—dans l'argot des faubouriens, dont la ménagerie s'augmente tous les jours d'une bête curieuse.

Daim huppé. Daim tout à fait riche.

Signifie aussi: imbécile, nigaud.

DALLE, s. f. Pièce de six francs,—dans l'argot des voleurs, dont l'existence est pavée de ces écus-là.

DALLE, s. f. Gosier, gorge,—dans l'argot des faubouriens. S'arroser ou Se rincer la dalle. Boire.

On dit aussi la Dalle du cou. 122

DAME DU LAC, s. f. Femme entretenue, ou qui, désirant l'être, va tous les jours au Bois de Boulogne, autour du lac principal, où abondent les promeneurs élégants et riches. Argot des gens de lettres.

DAMER LE PION A QUELQU'UN, Le supplanter, lui jouer un tour quelconque pour se venger de lui, lui répondre vertement. Argot des bourgeois.

DAMER UNE FILLE, v. a. La séduire,—ce qui, du rang de demoiselle, la fait passer à celui de dame, de petite dame.

DANDILLER, v. n. Sonner,—dans l'argot des faubouriens.

DANDILLON, s. m. Cloche.

DANDINETTE, s. f. Correction,—dans l'argot du peuple, qui corrige ses enfants en les faisant danser.

DANSE, s. f. Coups donnés ou reçus,—dans le même argot.

Danse soignée. Batterie acharnée.

DANSE, s. f. Combat,—dans l'argot des troupiers.

DANSE DU PANIER, s. f. Bénéfice illicite de la cuisinière. Argot du peuple.

On dit aussi: Faire danser l'anse du panier. Quand une cuisinière, revenue du marché, a vidé les provisions que contenait tout à l'heure son panier, elle prend celui-ci par l'anse et le secoue joyeusement pour faire sauter l'argent épargné par elle à son profit, et non à celui de sa maîtresse.

DANSER, v. n. Exhaler une insupportable odeur,—dans l'argot des faubouriens.

Danser du bec. Avoir une haleine douteuse.

Danser des arpions. Avoir des chaussettes sales.

DANSER, v. n. Perdre de l'argent; payer ce qu'on ne doit pas.

On dit aussi, à propos d'une somme perdue, volée, ou donnée: La danser de tant.

Faire danser quelqu'un. Se faire offrir quelque chose par lui.

DANSER (Faire). Battre, donner des coups.

Faire danser ses écus. Dépenser joyeusement sa fortune.

DANSER (La), v. n. Perdre son emploi, et, par extension, la vie.

Signifie aussi: Être battu.

DANSER DEVANT LE BUFFET, v. n. N'avoir pas de quoi manger,—dans l'argot du peuple.

DANSEUR, s. m. Dindon,—dans l'argot des voyous.

DARDANT, s. m. L'amour,—dans l'argot des voleurs, qui aiment la femme avec excès.

DARDELLE, s. f. Gros sou,—dans l'argot des gamins, qui s'en servent pour jouer au bouchon.

DARE-DARE, interj. A la hâte,—dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter cette expression à Diderot, qui s'en est servi dans son Neveu de Rameau.

DARIOLE, s. f. Soufflet, coup de poing,—dans le même argot.

DARON, s. m. Père,—dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté 123 ce mot au vieux langage des honnêtes gens.

Daron de la raille ou de la rousse. Préfet de police.

DARONNE, s. f. Mère.

Daronne du Dardant. Vénus, mère de l'Amour.

Daronne du grand Aure, la Sainte Vierge, mère de Dieu.

DAUFFE, s. f. Pince de voleur, dont l'extrémité est en queue de dauphin.

DAUPHIN ou DOS FIN, s. m. Souteneur de filles; homme-poisson ad usum Delphinæ, ou toute autre sainte de même farine ou de même charbon.

DAVONE, s. f. Prune,—dans l'argot des voleurs.

DÉ, adv. Oui,—dans l'argot des marbriers de cimetière.

DÉBACLER, v. a. Ouvrir,—dans l'argot des voleurs.

DÉBAGOULER, v. a. Parler,—dans l'argot du peuple.

DÉBALLAGE, s. m. Déshabillé de l'homme ou de la femme,—dans l'argot des faubouriens.

Être volé au déballage. S'apercevoir avec une surprise mêlée de mauvaise humeur, que la femme qu'on s'était imaginée idéalement belle, d'après les exagérations de sa crinoline et les exubérances de son corsage, n'a aucun rapport, même éloigné, avec la Vénus de Milo.

DÉBARBOUILLER, v. a. Éclaircir une chose, une situation,—dans l'argot du peuple.

Se débarbouiller. Se retirer tant bien que mal d'une affaire délicate, d'un péril quelconque.

Se dit aussi du temps lorsque de couvert il devient serein.

DÉBARDEUR, s. m. Type du carnaval parisien, inventé il y a une trentaine d'années, et dont il ne reste plus rien aujourd'hui que ce léger fusain:

«Qu'est-ce qu'un débardeur? Un jeune front qu'incline

Sous un chapeau coquet l'allure masculine,

Un corset dans un pantalon.

Un masque de velours aux prunelles ardentes,

Sous des plis transparents des formes irritantes,

Un ange doublé d'un démon.»

DÉBINAGE, s. m. Médisance, et même calomnie,—dans l'argot des faubouriens.

DÉBINE, s. f. État de gêne, misère,—dans le même argot.

J'ai entendu dire Dibène (pour malaise, dépérissement) sur les bords de la Meuse, où l'on parle le wallon, c'est-à-dire le vieux français.

Tomber dans la débine. Devenirpauvre.

DÉBINER, v. a. Médire,—et même calomnier.

En wallon, on dit: Dibiner, pour être mal à l'aise, en langueur.

Se débiner. S'injurier mutuellement.

DÉBINER (Se). S'en aller, s'enfuir.

En wallon, on dit Biner pour Fuir.

DÉBINER LE TRUC, v. a. Vendre le secret d'une affaire, révéler les ficelles d'un tour. Argot des saltimbanques. 124

DÉBONDER, v. n. Alvum deponere,—dans l'argot du peuple.

DÉBORDER, v. n. Rejeter hors de l'estomac le liquide ou la nourriture ingérés en excès,—dans le même argot.

Se faire déborder. Se faire vomir.

DÉBOUCLER, v. a. Mettre un prisonnier en liberté,—dans l'argot des voleurs.

DÉBOURRER, v. a. Déniaiser quelqu'un,—dans l'argot du peuple.

Se débourrer. S'émanciper, se dégourdir.

DÉBOUSCAILLER, v. a. Décrotter—dans l'argot des voyous.

DÉBOUSCAILLEUR, s. m. Décrotteur.

DÉBOUTONNER (Se). Parler franchement, dire ce qu'on a sur le cœur ou dans le ventre. Argot des bourgeois.

DÉBRIDER, v. n. Ouvrir,—dans l'argot des voleurs.

DÉBRIDER, v. n. Manger avec appétit,—dans l'argot du peuple, qui assimile l'homme au cheval.

DÉBRIDOIR, s. m. Clef.

DÉBUTER, v. n. Viser un but quelconque et s'en approcher le plus possible, afin de savoir qui jouera le premier aux billes, à la marelle, etc. Argot des enfants.

DÉCADENER, v. a. Déchaîner, débarrasser de ses liens,—dans l'argot des voleurs.

DÉCALITRE, s. m. Chapeau rond, en forme de boisseau,—dans l'argot des faubouriens.

DÉCAMPER, v. n. S'en aller, s'enfuir,—dans l'argot du peuple.

Décamper sans tambour ni trompette. S'en aller discrètement ou honteusement, selon qu'on est bien élevé ou qu'on a été inconvenant.

On dit aussi Décampiller.

DÉCANAILLER (Se), v. a. Sortir de l'obscurité, de la misère, de l'abjection,—dans le même argot.

DÉCANILLER, v. n. Déguerpir, partir comme un chien,—dans le même argot.

On demande pourquoi, ayant sous la main une étymologie si simple et si rationnelle (canis), M. Francisque Michel a été jusqu'en Picardie chercher une chenille.

DÉCARCASSER (Se), t. réfl. Se démener, s'agiter bruyamment,—dans le même argot.

DÉCARRADE, s. f. Sortie, départ, fuite,—dans l'argot des voleurs.

DÉCARRER, v. n. S'en aller de quelque part, s'enfuir.—dans l'argot des voleurs et du peuple.

DÉCARRER DE BELLE. Sortir de prison sans avoir passé en jugement. Argot des voleurs.

DÉCARTONNER (Se), v. réfl. Vieillir, ou être atteint de maladie mortelle,—dans l'argot des faubouriens.

DÉCATI, adj. et s. Qui n'a plus ni jeunesse, ni beauté, qui sont le cati, le lustre de l'homme et de la femme. 125

DÉCATIR (Se), v. réfl. Vieillir, enlaidir, se faner.

DÉCAVÉ, s. m. Homme ruiné, soit par le jeu, soit par les femmes,—dans l'argot de Breda-Street.

DÉCHANTER, v. n. Revenir d'une erreur; perdre une illusion; rabattre de ses prétentions,—dans l'argot du peuple, fidèle sans le savoir à l'étymologie (decantare).

DÈCHE, s. f. Pauvreté, déchet de fortune ou de position,—dans le même argot.

Ce mot, des plus employés, est tout à fait moderne. Privat d'Anglemont en attribue l'invention à un pauvre cabotin du Cirque, qui, chargé de dire à Napoléon dans une pièce de Ferdinand Laloue: «Quel échec, mon empereur!» se troubla et ne sut dire autre chose, dans son émotion, que: «Quelle dèche, mon empereur!»

Être en dèche. Être en perte d'une somme quelconque.

DÉCHEUX, adj. et s. Homme pauvre, misérable.

DÉCHIRÉE (N'être pas trop). Se dit—dans l'argot du peuple—d'une femme qui est encore jeune, jolie et appétissante.

On dit aussi N'être pas trop égratignée.

DÉCHIRER (Ne pas se). Se faire des compliments; se vanter.

DÉCHIRER DE LA TOILE. Faire un feu de peloton,—dans l'argot des troupiers.

DÉCHIRER LA CARTOUCHE, v. a. Manger,—dans l'argot des soldats et des ouvriers qui se souviennent de leurs sept ans.

DÉCHIRER SON HABIT, v. a. Mourir,—dans l'argot des tailleurs.

DÉCHIRER SON TABLIER, v. a. Mourir,—dans l'argot des domestiques.

DÉCLANCHER (Se), v. réfl. Se démettre l'épaule,—dans l'argot des faubouriens, qui assimilent l'homme au mouton.

DÉCLOUER, v. a. Dégager des effets du mont-de-piété, du clou.

DÉCOLLER, v. n. S'en aller de quelque part; quitter une place,—dans l'argot des ouvriers.

DÉCOLLER LE BILLARD. Mourir.

On dit aussi Dévisser son billard.

DÉCOMPTE, s. m. Blessure mortelle,—dans l'argot des troupiers, qui savent qu'en la touchant il faut quitter le service et la vie.

DÉCONFITURE, s. f. Faillite,—dans l'argot des bourgeois.

Être en déconfiture. Avoir déposé son bilan.

DÉCORS, s. m. pl. Cordons, tabliers, bijoux,—dans l'argot des francs-maçons.

DÉCOUDRE (En), v. n. Se battre en duel ou à coups de poing,—dans l'argot du peuple et des troupiers.

DÉCOUVRIR LA PEAU DE QUELQU'UN, v. a. Lui faire dire ce qu'il arait voulu cacher,—dans l'argot du peuple. 126

DÉCRASSER UN HOMME, v. a. Lui enlever sa timidité, sa pudeur, sa dignité, sa conscience,—dans l'argot des faubouriens, qui ont des idées particulières sur la propreté.

Pour les filles, Décrasser un homme, c'est le ruiner, et pour les voleurs, c'est le voler,—c'est-à-dire exactement la même chose.

DÉCROCHER, v. a. Dégager un objet du mont-de-piété,—dans l'argot des ouvriers.

DÉCROCHER, v. a. Tuer d'un coup de fusil,—dans l'argot des troupiers.

Ils disent aussi Descendre.

DÉCROCHER SES TABLEAUX, v. a. Opérer des fouilles dans ses propres narines et en extraire les mucosités sèches qui peuvent s'y trouver. Argot des rapins.

DÉCROCHER UN ENFANT, v. a. Faire avorter une femme,—dans l'argot du peuple.

Se faire décrocher. Employer des médicaments abortifs.

DÉCROCHEZ-MOI ÇA, s. m. Chapeau de femme,—dans l'argot des revendeuses du Temple.

DÉCROCHEZ-MOI ÇA, s. m. Boutique de fripier,—dans l'argot du peuple.

Acheter une chose au décrochez-moi ça. L'acheter d'occasion, au Temple ou chez les revendeurs.

DÉCROTTER UN GIGOT, v. a. N'en rien laisser que l'os,—dans l'argot des ouvriers, qui ont bon appétit une fois à table.

DÉDURAILLER, v. a. Oter les fers d'un forçat ou les liens d'un prisonnier.

DÉFARDEUR, s. m. Voleur,—dans l'argot des voyous.

On dit aussi Doubleur.

DÉFARGUER, v. n. Pâlir,—dans l'argot des voleurs, pour qui farguer c'est rougir.

DÉFARGUEUR, s. m. Témoin à décharge, assez maître de lui pour mentir sans rougir.

DÉFENDRE SA QUEUE, v. a. se défendre quand on est attaqué,—dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un chien.

DÉFIGER, v. a. Réchauffer,—dans le même argot.

DÉFILER LA PARADE, v. n. Mourir,—dans l'argot des troupiers, qui blessés en pleine poitrine par un éclat d'obus, trouvent encore le temps de faire le salut militaire à leur chef comme pour lui dire: Ave, Cæsar, morituri te salutant.

DÉFLEURIR LA PICOURE, v. a. Voler le linge étendu dans les prés ou sur les haies. Argot des prisons.

DÉFOURAILLER, v. n. Courir,—dans l'argot des voyous.

DÉFRIMOUSSER, v. a. Défigurer quelqu'un,—dans le même argot.

DÉFRISER, v. a. Désappointer, contrarier quelqu'un,—dans l'argot du peuple.

DÉFRUSQUER, v. a. Dépouiller quelqu'un de ses vêtements,—dans l'argot des faubouriens.

On dit aussi Défrusquiner.

Se défrusquer. Se déshabiller. 127

DÉGAINE, s. f. Allures du corps, fourreau de l'âme.—dans l'argot du peuple, qui n'emploie ordinairement ce mot qu'en mauvaise part.

Avoir une belle dégaine. Se dit ironiquement des gens qui n'ont pas de tenue, ou des choses qui sont mal faites.

DÉGAUCHIR, v. n. Voler.

DÉGELÉE, s. f.—Coups donnés ou reçus,— dans l'argot des faubouriens.

DÉGELER, v. n. Se déniaiser, se remettre de son émotion,—dans le même argot.

Signifie aussi: Mourir.

DÉGINGANDÉ, adj. s. Qui a mauvaise grâce, au propre et au figuré,—dans l'argot du peuple.

DÉGINGANDER (Se), v. réfl. Se donner des allures excentriques et de mauvais goût.

DÉGOBILLADE, s. f. Résultat d'une indigestion,—dans l'argot du peuple.

DÉGOBILLER, v. a. et n. Avoir une indigestion.

DÉGOMMADE, s. f. Vieillesse, décrépitude naturelle ou précoce,—dans l'argot du peuple.

DÉGOMMER, v. a. Destituer, casser d'un grade,—dans l'argot des troupiers.

Se dégommer. S'entre-tuer.

DÉGOMMER (Se), v. réfl. Vieillir, perdre de ses cheveux, de son élégance, de sa fraîcheur,—au propre et au figuré.

DÉGOTTAGE, s. m. Action de surpasser quelqu'un en force ou en talent, en esprit ou en beauté. Argot des faubouriens.

Signifie aussi: Recherche couronnée de succès.

DÉGOTTER, v. a. Surpasser, faire mieux ou pis; étonner, par sa force ou par son esprit, des gens malingres ou niais.

Signifie aussi: Trouver ce que l'on cherche.

DÉGOULINER, v. n. Couler, tomber goutte à goutte des yeux et surtout de la bouche,—dans l'argot du peuple.

DÉGOURDIR, v. a. Emanciper l'esprit ou les sens de quelqu'un,—dans le même argot.

Se dégourdir. Se débourrer, se débarrasser de ses allures gauches, de la timidité naturelle à la jeunesse.

Signifie aussi: S'amuser.

DÉGOUTÉ (N'être pas). Prendre le meilleur morceau, choisir la plus jolie femme,—dans le même argot.

DÉGRAISSER (Se). Maigrir,—dans l'argot du peuple.

DÉGRAISSER UN HOMME, v. a. Le ruiner,—dans l'argot des petites dames, qui trouvent alors qu'il n'y a pas gras dans ses poches.

DÉGRINGOLADE, s. f. Ruine, débâcle de fortune,—dans l'argot des bourgeois, témoins des croulements fréquents des parvenus d'aujourd'hui.

DÉGROSSIR, v. a. Découper des viandes,—dans l'argot des francs-maçons.

DÉGUEULAS, adj. Dégoûtant,—dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses. 128

DÉGUEULER, v. a. et n. Avoir une indigestion,—dans l'argot du peuple.

DÉGUEULIS, s. m. Résultat d'une indigestion.

DÉGUI, s. m. Déguisement—dans l'argot des voleurs.

DÉGUISER EN CERF (Se), v. réfl. Se retirer avec plus ou moins d'empressement,—dans l'argot des faubouriens.

DÉJETÉ, adj. Individu mal fait, laid, maigre, dégingandé,—dans l'argot des ouvriers.

N'être pas trop déjeté. Être bien conservé.

DÉJEUNER DE PERROQUET, s. m. Biscuit trempé dans du vin, qui permet d'attendre un repas plus substantiel. Argot des bourgeois.

DE LA BOURRACHE! Exclamation de l'argot des faubouriens, dont il n'est pas difficile de deviner le sens quand on connaît les propriétés sudorifiques de la borrago officinalis.

C'est une expression elliptique très raffinée: Ah! de la bourrache! c'est-à-dire: «Tu me fais suer!»

DÉLICAT ET BLOND, adj. Se dit ironiquement d'un gandin, d'un homme douillet, quelles que soient la couleur de ses cheveux et la vigueur de son corps. L'expression date d'un siècle.

DÉLICOQUENTIEUSEMENT, adv. Merveilleusement,—dans l'argot des coulisses.

DÉLIGE, s. f. Diligence,—dans l'argot des voyous, qui ne parlent pas toujours diligentissimè.

DÉMANCHER (Se). Se remuer beaucoup, se donner beaucoup de mal, souvent inutilement. Argot du peuple.

DÉMANTIBULER, v. a. Briser, disjoindre. Même argot.

C'est démandibuler qu'il faudrait dire; la première application de ce verbe a dû être élite à propos de la mâchoire, qui se désarticule facilement.

Se démantibuler. Se séparer, se briser,—au propre et au figuré.

DÉMAQUILLER, v. a. Défaire une chose faite ou convenue,—dans l'argot des voleurs.

DÉMARGER, v. a. S'en aller, disparaître, s'enfuir,—dans le même argot.

On disait autrefois Démurger.

DÉMARRER, v. n. S'en aller; quitter une place pour une autre,—dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot au vocabulaire des marins.

DÉMÉNAGER, v. n. Perdre la raison, le bon sens, le sang-froid,—dans le même argot.

Signifie aussi: Être vieux, être sur le point de partir pour l'autre monde.

DÉMÉNAGER A LA FICELLE, v. n. A l'insu du propriétaire, la nuit, avec ou sans cordes, par la fenêtre ou par la porte,—dans l'argot des bohèmes, pour qui le dieu Terme est le diable.

On dit aussi Déménager à la cloche de bois.

DÉMÉNAGER AVANT LE TERME, Faire un Lapsus linguæ, «mettre la charrue devant les bœufs». Argot du peuple. 129

DÉMÉNAGER PAR LA CHEMINÉE, v. n. Brûler ses meubles lorsqu'on a reçu congé,—dans le même argot.

DEMI-AUNE, s. f. Bras,—dans l'argot des faubouriens.

Tendre la demi-aune.—Mendier.

DEMI-CACHEMIRE, s. m. Fille ou femme qui est encore dans les limbes de la richesse et de la galanterie, et qui attend quelque protection secourable pour briller au premier rang des drôlesses.

AU XVIIIe siècle, en appelait ça Demi-castor. Les mots changent, mais les vices restent.

DEMI-MONDAINE, sub. fém. Femme du demi-monde,—dans l'argot des gens de lettres.

DEMI-MONDE, s. m. Sphère galante de la société parisienne, dans l'argot de M. Alexandre Dumas fils, qui a fait une pièce là-dessus.

DEMI-VERTU, s. f. Demoiselle qui est devenue dame de son propre chef, sans passer par l'église ni par la mairie: la chrysalide d'une fille.

DÉMOC, s. m. Apocope de Démocrate,—dans l'argot du peuple.

Démoc-soc. Démocrate-socialiste.

DEMOISELLE DU PONT-NEUF, s. f. Femme banale dans le cœur de laquelle tout le Paris galant a le droit de circuler.

DÉMOLIR, v. a. Critiquer âprement et injustement,—dans l'argot des gens de lettres, qui oublient trop qu'il faut quelquefois dix ans pour bâtir un livre.

DÉMOLIR, v. a. Tuer,—dans l'argot des faubouriens, qui oublient trop qu'il faut vingt ans pour construire un homme.

DÉMONÉTISER, v. a. Attaquer la réputation de quelqu'un et le ruiner,—dans l'argot du peuple.

Se démonétiser. Se discréditer, s'amoindrir, se ruiner moralement.

DÉMORGANER, v. n. Se ranger à un avis, se rendre à une observation,—dans l'argot des voleurs.

DÉNICHEUR DE FAUVETTES, s. m. Coureur de filles,—dans l'argot du peuple.

DENT (Avoir de la). Être encore beau cavalier ou jolie femme,—dans l'argot de Breda-Street.

Les petites dames de ce pays cythéréen qui veulent donner à rêver aux hommes disent aussi: Seize ans, toutes ses dents et pas de corset.

Mal de dents. Mal d'amour.

N'avoir plus mal aux dents. Être mort.

DÉPARLER, v. n. Cesser de parler,—dans l'argot du peuple.

Ne pas déparler. Bavarder fort et longtemps.

DÉPARLER, v. n. Ne pas savoir ce que l'on dit, parler d'une chose que l'on ne connaît pas. Argot des faubouriens.

DÉPARTEMENT DU BAS-REIN, s. m. La partie du corps sur laquelle on s'assied, et qui depuis 130 des siècles a le privilège de servir d'aliment à ce qu'on est convenu d'appeler «la vieille gaieté gauloise».

L'expression appartient à l'argot des ouvriers, loustics de leur nature.

DÉPENDEUR D'ANDOUILLES, s. m. Homme d'une taille exagérée,—dans l'argot du peuple.

DÉPENSER SA SALIVE, v. a. Parler,—dans le même argot.

On dit aussi Perdre sa salive, dans le sens de: Parler inutilement.

DÉPIAUTER, v. a. Enlever la peau, l'écorce,—dans le même argot.

Se dépiauter. S'écorcher.

Signifie aussi Se déshabiller.

DÉPLANQUER, v. a. Retirer des objets d'une cachette ou du plan,—dans l'argot des voleurs.

DÉPLUMÉ, s. m. et a. Homme chauve,—dans l'argot des faubouriens.

DÉPLUMER (Se), v. réfl. Perdre ses cheveux.

DÉPONER, v. n. Levare ventris onus,—dans l'argot du peuple, pour qui le derrière est le ponant du corps.

DÉPOSER UNE PÊCHE, v. a. Levare ventris onus,—dans l'argot des ouvriers.

Ils disent aussi Déposer un kilo.

DÉPOTOIR, s. m. Confessionnal,—dans l'argot des voleurs, qui ont de rares occasions d'y décharger leur conscience, pourtant bien remplie d'impuretés.

DÉPOTOIR, s. m. «Pot qu'en chambre on demande»,—dans l'argot des faubouriens.

Signifie aussi Coffre-fort.

DÉPOTOIR, s. m. Prostibulum,—dans l'argot des voyous.

DÉPUCELEUR DE NOURRICES, s. m. Fat ridicule, cousin germain de l'amoureux des onze mille vierges,—dans l'argot du peuple, qui n'aime pas les Gascons.

DE QUOI, s. m. Fortune, aisance,—dans le même argot.

Avoir de quoi. Être assuré contre la soif, la faim et les autres fléaux qui sont le lot ordinaire des pauvres gens.

On dit aussi Avoir du de quoi.

DER, s. m. Apocope de dernier,—dans l'argot des écoliers.

DÉRALINGUER, v. n. Mourir,—dans l'argot des marins d'eau salée et d'eau douce.

DÉROYALISER, v. a. Détrôner un roi, enlever à un pays la forme monarchique et la remplacer par la forme républicaine.

L'expression date de la première Révolution et a pour père le conventionnel Peysard.

DÉSATILLER, v. a. Châtrer,—dans l'argot des voleurs.

DESCENDRE, v. a. Tuer, abattre d'un coup de fusil,—dans l'argot des soldats et des chasseurs.

DESCENDRE LA GARDE, v. n. Mourir,—dans l'argot du peuple.

DESCENTE DE LIT, s. f. Lion que l'esclavage a abruti et qui se laisse donner des coups de cravache par son dompteur sans protester par des coups de griffes. 131

DÉSENBONNETDECOTONNER, v. a. Débourgeoiser, donner de l'élégance à quelqu'un ou à quelque chose.

Le mot est de Balzac.

DÉSENFLAQUER (Se). Se désem...nuyer,—dans l'argot des faubouriens.

DÉSENFLAQUER (Se). Se tirer de peine, et aussi de prison,—dans l'argot des voleurs.

DÉSENFRUSQUINER (Se). Se déshabiller,—dans l'argot des faubouriens.

DÉSENTIFLAGE, s. m. Rupture, divorce,—dans l'argot des voleurs.

DÉSENTIFLER (Se), v. réfl. Se quitter, divorcer.

DESGRIEUX, s. m. Chevalier d'industrie et souteneur de Manons,—dans l'argot des gens de lettres, qui, avec raison, ne peuvent pardonner à l'abbé Prévost d'avoir poétisé le vice et le vol.

DÉSHABILLER, v. a. Donner des coups, battre quelqu'un à lui en déchirer ses vêtements,—dans l'argot des faubouriens.

DÉSOSSÉ, adj. et s. Homme extrêmement maigre,—dans l'argot du peuple.

DESSALÉE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,—dans le même argot.

Cette expression, qui a plus d'un siècle, signifie aussi femme rusée, roublarde.

DESSALER (Se), v. Boire le vin blanc du matin,—dans l'argot des faubouriens, qui dorment volontiers salé, comme Gargantua.

DESTRIER, s. m. Cheval.—dans l'argot des académiciens, qui ont horreur du mot propre.

Ils disent aussi Palefroi,—dans les grandes circonstances.

DÉTACHER, v. a. Donner,—dans l'argot du peuple.

Détacher un soufflet. Souffleter quelqu'un.

Détacher un coup de pied. Donner un coup de pied.

DÉTACHER LE BOUCHON, v. a. Couper la bourse ou la chaîne de montre,—dans l'argot des voleurs.

DÉTAFFER, v. a. Aguerrir quelqu'un, l'assurer contre le taf,—dans l'argot des voyous.

DÉTAIL, s. m. Chose grave que l'on traite en riant,—dans l'argot du peuple.

C'est un détail! signifie: Cela n'est rien!—même lorsque c'est quelque chose d'important, d'excessivement important, fortune perdue ou coups reçus.

DÉTALER, v. n. S'enfuir, s'en aller sans bruit,—dans le même argot.

DÉTAROQUER, v. a. Démarquer du linge,—dans l'argot des voleurs, qui ont bien le droit de faire ce que certains vaudevillistes font de certaines pièces.

DÉTELER, v. n. Renoncer aux jeux de l'amour et du hasard,—dans l'argot des bourgeois, qui connaissent le Solve senescentem d'Horace, mais qui ont de la peine à y obéir.

On dit aussi Enrayer.

DÉTOCE ou Détosse, s. f. 132 Détresse, guignon,—dans l'argot des prisons.

DÉTOURNE (Vol à la), s. m. Vol dans l'intérieur des magasins ou à la devanture des boutiques.

On dit aussi Grinchissage à la détourne.

DÉTOURNEUR, EUSE, s. Individu qui pratique le grinchissage à la détourne.

DEUX COCOTTES (Les). Le numéro 22,—dans l'argot des joueurs de loto.

DEUX D'AMOUR, s. m. Le numéro 2,—dans le même argot.

DEUX SœURS, s. f. pl. Les nates de Martial,—dans l'argot des faubouriens.

DEUX SOUS DU GARÇON, s. m. pl. Le pourboire que chaque consommateur est forcé—sous peine d'être «mal servi»—de donner aux garçons de café, qui s'achètent des établissements avec le produit capitalisé de cet impôt direct.

DEVANT DE GILET, s. m. Gorge de femme,—dans l'argot des faubouriens.

DÉVEINE, s. f. Malheur constant dans une série d'opérations constantes.

Être en déveine. Perdre constamment au jeu.

DÉVERGONDÉE, s. f. Fille ou femme qui a toute vergogne bue,—dans l'argot des bourgeoises, qui quelquefois donnent ce nom à une pauvre fille dont le seul crime est de n'avoir qu'un amant.

DÉVIDAGE, s. m. Long discours, bavardage interminable,—dans l'argot des voleurs.

Dévidage à l'estorgue. Accusation.

DÉVIDER, v. a. et n. Parler, et, naturellement, bavarder.

Dévider à l'estorgue. Mentir.

Dévider le jar. Parler argot.

On dit aussi Entraver le jar.

DÉVIDEUR, s. m. Bavard.

DÉVIERGER, v. a. Séduire une jeune fille et la rendre mère,—dans l'argot du peuple.

DÉVISAGER, v. a. Egratigner le visage, le meurtrir de coups,—dans le même argot.

Signifie aussi: Regarder quelqu'un avec attention.

DÉVISSER SON BILLARD, v. a. Mourir,—dans l'argot des faubouriens.

DÉVISSEUR, s. m. adj. Médisant, débineur,—dans l'argot des gens de lettres et des faubouriens.

DEVOIR UNE DETTE, v. a. Avoir promis un rendez-vous d'amour,—dans l'argot des filles, qui sont brouillées avec la grammaire comme avec la vertu, et qui redoutent moins un pléonasme qu'un agent de police.

DÉVORANT, s. m. Compagnon du Tour de France,—dans l'argot des ouvriers.

DIABLE, s. m. Agent provocateur,—dans l'argot des voleurs, qui sont tentés devant lui du péché de colère.

DIABLE, s. m. L'attelabe,—dans l'argot des enfants, qui ont 133 été frappés de la couleur noire de cet insecte et de ses deux mandibules cornées.

DIABLE (A la), adv. Avec précipitation, sans soin, sans précaution,—dans l'argot du peuple.

DIABLE AU VERT (Au). Très loin,—dans le même argot.

Un grand nombre de savantes personnes veulent que cette expression populaire vienne du château de Vauvert, sur l'emplacement duquel fut jadis bâti le couvent des Chartreux, lui-même depuis longtemps remplacé par le bal de la Grande chartreuse ou Bal Bullier: je le veux bien, n'ayant pas assez d'autorité pour vouloir le contraire, pour prétendre surtout être seul de mon avis contre tant de monde. Cependant je dois dire d'abord que je ne comprends guère comment les Parisiens du XIVee siècle pouvaient trouver si grande la distance qu'il y avait alors comme aujourd'hui entre la Seine et le carrefour de l'Observatoire; ensuite, j'ai entendu souvent, en province, des gens qui n'étaient jamais venus à Paris, employer cette expression, que l'on dit exclusivement parisienne.

DIABLE BAT SA FEMME ET MARIE SA FILLE (Le). Il pleut et fait soleil tout à la fois,—même argot.

DIABLE EN PRENDRAIT LES ARMES! (Le) Expression de l'argot du peuple, qui l'emploie pour renforcer une menace, pour donner plus de poids à un ultimatum.

Se dit aussi à propos d'un grand vacarme «où l'on n'entendrait pas Dieu tonner». Quand on n'entend pas Dieu tonner, c'est qu'en effet le «diable en a pris les armes».

DIAMANT, s. m. Voix de la plus belle eau,—dans l'argot des coulisses.

DICTIONNAIRE VERDIER, s. m. Lexique fantastique,—dans l'argot des typographes, qui y font allusion chaque fois qu'un de leurs compagnons parle mal ou orthographie défectueusement.

DIEU BAT SES MATELAS. Se dit,—dans l'argot du peuple, lorsqu'il tombe de la neige.

DIEU TERME (Le). Les 8 janvier, 8 avril, 8 juillet et 8 octobre de chaque année,—dans l'argot des bohèmes.

DIGUE-DIGUE, s. f. Attaque d'épilepsie,—dans l'argot des voyous.

DIJONNIER, s. m. Moutardier,—dans l'argot des faubouriens.

DILIGENCE DE ROME, s. f. La langue,—dans l'argot du peuple, qui sait qu'on va partout quand on sait demander son chemin.

DIMANCHE, adv. Jamais,—dans le même argot.

On dit aussi Dimanche après la grand'messe.

DIMANCHE, s. m. Endroit d'un navire ou d'une maison qu'on a oublié de nettoyer,—dans l'argot des marins.

DIMASINE, s. f. Chemisette,—dans l'argot des voleurs. 134

DINDE, s. f. Femme sotte, maladroite, sans aucun des charmants défauts de son sexe,—dans l'argot du peuple, qui a, du reste, l'honneur de se rencontrer avec Shakespeare: Goose (oie), dit celui-ci en deux ou trois endroits de ses comédies.

DINDON, s. m. Imbécile, dupe.

Être le dindon de la farce. Être la victime choisie, payer pour les autres.

DINDONNER, v. a. Tromper, duper.

DINDORNIER, s. m. Infirmier,—dans l'argot des voleurs.

DÎNER EN VILLE, v. n. Manger un petit pain en marchant à travers les rues,—dans l'argot parfois navrant des bohèmes.

DÎNER PAR CœUR, v. n. Ne pas dîner du tout,—dans l'argot du peuple.

DINGUER, v. n. N'être pas d'aplomb,—dans l'argot des coulisses,—où l'on emploie ce verbe à propos des décors et des machinistes.

DINGUER, v. n. Flâner, se promener,—dans l'argot des faubouriens.

Envoyer quelqu'un dinguer. Le congédier brusquement, s'en débarrasser en le mettant à la porte.

DIRE, v. n. Plaire, agréer, convenir,—dans l'argot du peuple.

Cela ne me dit pas. Je n'ai pas d'appétit, de goût pour cela.

DIRE LA SIENNE, v. a. Raconter son histoire ou chanter sa romance après que les autres ont chanté ou raconté. Même argot.

DISCUSSION AVEC LES PAVÉS (Avoir une). Tomber sur les pavés et s'y égratigner le visage, soit en état d'ivresse, soit par accident,—dans l'argot des ouvriers, qui ont de ces discussions-là presque tous les lundis, en revenant de la barrière.

DIX-HUIT, s. m. Soulier ressemelé, c'est-à-dire deux fois neuf (9),—dans l'argot calembourique du peuple.

DOCTES PUCELLES (Les). Les neuf Muses,—dans l'argot des Académiciens, qui devraient pourtant se rappeler le

... casta quam nemo rogavit

de Martial. Si les Muses avaient des amants plus platoniques, tout le monde y gagnerait,—et surtout la littérature française.

DODO, s. m. Lit,—dans l'argot des enfants et des filles.

Faire dodo. Dormir.

DOG-CART, s. m. Sorte de voiture de maître, d'invention anglaise, et maintenant à la mode française. Argot des gandins et des carrossiers.

DOMINO-CULOTTE, s. m. Le domino restant dans la main du joueur.

DOMINOS, s. m. pl. Les dents,—dans l'argot du peuple, qui emploie là, s'en sans douter, une expression du slang anglais.

Avoir le jeu complet. Avoir toutes ses dents.

Jouer des dominos. Manger. 135

DONDON, s. f. Femme chargée d'embonpoint; servante de cabaret,—dans le même argot.

DONDON, s. f. Maîtresse,—dans l'argot dédaigneux des bourgeoises.

DONNER, v. a. Dénoncer,—dans l'argot des voleurs.

Être donné. Être dénoncé.

DONNER (S'en), v. réfl. Prendre d'un plaisir avec excès,—dans l'argot du peuple.

DONNER (Se la), v. S'en aller, s'enfuir,—dans l'argot elliptique des faubouriens.

DONNER A LA BOURBONNAISE (La). Regarder quelqu'un d'un mauvais œil,—dans l'argot des voleurs.

DONNER CINQ ET QUATRE, v. a. Donner deux soufflets, l'un de la paume de la main, où les cinq doigts assemblés frappent ensemble; l'autre du revers de la main, le pouce demeurant alors sans action. Argot du peuple.

On dit aussi Donner dix-huit.

DONNER DANS L'œIL, v. n. Plaire,—dans l'argot des petites dames, qui l'emploient aussi bien à propos des gens que des choses dont elles ont envie.

Les faubouriens disent: Taper dans l'œil. C'est plus expressif,—parce que c'est plus brutal.

Molière a employé Donner dans la vue avec la même signification. J'ai trouvé dans le Tempérament, tragédie-parade de 1755: Il m'a donné dans l'œil, employé dans le même sens.

DONNER DE COUPS DE PIED (Ne pas se). Faire son propre éloge, se dire des choses aimables, s'avantager dans un récit. Argot du peuple.

DONNER DE LA GROSSE CAISSE. Faire des réclames à un livre ou à un médicament,—dans l'argot des journaux.

DONNER DE L'AIR (Se), v. réfl. S'en aller de quelque part, non parce qu'on y étouffe, mais parce qu'on s'y ennuie, ou parce qu'il est l'heure de se retirer.

DONNER DE LA SALADE. Battre, secouer quelqu'un,—dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas que cette expression est une corruption de Donner la salle, c'est-à-dire fouetter un écolier en public.

Ils disent aussi Donner une chicorée.

DONNER DU BALAI. Chasser quelqu'un, remercier un employé, congédier un domestique,—dans l'argot des bourgeois.

DONNER DU BON TEMPS (Se). Se divertir, «cueillir le jour» et la nuit,—dans le même argot.

DONNER DU CAMBOUIS. Se moquer de quelqu'un, lui jouer un tour, le duper,—dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis trois cents ans: «Ah! très orde vieille truande! vous me baillez du cambouys!» s'écrie le Diable dans la Farce du meunier.

DONNER DU FIL A RETORDRE. Embarrasser quelqu'un, lui rendre 136 une affaire épineuse, une question difficile à résoudre.

DONNER DU VENT. Brimer,—dans l'argot des Saint-Cyriens.

DONNER DU VINAIGRE. Tourner très vite,—dans l'argot des enfants, lorsqu'ils jouent à la corde.

DONNER LA MIGRAINE A UNE TÊTE DE BOIS, v. a. Être excessivement ennuyeux,—dans l'argot des gens de lettres.

L'expression appartient à Hippolyte Babou.

DONNER SON BOUT, v. a. Congédier un ouvrier,—dans l'argot des tailleurs.

On dit aussi donner son bout de ficelle.

DONNER UN COUP DE PIED JUSQUE... Aller jusqu'à tel endroit désigné,—dans l'argot du peuple.

DONNER UN COUP DE POING DONT ON NE VOIT QUE LA FUMÉE, v. a. L'appliquer sur le visage avec une grande violence,—même argot.

J'ai entendu la phrase, et j'ai frémi pour celui à qui elle s'adressait: «Je te donnerai un coup de poing au nez, que tu n'en verras que la fumée!» disait un robuste Auvergnat à un ouvrier d'apparence médiocre.

DONNER UN PONT A FAUCHER, v. a. Tendre un piège,—dans l'argot des voleurs.

DONNER UN REDOUBLEMENT DE FIÈVRE, v. a. Révéler un nouveau méfait à la charge d'un accusé,—dans le même argot.

DONNEUR D'AFFAIRES, s. m. Celui qui indique les vols à faire.

DONNEZ-LA! Méfiez-vous,—dans le même argot.

DONT AUQUEL, adj. A qui rien n'est comparable,—dans l'argot du peuple.

Il y a plus d'un siècle déjà que ce barbarisme court les rues.

DONZELLE, s. f. Fille qui préfère la compagnie des hommes à celle des femmes,—dans le même argot.

Signifie aussi Maîtresse.

Comme les mots déchoient! La donzelle du Moyen Age était la demoiselle de la maison,—dominicella, ou domina; la donzelle du XIXe siècle est une demoiselle de maison.

DOR, s. m. Or, du dor,—dans l'argot des enfants.

DORANCHER, v. a. Dorer,—dans l'argot des voleurs.

DORMIR EN CHIEN DE FUSIL, v. n. C'est,—dans l'argot du peuple,—prendre en dormant une posture qui donne au corps la forme d'une S ou du morceau de fer qu'on abat sur le bassinet de certaines armes à feu lorsqu'on veut tirer.

DORSAY, s. m. Petite jaquette élégante,—dans l'argot des tailleurs et des gandins.

DORT-DANS-L'AUGE, s. m. Paresseux, homme qui s'endort sur la besogne,—dans l'argot du peuple.

DORT-EN-CHIANT, s. m. Homme mou, paresseux, lambin. 137

DOS D'AZUR, s. m. Souteneur de filles.

(V. Dauphin.)

On dit aussi Dos vert.

DOSSIÈRE, s. f. Fille publique,—dans l'argot des voleurs, qui n'ont certainement pas voulu dire, comme le prétend un étymologiste, «femme sur laquelle tout le monde peut s'asseoir». Quelle étymologie alors? Ah! voilà! Difficile dictu. Une dossière, c'est une femme qui joue souvent le rôle de supin.

DOSSIÈRE DE SATTE, s. f. Chaise, fauteuil,—dans le même argot.

DOUBLAGE, s. m. Vol,—dans l'argot des voyous, qui appellent les voleurs Doubleurs, probablement parce qu'ils témoignent une grande duplicité.

DOUBLE, s. m. Sergent-major,—dans l'argot des soldats, qui l'appellent ainsi probablement à cause de ses deux galons dorés.

DOUBLER, v. a. Voler.

DOUBLER UN CAP, v. a. Passer heureusement une échéance, un 1er ou un 15, sans avoir un billet protesté,—dans l'argot des commerçants, qui connaissent les écueils de la Fortune.

Henry Murger, dans sa Vie de Bohème, appelle ce 1er et ce 15 de chaque mois le Cap des Tempêtes, à cause des créanciers qui font rage à ce moment-là pour être payés.

DOUBLE SIX, s. m. Nègre,—dans l'argot des voleurs.

DOUBLE SIX, s. m. Les deux dents au milieu de la mâchoire supérieure. Argot des faubouriens.

DOUBLEUR, s. m. Voleur.

Doubleur de sorgue. Voleur de nuit.

DOUBLURE, s. f. Acteur secondaire, chargé de remplacer, de doubler son chef d'emploi malade ou absent. Argot des coulisses.

DOUBLURE DE LA PIÈCE, s. f. «Ce qu'il y a sous le corsage d'une robe de femme»,—dans l'argot des bourgeois, qui, quoique très Orgon, sont parfois de la famille de Tartufe.

DOUCE, s. f. Étoffe de soie ou de satin,—dans l'argot des voleurs.

DOUCE, s. f. Fièvre,—dans le même argot.

DOUCE (A la), adv. Doucement,—dans l'argot du peuple.

On dit quelquefois: A la douce, comme les marchands de cerises.

DOUCETTE, s. f. Lime,—dans l'argot des voleurs.

DOUCEURS, s. f. pl. Choses de diverse nature qu'on porte aux malades ou aux prisonniers,—aux uns des oranges, aux autres du tabac.

DOUILLARD, s. m. Homme riche, fourni de douille.

Se dit aussi de quiconque a une chevelure absalonienne.

DOUILLE, s. f. Argent, monnaie,—dans l'argot des voleurs et des faubouriens.

DOUILLES, s. f. pl. Cheveux,—dans le même argot. 138

Douilles savonnées. Cheveux blancs.

DOUILLET, s. m. Crin, crinière.

DOUILLURE, s. f. Chevelure.

DOUSSIN, s. m. Plomb,—dans l'argot des voleurs.

DOUX, s. m. Crème de menthe, anisette, vespétro, etc.,—dans l'argot des bourgeoises.

DOUX LARCIN, s. m. Baiser,—dans l'argot des académiciens, qui traitent l'Amour d'«aimable voleur de cœurs».

DRAGÉE, s. f. Balle,—dans l'argot des troupiers.

Recevoir une dragée. Être atteint d'une balle.

On dit aussi Gober la dragée.

DRAGUE, s. f. Attirail d'escamoteur, tréteaux de charlatan,—dans l'argot des faubouriens, qui savent avec quelle facilité les badauds se laissent nettoyer les poches.

DRAGUEUR, s. m. Charlatan, escamoteur, saltimbanque.

DRAPEAU, s. m. Serviette,—dans l'argot des francs-maçons.

Grand drapeau. Nappe.

DRAPEAUX, s. m. pl. Couches, langes de nouveau-né,—dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot depuis quelques siècles.

DRINGUE, s. f. Ventris fluxus,—dans l'argot des faubouriens.

DROGUE, s. f. Chose de mauvaise qualité, étoffe inférieure, camelote,—dans l'argot des bourgeois, qui se rappellent le droguet de leurs pères.

DROGUE, s. f. Femme acariâtre, et, de plus, laide,—dans l'argot du peuple, qui a de la peine à avaler ces créatures-là.

Se dit aussi d'un Homme difficile à vivre.

DROGUEROGUE, s. f. Jeu de cartes,—dans l'argot des troupiers, qui condamnent le perdant à porter sur le nez un petit morceau de bois fendu.

Faire une drogue. Jouer cette partie de cartes.

DROGUEROGUER, v. n. Attendre, faire le pied de grue,—dans l'argot du peuple.

DROGUEROGUER, v. n. Demander,—dans l'argot des voleurs, qui savent qu'on attend toujours, et quelquefois longtemps, une réponse.

DROGUEROGUERIE, s. f. Demande.

Drogueur de la haute, s. m. Escroc habile, qui sait battre monnaie avec des histoires.

DROGUERÔLE (Pas ou Peu), adj. Expression de l'argot du peuple, qui l'emploie à propos de tout et de rien, d'un événement qui l'afflige ou d'une histoire qui l'ennuie, d'une bretelle qui se rompt ou d'une tuile qui tombe sur la tête d'un passant, etc., etc.

DRÔLESSE, s. f. Habitante de Breda-Street, ou de toute autre Cythère,—dans l'argot des bourgeois, qui ont la bonté de les trouver drôles quand elles ne sont que dévergondées.

DRÔLESSE, s. f. Maîtresse, concubine,—dans l'implacable argot des bourgeoises, jalouses 139 de l'empire que ces créatures prennent sur leurs maris, avec leur fortune.

DRÔLICHON, ne, adj. Amusant, drôle,—dans l'argot du peuple.

DUC DE GUICHE, s. m. Guichetier,—dans l'argot des faubouriens.

DULCINÉE, s. f. Maîtresse,—dans l'argot des bourgeois, qui cependant se garderaient bien de se battre pour la leur, même contre des moulins.

DUMANET, s. m. Soldat crédule à l'excès,—dans l'argot du peuple, qui a conservé le souvenir de ce type de vaudeville, né le jour de la prise d'Alger.

DUR, s. m. Eau-de-vie,—dans l'argot des faubouriens.

On dit aussi Raide.

DUR, s. m. Fer,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Durin.

DUR A AVALER, adj. Se dit—dans l'argot du peuple—d'une histoire invraisemblable à laquelle on se refuse à croire, ou d'un accident dont on a de la peine à prendre son parti.

On dit aussi, dans le même sens: Dur à digérer.

DUR-A-CUIRE, s. m. Homme insensible à la douleur, physique ou morale.

DURAILLE, s. f. Pierre,—dans l'argot des voleurs.

Ils disent aussi Dure.

Dure à briquenion. Pierre à briquet.

Ils disent aussi Dure à riffle.

Duraille sur mince. Diamant sur papier.

DUR-A-LA-DÉTENTE, adj. et s. Homme avare, qui ne lâche pas volontiers les ressorts de la bienfaisance ou du crédit,—dans l'argot du peuple, pour qui ces sortes de gens sont de «singuliers pistolets».

On dit aussi Dur à la desserre.

DURE, s. f. La terre,—dans l'argot des voleurs et du peuple.

Coucher sur la dure. Coucher à la belle étoile.

DURÊME, s. m. Fromage blanc,—dans l'argot des voleurs.

DURILLON, s. m. Gibbosité humaine,—dans l'argot des faubouriens, que les bossus feront toujours rire.

Ils disent aussi Loupe.

DURINER, v. a. Ferrer,—dans l'argot des voleurs.

DU VENT! de la mousse! Phrase de l'argot des faubouriens, qui l'emploient fréquemment en réponse à quelque chosequi leur déplaît ou ne leur va pas.

Ils disent aussi, soit: De l'anis! soit: Des navets! soit: Des nèfles! soit: Du flan!

Qu'on ne croie pas l'expression moderne, car elle a des chevrons: «Si on la loue en toutes sortes de langues, elle n'aura que du vent en diverses façons,» dit La Serre, historiographe de France, dans un livre adressé à mademoiselle d'Arsy, fille d'honneur de la reine (1638).

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