BIBLIOBUS Littérature française

Voyage autour du lac de Genève (juin 1827) - Rodolphe Töpffer (1799-1846)

LES VOYAGES EN ZIGZAG

 Évian, St-Maurice, Montreux, Lausanne et Genève

 

 

Noms des Voyageurs, détails, portraits, but particulier de chacun d’eux :

Madame Töpffer - Voyez l’avant-dernier journal.

MM. Pourtalès - Déjà connu par le dernier journal.

Morrison - Voyage pour la bouffe de simple particulier, et pour changer son écu. Casquette de drap fort chaude. Ne porte volontiers point d’habit. Jarrets récemment fortifiés. Genre observateur légèrement caustique.

Vernet - Déjà connu.

Diodati - Neveu du précédent. Voyage pour errer à l’aventure. Chapeau de paille biscorné par la pluie. Costume large, légèrement à la matelote. Jarret inégal.

Sayous - Déjà connu.

Tombazi - Voyage pour dessiner des perches, et se préparer dit-il au voyage d’Outon, comme qui dirait d’automne. Casquette immense à gros mouchet. Nomme Morin l’ognon fouriou comme qui dirait le lion furieux.

Dupasquier - Pour chercher un Bouteillon et des Bouteillons. Jarret faible, gosier sans cesse altéré. Bouteillons dans toutes les poches, surpoches et contrepoches. Préfère les douceurs du sommeil, aux délices de la table lorsqu’il a bien soupé.

Murray - Pour la marche forcée, le rire et le sac. Porte sans cesse un gros sac, qui à ce que l’on croit fait partie intégrante de son corps. Parle une langue peu connue. Manifeste des habitudes des inflexions et des goûts fabuleux, fabolo selon Morrison. Le meilleur jarret de la troupe. Fait des pas d’un mètre dix centimètres, et crie par intervalles inégaux : Je faim, ou Je suis faim.

Bovet - Pour faire frémir les échos par des chants barbares, scythes et incohérents. Paraît quelquefois en bottes. Jarret bon.

James - Déjà connu.

Galline - Déjà connu. A ajouté à ses précédentes fonctions la partie du sentiment et se charge de confectionner à bon compte tout ce qui tient à cette partie, comme soupirs, pensées, stations aux endroits romanesques etc. etc.

C. Roulet - Pour l’infortune en général et les Bouteillons en particulier. Gosier très sec. Jarret bon.

H. Roulet - Pour troubler les artistes, pour le bruit, les malices, la bouffe et quelque peu les bouteillons. Costume aurore. Démarche libre et inégale. Jarret assez ferme. Genre fugitif et échappatoire.

Tronchin - Secrétaire à l’intérieur. Jarrets mitoyens et disposés à la fatigue. Ceinture verte avec frange d’argent en guenilles, le tout pour l’effet. Prononziazion zifflante.

Edm. Favre - Voyage pour la gaîté. Costume frais et léger. Chapeau d’idylle, dans le genre de : Philis, les bergers et les bois. Jarret excellent.

Morin - Pour les beaux-arts, et l’exercice de la petite chicane. Costume jaune comme les moissons dorées. Jarret bon. Genre légèrement irascible.

Arthur - Déjà connu.

Colibert - Aide Dupasquier dans la recherche des Bouteillons. Costume gris pluvieux. Genre intermittent. Jarret bon.

Zanella - Déjà connu.

M. Töpffer - Mêmes fonctions qu’aux précédents voyages.

PREMIÈRE JOURNÉE

Vers les quatre heures du matin un son de basse langoureusement et douloureusement faux (voyez pl. 1) attaque les organes de la plupart des voyageurs, livrés à un profond sommeil. L’on apprend plus tard que l’idée et l’exécution de ce délicieux mode de réveil, appartient à M. Carl Bovet, qui, vêtu d’une simple chemise et la tête ornée d’un bonnet de coton blanc, se plaît à parcourir les corridors en caressant la chanterelle de son instrument. Les dissonances auxquelles il se livre ébranlent les fibres musicales des voyageurs qui sautent à bas de leur lit, et portent leurs regards encore sommeillants sur le ciel pour interroger le temps. Le temps leur répond en poussant la pluie contre les vitres.

Alors l’incertitude et le découragement s’emparent des cœurs. Partira-t-on ? ne partira-t-on pas ? Partons ! C’est une pluie qui annonce le beau temps ! Telles sont les propos qui s’échappent des lèvres des voyageurs. En attendant des circonstances favorables, l’on se décide à déjeuner, opération qui dans aucun cas ne peut nous nuire.

L’opération réussit parfaitement ; au sortir de table, la pluie a cessé, et bien qu’un immense lambris de nuages voile le ciel, l’on fait à la hâte les derniers préparatifs de départ et l’on se met en marche, après avoir donné et reçu le mot d’ordre qui pour ce jour est : Espérance ! !

Messieurs Sayous, James et Galline, se dévouent glorieusement pour faire un grand détour, afin de recueillir M. Marc Vernet, domicilié à Carra. Dix voyageurs partent à pied par la route directe, et recueillent en passant M. Edmond Favre, le reste occupe la voiture ; le quartier général est indiqué à Douvaine.

Un fac-simile parfait de M. Arthur se présente aux voyageurs sur la route de Frontenex. C’est d’abord un point noir qui sans grossir à mesure qu’on s’en approche, devient cependant plus distinct, et offre l’image rare, complète, et facsimilatrice du jeune Arthur qui est dans la voiture. Nous sommes sur le point de pleurer de joie.

En approchant de Belle Rive ; plantation de balais de biole sur la gauche (Balévioles, suivant la prononciation de Tronchin).

À Vésenaz, Capite célèbre, des cris se font entendre sur la droite dans un chemin creux. La troupe des dix y aperçoit le détachement Sayous, amenant Vernet ; là s’opère une des jonctions militaires les plus remarquables dont l’histoire fasse mention. Dès lors, la caravane totale se compose de 15 marcheurs et 6 voiturés. Le ciel couvert partout ailleurs, montre un vaste espace bleu qui se prolonge en V, précisément dans la direction que nous suivons. À cette vue la joie de la troupe se prolonge indéfiniment en V ; et tout respire l’espérance.

M. Morrison adopte une espèce de costume bizarre qui rappelle celui des sauvages de la Mer du Sud. Dans cet équipage nouveau il rêve des bouffes, et se couvre de gloire par la manière sublime dont il soutient son pas, ordinairement languissamment langoureux, et dépourvu de muscles. M. Murray, d’heure en heure plus fabuleux adopte le même costume ; bientôt après il en choisit un encore plus monstrueux, et tombe dans tous les égarements d’une imagination mythologique, fabuleuse et intermittente.

À Douvaine nous somme poliment visités à la Douane et bientôt après nous mettons le pied dans l’auberge de M. Martin où nous attend une bouffe remarquable. Fromages de trois espèces, bière matelassée, vin Crépi présumé, légèrement apocryphe. Disparition subite des plats. La famille Martin ne suffit point à renouveler sans cesse les assiettes vides. On part.

Sur la route, M. Pourtalès organise une marche militaire qui, savamment exécutée, excite l’admiration de tous ceux qui ont le bonheur de la voir. Elle abrège la longueur du chemin pour ceux qui en font partie.

La caravane fait son entrée à Thonon. Nous trouvons la ville toute tapissée de feuillage ; des guirlandes et festons sont suspendus aux maisons. Chacun vaque à ses affaires, qui consistent à se pourvoir de cerises. M. Dupasquier n’a cessé d’être préoccupé dès le matin par l’idée de se procurer un Bouteillon (probablement une petite bouteille). Il cherche un Bouteillon à Thonon, demande un Bouteillon à ceux qu’il juge à leur mine, devoir faire le commerce des Bouteillons, et ne rêve que Bouteillons. Cet intéressant voyageur est d’ailleurs complètement altéré, il dessèche les sources, et se livre aux excès de l’ivrognerie d’eau.

Nous sortons de Thonon pour faire une halte auprès du pont de la Dranse. Mais le pont semblant fuir devant nous, nous renonçons à poursuivre cette chimère et nous faisons halte sous un ombrage équivoque. M. Arthur annonce qu’il veut dormiaor. D’autres dessinent. Tombazi s’efforce de rendre au naturel les perches d’un champ de pois, seuls objets que sa vue courte lui permette de distinguer, et qui lui apparaissent sans doute comme une vaste forêt.

L’extrême chaleur de ce lieu rafraîchissant  nous chasse bientôt, et nous gagnons un site délicieux en face du château de Tuisaye (voyez ci-contre) au pied d’une petite chapelle de notre Dame de Tuisaye, et sous l’ombrage d’un beau noyer. Tous les artistes tirent leur portefeuille, et s’escriment à rendre plus ou moins artistement la scène qu’ils ont sous les yeux. MM. Vernet et Arthur se montrent seuls infidèles à leur art, et se livrent à un honteux repos.

Le bruit de la voiture qui arrive met fin à cette jolie halte. Nous franchissons l’interminable pont de la Dranse et nous atteignons un pays délicieux.

Tout à coup un manant monté sur une vieille rosse, paraît à nos côtés. Sans raison connue il fait faire à sa monture essoufflée une gambade subite, le tout avec mystère et circonstances fabuleuses. Nous le suivons des yeux à cinquante pas : alors il se jette sur la droite et disparaît sans retour dans… on ne sait pas quoi, ni où, ni comment, ni par qui, ni avec qui, ni pourquoi. L’hypothèse la plus répandue est que cet homme ensorcelé par des feux follets lutins, s’est engouffré dans un marais lui présentant l’apparence d’une verte prairie.

« Oh Ruines ! ! ! ! » Tel est un cri que pousse en ce moment Arthur ; tandis que Tombazi soutient avec raison que le mot vaica n’appartient point à la langue d’Homère.

Route charmante et romantique. Un ruisseau argentin sur la gauche accompagne nos pas en murmurant avec douceur. À droite de sombres coteaux couverts de magnifiques châtaigniers. Philomèle plaintive, fait entendre sa voix dans les taillis. Le lac mire un ciel transparent et varié. Sur la route, sous nos pas se trouvent des détails dans lesquels nous nous efforçons de ne pas entrer, crainte de salir nos souliers.

Au milieu de cette scène délicieuse un grand chagrin ronge nos cœurs. Un voyageur jadis aimable et intelligent donne des signes funestes d’une baisse d’esprit croissante. Il hésite en parlant, parle en hésitant, fait des questions singulières, dont il n’entend les réponses que longtemps après qu’on les a proférées, et en tout nous paraît infiniment dégénéré. L’on prend le parti extrême de lui faire prendre les eaux d’Amphion.

L’on atteint les bords du lac. Ici la scène change. Les clochers d’Évian se montrent au-dessus d’un bosquet de noyers qui s’avance dans le lac. Un mirage sublime réfléchit le promontoire. La vague légère vient mourir à nos pieds. Un frémissement romantique fait vibrer toutes les fibres les plus poétiques de notre imagination. Malheureusement Galline, le jeune malade dont nous avons parlé, continue à donner les malheureuses marques d’un complet affaiblissement intellectuel.

Arthur semble aussi baisser un peu. Sans y être excité par aucun motif, il s’empresse de prendre pour une petite chapelle, une grosse maison de paysan. Arrêté qu’il boira les eaux d’Amphion.

Nous atteignons enfin ces eaux salutaires. Au moment d’y arriver M. Edmond Favre, fait une chute horrible, et tombe précisément dans ces détails que nous nous efforçons d’éviter. Cependant il se relève plus vigoureux que jamais (voy. pl. 3), et vient avec nous saluer la Naïade du lieu. Cette Naïade loge dans le plus joli endroit du monde, sous des berceaux de noyers, auprès du lac et en vue des riants coteaux du pays de Vaud. Un bon curé laissant paître sa monture sur les gazons du lieu vient faire sa visite avec nous.

M. Galline se dispose à prendre les eaux. Le pauvre jeune homme est si bas, qu’il est sur le point de se noyer dans la source même, après y avoir noyé son verre. Il boit enfin l’onde ferrugineuse qui n’a d’autre effet pour lui que de faire mal au ventre à Tombazi.

Plus loin nous sommes témoins d’un combat furieux entre un chien microscopique et deux énormes moutons, qui semblent extrêmement surpris de se trouver si vaillants. Une bosse se manifeste sur le pied gauche de Galline l’on espère que son moral en ira mieux.

Enfin nous faisons notre entrée dans la sale et pittoresque ville d’Évian, où nous allons descendre à l’hôtel du Nord, et nous établir sur une galerie d’où la vue s’étend sur les vastes plages du lac. M. Murray toujours fabolo, répond qu’il n’aime pas le fromage, à Mme Töpffer qui lui offre de la pommade pour les pieds.

M. Dupasquier, qui cherche toujours en vain un Bouteillon se distingue par une générosité forcée. Il a acheté une livre de cerises sur laquelle la caravane se pourvoit obligeamment, comme pour lui faire plaisir, et lui la laisse obligeamment faire, comme pour lui faire plaisir aussi. Reste zéro.

Mais voici bien une autre fête. Une musique âcre, astringente et déchiramment discordante, vient nous surprendre traîtreusement dans ce lieu d’où il est impossible de s’échapper. Nous sommes obligés d’en savourer tous les charmes avec une grandeur d’âme forcée.

À souper, une salle à manger retentissante confond et répercute les voix avec tant d’intensité, qu’il est impossible de s’entendre, et que l’on offre du vin à celui qui demande de la soupe. Souper mitoyen, doux rare, poisson savoureux. Charles Roulet préside avec silence et gravité.

M. Töpffer apprend l’agréable nouvelle qu’il se pourrait que n’ayant point de passeport, on lui procurât la récréation d’une nuit de prison. La promesse n’a pas d’effet.

Nuit assez bonne pour les uns, équivoque pour d’autres. M. Tronchin est attaqué par toutes sortes d’animaux. M. Töpffer couche sur un canapé en cylindre et emploie toute sa nuit à se maintenir en équilibre, sur le sommet de ce malheureux cylindre. Des dissensions intestines se manifestent dans le lit où couchent ensemble l’oncle et le neveu. Colibert et Morrison couchent dans un lit qui n’a que juste une largeur et demie de petit garçon. M. Bovet craint les voleurs ayant oublié de regarder sous son lit avant d’éteindre sa lumière.

SECONDE JOURNÉE

Dès le point du jour Dupasquier parcourt les rues d’Évian, pour chercher un Bouteillon. Murray met son sac sur ses épaules, on croit même qu’il couche avec cet objet de ses affections. Les autres voyageurs s’occupent à chasser péniblement les songes de la nuit, et à repousser les dernières avances que leur fait Morphée. Enfin ils sont tous sur pied et rien ne retarderait leur départ sans les infortunes de M. Töpffer, qui accosté par un compatriote qu’il ne connaît point, se trouve engagé dans la visite du domaine de ce compatriote qui ne lui fait pas grâce du moindre détail relatif au mur d’enceinte, au plant de la vigne, et à la direction des cours d’eau. Ce n’est qu’après la description complète du tout, qu’il peut saisir l’occasion de prendre congé.

Le mot d’ordre du jour est : gaîté, courage et bouffe. Les fatigues de la veille ont laissé quelques traces dans la constitution des voyageurs, et la première heure de marche est grave et silencieuse. Peu à peu, la gaîté chasse la fatigue, ranime le courage, et nous conduit à pas plus rapides vers la Bouffe, but matériel de la course.

Nous atteignons les rocs sauvages de Meillerie. (Voyez pl. 5.) Ici M. Galline qui semble remonter un peu plus haut dans l’échelle des êtres, s’acquitte sentimentalement des devoirs de l’amitié. Chargé par un ami de lancer une pierre dans les eaux profondes de ce lieu romantico-romanesque ; il choisit un caillou de la grosseur voulue. La pierre part, l’eau jaillit et le sentiment est satisfait.

L’on arrive à St. Gingolph après avoir laissé fort en arrière M. Morin, qui s’étant laissé emporter par son amour pour les arts, est resté assis au milieu de la grande route, dessinant les rochers de Meillerie.

Le déjeuner attendu avec une extrême impatience paraît enfin.

La bonne volonté des hôtes est ce qui s’y trouve de meilleur goût. Œufs violets à l’ouverture. M. Sayous découvre ou croit découvrir un petit poulet déjà adolescent dans l’œuf qu’il a choisi. Café trouble, lait clair. Après avoir répondu aux cris des estomacs, chacun se crée un petit bonheur à sa fantaisie pour l’heure de repos qui lui reste à passer dans ce lieu. James, Galline, Sayous choisissent pour leur part un doux sommeil sur des lits artistement formés par la juxtaposition de deux chaises. Quelques autres vont visiter la fabrique de clous. Arthur et les autres artistes vont à la recherche des beaux sites. Diodati erre à l’aventure et s’aventure en errant. Henri Roulet se charge de la partie des espiègleries ; son frère vole au-devant des infortunes. Bovet épouvante les échos qu’il force de répondre à ses chants légèrement barbares.

Dupasquier cherche un Bouteillon, et dessèche les sources. Murray crie fabuleusement. Morrison porte sur tous ces travaux un œil observateur, et lance des sentences et dictons divers, plus ou moins caustiques, avec ce refrain, qui souvent est prononcé en chœur : Zic Zemperzems.

Au départ de ce lieu, achat de cerises en gros. Tombazi ayant trop présumé de sa puissance stomachique et appétitive, se trouve surchargé d’un massif de cerises, pour lesquelles il ne trouve point de débouché. Il répare cette faute envers les principes d’une saine économie politique, en distribuant les restes de sa marchandise aux jeunes pâtres que l’on rencontre de temps en temps.

M. Galline, soit qu’il continue à baisser, soit qu’il se relève, a adopté un caractère nouveau. Il est à l’affut de tous les objets laissés par la caravane dans un lieu ou dans l’autre ; il les retire soigneusement et clandestinement, puis saisissant le moment où le propriétaire de ces objets s’alarme de leur disparition, il se montre à lui pour lui rendre la paix en lui faisant une gracieuse leçon sur sa négligence. Puis il se retire couvert de gloire.

Nous atteignons la fin du lac et nous cessons d’avoir à notre gauche ses eaux transparentes. Des symptômes de décadence physique produits par la fatigue se manifestent chez Tronchin. Sa démarche devient haletante et coupée de soubresauts. Il ne tarde pas longtemps à offrir l’image parfaite d’un réchappé de la Bérézina (voyez pl. 7). Morrisson affirme qu’il peut à peine se soutener.

La caravane franchit glorieusement un long espace encombré par les débris d’une avalanche de rocs énormes. Le temps est gris et agréable.

Près de la porte de Scé , Galline remplit de nouveau les devoirs de l’amitié et les fonctions du sentiment. Chargé de penser à un ami, dans ce lieu romantique, il se recueille, pense, et encore une fois le sentiment est satisfait.

L’on franchit Montey et tous se réunissent sur un pont couvert au sortir de la ville. La pluie commence à s’approcher de nous et l’on fait provision de parapluies.

Cinq des voyageurs sont attaqués successivement par un vorace petit chien noir, qui menace de les avaler. Murray, Dupasquier qui ferment la marche, se couvrent de gloire dans l’action et protègent la retraite.

Le pantalon de M. Murray se trouvant dans un état déplorable M. Töpffer demande à ce jeune voyageur s’il en a un autre dans son sac. Murray répond que oui, qu’il en a un peuple, c’est à dire pourpor, ce qui signifie pourpre. Cette réponse tranquillise tout le monde.

La pluie devenant plus forte nous accompagne jusqu’à St. Maurice. M. Galline affirme que la tourne lui tête. Arrivée à l’hôtel, M. Dupasquier a disparu, on le cherche, on s’inquiète. Hélas ! ce brave jeune homme était dans son lit où il se faisait servir un bon souper. Nous donnons à son sort un juste tribut de larmes, après quoi nous gagnons la chambre à manger, quartier général de rigueur, où nous attend un bon souper.

Pendant le souper un son de cloche lugubre et opiniâtre excite un effroi qui se change en gaîté. Vin excellent. Huit fraises chacun au dessert. Biscuit lucratif et bourratif. Service intermittent.

Nuit assez bonne. Dans le lit de MM. Galline et Sayous, il est impossible de trouver plus de deux bouts aux draps. Les essuie-mains excellents d’ailleurs se composent d’un petit parallélogramme, dont la diagonale n’a pas plus de 10 pouces. M. Vernet ayant oublié son bonnet de nuit à Évian, écoute les infortunes de ce malheureux bonnet, de la bouche de Diodati qui eût mieux fait, prévoyant son sort, de le sauver. C’est ainsi que ce bonnet de nuit, exilé dans une terre étrangère, ne doit plus coiffer la tête de son maître légitime, et se voit peut-être condamné à gémir sans fin sur son changement de destination. Il lui reste cependant un ami, c’est le chauffe-pied de Mme Töpffer, oublié aussi à Évian, mais un chauffe-pied et un bonnet de nuit sont par leur nature obligés à ne se voir que de loin. M. Morrison occupé toute la nuit à chercher sa couverture, finit par tomber du lit ; au point du jour il a la consolation d’apercevoir sa couverture sur Colibert qui y est chaudement enveloppé.


 

TROISIÈME JOURNÉE

Réveil agréable par un temps charmant. Dès le point du jour Dupasquier frappe aux boutiques pour trouver un Bouteillon. Il a communiqué sa maladie à Charles Roulet. Ils marchent ensemble et tout ce qui dans Saint-Maurice peut ressembler à un Bouteillon leur est présenté. Morrison est sur le point de se noyer dans un ruisseau, victime de son dévouement pour la canne de Sayous qui se noie.

Route délicieuse au travers des bosquets de noyers qui conduisent à Bex. Nous entrons dans la fameuse auberge du lieu, auberge si chère à nos cœurs, et qui nous rappelle de si tendres souvenirs. Là un écriteau qui porte en grands caractères Limonade gazeuse, nous donne subitement une soif ardente, et aussitôt il se forme des associations particulières dans le but d’exploiter cette limonade gazeuse. En peu d’instants la cave de M. Durr est mise à sec. Nous remarquons que cependant l’écriteau séducteur reste à sa place, et nous plaignons le sort de nos successeurs, qui n’auront dans leur soif extrême d’autre consolation que celle d’apprendre que nous bûmes tout, et de lire et relire et puis relire encore ce traître écriteau. Dupasquier achète son cinquième et dernier Bouteillon et dès lors il vit content sur cet article.

Déjeuner exquis et abondant. D’une cafetière immense et cyclopéenne qui réduit notre taille à rien, coulent des torrents d’un café bouillant et limpide. Une armée de petits pots contiennent une crème blanche comme la neige. Pourtalès et Morrison discutent à fond la véritable manière de manger le miel.

Après le déjeuner, départ pour visiter les Salines. Nous suivons des sentiers délicieux le long d’un rocher couronné de bois touffus. Arrivés sous un berceau de châtaigniers, l’endroit nous paraît si frais et champêtre que l’on décide que la caravane y campera quelque temps. Tous les livres se remplissent de dessins admirables.

Henry Roulet montre dans ce séjour de la paix et des arts, une ardeur belliqueuse intempestive. Son frère est en butte aux coups du sort, il sait trouver l’infortune dans d’innocents badinages. On décide qu’il est digne de louanges pour avoir dignement supporté une adversité de son choix. Morrison et Colibert font sur la droite des excursions éminemment géographiques.

L’on reprend la route des Devins (voyez pl. 8) où se trouvent les Salines. Avant d’entrer dans les froids souterrains l’on fait encore une halte humectée d’un petit ordinaire de vin blanc. Après s’être munis de lampes, les vingt et un voyageurs entrent par une porte étroite dans le séjour des ombres et de la nuit. Chacun se plaint de n’y pas voir clair. Tombazi est affecté de peur et d’effroi selon la version la plus authentique. Henry Roulet perd momentanément la vue, et désire fort, en secret, que ce plaisir nouveau ne dure pas longtemps. Nous visitons le grand réservoir, un puits de 800 pieds dans lequel on jette du feu pour en mesurer la profondeur, et au milieu de la fumée des lampes, et des cris de : Je n’y vois pas, Éclairez ici, la lampe ! la lampe ! l’on parvient à sortir de ce séjour ténébreux et humide, et l’on retrouve avec joie la douce lumière des cieux.

Pendant cette expédition le ciel s’est chargé de nuages et une fine pluie que fait briller le soleil vient à propos rafraîchir la nature. Halte et académie de dessin sous un hangar. Henry Roulet persistant à troubler l’académie est condamné à subir une longue captivité à côté de M. Töpffer. Il s’y résigne avec courage.

M. Töpffer est menacé du plus triste des malheurs. Le tabac est sur le point de lui manquer. Il use sa tabatière à force d’y chercher de quoi vivre, et depuis longtemps ne prise plus qu’une fine poussière, maigre quintessence, qui peut à peine tromper son désespoir.

M. Bovet s’est assuré de la personne de M. Murray, et muni d’un archet de sapin, il joue harmonieusement de la basse sur le pantalon peuple, c’est à dire pourpor, c’est à dire pourpre de son jeune ami. Une musique générale du même genre ne tarde pas à se faire entendre sous le hangar, chacun, les artistes exceptés, faisant mille manœuvres bruyantes au grand préjudice de l’académie.

La pluie cesse et le soleil reparaît ; l’on redescend et les voyageurs sous la conduite de Mme Töpffer vont visiter les bâtiments de graduation, les machines et chaudières qui servent à confectionner le sel. Pendant ce temps M. Töpffer a pris la route du Bévieux où il va rendre visite aux parents de Louis Favre. Le quartier général est indiqué à Bex où l’on ne tarde pas à se rendre, et où nous trouvons Louis Favre dans la plus belle tenue, qui est venu fraterniser avec ses camarades.

Départ de Bex. Route agréable jusqu’à Aigle. Intervalles de pluie et de beau temps. Près d’Aigle M. Murray, toujours fabolo, s’écrie : Voilà Bovet qui se… puis il ajoute gravement : Je faim et se tait jusqu’à Villeneuve. Le pavé d’Aigle est d’un raboteux très flatteur pour des pieds fatigués. Nous en jouissons pleinement. Au sortir de la ville, attaque furibonde d’un chien. Il est mis en pleine déroute.

Nous continuons à marcher dans la direction de Villeneuve où selon les rapports de diverses personnes, nous attend une auberge éminemment confortable, tout nouvellement établie. Arrivés sur les lieux nous apprenons que cette excellente auberge ne sera prête que dans quelques mois, et qu’on est après à la bâtir. À cette nouvelle nos estomacs saignent de douleur, et nos pieds dont l’on exige encore un service d’une heure pour gagner Montreux, se révoltent ouvertement. Cependant la nécessité force même les plus mutins à rentrer dans le devoir et ils commencent leur travail. Les ombres de la nuit descendent déjà sur les eaux et les campagnes. La route est solitaire et l’on entend les torrents gémir dans les montagnes.

La fatigue arrive à son dernier degré, le moral en souffre, des idées lugubres assiègent les imaginations les plus riantes, et Montreux ne paraît point encore. Enfin la cime du clocher paraît sur l’azur du ciel. Cette vue ranime le courage éteint et un dernier effort nous conduit au village. Notre seule notre unique crainte, c’est qu’il y ait à Montreux une excellente auberge qui ne soit pas encore bâtie. Une rébellion funeste des pieds d’accord avec les estomacs serait l’inévitable résultat d’un semblable malheur. Et qui pourrait calculer les suites.

Le pavé de Montreux nous paraît encore plus flatteur que celui d’Aigle, et nous cause des impressions d’une vivacité difficile à rendre. Enfin nous touchons à l’auberge où aussitôt, tables chaises, poêles (voy. pl. 9), tout nous sert de sièges. Fatigue mélangée de sommeil. Désespoir complet de Charles Roulet qui est inquiété dans ses songes. Bovet casse et verse des bouteilles et se livre à divers actes de maladresse qui indiquent une baisse dans ses facultés. Dupasquier cherche un lit avec la même ardeur que jadis un bouteillon. Tronchin éclopé à fond jusqu’au buste inclusivement. Murray fabuleux et mythologique jusqu’au dernier point malgré son pantalon pourpre. Morrison complètement annihilé. Diodati a un rire fumeux et errant. Galline se soutient assez bien et voit en beau. Marc est paisible, Pourtalès taciturne, Zanella regrette les délices de Bex. Tombazi n’y comprend rien. Arthur est équivoque etc. etc.

Des chants affreux et barbares se font entendre dans une salle voisine. Le souper se fait horriblement attendre ce qui prolonge notre agonie jusqu’à 11 h. Enfin on nous conduit dans une salle à manger peinte à fresque, au travers de parfums qui ne sont ni ceux des roses, ni ceux de l’eau de Cologne ni etc. etc. etc.

Souper assez étrange. L’on manque de force pour couper les mets, ou plutôt l’on réserve le peu qui en reste pour les manger. Morin est sombre comme le nuage d’un jour d’orage. Morrison renonce à toute bouffe, et préside en dormant. Viandes équivoques. Vin bon. Verres si microscopiques qu’on craint de les avaler sans s’en apercevoir.

Grande inégalité des conditions relativement à la couchée. Les bois de lits sont extrêmement rares, et dix des voyageurs ne sont séparés du plancher que par un matelas dont la tranche n’a pas trois pouces d’épaisseur. Mais il faut dire que les chambres ne sont pas pavées. Pourtalès peu satisfait de cet avantage, émigre durant la nuit et va reposer dans un tas de paille fraîche. Une bataille rangée est livrée dans la même chambre, et Sayous se signale en opérant une magnifique retraite. Hilarité prolongée dans la chambre de Morrison au sujet d’un ustensile ordinairement essentiellement rond, qui se trouve carré à Montreux. Essuie-mains longs de deux aunes sur 7 pouces de large, ce qui compense le rabougrissement de ceux de Saint-Maurice.


 

QUATRIÈME JOURNÉE

Le mot d’ordre est : Inégalité fraternité. Temps magnifique. Route agréable le long du lac jusqu’à Vevey où nous allons descendre à l’hôtel des Trois Couronnes. M. Burnat est aperçu sur un balcon au moment où il retire sa tête par un mouvement qui lui est imputé à sauvagerie. On le fait convier à déjeuner et il ne tarde pas à nous joindre ainsi que M. R. De Lap, que nous avons trouvé à Montreux.

En attendant le déjeuner il se fait une grande consommation de bière. C’est là que se consomme aussi un événement remarquable. Pour la première fois, M. Morrison manifeste une fantaisie. Ce premier pas le conduit à changer pour la première fois l’un de deux solitaires écus qui vivent au fond de son gousset depuis les temps les plus reculés. Il demande noblement une cruche de bière, il en boit noblement un verre, et abandonne noblement le reste au peuple altéré. Toute l’assemblée pousse un cri d’étonnement. L’on se dit les uns aux autres : L’écu est changé, le charme est détruit ! Mais que va devenir l’autre ! C’est ce que l’avenir seul peut nous apprendre.

M. Töpffer est repoussé avec perte ainsi que plusieurs voyageurs par une cruche de bière effervescente, qui leur lance des jets abondants d’une écume brillante et légère, et se refuse à tout accommodement amical. Déjeuner exquis, remplissant toutes les conditions voulues.

Au sortir de table l’on se disperse pour voir la ville ou des amis. Bovet s’étant égaré prend le parti de s’asseoir sur un banc hospitalier, il s’y endort et roule à terre.

Morin fait une trouvaille magnifique, qui est sur le point de le couvrir d’une gloire immortelle, lorsqu’on découvre que ce n’est qu’une dent de cochon.

Quelques voyageurs ont découvert un local où l’on peut se procurer des glaces. Ils y entrent et préludent aux plaisirs du même genre qui nous attendent à Lausanne.

Tout étant terminé à Vevey, l’on se remet en route pour Lausanne sous l’influence d’un soleil ardemment brûlant et si bien concentré entre des murailles, réfléchi par le lac, répercuté par les vignes, et exagéré, multiplié, matérialisé par la poussière, qu’il ne nous laisse aucun parti mitoyen entre un désespoir suivi d’une prompte cuisson et une gaîté qui conjure et brave la rôtissure. Nous adoptons ce dernier parti. Nous voulons nous rafraîchir auprès des Naïades, toutes ont mis le coquemar sur le feu, et n’envoient sur la route qu’une eau tiède et fiévreuse. Des nuages s’élèvent au-dessus de nos têtes. Il est tenu pour certain que c’est le produit de l’évaporation de la caravane. Arthur se fond complètement et l’on remarque avec douleur qu’il devient chauve. Tous nos sacs transpirent, et nos chapeaux aussi. Morrison est à moitié évaporé. Murray va prendre feu. Tronchin diminue.

Au milieu de ces scènes d’évaporation, M. Töpffer sans le vouloir le moins du monde, s’ajuste artistement sa canne au travers des jambes. Il s’ensuit un trébuchement durable pendant vingt pas au bout desquels la position verticale l’emporte enfin. Mais hélas ! il n’est plus en état d’en jouir, et tel est l’excès de son malheur que la position horizontale produite par la chute est presque envisagée par lui d’un œil d’envie.

Marc découvre les restes présumés d’un archiduc romain, qui remonte à la plus haute antiquité.

Plus loin un chien hargneux voit notre société du plus mauvais œil. Sa colère est si grande qu’elle se concentre en un grognement sourd ; l’impossibilité où il est d’éclater en aboiements sonores est sur le point de le faire crever d’une catastrophe bilieuse.

Arrivée à Cully. Tous les palais réclament impérieusement de la bière. Nous trouvons le village bruyamment occupé par les restes d’une revue. Bal champêtre, musique, soldats ivres, tambours intermittents, violent tintamarre. Nous entrons dans une chambre basse où l’on nous sert une bière exquise qui remet complètement à neuf nos forces épuisées. Au bout de la table deux soldats se font, c’est à dire, vident gravement les bouteilles jusqu’à ce qu’ils se soient mis dans un état chancelant et oublieux. L’un d’eux pressé du besoin de fraterniser avec nous, s’approche et se livre aux épanchements de la plus franche cordialité. Le seul inconvénient gît dans l’impossibilité de prévoir où et quand finira et s’arrêtera cet accès de tendresse. Le brave homme frappé du pantalon pourpre de Murray veut entamer un entretien avec lui, et lui va parler en patois. Murray tout à fait déconcerté, pense que cette langue n’est autre chose que le haut Iroquois, et garde un silence d’étonnement du plus haut comique. Nous prenons congé de ce convive bienveillant et nous nous remettons en marche sur une route hérissée d’hommes chancelants et avinés.

Nous atteignons bientôt la nouvelle route que l’on perce vers le village de Lutry.  C’est là que nous rencontrons le plus heureux idiot qui soit sous le ciel. Muni de deux bâtons, il s’escrime à jouer du violon avec ces seuls instruments, raclant du haut en bas, et se délectant délicieusement à cette harmonie. Il est vrai qu’il est parfaitement sourd. L’on nous assure que sa gaîté ne se dément jamais.

La caravane approche de la Capitale et y fait son entrée en bon ordre. Elle va descendre à l’hôtel d’Angleterre où elle est déjà connue. C’est là que différents bruits transpirent sur l’excellence des glaces qui se mangent dans un local voisin. Chacun veut par lui-même en faire l’expérience, sachant bien qu’on ne s’instruit à fond qu’en payant de sa personne et en voyant de ses yeux, ou goûtant de sa bouche. Morrison porte une seconde atteinte à son malheureux écu. D’un autre côté la bourse commune fait des avances considérables, et risque une banqueroute.

Promenade sur Montbenon. Souper hilare, bien être général. Nuit calme et sereine. Tronchin et Favre habitent une chambre mystérieuse et antique légèrement borgne. M. Töpffer couche encore sur un cylindre. Bovet a quitté le gros de l’armée, pour aller chez ses parents.

CINQUIÈME ET DERNIÈRE JOURNÉE

Réveil tardif et doux au bruit de trois voitures qui attendent les voyageurs dans la rue. Déjeuner confortable et embarquement délicieux de la caravane divisée en trois bandes, qui rivalisent de contentement.

M. Töpffer préside dans la voiture du milieu où s’engage une discussion sur les ancêtres. Tous les principes opposés sur la nature les avantages et les fins de la noblesse, s’y choquent avec politesse, et des torrents de lumières jaillissent de cet entretien.

Dans la première voiture présidée par Mme Töpffer, la conversation roule sur les Grecs. Charles Roulet y donne mille preuves d’une grande érudition et d’une connaissance approfondie de cette nation. Il attaque avec puissance Tombazi qui se défend d’une voix claire et aiguë moitié en français moitié en italien.

Dans la troisième voiture sous la présidence de M. Sayous la discussion est toute physique et matérielle, et se traite en cougnes plus ou moins bruyantes.

Halte à Nyon. Bain rafraîchissant. Dîner pompeux longtemps attendu vu la perte momentanée de 3 des voyageurs, Mme Töpffer et les 2 Hulton qui dessinent le château. Morrison met sa serviette sous lui pour plus de sûreté.

Route chaude et uniforme jusqu’à Genève où nous faisons une entrée triomphante qui attire les regards de tous les bourgeois. L’on nous prend pour une noce venant de Divonne. Enfin nous arrivons tous à bon port sur Saint-Antoine, quartier général du jour, où se trouve une classe, et où le mot d’ordre est : sagesse et travail, jusqu’à l’automne prochain, époque où il se changera en : repos et plaisir, s’il plaît à Dieu. - FIN