BIBLIOBUS Littérature française

Lettre 16


Usbek au Mollak Méhémet-Hali gardien des trois tombeaux, à Com.

Pourquoi vis-tu dans les tombeaux, divin mollak? Tu es bien plus fait pour le séjour des étoiles. Tu te caches sans doute de peur d'obscurcir le soleil. Tu n'as point de taches comme cet astre; mais, comme lui, tu te couvres de nuages.

Ta science est un abîme plus profond que l'océan; ton esprit est plus perçant que Zufagar, cette épée d'Hali qui avait deux pointes; tu sais ce qui se passe dans les neuf chœurs des puissances célestes; tu lis l'Alcoran sur la poitrine de notre divin prophète; et, lorsque tu trouves quelque passage obscur, un ange, par son ordre, déploie ses ailes rapides et descend du trône pour t'en révéler le secret.

Je pourrais par ton moyen avoir avec les séraphins une intime correspondance: car enfin, treizième iman, n'es-tu pas le centre où le ciel et la terre aboutissent, et le point de communication entre l'abîme et l'empyrée?

Je suis au milieu d'un peuple profane. Permets que je me purifie avec toi; souffre que je tourne mon visage vers les lieux sacrés que tu habites; distingue-moi des méchants, comme on distingue au lever de l'aurore le filet blanc d'avec le filet noir; aide-moi de tes conseils; prends soin de mon âme; enivre-la de l'esprit des prophètes; nourris-la de la science du paradis, et permets que je mette ses plaies à tes pieds.

Adresse tes lettres sacrées à Erzeron, où je resterai quelques mois.


D'Erzeron, le 11 de la lune de Gemmadi 2, 1711.

 

 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021