BIBLIOBUS Littérature française

Épigrammes - Boileau(1693 ?)

 

 

 

Tout me fait peine ,

Et, depuis un jour ,

Je crois Clymène ,

Que j'ai de l'amour

Cette nouvelle

Vous met en courroux

Tout beau , cruelle

Ce n'est pas pour vous


 

À monsieur Racine.

 Racine, plains ma destinée !

C’est demain la triste journée

Où le prophète Desmarets,

Armé de cette même foudre

Qui mit le Port-Royal en poudre,

Va me percer de mille traits.

C’en est fait ! mon heure est venue.

Non que ma muse, soutenue

De tes judicieux avis,

N’ait assez de quoi le confondre :

Mais, cher ami, pour lui répondre,

Hélas ! il faut lire Clovis*.

 

* Poème de Desmarets, ennuyeux à la mort. (BOILEAU.)

 

Contre Linière.

 

Linière apporte de Senlis

Tous les mois trois couplets impies.

À quiconque en veut dans Paris

Il en présente des copies :

Mais ses couplets, tout pleins d’ennui,

Seront brûlés, même avant lui.

 

Sur une satire très-mauvaise, que l'abbé Cotin avait faite, et qu'il faisait courir sous mon nom.

 

En vain par mille et mille outrages

Mes ennemis, dans leurs ouvrages,

Ont cru me rendre affreux aux yeux de l’univers.

Cotin, pour décrier mon style,

À pris un chemin plus facile :

C’est de m’attribuer ses vers.

 

 

Contre l'abbé Cotin.

 

À quoi bon tant d’efforts, de larmes et de cris,

Cotin, pour faire ôter ton nom de mes ouvrages ?

Si tu veux du public éviter les outrages,

Fais effacer ton nom de tes propres écrits.

 

À mm. Pradon et Bonnecorse qui firent en même temps paraître contre moi chacun un volume d'injures.

 

Venez, Pradon et Bonnecorse,

Grands écrivains de même force,

De vos vers recevoir le prix ;

Venez prendre dans mes écrits

La place que vos noms demandent.

Linière et Perrin vous attendent.


Sur la fontaine de Bourbon, Où l'auteur était allé prendre les eaux, et où il trouva un poète médiocre, qui lui montra des vers de sa façon. Il s'adresse à la fontaine.

 

Oui, vous pouvez chasser l'humeur apoplectique,

Rendre le mouvement au corps paralytique,

Et guérir tous les maux les plus invétérés :

Mais quand je lis ces vers par votre onde inspirés,

Il me parait, admirable fontaine,

Que vous n'eûtes jamais la vertu d'Hippocrène.

 

 

Sur la manière de réciter du poète Santeuil.

 

Quand j’aperçois sous ce portique

Ce moine au regard fanatique,

Lisant ses vers audacieux,

Faits pour les habitants des cieux,

Ouvrir une bouche effroyable,

S’agiter, se tordre les mains,

II me semble en lui voir le diable

Que Dieu force à louer les saints.

 

Imitée de celle de Martial, qui commence par Nuper erat medicus, etc.

 

Paul ce grand médecin, l’effroi de son quartier,

Qui causa plus de maux que la peste et la guerre,

Est curé maintenant, et met les gens en terre :

Il n’a point changé de métier.


Sur la réconciliation de l’auteur et de Perrault.

 

Tout le trouble poétique

A Paris s’en va cesser ;

Perrault l’antipindarique,

Et Despréaux l’homérique,

Consentent de s’embrasser.

Quelque aigreur qui les anime,

Quand, malgré l’emportement,

Comme eux l’un l’autre on s’estime,

L’accord se fait aisément.

Mon embarras est comment

On pourra finir la guerre

De Pradon et du parterre.

 

Parodie burlesque de la 1re ode de Pindare, à la louange de M. Perrault.

 

Malgré son fatras obscur,

Souvent Brébeuf étincelle :

Un vers noble, quoique dur,

Peut s’offrir dans la Pucelle.

Mais, ô ma lyre fidèle,

Si du parfait ennuyeux

Tu veux trouver le modèle,

Ne cherche point dans les cieux

D’astre au soleil préférable ;

Ni dans la foule innombrable

De tant d’écrivains divers

Chez Coignard rongés des vers,

Un poète comparable

À l’auteur inimitable

De Peau-d’Ane mis en vers.

 

J’avais résolu de parodier l’ode ; mais dans ce temps-là nous nous raccommodâmes M. Pérrault et moi. Ainsi il n’y eut que ce couplet de fait. (Boil.)

 

 

Sur ce qu’on avait lu a l’académie des vers contre Homère et Virgile.

 

Clio vint l’autre jour se plaindre au dieu des vers

Qu’en certain lieu de l’univers

On traitait d’auteurs froids, de poètes stériles,

Les Homères et les Virgiles.

Cela ne saurait être ; on s’est moqué de vous,

Reprit Apollon en courroux :

Où peut-on avoir dit une telle infamie ?

Est-ce chez les Hurons, chez les Topinambous ? —

C’est à Paris. — C’est donc dans l’hôpital des fous ? —

Non ; c’est au Louvre, en pleine Académie.

 

 

 

 

Sur ce qu’on avait lu a l’académie des vers contre Homère et Virgile.

 

J’ai traité de Topinambous

Tous ces beaux censeurs, je l’avoue,

Qui, de l’antiquité si follement jaloux,

Aiment tout ce qu’on haït, blâment tout ce qu’on loue ;

Et l’Académie, entre nous,

Souffrant chez soi de si grands fous,

Me semble un peu Topinamboue.

 

Sur ce qu’on avait lu a l’académie des vers contre Homère et Virgile.

 

Ne blâmez pas Perrault de condamner Homère,

Virgile, Aristote, Platon :

II a pour lui monsieur son frère,

G....N.... Lavau, Caligula, Néron,

Et le gros Charpentier, dit-on.

À monsieur Perrault, sur les livres qu’il a faits contre les anciens.

 

Pour quelque vain discours sottement avancé

Contre Homère, Platon, Cicerón ou Virgile,

Caligula partout fut traité d’insensé,

Néron de furieux, Adrien d’imbécile.

Vous donc qui, dans la même erreur,

Avec plus d’ignorance et non moins de fureur,

Attaquez ces héros de la Grèce et de Rome,

Perrault, fussiez-vous empereur,

Comment voulez-vous qu’on vous nomme ?

 

À monsieur Perrault, sur les livres qu’il a faits contre les anciens.

 

D’où vient que Cicerón, Platon, Virgile, Homère,

Et tous ces grands auteurs que l’univers révère,

Traduits dans vos écrits nous paraissent si sots ?

Perrault, c’est qu’en prêtant à ces esprits sublimes

Vos façons de parler, vos bassesses, vos rimes,

Vous les faites tous des Perraults.

 

 

 

À monsieur Perrault.

 

Le bruit court que Bacchus, Junon, Jupiter, Mars,

Apollon, le dieu des beaux arts ;

Les Ris même, les Jeux, les Grâces et leur mère,

Et tous les dieux enfants d’Homère,

Résolus de venger leur père,

Jettent déjà sur vous de dangereux regards.

Perrault, craignez enfin quelque triste aventure :

Comment soutiendrez-vous un choc si violent ?

Il est vrai, Visé vous assure

Que vous avez pour vous Mercure ;

Mais c’est le Mercure galant.

 

 

À monsieur Perrault.

 

Ton oncle, dis-tu, l’assassin

M’a guéri d’une maladie :

La preuve qu’il ne fut jamais mon médecin,

C’est que je suis encor en vie.


 

À un médecin.

 

Oui, j’ai dit dans mes vers qu’un célèbre assassin,

Laissant de Galien la science infertile,

D’ignorant médecin devint maçon habile :

Mais de parler de vous je n’eus jamais dessein,

Lubin ; ma muse est trop correcte.

 

 

 FIN

 

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021