BIBLIOBUS Littérature française

Au fond du verre : histoires d’ivrognes - R. P. Hugolin (1877 – 1938)

  

Maison du tiers-ordre, 1908.

R. P. Hugolin, O. F. M.

Missionnaire de la Tempérance

 

MONTRÉAL

MAISON DU TIERS-ORDRE, AVE SEYMOUR, 29

1908.

 

 


 

TABLE

  • Robichoux 
  • Le père était ivrogne 
  • Mort sans le savoir 
  • À la bouche d’un égout 
  • Veillée funèbre 
  • Cousu… et pas de fil blanc ! 
  • Dans un nuage d’alcool 
  • La poitrine m’ouvre ! 
  • Bravo, le fils ! bravo, le père ! 
  • Postface 

 

 

 

Robichoux
Je ne veux pas d’ivrogne, pas de tapageur, chez moi !… Et vlan ! une main au collet, l’autre… ailleurs, le cabaretier aux larges épaules, au ventre en boule, jette à la porte Robichoux, qui roule dans la neige…

C’est bien la centième fois que Robichoux  saôulé, désargenté et casseur entend le respectable aubergiste lui déclarer : « Je ne veux pas d’ivrogne, pas de tapageur, chez moi ! » et qu’il se voit ignominieusement jeté à la porte… et ce sera bien aussi la centième fois demain que Robichoux retournera au cabaret, accueilli par le sourire engageant du buvetier, pour être de nouveau saôulé, désargenté, puis expulsé par sa large main et par son large pied… lorsqu’il parlera de tout casser…

Pas de cœur dans la poitrine, Robichoux !…

Le cœur aux talons, l’aubergiste !

L’ivrogne s’est ramassé comme il a pu… a retrouvé son casque roulé à dix pas… s’est retourné vers l’auberge qu’il apostrophe du poing et de la voix.

Puis grommelant il s’ébranle…

Il y a un bon mille du cabaret à la maison de Robichoux, et ce qu’il fait froid en cette nuit du 22 décembre ! L’ivrogne titube, tombe et se ramasse pour rechuter… il va comme ça, plus longtemps étendu que debout.

Sa maison a donc reculé ?… n’y arrivera-t-il donc jamais ?… Il sent le froid l’envahir ; chaque minute le fige, et voilà déjà trois quarts d’heure qu’il cherche son équilibre et son logis…

Et toujours il titube, tombe, se relève pour tomber encore…

Il est une heure, aucun passant attardé ne survient pour aider le malheureux.

À chacune des chutes de l’ivrogne, ses mains nues font une plongée dans la neige étincelante ou se collent à la glace du chemin.

Maintenant ses jambes, engourdies par l’ivresse, ankylosées par le froid, ne le portent plus debout. Robichoux ne marche plus que sur ses mains et ses genoux.

Il se traîne ainsi dans la neige et sur le verglas… longtemps… un quart d’heure ? une demi-heure ?…

Enfin ! la voilà sa maison !… Ô joie d’y arriver ! va-t-il se chauffer, se dégeler !

Il se rue sur la porte, qu’on lui ouvre… et roule sur le plancher.

— Chauffez, chauffez le poële !…

Une heure après, Robichoux affaissé par terre hurlait la douleur de ses deux mains, gelées jusqu’aux poignets…

C’était un spectacle affreux. Les mains tuméfiées, écarlates, crevées par endroits, ruisselaient la sérosité… le moindre contact des mains entre elles, ou des doigts sur le plancher faisait sursauter de rage le misérable. Il allait sans relâche des sanglots aux cris fous… c’était horrible.

« Il faut amputer les deux mains », prononça le docteur…

Elles furent amputées.

Robichoux était père de six enfants…

Devant le comptoir, deux mois plus tard, à l’auberge, vous auriez pu voir un homme accoudé sur le zinc, levant vers le plafond des moignons de bras à peine cicatrisés. Penché sur un verre, il buvait, buvait… avec une paille…

C’était Robichoux.

Et derrière le comptoir l’aubergiste aux larges épaules, au ventre en boule, digne, heureux, souriant…

Pas de cœur, Robichoux !

Le cœur aux talons, l’aubergiste !

 

 

Le père était ivrogne
Au mois de janvier dernier, sur la demande qu’on m’en avait faite, j’allais, rue X… no. 178, visiter une jeune fille malade. Le no. 178 est une pauvre maison de faubourg, un de ces misérables taudis refoulés hors des villes, près des dépotoirs, avec les scories et les rebuts sans nom.

Par la cour infecte et l’escalier branlant, j’atteignis la porte qu’on m’ouvrit. J’entrai : des nuages de vapeur, s’échappant de plusieurs cuves, embuaient l’appartement surchauffé ; des cordes tendues fléchissaient sous le poids du linge humide ; deux femmes lavaient.

« Tiens ! c’est jour de lessive ? »

La mère me dit : « C’est tous les jours lessive pour nous. Il faut bien gagner sa vie. On lave pour les autres…

— Qui donc est malade ici ?…

— Moi, mon père. »

J’aperçois, à travers la vapeur épaisse et chargée de cette senteur chaude et lourde de linge bouilli, une forme humaine étendue sur un canapé et qui lentement se soulève.

« Ah ! c’est vous la malade ? »

Je m’approche, et du premier coup d’œil je reconnais la maladie trop évidente : la pauvre est hydropique. Elle n’a que vingt ans et souffre de son infirmité depuis dix-huit mois. Des palpitations du cœur sont venues compliquer la situation, de sorte que par prudence il a fallu, il y a quelques jours, administrer la malade qui peut mourir subitement d’un moment à l’autre. Elle le sait, s’y attend, sourit à la mort qui sera pour elle une délivrance, et sourit au visiteur…

La mère et l’autre personne avaient interrompu leur travail. Les planches cannelées demeuraient en repos, les rouleaux du « tordeur » ne tournaient plus, et les deux laveuses, les manches retroussées et la figure baignée de buée chaude, tournées vers moi, m’écoutaient.

De mon mieux je donnai à l’affligée quelques paroles de consolation et d’encouragement ; en me retirant, l’air stupide de la jeune femme qui lavait avec la mère me frappa ; je lui adressai une question, par bonhomie : « Êtes-vous parente de la malade ? »

La mère me répondit pour elle : « C’est ma fille aînée. Depuis l’âge de deux ans elle est paralysée du cerveau. Elle a fait sa première communion, mais elle ne communiera plus désormais qu’à l’article de la mort ; elle n’est pas capable de distinguer le bien du mal. Elle ne sait pas se gouverner : ainsi, elle laverait jusqu’à se faire mourir ; elle ne saurait pas s’arrêter d’elle-même. »

Pauvre mère ! me dis-je. Deux grandes filles, dont l’une est folle, dont l’autre va mourir.

« Avez-vous d’autres enfants ?

— Non. J’en ai eu cinq autres, qui sont morts jeunes. Ah ! ils sont au ciel ceux-là !… Je n’ai que ces deux filles.

— Et le père ?… »

C’est avec une instinctive appréhension que je hasardai ce petit mot inquisiteur « Et le père ! »… Cette simple évocation jeta soudain la pauvre mère dans un monde intérieur, et voilà son visage de tristesse grave. Devant sa pensée se dressait visiblement une longue suite de souvenirs cruels ; ils ne mirent cependant dans sa voix qu’une expression de lassitude douce et d’accoutumance sans amertume quand, levant la tête, elle me répondit : « Ah ! le père, il boit… »

Il boit ! Je compris tout. Le Père était ivrogne !… Il avait donné aux cinq petits enfants qui étaient morts tout jeunes, un sang vicié, des maladies qui les avaient tués presque en naissant. Aux deux survivantes il avait donné les germes de leurs infirmités : à l’une la folie, à l’autre l’hydropisie…

Le père était ivrogne ! Ah, je compris ce lavage quotidien, ces travaux mercenaires de l’épouse, ce service à la journée. Il fallait bien nourrir la famille que le misérable sacrifiait à sa passion…

La mère me l’expliqua d’un air résigné plus poignant qu’une explosion de colère, et qui me révélait mieux que ces paroles tout ce qu’elle avait dû souffrir pour en arriver à son actuelle insouciance. Sans révolte, sans éclat de voix, sans indignation, du ton qu’elle eût parlé des malheurs d’une autre, devant l’idiote qui souriait béatement accoudée à sa cuve, devant la malade assise sur le canapé, elle me dépeignit les mœurs de son mari.

Éternelle histoire de tous les ivrognes ! Le sans-cœur laissait sa famille sans pain, sans feu. Au jour de l’an, sur les neuf piastres de son salaire il en avait sacrifié trois à sa femme, donnant les six autres à sa passion. Quand il est ivre, c’est un tyran capricieux et brutal. Ne s’avisa-t-il pas l’autre jour, par un froid très rigoureux, de vouloir exposer sa fille malade au grand air de la rue : « Ça te fera du bien, » lui dit-il avec un ricanement bestial. La mère s’y opposa. Cette folie eût tué la pauvre infirme.

La malheureuse mère n’a plus la force ni la santé d’autrefois. Elle lave, elle lave toujours, mais ne mange presque plus. Son estomac est ruiné…

Je sortis le cœur navré de ce que j’avais vu et entendu. Pauvre femme, pauvres filles, père infâme ! « Heureusement, dis-je en sortant, qu’il y a le ciel après cette vie. » Je me retins pour ne pas ajouter : et qu’il y a un enfer !

J’avais des malades à visiter dans deux autres maisons. Je m’y rendis.

Dans l’une de ces familles, une enfant — la malade que je venais voir — était morte. La phtisie l’avait tuée. Et d’une. La mère était absente, je sus ensuite pourquoi ; ce fut le frère qui me reçut. Le jeune homme est infirme : enfant, il a eu les fièvres ; resté perclus d’une jambe, il ne marche qu’avec des béquilles. Et de deux. La grande sœur à été mise à la porte par sa mère pour une chose très grave, résultat de son inconduite. Et de trois. Le frère aîné est ivrogne. Et de quatre. La malédiction pèse sur cette famille : le père est ivrogne…

« Ça boit de père en fils », me dit le pauvre infirme, qui est, lui, un brave enfant. Le grand père, qui demeure au Lac Saint Jean, est venu aux fêtes passer un mois avec nous. Tous les soirs il s’est saoulé. La grand mère — que Dieu ait pitié de son âme — buvait également. Rien d’étonnant que le père boive ! »

Et le fils ivrogne donc, comment ne le serait-il pas ? Il se sent poussé à boire, et il gémit de cette inclination perverse. Un jour, après un excès de boisson, il déclarait à sa famille : « Je bois parce que mon père boit : j’ai du whisky dans le sang. »

Qui lui a appris cette épouvantable loi de l’atavisme ? Personne sans doute, mais il la sent qui brûle ses veines.

La mère, ai-je dit, était sortie.

Elle était allée se munir d’un mandat d’arrêt contre son mari. Elle avait cédé aux conseils de ses voisines et à la prudence. Car le mari, quand il est en boisson, est une brute. La hache à la main il veut tout détruire. Tout dernièrement il menaçait de briser une belle machine à coudre toute neuve. S’il reste encore quelques meubles sous ce pauvre toit, c’est grâce à l’épouse, femme de bonne taille, qui tient tête à l’ivrogne, l’accule au mur et le désarme.

Pauvre famille ! pauvres enfants ! quelles scènes lamentables se déroulent habituellement à ce foyer ! Une fillette de huit ans, la plus jeune de la famille, grandit au millieu de ces horreurs et de ces tristesses. Elle est pâle, maladive. Va-t-elle mourir comme la grande sœur ?…

Père infâme !…

Dans la troisième et dernière maison que je visitai, et qui regorgeait également de malades et de malheureux, j’appris que là aussi le père buvait.

Je suis sûr qu’en répétant l’expérience dans chacune de ces nombreuses demeures pleines de maladies, de misères ou de deuils, on trouverait presque partout cette même cause :

L’intempérance du père de famille.

 

 

Mort sans le savoir
Ivrogne, il l’était dans toute l’ignominie du terme. Vingt années passées à boire, à désoler sa famille, à gaspiller un beau talent, à se déshonorer, à se tuer ! Il y avait réussi, oh ! pleinement !…

Perdu d’honneur et de santé, méprisé de tous, le notaire vivait seul dans sa maison, triste foyer depuis longtemps abandonné par la femme et les enfants. Allez donc vivre avec une brute toujours avinée !…

Solitaire il vivait donc, dans de journaliers tête-à-tête avec ses flacons de genièvre. Il en vidait alors deux chaque jour.

Il cuisinait lui-même ses repas, du reste fort rares, étant donné qu’un buveur selon le dicton, ne saurait être un grand mangeur ; et l’on sait pourquoi. Fort simple également son menu : quelques patates bouillies. Il s’en préparaient pour plusieurs jours, et les mangeait froides.

Un jour, au sortir d’un de ces repas lourds et indigestes, il tomba foudroyé sur le plancher de la cuisine. Par un heureux hasard il fut presque aussitôt trouvé. On le transporta sur son lit. Le médecin appelé en toute hâte déclare que c’est la mort inévitable : une question d’heures.

Le prêtre accourt pour l’y préparer. X. depuis nombre d’années faisait ses pâques à la vérité, mais on peut le dire, entre deux ivresses. Voici de quelle manière l’ivrogne reçut une dernière fois l’absolution.

Tout d’abord il ne voulut pas entendre parler de sacrements, ne se rendant pas compte de la gravité de son état.

« Notaire, le temps presse. »

— Mais je ne suis pas en danger.

— Écoutez. Le médecin déclare que vous n’avez plus que pour deux heures…

— Comment, comment, vous me faites trembler…

— Je vous dois la vérité. Vous n’êtes pas un enfant. De grâce, ayez pitié de votre âme, confessez-vous, il n’y a pas une minute à perdre !…

— C’est bon, c’est bon… » et le moribond faisant évacuer la chambre, reste seul avec le prêtre. Or, à peine ouvre-t-il la bouche qu’il tombe dans le coma et s’endort profondément…

« Notaire !… Oui, oui… » et le malheureux se rendort. Ce n’est que de peine et de misère, et en tenant éveillé le moribond par d'incessantes piqûres que le prêtre put le confesser — oh ! combien sommairement ! c’est dans cet état de demi-veille et de demi-sommeil qu’il administra.

Un notaire se présente pour recevoir les dernières volontés de son confrère. Il en vient à bout vaille que vaille… On met entre les doigts du moribond la plume pour qu’il signe : « Je ne puis », soupire-t-il, et la plume lui échappant des doigts, il expira…

« Cet homme, conclut le prêtre, celui-là même qui avait assisté le moribond, et qui me racontait ce fait, cet homme est mort sans croire et sans savoir qu’il allait mourir… Dans quel état a-t-il paru devant Dieu !… »

 

 

 À la bouche d’un égout
Toute passion fait de l’homme qui se livre à elle un esclave — esclave qui n’a plus dans l’esprit d’autre pensée, dans le cœur d’autre désir, dans la volonté d’autre énergie que la pensée, le désir et l’énergie sauvage de servir sa passion et de la satisfaire. Il en viendra, l’esclave d’une passion — peu importe laquelle — aux extrémités les plus révoltantes et les plus honteuses pour lui donner sa pâture.

L’ivrogne, moins que les autres, échappe à cette déchéance morale et à cet humiliant oubli de sa dignité d’être humain. Qui n’a par exemple vu de malheureux alcooliques se faire mendiants au profit de leur passion ? Mais lisez ce fait : il en évoquera beaucoup d’autres semblables devant votre mémoire. Il m’a été raconté par un témoin oculaire, et absolument digne de foi.

En 1903, le monastère des Pères Trappistes d’Oka fut incendié. Or ces religieux fabriquent des vins de messe, et lors de l’incendie il y en avait dans une cave un certain nombre de barriques. La lueur de l’incendie attira d’assez loin une foule de personnes. Il se trouva dans le nombre quelques ivrognes, qui songeaient avec tristesse que tout ce vin allait être perdu… N’y aurait-il pas moyen d’en boire un peu ? ce serait autant de… sauvé.

Pénétrer dans les caves n’était plus possible. Le feu lui-même vint à leur aide. Les flammes ayant gagné les tonneaux, elles travaillèrent si fort que bientôt le sol fut inondé de vin. Un tuyau d’égout passait par la cave ; le vin s’y engouffra et coula… jusqu’au gosier des ivrognes qui, le cou tendu et la bouche béante à l’extrémité de l’égout attendaient le… précieux liquide.

— Pas dégoûtés ?

— Hé ! hé !… Ils avaient tant et tant pris de coups d’appétit !

 

 

Veillée funèbre
Donc, il est mort, Joe leur copain, le troisième du trio d’ivrognes.

S’est-il repenti de s’être tué à boire, d’avoir tant fait souffrir sa pauvre femme et ses enfants ? Toujours est-il que l’âme depuis cinquante ans immergée dans ce tonneau de whisky, en est enfin sortie pour paraître devant son Juge ; et que le cadavre est là, sur deux planches, rigide dans son habit noir : mains jointes, yeux clos, visage creusé, basané, laid…

Pour tentures mortuaires, des draps de lit. Sur une table, un crucifix entre deux cierges, de l’eau bénite avec un rameau pour en asperger le mort — de l’eau bénite et une grande bouteille de whisky…

Du whisky, car la veillée funèbre, cette nuit, est faite par Ripoche et Buvron, deux bons ivrognes, les deux survivants du trio maintenant brisé. Ne faut-il pas de la boisson pour se tenir éveillé ?… pour noyer son chagrin ?

Car ils ont bien du chagrin, Buvron et Ripoche, de voir leur ami sur deux planches, rigide, les mains jointes… (comme plus haut)

Leur chagrin est d’abord silencieux. Compassés sur deux fauteuils de salon, ils regardent le cadavre, tournant entre leurs doigts désaccoutumés un chapelet emprunté à la femme.

Le mutisme, l’inaction leur pèsent : ça ne peut pas durer indéfiniment ; ils risquent d’abord quelques réflexions, coupées de longs silences, de silences gênés.

« Pauvre Joe, crois-tu qu’il a été vite ! cinq jours au lit, rien que ça…

— Il est bien changé…

— De quoi est-il mort, sais-tu ?…

— Il paraît qu’il a attrapé du froid pour être resté couché dehors, et que ça a tourné en pleurésie. Il n’a pas pu la cracher et il en est mort…

— Pauvre Joe, ça me fait de la peine, je l’aimais bien…

— Moi aussi.

— Passe-moi donc la bouteille…

Tous deux boivent à même le goulot, longuement…

Silence. Puis, timide reprise :

« C’était un bon garçon…

— Et puis on s’amusait bien avec lui : il aimait à rire…

— Avec ça, pas de malice, il n’aurait pas tué une mouche…

— Il aimait bien à prendre un petit coup avec les amis…

— Tiens, passe-moi encore la bouteille,… je crois que j’ai envie de pleurer… » Et ainsi de suite, durant une heure.

Leur chagrin a vite sombré sous les fréquentes lampées de whisky… les silenees sont moins longs… les voilà expansifs… ils ne sont plus rigides sur les chaises trop solennelles… Ils bavardent et bavent comme au cabaret. Ils plaisantent, rient autour du cadavre, l’apostrophent avec des propos grossiers, burlesques…

Il y a quelque chose d’affreusement douloureux dans ce spectacle.

Soudain, Buvron a une idée.

« Dis donc, Ripoche, ce pauvre Joe, il ne boira plus ; on va lui payer la traite une dernière fois… »

Un rire épais, sans paroles, accueille la proposition. À deux ils saisissent le cadavre à bras-le-corps, le tirent du lit, l’appuient au mur… Pendant que Buvron, avec effort, le maintient debout, l’autre vide dans la bouche du mort le reste de la bouteille…

Ils n’en peuvent plus de rire. Le cadavre s’affale par terre, sa bouche rend le liquide…

Le matin, Ripoche et Buvron ronflaient sur le plancher, dans une mare de whisky, collés au cadavre qu’ils tenaient embrassé…

 

 

Cousu !… et pas de fil blanc !
Si vous rencontrez le père Michaud, demandez-lui qu’il vous raconte comment il a été guéri de sa passion pour la dive bouteille. Puis, sans attendre la réponse… sauvez-vous à toutes jambes !…

— La guérison du père Michaud sort donc de l’ordinaire ?

— Oh ! tout à fait…

— Mais pourquoi se sauver sans lui laisser le temps de raconter son extraordinaire guérison ?…

— C’est que le père Michaud a les bras et les poings solides…

— Ouida ! mais alors…

— Curieux, va ! Je vois bien qu’il est plus simple de vous raconter l’affaire. Écoutez donc, et plus un mot.

Pour lors le père Michaud était un ivrogne de gros calibre. Depuis quand buvait-il ? Personne n’aurait pu le dire. Les anciens savaient seulement que « Michaud l’ivrogne » était son surnom depuis sa première culotte : héritage patronymique, sans doute…

L’ivrogne avait l’habitude du samedi soir. Vous savez ce que c’est ? Le samedi notre homme passait de l’atelier à la buvette, de la besogne à l’ivresse. C’était réglé comme le temps. Le samedi n’arrive pas avec plus de régularité à la fin de la semaine, que la brosse du père Michaud n’arrivait le samedi ; si l’on eût vu le bonhomme sur ses jambes un samedi soir, on aurait pu se demander si la semaine avait perdu son samedi en route. Mais personne ne se trouva jamais en face de ce problème embarrassant.

N’allez pas croire que la mère Michaud — car il y avait une mère Michaud — n’avait pas tenté de corriger son homme.

Elle avait remué ciel et terre.

Elle avait pleuré, gémi, supplié, grondé, crié, tempêté ; tous les saints du calendrier avaient tour à tour, puis tous ensemble, été implorés en des neuvaines de neuvaines ; le bedeau avait vu plus d’une fois sa provision de cierges épuisée…

Et toujours rien, rien de rien, moins que rien. Je me trompe. La mère Michaud avait elle-même été améliorée par toutes ces épreuves et ces prières… et puis elle allait être enfin illuminée d’un trait génial et convertisseur… Mais n’anticipons pas.

… Où donc ai-je laissé le père Michaud ?… Ah ! j’y suis, à sa brosse du samedi.

Quand le bonhomme était complet, il retournait chez lui : et chez lui, couché dans son lit, il cuvait son whisky en un somme profond, béat, grand comme le monde. Vous n’avez pas vu dormir le père Michaud, vous autres. Il dormait à poings fermés, les yeux en dedans… On aurait tiré du canon à côté de lui que pas un poil de sa barbe n’eût bronché ; on lui aurait placé une bouteille de whisky sous le nez que ses narines n’en eussent pas été plus émues que d’un verre d’eau… Non, mais ce qu’il dormait, vous n’avez pas idée de ça. Il faisait plaisir à voir.

Or vous savez — ou vous ne savez pas — que le bonheur vient en dormant ? Le proverbe l’assure, et le père Michaud le dirait également, si seulement il voulait raconter sa guérison. Le bonheur, alléché par un si beau sommeil vint rôder auprès du lit du dormeur, un samedi soir, et se présenta à lui sous forme de…

— Sous forme de…

— Allons, ne dansez pas plus vite que le violon.

La mère Michaud en était arrivée à ce tournant de l’existence où une femme d’ivrogne choisit entre l’espoir quand même et le légitime découragement. Allait-elle mourir sans avoir eu un mari sobre ?…

Avant de prendre le parti de la désespérance, elle se gratta le front une dernière fois. C’était justement un samedi soir, à côté du lit de son homme qui saoul comme un polonais, dormait, dormait à poings fermés, les yeux en dedans… un vrai bonheur ! Une pensée géniale jaillit du front de la vieille. Il en est toujours ainsi quand on se gratte le front : on amène à fleur de cerveau quelque pensée, comme le soc qui déchire la terre amène au jour quelque racine…

J’ai dit que l’idée de la mère Michaud était géniale ; le père Michaud, lui, la trouva infernale. Vous autres, vous allez la trouver drôle…

La Mère Michaud se leva comme mue par un ressort : « Attends, vieil ivrogne, j’ai ton affaire… »

Elle s’engouffre dans la cuisine, où durant une minute on entend le cliquetis des tiroirs qu’elle ouvre et qu’elle ferme… puis elle reparaît munie d’un rouleau de gros fil, d’une aiguille et de son dé. Vous voyez son plan ? En un tour de main elle enroule autour du corps, des jambes et des bras du dormeur les couvertures du lit, puis elle coud, elle coud… dix aiguillées de fil y passèrent…

Ô douceur d’une vengeance si longtemps inespérée !… Je me trompe, c’est une pensée de charité qui anime l’aiguille de la mère Michaud ; elle veut guérir un ivrogne.

En quelques minutes le dormeur fut ficelé, boudiné, momifié…

La couseuse examina son œuvre, avec grand soin… Non, pas moyen que le vieux se dégage… c’est serré, solide, à toute épreuve… et puis, les jambes et les bras sont dans l’étui, sa couverture est piquée au ras du cou, aucun risque à courir…

Alors, patiemment, savoureusement, elle attendit le réveil : tel un chat couve des yeux l’illusoire liberté de la souris dont il se joue. Elle avait dans les yeux, de la férocité… allons, de la charité, la mère Michaud.

Quand l’ivrogne eut fini de cuver son whisky, il s’éveilla, ouvrit un œil, les deux yeux, voulut se les frotter…

Nenni ! les mains étaient en prison, sous clef, sous drap, si vous préférez.

Il voulut s’étirer… Bernique ! en prison aussi les jambes…

À cet instant précis la mère Michaud entra en scène… avec un bâton…

Elle ne parla pas, mais le bâton parla très fort. Oh ! l’éloquence brutale des faits ! Il parla aux épaules, à l’échine, aux bras, aux jambes, à tout le corps du prisonnier, qui hurlait de rage et de honte autant que de douleur…

Que voulez-vous qu’il fît ?

On ne fait pas toujours ce que l’on veut en ce bas monde. Oh ! s’il l’avait pu, le père Michaud aurait de grand cœur interverti les rôles, je vous en passe un papier…

Mais souvent il faut se contenter de faire ce que l’on peut… et pour l’instant le battu s’en contentait faute de mieux… il criait.

Le colloque entre le bâton et sa victime dura bien cinq minutes. Le bâton cessa enfin de parler, la victime se tut aussi ; alors la mère Michaud prit la parole.

Il n’y avait pas de copieuses explications à donner pour faire comprendre à l’ivrogne ce qui venait de se passer… Aussi n’en donna-t-elle pas ; mais elle tint ce langage :

« Michaud, je m’en tiens là pour cette fois. Mais écoute bien ce que j’ai à te dire avant que je te découse.

Si tu te saoules encore, tu dormiras ; et si tu dors, je te coudrai — et quand tu seras cousu… la vieille ramena le bâton vers le dos du bonhomme…

— Aïe ! fit-il.

— Et maintenant, vas-tu me toucher si je te découds ?

— Non » ragea le pauvre battu, tout au désir d’être enfin libéré…

Ô merveille de conversion ! ce que les larmes et les reproches, les supplications et les cris, les neuvaines et les cierges n’avaient pu opérer en 30 ans, le bâton l’avait obtenu en une fois.

Le père Michaud, au sortir de l’atelier le samedi, dans un cauchemar effrayant se voit cousu dans son lit, et la vieille jouant du bâton… brrr… il en a la chair de poule, et tout le whisky du monde ne pourrait le décider à affronter un si épouvantable réveil !…

Pour être exact je dois dire qu’il lui arriva bien encore une fois ou deux de se faire coudre… histoire de compléter la guérison qui d’ailleurs fut radicale. Jamais la cure Dixon ou la cure Mackay — voire l’Orrine — n’ont remporté triomphe aussi complet que le bâton de la mère Michaud…

Le père Michaud a conservé dans sa mémoire et un peu partout le souvenir cuisant de cette guérison…

C’est pourquoi, lorsque vous le rencontrerez, demandez-lui de vous raconter comment il a été guéri, puis, sans attendre la réponse, sauvez-vous à toutes jambes… car il a les bras et les poings solides, le père Michaud…

Mais il est doux pour sa vieille, qui l’entoure de petits soins pour lui faire oublier qu’autrefois… il a bu.

Et la mère Michaud est toute au bonheur de voir qu’elle ne mourra pas sans avoir eu un mari sobre…

 

 

Dans un nuage d’alcool.
La boisson fait mourir, mais quel ivrogne, dans l’instant même qu’elle le tue, en veut-il convenir ?

Au cours d’une de mes missions, un vendeur de boisson doublé d’un buveur tomba malade, et malade à mourir, comme le déclara le médecin. On appela le missionnaire : je me rendis auprès du moribond. C’était un gros homme, bouffi, à la figure couperosée ; dans la petite chambre où il se mourait au sein d’une chaleur étouffante, on respirait un air lourd, empuanti d’alcool bien que le malade n’en eût pas bu depuis plusieurs jours.

Il allait trépasser, c’était clair ; et sa respiration pénible disait assez ce qui le tuait : la dégénérescence graisseuse du cœur, maladie commune chez les buveurs. L’alcool recouvre le cœur d’une couche épaisse de graisse, qui en gêne les mouvements et finit par les arrêter ; c’est la mort…

J’insinuai à mon homme qu’il se mourait d’avoir bu… Il se récria, faillit se fâcher… « Mais je ne suis pas un ivrogne ! je ne me dérange jamais…

— Voyons, combien buvez-vous de petits verres par jour ?

— Peut-être 7 ou 8 verres de gin.

— Y a-t-il bien longtemps que vous buvez ?

— J’ai commencé lorsque j’ai pris le commerce des boissons, il y a 6 ou 7 ans.

— Je prenais d’abord quelques verres de bière, puis je passai au gin… Ah ! je regrette bien d’avoir tenu ce commerce. Mais ce n’est pas la boisson qui me fait mourir, vous le voyez, mon père. »

Je voyais tout le contraire. Du reste, le verdict du médecin était formel : le malheureux se mourait d’avoir bu. Mais comme il n’importait guère de l’en persuader, je changeai de sujet, et lui parlai des affaires de son âme, qui pressaient beaucoup plus.

Il mourut au cours de la mission, qui était une mission de tempérance. J’admirai comme Dieu se sert parfois de certains ivrognes pour prêcher les autres.

Je n’assistai pas aux derniers moments du moribond. Un témoin me rapporta que son dernier hoquet puait le gin, ajoutant cette réflexion que l’âme du défunt avait paru devant Dieu enveloppée « dans un nuage d’alcool ».

 

 

La poitrine m’ouvre ! La poitrine m’ouvre !
Ce dimanche-là, le bon vieux curé, comme à son ordinaire depuis que la croisade de Tempérance était commencée, avait prêché contre l’ivrognerie. Il ne se lassait pas depuis trois mois, le pasteur, de traiter ce sujet ; il y revenait chaque dimanche ; le prône y était consacré, le sermon aussi, et le catéchisme donc !…

C’est qu’il faut savoir que le curé de X… était payé, comme l’on dit, pour avoir l’alcool en abomination. Dans une paroisse toute petite, que le village à lui seul couvrait presque, quelque chose comme cinq cabarets — et des ivrognes, et des épouses malheureuses, et des misères !… un vrai ramassis de toutes les horreurs que peuvent déverser sur un coin de terre cinq cabarets acharnés à se faire concurrence.

C’était le cauchemar du curé depuis 30 ans. Aussi, vous pouvez vous imaginer s’il avait béni Monseigneur l’Archevêque pour sa croisade de Tempérance !… Dieu prenait donc enfin son peuple en pitié… Et il avait recommencé de plus belle à tonner contre les boissons que depuis longtemps, devant la stérilité de ses efforts, il avait cessé de prendre à partie. Mais ce qu’il y allait depuis trois mois ! je ne vous dis que ça…

Ce jour-là, donc, il allait finir un sermon sur les châtiments qui attendent dès cette vie les malheureux ivrognes parce qu’ils ne cessent d’offenser Dieu… lorsque les fidèles le voient qui hésite… se trouble… se tait… Tous les yeux sont rivés sur la chaire… Ce ne fut pas long. Le pasteur sortant de son trouble, prononce d’une voix grave et recueillie ces paroles :

« Mes frères, je me sens pris subitement d’un mystérieux pressentiment… il me semble qu’un grand malheur plane sur la paroisse — Si vous le voulez, après la messe nous ferons ensemble le chemin de la croix, afin que Dieu éloigne ce malheur de nos têtes. »

L’assistance entendit ces paroles avec émotion et dans un profond silence. Après la messe tout le monde resta dans l’église — tout le monde, sauf deux individus : un hôtelier et l’un des plus forts ivrognes de la paroisse. Leur sortie scandalisa fort et fit trembler les fidèles…

Le chemin de la croix est terminé, l’église évacuée… la foule stationne sur la place et commente les paroles du curé… soudain arrive une nouvelle qui se répand comme une traînée de poudre : l’ivrogne sorti de l’église avant le chemin de la croix a été frappé de mort subite… Terreur et stupéfaction… les hommes pâlissent, les femmes joignent les mains, quelques-unes se trouvent mal…

La nouvelle n’est que trop véridique. À peine l’ivrogne mettait-il les pieds dans sa maison, où étaient restés quelques membres de la famille, qu’il s’écriait : « La poitrine m’ouvre ! la poitrine m’ouvre ! bandez-moi la poitrine !… » Il s’étreint avec une rage folle ; il se roule par terre, blasphémant et hurlant : la poitrine m’ouvre !… Il mourait en un instant.

Le misérable avait fui la miséricorde de Dieu qui le voulait à l’église, il avait rencontré, chez lui, sa justice qui l’y attendait, prompte, implacable, pour sanctionner le sermon.

 

 

Bravo, le Fils ! Bravo, le Père !
Huit jours durant le missionnaire a donné une belle retraite de tempérance. Presque tout le monde va prendre la croix, renoncer à boire… et le père Boisdur s’obstine à faire bande à part. La famille est désolée.

Ce n’est pourtant pas que le père Boisdur n’ait pas besoin de la tempérance.

Il en a bien besoin au contraire, et c’est précisément ce qui désole sa famille, et en particulier l’aîné des garçons, Henri, brave jeune homme de 24 ans.

Il ne crache pas sur un verre de boisson, le père Boisdur. Disons-le tout court : c’est un vieil ivrogne. Sa femme ne le sait que trop, et la paroisse également. Lui aussi en convient parfois. Mais ce qu’il aime boire ! C’est une passion, une obsession…

Aussi, depuis que la retraite est commencée, il est sombre, ne parle presque pas… Il suit assidûment les exercices pieux, et ne manque pas un sermon.

Il voudrait bien ne plus boire, c’est ce qui l’attire à l’église, mais il ne veut pas sincèrement, c’est ce qui le rend sombre et va, hélas ! l’empêcher de prendre la croix.

Non, il ne la prendra pas, malgré les lumières reçues, malgré les chaleureuses invitations tombées des lèvres du missionnaire.

Il ne la prendra pas ; il reviendra chez lui sans y apporter cette croix de bois noire, à l’encontre de tous les braves gens de la paroisse et de bien des ivrognes, ses camarades.

Penser qu’il n’a pas eu envie de la prendre serait se tromper.

Quand il vit tous les hommes de la paroisse quitter leurs places, monter au sanctuaire en une interminable procession, et redescendre fièrement armés de la croix… Oh ! ce qu’il brûla d’envie de se joindre à eux !… Blotti dans un coin pour n’être pas remarqué, le cœur lui battait à se rompre. Le visage tourmenté par des sentiments contraires, il eut une fois un mouvement en avant… Il se ressaisit aussitôt…

« Père j’apporte la croix à la maison. C’est vous qui auriez dû aller la chercher, vous le chef de la famille. Je n’ai pas voulu qu’il soit dit que la famille aura fermé sa porte à la croix ; c’est pourquoi je suis allé la chercher à votre place. Elle va régner dans la maison cette croix, et avec elle la tempérance. »

C’est Henri qui parle de la sorte, en tendant la croix qu’il apporte.

Le père baissa la tête sans dire mot. La croix fut accrochée au mur…

Le père Boisdur n’avait rien répondu aux nobles paroles de son fils, mais il était resté rêveur…

On le vit beaucoup moins souvent à l’auberge. Il ne s’enivra plus jusqu’aux fêtes qui approchaient. Comment allait-il passer les fêtes ? Grave question pour la famille.

Le matin du jour de l’an, la famille reçut la bénédiction paternelle, puis l’aîné prit de nouveau la parole :

« Père, la croix est dans la maison. Je l’ai prise, moi l’aîné, au nom de la famille. Je désire donc qu’aujourd’hui il n’entre pas une seule goutte de boisson chez nous. »

Ce fut tout. Mais ce fut assez. Il n’entra pas une seule goutte de boisson ce jour-là chez le père Boisdur. Mais celui-ci ?…

Eh ! il pleura comme un enfant, n’accepta nulle part le verre du jour de l’an, revint chez lui parfaitement sobre, s’agenouilla avec sa famille au pied de la croix, à laquelle il jura d’être toujours fidèle, et reprit le sceptre qu’il avait laissé porter par l’aîné.

Bravo le fils ! Bravo le père !

 

 

 POSTFACE

Ce n’est pas une préface qu’il fallait à ces récits, mais une postface qui en indiquât la portée morale.

Car ils ne veulent pas seulement vous avoir intéressés, ils aspirent à vous être utiles.

Ils vous crient l’ignominie du buveur, l’abrutissement de son intelligence, l’extinction en lui du sens moral, la dégradation physique engendrés par l’ivrognerie. Ils proclament l’épouvantable loi de l’atavisme alcoolique, ils rappellent la fin malheureuse des buveurs, dénouement trop fréquent et trop juste de leur vie.

Faibles rayons d’espérance émis par ces histoires, deux conversions d’ivrognes seulement !

Ah ! c’est que les réalités tristes et sans espoir sont, hélas ! de beaucoup les plus communes dans le monde des intempérants !…

La leçon finale ?

Tout d’abord sondez le terrain sur lequel vous marchez pour vous bien assurer que vous ne descendez pas la pente qui mène du petit verre à l’alcoolisme — pente douce, insensible, fatale.

Si cet examen de conscience vous révèle que vous êtes sur le bord de l’abîme… oh ! je vous en conjure au nom de vos intérêts les plus chers, au nom de votre salut éternel, stoppez, rebroussez chemin : sinon, vous êtes un homme perdu…

Si au contraire l’examen vous rassure, remerciez Dieu, puis renouvelez en vous l’horreur de l’alcool et la crainte de ses pièges.

Tous, fuyez l’alcool comme un serpent, redoutez l’ivresse comme le démon, regardez l’habitude de la boisson comme impossible à rompre sans un miracle de la grâce…

Puissent ces quelques récits raviver ces sentiments ! Puissent-ils affiner votre prudence et tremper votre énergie !- R. P. Hugolin.- o. f. m.

 

Date de dernière mise à jour : 13/12/2016