BIBLIOBUS Littérature française

La Cantatrice - Maurice Renard (1875 - 1939)

 


À Louis Cochet

 

Le vieil Hauval – qui est toujours directeur de l’Opéra-Dramatique – peigna d’une main noueuse sa barbe de fleuve, et nous dit :

– Voilà :

En 189*, au mois de mars, on donna Siegfried à Monte-Carlo. Une interprétation hors ligne devait faire de cette reprise le grand événement lyrique de la saison ; je décidai d’y assister, et je quittai Paris avec une bande d’artistes, de critiques et de dilettantes qui couraient, sans le savoir, à l’audition la plus troublante que des vivants puissent goûter. Je vous passe les péripéties du voyage ; car notre voyage comporta des péripéties : des arrêts, des retards, une halte forcée de deux heures à Marseille, occasionnée par un accident de chemin de fer et que j’employai de mon mieux à visiter la ville. Je passe donc, je parviens en Monaco et j’arrive à la représentation.

Elle commença dans la splendeur et se poursuivit sans défaillance. Le programme était une liste de célébrités. Les premiers chanteurs du monde réalisaient le drame wagnérien. Caruso jouait Siegfried ; et nous étions dans le ravissement où son timbre et sa puissance venaient de nous plonger – lorsque l’oiseau chanta.

Vous vous rappelez qu’il y a dans Siegfried un oiseau qui chante, c’est-à-dire une femme, dans la coulisse, qui prête à l’oiseau le prestige des mots et de la mélodie.

Donc, une femme invisible se mit à chanter soudainement. Et alors il nous sembla que tous les autres n’avaient fait que miauler, rugir ou braire depuis le lever du rideau, et les sonorités de l’orchestre impeccable devinrent tout à coup criardes et fâcheuses – tant cette voix était une féerie. Sa pureté n’avait d’égale que sa force. Elle réunissait toutes les vertus que les sons peuvent acquérir, et cela d’une manière si incomparable, inouïe et surhumaine, qu’on se demandait en premier si vraiment une gorge mortelle émettait le chant prodigieux, ou si ce n’était pas une étrange voix indépendante, qui vivait toute seule… Mais à l’écouter, non, non : ce soprano caressant révélait une âme féminine, un cœur ardent de jeune fille qui l’exhalait avec un naturel charmant, comme une fleur donne son parfum… À l’écouter, on devinait à sa source une bouche vermeille et des seins blancs qui palpitaient… On frémissait, à l’écouter, ainsi qu’à regarder la fraîcheur d’une vierge trop belle…

Qui donc chantait de la sorte ?… Ma mémoire entendit alors, une à une, les cantatrices fameuses dans l’univers. Je les connaissais toutes. Je crus, un instant, que l’une d’elles nous avait fait la surprise d’accepter ce rôle inférieur. Mais nulle prima donna n’aurait pu rivaliser d’organe ou de savoir avec la fée qui chantait l’oiseau dans la coulisse.

Elle se tut. Il se fit dans la salle un bruissement sensationnel. On consulta le programme. Il ne portait qu’un nom qui fût obscur, celui que cherchaient tous les yeux : Borelli.

Le public attendait avec une impatience bizarre la rentrée en scène de l’oiseau et le moment où l’inconnue recommencerait à chanter. Moi-même j’avais de sa voix un désir tyrannique… Elle jaillit enfin, et ruissela sur nous comme une onde subtile et ensorcelante où l’on aurait voulu se baigner à jamais…

Quand la Borelli cessa de chanter pour la seconde et dernière fois de la soirée, la foule dut ressentir une contrariété voisine de la souffrance, car on entendit un grand soupir douloureux s’enfler du parterre aux plus hautes loges. Puis les applaudissements éclatèrent, si impétueux, que l’orchestre s’arrêta. Les spectateurs, levés, battant des mains, réclamaient l’apparition et le salut de la diva. Mais en vain Caruso tendait-il à la cantonade un bras solliciteur, Mlle (ou Mme) Borelli se refusait à l’ennui, sans doute, d’exhiber aux feux de la rampe un minois dépourvu de fard.

Je profitai du tumulte mondain pour m’échapper vers les coulisses à la découverte du phénomène.

Gunsbourg, le directeur, se trouva sur mon passage. Il était radieux.

– Hein, mon cher, quelle révélation !

– Mais qui est-ce ?… Borelli, Borelli… Un pseudonyme ?… C’est miraculeux : une voix de jouvencelle et une expérience de vieille artiste ! Mâtin ! quelle autorité ! quelle chaleur ! quelle…

– Quelle révélation, hein !

Gunsbourg n’en revenait pas lui-même. Pour moi, je n’avais qu’une idée : engager la Borelli à l’Opéra-Dramatique. Et je l’avouai franchement. Mais Gunsbourg secoua la tête d’un air goguenard.

– Ça, vous savez, c’est une autre affaire !

Je supposai qu’il avait traité avec la chanteuse pour une longue série de représentations. Il me détrompa, mais n’en jura pas moins – toujours d’un ton railleur – que jamais Mme Borelli ne paraîtrait sur le plateau de mon théâtre.

– Est-ce donc qu’elle ne sait pas jouer ? questionnai-je.

– Bah ! Elle apprendra. C’est un détail. Sa diction, déjà, ne laisse rien à désirer. Mon cher, présentez-moi. Vite. Je me charge du reste.

– Tenez ! La voilà qui s’en va !… La voilà qui passe au bout du corridor avec son mari. Eh bien, venez-vous ?…

Un couple venait de déboucher dans le couloir par une porte latérale et, nous tournant le dos, s’éloignait. Je les entrevis quelques secondes, avant le coin du fond, lui : stature imposante enveloppée de sombre, – elle : pauvre forme imprécise étayée de deux béquilles qui lui remontaient les épaules en cadence et la cognaient aux aisselles à chaque branle.

La cantatrice non pareille était infirme !

J’en ressentis une déception cruelle, dont la violence m’étonna quand je revins de ma stupeur.

Les Borelli s’en étaient allés. Gunsbourg attendait.

– Qu’importe ! m’écriai-je enfin dans l’ardeur de mon enthousiasme. Il n’y a point de boiterie qui tienne ! Après l’avoir auditionnée, tous les compositeurs la voudront comme interprète. On écrira pour elle des rôles sur mesure, épisodiques, immobiles ou cachés, des rôles admirables d’originalité ! des rôles de voix et non de personnes ! Que sais-je… Et puis, nous avons la ressource des concerts ; de ce côté, le champ est libre !… En tout cas, mon cher, il faut la faire entendre. Songez donc ! Il s’écoulera peut-être des siècles et des siècles avant qu’un tel prodige vocal se reproduise – s’il se reproduit ! Je suis même ahuri de ce que votre pensionnaire ne soit pas illustre en dépit de son infirmité. Où diantre avez-vous déniché ce rossignol ?

– Je l’ai vue pour la première fois il y a huit jours. Elle est arrivée un soir dans mon cabinet, amenée par le mari, ou du moins par l’individu qui se prétend le mari. C’est un personnage assez inquiétant, louche d’aspect et d’allure. Tous deux, nippés de frusques sans nom, paraissaient dans la misère. Cependant, leur mine respirait la santé de vagabonds accoutumés au grand air. Je pense qu’ils venaient d’Italie, peut-être en mendiant… Mais, somme toute, on ne sait pas d’où ils viennent. M. Borelli a débattu les conditions de l’engagement avec une âpreté révoltante. Il vit aux crochets de sa compagne, c’est manifeste. Elle a cette physionomie contrainte des Lakmés ou des Mignons, et sûrement ne chanterait pas si quelqu’un ne l’y forçait. Pauvre fille ! Avez-vous remarqué la mélancolie de sa voix ?

Non, je ne l’avais pas remarquée. D’ailleurs, mon projet me travaillait l’esprit.

– Donnez-moi leur adresse, fis-je brusquement. Je veux emmener cette femme à Paris.

Le ménage des bohèmes occupait deux chambrettes dans un hôtel de quatrième ordre intitulé Villa des Mouettes, en vue de la mer. Il se trouva que j’habitais non loin. Je m’y rendis le jour d’après, dans la matinée.

Sans le moindre protocole, un garçon me conduisit à leur appartement.

– Ils logent au premier, me dit-il, rapport à l’impotence de la dame. Ici on se passe d’ascenseur, et il n’y a pas de chambres au rez-de-chaussée.

Et comme une sonnerie de trompe tarabustait les profondeurs de l’immeuble :

– C’est lui qui joue du cor de chasse, ajouta le garçon. Ça fait déjà trois fois qu’on y dit de s’taire.

Nous arrivâmes devant une porte que la fanfare intérieure faisait vibrer, ahurissante, sauvage, mais non sans une certaine beauté rude.

Mon guide frappa. Le silence s’établit tout d’un coup. Je perçus un dialogue étouffé, le bruit s’éloignant d’une chose traînée sur le parquet, la fermeture d’une porte, puis l’ouverture d’une fenêtre… le cric-crac d’une clef…

Enfin Borelli.

Face à face, nous reculâmes. Pour mon compte, c’était de surprise, à la vue de ce gaillard patibulaire, étonnamment joufflu, basané, frisé, sorte d’hercule dangereux, à peine vêtu d’un pantalon et d’une vareuse flottante, et qui… En vérité, je ne sais comment exprimer… J’éprouvais la sensation brumeuse de l’avoir déjà rencontré, cet homme, et récemment, parbleu ! mais dans une circonstance telle que je n’aurais pas dû le revoir. Y êtes-vous ? Le fait de le retrouver me semblait – obscurément – impossible. Vague impression ; si vague qu’un peu de raisonnement l’attribua tout de suite au ressouvenir de quelque rêve.

La défiance de Borelli se dissipa moins promptement. Une inquiétude égarait ses prunelles ; et je n’en comprenais pas la raison, car, loin d’expliquer ma réminiscence, l’attitude de mon hôte semblait la contredire. (J’avais de ces rapports une conscience sourde.)

Je saluai. La face de Borelli s’ensoleilla.

– Diamine ! lança-t-il en gonflant ses joues anormales. Vous m’avez fait peur, vous, avec votre grande barbe blanche ! Perbacco, signore, on prévient, quand on ressemble pareillement à un autre !

Je lui tendis ma carte. Il éclata d’un rire formidable, où je crus démêler qu’il ne savait pas lire.

C’est pourquoi je lui dis mon nom et mon état.

Alors il me fit asseoir.

J’exposai le but de ma démarche, négligeant de parler béquilles et claudication, et faisant à la dérobée l’inventaire du logement. Borelli, poussé par une fausse honte, avait dissimulé son cor de chasse. Je ne découvrais qu’un misérable garni impersonnel : deux chaises, un lit de fer, une commode-toilette ; sur la cheminée, une pendule de bazar flanquée de deux grosses conques épineuses ; aux murailles, des chromos et des patères ; et, dans une encoignure, la malle la plus navrante qu’on puisse imaginer, vétuste et moisie, telle une épave ramassée sur la côte après un naufrage. Peu à peu, devant cette indigence, la pitié m’attendrissait. Mes offres s’en ressentirent. Elles furent… ce qu’il fallait qu’elles fussent.

Borelli les écouta sans mot dire. Par la fenêtre ouverte il regardait la mer, d’un œil perçant. Ses pieds nus, bronzés, jouaient du bout des doigts avec leurs espadrilles. Dans l’entrebâillement de la vareuse, on voyait son torse brun d’athlète napolitain se soulever fortement au rythme de la vie… Ah ! le beau gars !… Mais où donc l’avais-je aperçu ?…

Fronçant les sourcils, crispant les poings, il grommela :

– C’est bien ma veine !

Et il se mit à ricaner d’une manière sarcastique.

– Je savais bien, reprit-il, qu’on me proposerait des quantités d’or et d’argent ! C’est bien ma veine !… Je ne peux pas, perbacco ! Nous ne pouvons pas accepter. Nous ne pouvons pas aller à Paris, voyez-vous, monsieur le directeur. Je suis obligé de refuser… Ah ! l’existence n’est pas facile sur terre ! Je me demande même si nous réussirons à vivre par ici… Vous savez, au moins, que Mme Borelli est éclopée ?

– Je ne veux pas le savoir. Personne ne voudra le savoir. Elle chante et l’on est tout oreilles. Elle chante et l’on n’a plus de regards…

– N’est-ce pas ? n’est-ce pas ? Vous n’avez jamais entendu chanter comme ça, eh ?… Croyez-vous qu’elle en a des trésors dans le gosier !… Oh ! tout de même, dites, estimez-vous que je puisse gagner beaucoup d’argent avec elle ?… Qu’est-ce que vous diriez de concerts dans le noir ? Les ténèbres et la musique, ça va ensemble. On ne la verrait pas… Et puis, ça ferait des économies de luminaire… Qu’est-ce que vous en pensez ? dites, monsieur le directeur ?… J’ai l’idée d’une tournée le long du littoral : Nice, Marseille…

Profondément écœuré des façons de ce rustre qui parlait de sa femme et d’une grande artiste comme d’un objet curieux, je répliquai cependant :

– Mais pourquoi ne pas vouloir essayer de Paris ? Je certifie…

Cette gouape énorme trancha sans appel :

– Basta ! basta ! J’ai dit le littoral, ça sera le littoral ! Nous ne faisons que les plages. C’est des raisons de santé, c’est du caprice de madame, c’est des secrets de famille, c’est tout ce que vous voudrez, mais – c’est – comme – ça ! Le littoral ou rien.

Il me fit l’effet d’une brute assez rare. Aussi bien, mon opinion se fortifia lorsque Borelli, ayant distingué dans la chambre voisine un clapotis d’ablutions – qui, du reste, devaient éclabousser copieusement les alentours – se rua sur la porte de communication, l’entrouvrit, et injuria l’auteur du barbotage, dans une langue barbare et singulière. Ce fut terrible de fureur, de véhémence.

On ne lui répondit rien. Mais Mme Borelli continua de prendre son tub en sourdine. (Du moins, je suppose que c’était cela.)

L’autre, apaisé, revint à moi :

– Je regrette, allez ! je regrette, perbacco ! pour les bénéfices, comme de raison… Et aussi… Vous avez l’air d’un bon vieux… On se serait arrangés…

Il me toisait avec une bienveillance dédaigneuse.

– Je suis à votre disposition, repartis-je poliment.

Le maroufle se méprit sur le sens convenu de la formule.

– Vrai ? dit-il. Vrai de vrai ?…

S’étant rapproché, il me dévisageait sans retenue :

– Vrai de vrai de vrai ?…

Le triste sort de la chanteuse m’apitoyait assez pour que je fisse, des yeux et de la tête, un signe d’acquiescement. Sur ce, Borelli me dit à voix basse :

– Eh bien, alors, écoutez : vous pouvez me rendre un fier service !…

– Allez ! allez !

– Si vous… (il me fixa sévèrement, et, satisfait de mon maintien, reprit sur le mode confidentiel, un peu gêné peut-être.) Si vous apercevez dans les environs un homme qui vous ressemble comme votre reflet, dites-le-moi subito.

Je feignis d’accepter la mission :

– Un homme avec une grande barbe blanche ? Très vieux !

– Plutôt ! gouailla Borelli dans un sourire amer.

– Son costume ?

Il parut perplexe.

– Son costume ?… Ma foi… Pas très à la mode, sans doute. Baroque, il y a des chances. Ah ! dites donc : vous tâcherez de voir son front. Son front doit porter la marque d’une… d’un chapeau trop dur et longtemps coiffé… Tout à l’heure, quand vous vous êtes découvert, j’ai reconnu par là que vous n’étiez pas lui… Mais c’est surtout la barbe qui vous l’indiquera.

– Et s’il s’est fait raser !

Mon interlocuteur sourit encore ; cette fois, c’était sans amertume. L’évocation de mon sosie mystérieux, privé de barbe, semblait le remplir d’allégresse.

– N’ayez crainte, monsieur le directeur. Il y a des barbes qu’on ne rase pas. – Et merci, vous savez. – C’est, pour ainsi dire, un créancier… qui me traque…

Il restait songeur devant la mer.

Afin de prolonger l’entrevue et, si faire se pouvait, pénétrer plus avant dans la confiance de ce butor énigmatique, j’aventurai :

– Vous aimez la mer, à ce que je vois.

Il émergea de sa rêverie, et ses joues, empourprées, se ballonnèrent. Il souffla :

– Moi ? La mer ?… Euh… pourquoi me demandez-vous ça ?… Non, je n’aime pas la mer. Ça pue, hein ? Ça sent la marée. Vous ne trouvez pas que ça sent le poisson jusqu’ici ? Non ? Ce n’est pas ça que vous vouliez insinuer ? Non ?… Moi je trouve ! (Il criait tout à coup, d’une voix menaçante) Moi je trouve ! Ça sent le poisson ici !

Ses yeux vifs pétillaient, braqués sur les miens. Je crus devoir me retirer sans plus discourir, et je pris congé de l’irritable nomade, en le chargeant de transmettre à Mme Borelli l’assurance de ma complète admiration et du chagrin que j’emportais de n’avoir pu lui présenter mes hommages.

– Elle s’habille, argua Borelli.

Je n’étais pas dehors que la fanfare tonitruait de plus belle.

L’hercule aux joues pygéennes avait refermé sa fenêtre. Mais j’aperçus, à la croisée suivante, le visage désespéré d’une femme qui regardait la mer en pleurant.

 

Je revis le soir même les époux Borelli, au théâtre et dans les coulisses.

Pour entendre chanter l’oiseau de Siegfried, une véritable multitude encombrait la salle. Notre bande parisienne était restée tout entière à Monte-Carlo, contrairement au dessein que nous avions formé de regagner Paris le lendemain du spectacle. L’auditoire de la veille, au grand complet, se retrouvait là, grossi de force mélomanes. À défaut du plus modeste strapontin, Gunsbourg m’avait offert un escabeau derrière un portant. C’était le meilleur moyen d’approcher Mme Borelli. Je la guettai.

Ils arrivèrent. Mon souvenir le plus lamentable entre tous est celui de l’invalide consternée avançant par saccades sur ses béquilles au milieu des autres acteurs magnifiques de prestance et rayonnant d’orgueil. La malheureuse portait un accoutrement de pauvresse endimanchée. Je me rappellerai longtemps son espèce de toque informe et sans couleur, victime à coup sûr de pluies et de pluies, campée à la diable, mais sur un chignon superbe où les nattes fauves se tressaient en lourdeur, comprimant leur opulence fabuleuse… Et son corsage ! L’infortunée ! Combien de fois avait-elle lessivé ce caraco, pour qu’il devînt pisseux à ce point !… Et sa jupe ! sa jupe attendrissante, aux nuances déteintes, aux paniers surannés, toute « décorée » de guirlandes et de girandoles vieillottes – sa jupe sinistre, nouée dans le bas, comme un sac, sur la monstruosité secrète de ses jambes !…

Elle cheminait pesamment, posant le sac, et puis les béquilles, et puis le sac…

Je ne pourrais vous dire si elle était jolie ; on ne voyait que sa tristesse. Elle avait l’air d’être née le jour des Morts.

M. Borelli la serrait de près. Je m’aperçus que tous deux offraient une similitude imprécise, comme un air de famille, un je-ne-sais-quoi de roux, de hâlé, de farouche, qui les apparentait confusément. – Frère et sœur ?… Cousins ?… ou simplement compatriotes ?…

À mon aspect, l’homme s’arrêta net. Il reprit sa marche aussitôt, l’expression rassurée, les joues épanouies.

– C’est un peu fort ! je ne peux pas m’habituer à votre barbe ! dit-il en me serrant la main. Puis, à l’oreille, très bas, très vite : Rien de nouveau ? Le vieillard ?… Bon. (Il se redressa) Voici ma femme, monsieur le directeur.

J’essayai de faire parler la cantatrice. Elle murmura quelques « oui » et quelques « non » décourageants… D’ailleurs, la représentation se déroulait ; nous n’avions pas le droit de converser.

La musique régnait.

Le cor de Siegfried retentit. Borelli m’empoigna l’épaule et chuchota.

– Est-ce beau, cela ! Est-ce beau, la trompe !… Voilà ce que j’appelle un gentil morceau, facile à retenir…

Soudain, la voix de l’oiseau sortit des lèvres de l’infirme, si près de moi que ma gorge en vibrait. L’atmosphère était comme saturée d’un arôme affolant, sonore. Saisi de vertige, d’ivresse, de félicité, je chancelai. Des machinistes, des choristes, des figurants et même des chanteurs, tout le personnel du théâtre faisait cercle autour de l’estropiée. Il y avait dans sa voix autre chose que du génie et de la suavité ; il y avait un attrait inexplicable. Et, dans la pénombre du lieu, grandie, transfigurée par l’amour de son art, voici que la percluse aux cheveux d’or se parait d’une beauté irrésistible…

Elle finit. L’opéra continué faisait un vacarme fastidieux. Je sortais d’un rêve d’opium. La Borelli n’était plus qu’une créature triste et fagotée, que mes louanges ne savaient pas dérider. Les ovations la laissèrent indifférente. Son cavalier l’emmena précipitamment, « pour éviter, disait-il, les indiscrets à la sortie ». Je voulus les accompagner ; il s’y opposa, de mauvaise grâce.

 

Or, une heure plus tard, ne pouvant calmer l’agitation qui me restait d’un émoi pourtant si bref, j’errais seul au bord de la mer, assez loin des maisons.

La silhouette d’un homme debout sur un rocher se détacha de l’ombre.

La nouvelle lune éclairait faiblement le paysage marin. Je crus reconnaître Borelli. Partagé entre la crainte et la curiosité, j’avançai, furtif, à travers les blocs du rivage, le perdant de vue à chaque instant pour le retrouver plus proche, immobile autant que son piédestal. C’était bien lui, statuaire.

Où l’avais-je donc rencontré ?…

Me souvenant des transes que lui causait ma vue inopinée, je l’apostrophai à distance et m’annonçai joyeusement.

Il n’en frémit pas moins sur son rocher comme un cyprès dans un coup de vent.

Borelli semblait en contemplation devant la mer nocturne. Un noble manteau le drapait de romantisme. À ses pieds, des objets diffus s’étalaient.

– Vous ne me direz plus que vous n’aimez pas Amphitrite ! m’écriai-je sur un ton de badinage. Venir à pareille heure pour l’admirer…

– Et puis après ? gronda-t-il. Ça vous regarde, ça ?… Oui, j’aime la mer, mais pas tant que la solitude, figurez-vous !

Je m’étonnai de l’entendre s’exprimer trop haut, d’une voix qui dominait l’assemblée des vagues, alors que j’étais si près de lui. J’en accusai sa colère. Il me dit à brûle-pourpoint :

– Pourquoi n’osez-vous pas m’interroger à propos de ce qui est par terre, à côté de moi ?

– Mais… répliquai-je démonté, je n’y pensais même pas…

Borelli haussa les épaules. J’observai que la mer occupait ses yeux uniquement. Il scrutait sans relâche son étendue mouvante. Elle était sage et pailletée de lune. Un dauphin se jouait dans les flots ; par intervalles, on saisissait les torsions ou la détente de sa queue, en nacres fugitives. Les phares, échelonnés, gesticulaient diversement avec leurs bras de lumière infinis.

– Vous n’y pensiez pas ? raillait Borelli. Allons donc ! Vous avez peur. J’exècre les importuns ; vous le comprenez fort bien. Laissez-moi tranquille, mon cher monsieur !

Je n’étais qu’un vieux bonhomme sans vigueur…

– Écoutez, Borelli, je m’en vais, c’est compris. Loin de moi l’intention de vous être désagréable, mon garçon. Mais ne dites pas que j’ai peur. Je n’ai pas peur. Qu’est-ce que c’est que ces choses à vos pieds ?

– Allez-vous-en ! beugla le colosse. La paix ! la paix ! la paix ! ou sinon…

Je battis en retraite d’un pas tranquille, maîtrisant une furieuse envie de courir et de me sauver à toutes jambes.

À ma rentrée dans Monte-Carlo, je me demandai s’il n’était pas astucieux de profiter de l’absence du redoutable sigisbée pour tâcher d’avoir un entretien avec Mme Borelli. L’heure avancée me retint. Les deux fenêtres des aventuriers étaient noires ; le sommeil de l’affligée me parut un bonheur qu’il ne fallait briser qu’en échange d’un autre. Je passai.

 

L’aventure me passionnait à plus d’un chef : une voix me captivait, une femme excitait ma charité, un homme intriguait mon soupçon. Je laissai partir mes compagnons de voyage.

Au début de l’après-midi, Borelli se fit annoncer. Je le reçus dans ma chambre. Il venait en voisin, à ce qu’il prétendait. Aucune allusion à l’incident de la nuit. Mais, après quelques phrases superflues, il me pria carrément de lui confier vingt-cinq louis.

Fort ennuyé, je tergiversai, j’aiguillai la conversation sur une autre voie et je lui adressai mes compliments au sujet de l’affluence que la chanteuse attirait au théâtre et dans la principauté. Grâce à elle, la location était assurée pour quinze jours et les hôtels regorgeaient.

Là-dessus, l’époux-impresario me déclara qu’il allait exiger de Gunsbourg une sérieuse augmentation, ou que sa femme ne chanterait plus. Et je suppose qu’il était sur le point de réitérer sa demande de cinq cents francs ; mais un fait imprévu l’en détourna.

Son masque changea. L’oreille au guet, il m’imposa silence. Avant que j’eusse entendu quoi que ce fût, l’énergumène se précipita sur le balcon.

Tous les passants, tous les promeneurs se dirigeaient dans le même sens, à pas pressés, d’une allure hypnotique et taciturne qui vous angoissait au premier coup d’œil. Là-bas, du côté de la Villa des Mouettes, une voix extraordinaire lançait un chant désordonné. Et c’est vers cette voix que tous ces gens marchaient comme des somnambules.

– Je lui avais défendu cependant…

La suite se perdit. Quatre sauts l’avaient mis au bas de l’escalier, se hâtant lui aussi vers la chanteuse magnétique.

Fut-ce par l’effet de l’indomptable curiosité qui m’attachait à leur destin ? Fut-ce par la vertu de l’aimantation mélodieuse ? Toujours est-il que je bondissais derrière lui.

De toutes parts on accourait à l’appel dardé de la voix. Ce qu’elle chantait ne ressemblait à rien de connu. Cela saillissait, se tordait et s’épanchait en cris délicieux. C’était tout le printemps qui chantait tout l’amour. Les hommes, subjugués, allaient au cantique infernal comme les petits oiseaux vont à l’œil du serpent. Il y avait des femmes qui s’efforçaient d’en retenir quelques-uns, et certaines autres qui suivaient la course à la voix. Les bras se tendaient, les yeux étaient fous, les jambes fébriles s’activaient mécaniquement. Une cohue d’automates fanatisés se pressait à la porte de la Villa des Mouettes et sous la fenêtre ouverte de la chanteuse. Borelli s’y jeta d’un élan forcené, ramant des bras et des jambes, progressant à grands coups de reins et d’encolure au sein de cette onde vivante, avec des gestes de nageur et une souplesse d’amphibie. La foule en extase se laissait brutaliser. On écoutait, la bouche ouverte et les narines dilatées, la bouche et les narines aux écoutes, buvant et respirant la voix ; et l’on obéissait aux accents despotiques. « Plus près ! Plus près ! En avant ! » Voilà ce qu’ils ordonnaient sans le dire.

Comme celui-ci et comme celui-là, je me sentais captif aux rets de la mélopée, voluptueusement, et malgré moi je fonçais dans le tas humain, pour m’en rapprocher à tout prix, le tympan fasciné, l’âme engourdie… Elle eût résonné au fond d’un gouffre, que tous ses amoureux s’y fussent abîmés.

Le charme opéra jusqu’à l’intervention du manager joufflu. L’éclat nous parvint d’une semonce effroyable, proférée dans l’idiome impossible à comprendre…

Maintenant, écrasés par un silence plus silencieux que nul autre, nous nous regardions comme au sortir d’une démence adorable et honteuse. Chacun reprit sa route interrompue, la tête vidée, les nerfs meurtris, plein d’étonnement et de confusion. Beaucoup s’étaient glissés jusqu’au seuil de la chambre ; ils s’esquivaient en rougissant. Quelques-uns pleuraient. La vie recommença. Tous, au bruit qu’elle fait, grincèrent des dents.

 

Cette manière de scandale n’eut pour mon ami Gunsbourg que d’heureuses conséquences. Mme Borelli chanta l’oiseau comme la veille, en présence d’un peuple d’élite dont l’entassement débordait aux galeries et obturait les issues, lourde pâte auditive et multiple ; et la musique de Wagner ne fut pas sur ses lèvres un sortilège assez impérieux pour aspirer dans les coulisses la légion de ses adorateurs.

J’étais placé à l’orchestre.

En levant les yeux, j’aperçus non loin de moi, dans une loge, un vieux monsieur dont la longue barbe blanche me fit tressaillir. La lorgnette me révéla l’image que les miroirs ont coutume de me renvoyer, avec cette différence que, de nous deux, c’était moi le reflet ; moi la réplique effacée, molle et décolorée de ce vieillard auguste ; moi la copie dont il était l’original. Le teint d’un loup de mer, le nez romain, deux flammes turquoise sous des sourcils ombreux, le front barré d’une traverse rougeâtre comme en laissent les casques durs, il semblait l’amiral vénérable d’une escadre d’autrefois, un condottiere vieilli dans la gloire navale, un doge de Venise maîtresse de la mer – immortel ou ressuscité. Le frac gênait l’ampleur de sa poitrine. Mainte dame lorgnait cette majesté patriarcale et guerrière tout ensemble. À son endroit, des noms royaux couraient de bouche en bouche.

Nul doute : c’était là l’ennemi du signor Borelli – peut-être même son ancêtre et l’ancêtre de la chanteuse ; car, il fallait bien en convenir, l’air de famille déjà noté assimilait leurs trois visages.

Celui du vieillard revêtit une expression de grandeur tragique lorsque l’oiseau se mit à chanter. Sa vieille droite solennelle eut un mouvement nerveux, comme pour déplorer…

Bravos. Rappels. Hurrahs. Désordre.

Je voulus le revoir. Il avait disparu.

Devais-je en avertir l’intéressé ? J’hésitai là-dessus jusqu’à la fin du dernier acte, et conclusion : j’optai contre le persécuteur de ma protégée, en faveur du vieillard. L’adversaire de Borelli ne pouvait être qu’un ami de l’opprimée, un allié de moi-même ; c’était donc elle et non l’Italien qu’il importait de renseigner au plus tôt.

Dans l’espérance que l’homme joufflu se livrait encore sur la grève aux besognes ténébreuses que j’avais troublées la nuit précédente et qui, sans doute, l’empêchaient de quitter le littoral – je me rendis aux Mouettes.

Le concierge assoupi bégaya que ni M. ni Mme Borelli n’étaient rentrés du théâtre – qu’il le certifiait –, que du reste ils ne rentraient jamais avant trois ou quatre heures du matin – qu’il me l’avait déjà dit tout à l’heure, et qu’il ne comprenait pas pourquoi je le réveillais deux fois de suite pour lui demander la même chose.

La nouvelle de cette double absence embrouillait mes notions et renversait mon plan. De plus, le vieillard avait passé par là. Je résolus de tirer la chose au clair, et, délibérément, je pris le chemin des rocs où Borelli m’avait rabroué. Toutefois, m’étant ravisé, je tournai bride ; j’escaladai la falaise qui longe cette partie du rivage et du haut de laquelle je pourrais surplomber le décor et l’action.

Mon cœur battait. J’avais une âme étrange.

La nuit nébuleuse n’était pas si favorable aux aguets que sa devancière, et la lune allait seulement paraître. La mer, la mer antique, la mer latine, berçant son éternelle insomnie, récitait dans l’ombre ses légendes païennes et le poème de sa mythologie. Un peu d’écume, çà et là, blanchissait. Des nuages s’étant espacés, la clarté du ciel me montra le jeu nautique d’un dauphin, tout là-bas, en nacres fugaces.

Mais voici monter la clameur tonitruante d’un cor… et d’un cor sonnant la fanfare de Siegfried !

Je m’arrêtai.

Au-dessous de mon poste, une statue debout sur un socle : Borelli, qui sonnait de la trompe dans un instrument si petit qu’on ne le voyait pas – Borelli seul –, Borelli sculptural.

« Ah ! pensai-je subitement. Dieu ! que je suis sot ! Je me rends compte à présent. Il ne ressemble à aucun citoyen réel ! C’est aux Tritons qu’il ressemble, avec ses grosses joues ! aux Tritons des peintres et des sculpteurs ! aux deux Tritons décoratifs du château d’eau du palais de Longchamp, à Marseille, que j’ai regardés l’autre jour ! Elle est bien bonne ! Voilà pourquoi il me semblait impossible de le rencontrer, si ce n’est au pays des songes ! »

La fanfare exécutée, Borelli appelait quelqu’un. Mais il était toujours seul. Je l’apercevais par derrière. Il se tenait debout entre la mer et moi, sur le rocher, dans sa houppelande. Ses appels se multipliaient, se précipitaient, au point qu’il avait l’air d’invectiver les flots. Mais vraiment il appelait. Qui ?… Ténèbres. Personne.

Il se baissa, dégringola du roc. On ne le voyait plus… Ah ! si. Tout au bord, à la frange des lames.

Et le cor se remit à sonner, non plus le leitmotiv de Siegfried, mais de longs hurlements qui tenaient de ce qu’on nomme en vénerie appels forcés. Et puis encore un âpre discours braillé dans la solitude, vers l’obscurité méditerranéenne, le désert liquide où seul un dauphin folâtrait. Et puis encore la trompe tapageuse, impérative, mugissante…

Plus rien.

La lune, voilée de nues.

Borelli tirant sur quelque chose au bord de la mer. Quelque chose qui résistait. Tel qu’un pêcheur halant son filet – faisant le simulacre de haler son filet (on ne discernait absolument rien…) Ah ! cette chose avait cédé, s’était rompue ; tombé en arrière, il blasphéma. Je saisis des mots étrangers, des imprécations…

Il se démenait sur place. Soudainement je vis qu’il était nu. Dans la même seconde, il s’ébrouait en pleine eau, nageant avec la rapidité d’un phoque, à grands coups d’encolure et de reins, de même qu’il avait couru au milieu de la foule…

L’intérêt me faisait trembler, à l’égal d’une passion. Cependant le plus fantastique ne s’était pas encore produit.

Tandis que l’hercule nageait vers la haute mer et s’estompait au fond de la nuit – à peu près dans la direction du dauphin, qu’on ne distinguait plus –, il me fut donné d’entendre, au large, une semblance de hennissement… Plusieurs autres suivirent et s’emmêlèrent ; de gigantesques hennissements paradoxaux, avec une résonance inhabituelle ; chœur d’étalons imitant le concert aboyeur des otaries ; chevaux mâtinés de morses ; strideurs ambiguës de l’ombre et de la mer…

À ce moment, un appel de Borelli me parvint encore, par-dessus la houle.

Une voix infiniment éloignée lui répondit…

Je n’eus que le temps de m’allonger sur le sol et de me boucher les oreilles. Je venais de me sentir marcher en avant, vers le bord de la falaise. Un pas de plus, et j’étais mort. Car cette voix de tout là-bas, tout là-bas, là-bas, c’était la voix hallucinante de Mme Borelli, mais effrénée alors, et triomphale, et qui jetait son chant printanier comme un hymne de délivrance !…

Lentement je desserrai l’étau de mes poings sur mes oreilles. Ainsi je constatai que la voix humaine et les hennissements s’étaient évanouis.

La lune se leva d’un nuage massif.

Dans la mer, un point mobile venait droit sur la rive. Un autre point, brillant, le suivait à quelques brasses. Deux hommes. Le premier aborda. C’était encore Borelli. Ruisselant et soufflant, il détala vers Monte-Carlo. Le second prit pied au même endroit et s’élança d’emblée aux trousses du fuyard…

Celui-là, c’était un aïeul et c’était un géant – le vieillard dont je constituais la fade réduction. Sa longue barbe blanche flottait au vent de la chasse. Une couronne d’or le casquait de pointes de feux. Bien que sans vêtements, il eût rappelé Charlemagne, s’il n’eût été plus souverain qu’un empereur. D’un bras menaçant et superbe il brandissait une sorte de fourche, comme une lance et comme un sceptre.

La poursuite s’enfonça dans l’inconnu.

Je restai seul avec l’immensité.

Au bout d’une heure d’attente sous le clair de lune, j’entrepris de quitter le théâtre de ce drame équivoque. Mais avant tout, je descendis par un sentier jusqu’au lieu que Borelli avait hanté deux jours de suite, à ma connaissance, et chaque jour, à mon avis.

J’y trouvai son chapeau de feutre et sa houppelande romantique. Auprès d’eux, sur un paquet de hardes faciles à reconnaître pour celles de Mme Borelli, deux béquilles se croisaient. Il y avait aussi, contre la houppelande, un gros coquillage épineux, une conque.

À force de rechercher la place où j’avais surpris le noctambule s’efforçant de haler ce dont la rupture l’avait fait choir, je finis par découvrir un poteau solidement planté dans le sable, au ras du déferlage. Il retenait une cordelette d’acier, fine et résistante, qui plongeait dans la mer. J’en tirai peut-être deux cents pieds, le tout. Elle s’achevait par un large collier, ou plutôt par une ceinture – une ceinture de cuir, à cadenas, qu’on venait de trancher tout à l’heure.

Quant à Borelli, son corps barrait le passage à mi-chemin de Monte-Carlo. Il était couché sur le ventre, dans la direction monégasque. La mort, aidée du clair de lune, blêmissait jusqu’à le verdir son dos colossal, où trois blessures pareilles, équidistantes et sur la même ligne, attestaient le seul coup d’un trident justicier. (M. D’Outremort - Suite fantastique - 1913)

 

 

 

 

 

 

FIN

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021