BIBLIOBUS Littérature française

Au chevalier printemps - Olivier Georges Destrée (1867-1919)


 



Chevalier printemps, que ton visage est charmant !

Quand tu parais, chevalier, le vieux monde change et se transforme ; la terre émue tressaille et de joie se soulève ; sous la caresse de tes regards les champs reverdissent, de clairs tapis de mousse recouvrent les prairies, et les marguerites, fleurs candides et chères aux enfants qui s'en couronnent, blanches petites étoiles émaillant les champs de la terre, fleurissent en foule sous tes pas ; à ta voix bouillonnent les rivières qui chantent et s'élancent heureuses de couler à pleins bords, et de leurs longs lacets d'argent illuminent les champs en fête.

Chevalier printemps, radieux seigneur de clarté, que tes yeux sont bleus ! Le grand ciel d'azur s'éclaire et rit dans tes yeux ; il scintille de lumière, de fraîcheur et de pureté, et son éblouissante allégresse triomphe dans tes yeux et se répand sur la nature tout entière.

Chevalier printemps, chevalier du ciel, que ton nom est riant et beau, qu'il est doux à prononcer. Plongé dans des songes inconnus et des contemplations éternelles, le vieux roi du ciel lui-même est ravi quand il t'appelle, et dans sa grande barbe blanche il sourit en t'envoyant transformer la terre.

Chevalier printemps, qu'ils sont soyeux et blonds tes cheveux ; des rayons d'or s'en échappent qui flottent et se confondent avec les rais du soleil. O Seigneur couronné du laurier d'espérance, que tes lèvres sont rouges et belles ! Leur souffle embaume toute la terre et fait éclore partout les douces et pénétrantes violettes. Ta bienfaisante haleine réchauffe le cœur glacé des pauvres, et sur les grand'routes, et dans les rues des villes, se croyant vêtus d'or neuf, ils marchent fièrement, les yeux ravis, faisant de beaux rêves de bonheur et d'inaltérable prospérité.

Chevalier printemps, ô fleur vive de poésie, que tes larmes sont fraîches et douces. Ce sont elles qui font aux humides jardins jaillir les fleurs nouvelles et fleurissent les arbres des tranquilles vergers. Et le jeune homme qui le matin s'éveille et pousse les volets de sa chambre, demeure interdit, voyant dans le réveil du ciel, la blanche floraison pâmée des poiriers et des pommiers qui resplendissent, et songe tout ému que cette nuit peut-être les fées se sont en ce jardin magique promenées.

Chevalier printemps, radieux chevalier d'amour, qu'ils sont larges et somptueux, qu'ils sont lumineux, flamboyants tes manteaux. Celui que tu portes le jour est d'un azur resplendissant ; de blancs nuages y sont brodés tout traversés de soleil, et la nuit, chevalier, se drapent et flottent autour de toi de grands manteaux de soie bleue, voilés de transparentes vapeurs roses ; des étoiles y brillent par milliers, et la jeune fille qui rêve accoudée à la fenêtre croit voir des yeux, de tendres yeux briller dans chaque étoile, et tremblante découvre des traits chéris dans la forme changeante des nuages.

Et ton cœur, chevalier printemps, est fait de feu, de neige, de flamme et de lumière ; le divin amour y règne avec l'espérance, et c'est lui qui de joie et d'amour nous transporte et nous fait penser un instant que nous sommes jeunes comme toi, et capables de ton amour, ô chevalier béni, printemps radieux, splendide et fier. (Poèmes sans rimes)

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021