BIBLIOBUS Littérature française

Théoriciens et philosophes

 

Je vais terminer cette enquête par l’avis de quelques hommes — théoriciens et philosophes — qui pourront donner une sorte de conclusion à mes investigations, puisque c’est leur rôle de formuler des idées générales. Par eux sera rattachée l’évolution littéraire que nous venons d’étudier au mouvement général de la pensée contemporaine. 

 

 

M. PIERRE LAFFITTE

 

C’est le pape du positivisme. Il a succédé à Auguste Comte, et répand, depuis trente ans, la doctrine du Maître par le livre et par la chaire. Comme on sait, le positivisme comprenant toutes les manifestations de l’Idée, il a une théorie d’art formulée dans son ensemble il y a une cinquantaine d’années, qu’il était intéressant de mettre en face des tendances de ces derniers temps.

M. Pierre Laffitte a d’ailleurs, cette année-ci même, fait à la Sorbonne un cours d’esthétique dramatique. On remarquera que sa théorie artistique positiviste est à l’opposite presque absolu des écrivains qui se réclament de la philosophie positive.

— Je viens de lire, me dit-il, la collection des comptes-rendus de votre enquête, mais je suis trop ignorant vraiment de toute la littérature contemporaine pour vous donner un avis raisonnable là-dessus. J’ai lu à peine quelques romans modernes, j’ai vu jouer quelques drames, c’est tout.

Je suis seulement frappé de ceci : l’importance énorme qu’attachent nos littérateurs aux dénominations d’écoles ; et combien sont peu rationnelles ces étiquettes de naturalistes, de psychologues, de symbolistes que chacun répète à plaisir.

Ils me font l’effet de gens qui découvriraient la Méditerranée. Est-ce que, de tout temps, on n’a pas été naturaliste ? est-ce que, de tout temps, on n’a pas recherché les mobiles de la nature humaine ? La Princesse de Clèves, n’est-ce pas de la psychologie ? Ajax et Achille ne sont-ils pas des êtres vivants ?

Non, voyez-vous, on veut être original, et on n’est qu’excentrique ; on se ligure, en inventant des mots, qu’on invente des idées… ce n’est pas la même chose. Evidemment, des gens comme Flaubert, Zola, Daudet, ont une grande puissance esthétique ; et on ne peut pas dire que le niveau de la classe littéraire ait baissé, mais ce qu’on peut dire, par exemple, c’est que sa destination a décliné.

Les uns se laissent aller à peindre les penchants humains presqu’au point où l’intervention du médecin devient utile, avec cette prétention de faire de la science ; cela semble prouver l’avantage d’une sorte d’idéalisation de la nature humaine, que la science, elle, ne donne pas. Les autres prennent à la science les éléments d’une découverte embryonnaire et partent de là pour généraliser et conclure… Tenez, c’est le cas de M. Zola, avec sa théorie de l’hérédité ; il ne s’est pas rendu compte que cette théorie est une rétrogradation de la science. L’atavisme !… Evidemment, nos auteurs nous transmettent des dispositions, et cela on le sait depuis toujours, mais ce qu’ils nous transmettent surtout, c’est une nature fondamentale, comme à tous les hommes, des tendances spontanées, toujours les mêmes. Commencez par déterminer les lois des rapports qui existent entre notre nature et le milieu cosmologique ! Ce sont toutes ces théories qui ont créé les balançoires des crimes passionnels et de l’irresponsabilité. Est-ce que de tout temps les crimes n’ont pas été commis par les passions ? « Ah ! vous avez l’envie irrésistible de me tuer ? dirai-je au criminel… Eh bien ! moi, j’ai l’envie irrésistible de vous guillotiner… Et puisque vous le voulez, nous ne serons ni l’un ni l’autre responsables de nos envies… » Mais c’est évident ! Entre un homme criminel et un homme qui ne l’est pas, ce n’est qu’une question de degré. L’instinct destructeur, par exemple, nous l’avons tous en germe. Quand nous disons du mal des autres, c’est cet instinct qui parle. Ce qui est intéressant à connaître avant de bâtir aucune théorie et de tirer aucune conséquence, c’est justement le degré où nous sommes influencés…

Mais voilà ! on ne sait pas, on s’emballe sur une lueur et on fait des romans sur l’atavisme. Et puis il y a des jurys, le Jury de la Seine surtout, le plus bête de l’Europe parce que c’est lui qui lit le plus, qui se trouve à point nommé pour appliquer, dans l’ordre social, les théories qu’il a lues dans lesdits romans. C’est de la démence.

Remarquez, continue M. Laffitte, que je trouve très louable en soi ce souci scientifique du littérateur. Dans l’avenir, évidemment, on pourra tirer parti de cette préoccupation ; mais ce que je blâme c’est l’application prématurée, c’est le choix non légitimé de théories sans base ou dans l’enfance, qu’on répand comme des certitudes. À part cela, M. Zola est un grand esprit. Il conservera cette originalité d’avoir intronisé dans la littérature l’élément prolétaire. Mais, ici encore, il est incomplet : il ne voit dans le prolétaire que le côté inférieur de sa nature, qui existe évidemment, qui domine même, c’est entendu. Mais George Sand, qui a fait le contraire, a aussi raison que lui. Son Pierre Huguenin, le compagnon du tour de France, qui pense à cultiver son esprit dans ses heures de loisir, est aussi vrai que l’ouvrier de Zola qui ne pense qu’à boire…

Je demande à M. Laffitte où vont ses préférences littéraires.

— Je suis partisan, avant tout, de notre grande littérature classique : le poème et le drame. Car, comme architectonique, le roman est une forme inférieure de l’art. Racine, Corneille, Molière, Voltaire, voilà mes dieux…

— Et le romantisme ? dis-je.

— Les romantiques étaient des gens qui écrivaient la plupart du temps quand ils n’avaient rien à dire… Je viens de relire Lamartine. Eh bien, il restera de lui un charmant petit volume, et ce sera tout. Tant de fatras, là-dedans, tant de vague ! Comme dans Hugo… Je lui reconnais pourtant un mérite, à lui, un grand. C’est d’avoir, après Chateaubriand et d’autres, d’ailleurs, animé toute la nature, d’avoir fait parler les choses. En cela il se rattache à la théorie d’Auguste Comte, celle de l’art fétichique qui l’a fait accuser de rétrogradation par son élève Littré… Mais le reste de son œuvre ! Mais ses hommes en baudruche ! Mais sa réhabilitation de Bonaparte ! sa démolition de Richelieu ! Oh ! cela, voyez-vous, ces deux choses-là, resteront comme l’une des hontes de la France… Voyez comme Alfred de Vigny aussi parle de Richelieu ! C’est curieux ! De même Walter Scott, l’un des plus grands génies depuis Homère, pourtant, n’a pas compris Cromwell…

— Votre théorie sur l’avenir de l’art ?…

— Ce qu’il faut, c’est l’introduction dans la poésie de l’utopie… L’utopie, c’est la haute poésie, c’est la conception idéale de la société d’après la connaissance exacte de cette société.

Des hommes partant avec une culture supérieure, avec une pondération d’idées plus parfaite, doivent avoir nécessairement des visions plus élevées, plus harmonieuses des choses. Et les poètes de l’avenir, trempés aux sources de la haute raison positive, de la science humanitaire, obéiront à leur destinée qui est de toujours reculer les bornes de l’Idéal.

Mais l’art suprême n’a pas encore de destination claire et précise, parce que la société n’en a pas elle-même, dans sa situation présente.

Dès qu’une philosophie sera devenue prépondérante, quand le positivisme aura fait pénétrer dans de nobles esprits ses grandes notions de science, de méthode, d’harmonie générale, animés de cela ils auront des conceptions esthétiques tout à fait neuves. Mais, en attendant, faute d’une conception homogène des choses, on erre dans des tentatives de toute nature, sans méthode et sans but ; de là cette impuissance de tant de belles organisations et de tant de fortes natures esthétiques…

 

 

M. CHARLES HENRY

 

C’est notamment l’auteur d’une esthétique scientifique qui prétend rattacher à notre organisme physiologique les conditions et les lois de la beauté. Il passe pour avoir influencé en littérature les décadents-symbolistes les plus extrêmes et les plus conscients, comme Jules Laforgue et Gustave Kahn, et, en peinture, des impressionnistes de la division du ton, notamment MM. Seurat et Signac.

Mathématicien et érudit, il a su rendre pratiques plusieurs de ses découvertes, qui, en même temps qu’elles méritaient l’approbation des corps savants, de l’Académie des sciences entre autres, ont abouti à des réalisations industrielles. Elles s’inspiraient d’une méthode générale scientifique qui n’est pas encore entièrement formulée, et qui lui a valu de retenir l’attention même de ses adversaires.

Trente ans, long et mince, dégingandé, il pourrait réaliser physiquement le type de ces êtres ultra modernes, résumant en eux tous les effets de la longue culture intellectuelle des races ; à voir ces mains effilées, délicates, aptes aux subtiles besognes, on imagine aisément que le fluide nerveux qui les fait mouvoir de cette extraordinaire façon est d’une essence plus raffinée que celui du commun des mortels ; sa complexion générale exprime la confiance du savant dans la puissance illimitée des machines, — il dédaigne d’avoir des muscles…

En résumé, il apparaît très rationnellement comme l’historiographe de nos sensations les plus raffinées, qu’il pèse, mesure, et où il découvre des mondes ; un des Esseintes qui serait raisonnable et savant.

Je lui demande :

— Dans quel sens pensez-vous que l’évolution littéraire pourra s’exercer ?

— Je ne crois pas à l’avenir du psychologisme ou du naturalisme, ni, en général, de toute école réaliste. Je crois au contraire à l’avènement plus ou moins prochain d’un art très idéaliste, mystique même, fondé sur des techniques absolument nouvelles. Je le crois parce que nous assistons à un développement et à une diffusion de plus en plus grandes des méthodes scientifiques et des efforts industriels ; l’avenir économique des nations y est engagé et les questions sociales nous y forcent, car, en somme, le problème de la vie progressive des peuples se résume ainsi : « fabriquer beaucoup, à bon marché et en très peu de temps. » L’Europe est condamnée à ne pas se laisser devancer et même anéantir par l’Amérique qui a depuis longtemps combiné son éducation nationale et toute son organisation pour atteindre ce but.

Donc, oui, je crois à l’avenir d’un art qui serait le contre-pied de toute méthode logique ou historique ordinaire, précisément parce que les cerveaux, fatigués d’efforts purement rationnels, auront besoin de se retremper dans des états d’âme absolument opposés. Voyez, d’ailleurs, la faveur singulière des doctrines occultistes, spirites, etc., qui, elles, sont en contresens, puisqu’elles ne peuvent satisfaire ni le raisonnement, ni l’imagination.

— Le symbolisme vous paraît-il être l’une des manifestations de cette tendance nouvelle ?

— Oui, je serais disposé à y voir une intuition peut-être mieux précisée d’un art nouveau.

Mais l’intuition de cet art est de tous les temps. Il y a dans la Vita nuova de Dante, et dans les mystiques espagnols, des pages admirables qui resteront classiques à ce point de vue.

Plusieurs ont compris, parmi les symbolistes actuels, mais plus ou moins vaguement, qu’outre les liens logiques des idées, il pouvait y avoir entre les images des associations inséparables fondées sur des lois purement subjectives. Par exemple qu’entre l’audition de certains sons, la vision de certaines couleurs et le sentiment de certains états d’âme, il pouvait y avoir des liaisons intimes, inexplicables par des concordances objectives, et dont la raison est dans les échos analogues que peuvent éveiller ces sons, ces couleurs, ces états d’âme, sur notre organisation.

Pour être précis : il y a des liaisons entre la vision de la direction de bas en haut et la vision de la couleur rouge, entre la vision de la direction de gauche à droite et la couleur jaune. Une surface rouge paraîtra plus haute, une surface jaune paraîtra plus large, quoiqu’égales entre elles. Depuis longtemps on associe le haut avec les sons aigus, et le bas avec les sons graves, à tort, d’ailleurs, car il y a là l’indice d’un renversement dénotant dans l’âge moderne une évolution bien sensible d’autre part dans la tendance des diapasons vers l’aigu.

— N’y a-t-il pas une analogie entre vos théories et celles de M. René Ghil ?

— Les procédés littéraires de M. Ghil n’ont certainement aucun rapport, de près ou de loin, avec la science. Ce sont des fantaisies individuelles, logiquement construites et qui ont toutes les raisons d’être incompréhensibles. Voyez, au contraire, dans Rimbaud : à côté de folies gigantesques, des intuitions de génie qui vont au cœur de tout être cultivé. Une technique littéraire un peu précise supposerait l’accomplissement d’une psycho-physiologie raffinée dont nous sommes loin. Il y aura toujours, d’ailleurs, à la constitution d’une telle science, des difficultés tenant à l’influence de l’hérédité, de l’histoire spéciale de l’individu, et déterminant des perturbations déjouant toute espèce de loi.

De sorte que, au fond, un art vraiment émotionnel avec de telle technique sera forcément un art plus ou moins personnel, plus ou moins de cénacle, et seulement accessible à des êtres ayant vécu la même vie morale : résultat d’ailleurs vers lequel nous acheminent toutes les exigences de la civilisation moderne et les transformations sociales. Plus nous allons, en effet, plus nous tendons vers l’uniformité ; voyez, en Angleterre, tout le monde porte déjà le chapeau à haute forme, le cocher est un gentleman qui ne se distingue en rien de ses clients, sauf peut-être par un peu plus de tenue ; les porteuses de pain y ont aussi des chapeaux à brides !

Les progrès de l’organisation sociale auront pour effet de simplifier et d’améliorer notre psychologie individuelle. Il est évident, n’est-ce pas, que les drames, par exemple, qui reposent en général sur des malentendus et des quiproquos, n’auront plus aucun sens dans un temps donné ; la féerie remplacera, avantageusement, d’ailleurs, ces acrobaties psychologiques. Les histoires d’amour, qu’on nous rabâche encore, n’ont un sens qu’à cause de notre état social qui met un très petit nombre de femmes en contact avec un très petit nombre d’hommes et qui a besoin d’entourer de protection et de garanties particulières l’acte d’amour. Il est évident que tout cela deviendra incompréhensible le jour où la société se trouvera organisée autrement, les enfants à la charge de l’État, par exemple, c’est-à-dire la femme prenant intégralement possession d’elle-même, et devenant libre de choisir et d’aimer en genre et en nombre tous les hommes qu’il lui plaira.

Donc, vous le voyez, la marche nécessaire des progrès industriels et économiques nous mène à une simplification en toutes choses…

— Mais la langue ? dis-je…

— La langue, de même, sera soumise à cette évolution. On en a des exemples frappants ; il est sur que Ton arrivera à un certain état stable de la langue qui tiendra à une certaine immobilité dans l’évolution des facteurs psychologiques. Je considère l’évolution des langues comme due à la contrariété qui se produit entre les sons naturels des voyelles et les tons de la voix qui expriment le sentiment suggéré par le mot…

— Je ne saisis pas bien, dis-je à M. Charles Henry.

— Exemple : la suggestion d’une sensation excitante par une idée dont le mot se compose de voyelles basses comme u et ou déterminera fatalement la transformation du vocable en des voyelles plus hautes ; c’est ainsi qu’a pu se faire la transformation de pater en père ; a est un si bémol du troisième octave, e est un si naturel du quatrième octave, d’après Helmholtz. L’idée qu’on se faisait de la paternité n’a-t-elle pas évolué ? Mais il serait trop long même d’essayer ici à résoudre un problème de cette complication. Pour arriver à quelques notions précises dans cet ordre d’idées, je prépare en ce moment un appareil pour analyser les modifications des bruits et des sons émis suivant l’expression du sentiment ; je vous le montrerai un de ces jours.

— En résumé, comment la littérature de l’avenir vous apparaît-elle ?

— Je vois dans l’avenir des gens courbaturés par le calcul intégral, les problèmes de distribution, etc., qui chercheront le repos dans une hydrothérapie physique et morale ; oui, l’extraordinaire contention de ces cerveaux exigera pour leur repos des bains de sentiments moraux très élevés, cosmiques, universels, des idylles d’où toute réalité et toutes contingences seront bannies… 

 

 

M. RENAN

 

J’ai trouvé M. Renan au milieu d’un nombre considérable de gros tomes ouverts, de revues où se détachaient sur les couvertures et sur les dos le mot : Religions.

— Oui, me dit-il, je termine mon histoire des origines du peuple hébreu ; je voudrais l’avoir finie pour la fin de cette année, et j’ai hâte de partir en Bretagne pour y travailler à mon aise, sans être distrait par rien…

M. Renan me laissa exposer le but de ma visite, détailler mes questions avec méthode, et me répondit :

— Mon Dieu, monsieur, je n’ai vraiment rien à dire là-dessus, je suis si ignorant, si ignorant de ces choses ! Je viens de vous le dire, je n’ai qu’une hâte… Si j’étais appelé par mes devoirs à parler de la littérature contemporaine, il me faudrait six mois au minimum pour me faire une opinion approximative. Ah ! quand j’aurai fini, peut-être consacrerai-je une ou deux années à regarder autour de moi, je chercherai à m’intéresser aux choses actuelles… Oui, tenez, j’aimerais beaucoup, par exemple, lire des romans… je n’en connais aucun, je m’amuserais volontiers à cela… Mais, en réalité, maintenant je ne saurais quoi vous répondre…

Et, comme je faisais d’incroyables efforts de dialectique pour rattacher généralement les modes littéraires aux évolutions de l’esprit philosophique, M. Renan me dit, les deux mains posées à plat sur ses genoux :

— Les modes littéraires… c’est puéril, c’est enfantin. Ce n’est pas intéressant, non, vraiment. Dans deux ans, il ne sera plus question de tout cela…

Et il ajouta :

— La littérature elle-même, voyez-vous, c’est une préoccupation médiocre…

Mais se ravisant tout d’un coup :

— Pardon, pardon, je retire ce que je viens de dire là, c’est exagéré. Racine a fait de bien belles choses, et Voltaire ! Oh ! les lettres de Voltaire, voyez-vous, c’est divin, quels trésors n’y a-t-il pas là-dedans ! C’est admirable. Oh ! et puis nous avons dans notre temps de grands poètes, Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme… Quel homme charmant ! Quel rare esprit, quelle élévation… C’est vraiment un grand esprit… un très beau poète…

— N’avez-vous rien lu d’Émile Zola ? demandai-je.

— J’ai lu un de ses livres, comment appelez-vous cel ?…

La Faute de l’abbé Mouret, dis-je avec une nuance de certitude.

— Juste. Eh bien ! c’est très bien, c’est très bien. C’est trop long… trop long, oui, un peu long… Oh ! c’est un homme d’une valeur incontestable. Mais il y a une telle abondance de descriptions là-dedans… il emploie bien… cent pages pour décrire le Paradou, comme il l’appelle, ce jardin, vous savez ? Oh ! il y a de très jolies choses. Mais enfin, dix pages ç’aurait été très suffisant, cent pages n’est-ce pas ?… Et puis, il y a des répétitions en grand nombre, ce n’est pas écrit, ce n’est pas travaillé, oh non !… c’est fait trop vite, on voit cela. Il aurait fallu encore un an de travail pour le mettre au point, et il aurait élagué, beaucoup élagué… Mais enfin c’est un homme de valeur, assurément.

Il me fallait bien, pourtant, prononcer pour la dernière fois les mots fondamentaux de cette enquête, et je réussis à dire dans un dernier effort : symbolistes, psychologues, naturalistes.

À quoi M. Renan répondit :

— Ce sont des enfants qui se sucent le pouce.

 

 

FIN

 

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021