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BIBLIOBUS Littérature française

Les gosses dans les ruines : Idylle de guerre - Paul Gsell (1870-1947) et Francisque Poulbot (1879 - 1946)

 

 

 

 

Paul GSELL & POULBOT . - LES GOSSES DANS LES RUINES . - IDYLLE DE GUERRE

 

F1 highres copy

1919

 


(Représentée au Théâtre des Arts, le 18 avril 1918)


Musique de scène de DÉODAT de SÉVERAC

 


 

 

Un village de la Somme, au matin du 18 mars 1917. Depuis plusieurs jours, les Allemands, sur le point de battre en retraite, ont scié les arbres fruitiers, brisé les charrues, mis le feu aux villages, miné et fait sauter les carrefours.

Ils viennent de s'enfuir.

Les habitants du pays, terrorisés par les incendies et les explosions, sont cachés dans des caves sous les bâtiments écroulés.

Tonnerre de la canonnade.

Seuls, sur la route, trois enfants, en larmes, appellent leur mère.

 

 

LES TROIS ENFANTS

M'man! M'man! M'man! M'man!

UNE VOIX DE FEMME, sous terre.

Rentrez donc, mes p'tiots.

LES TROIS ENFANTS

M'man! M'man!

LA VOIX DE FEMME

Pauv' gosses, i' z'appellent leur mère... Rentrez donc! Restez pas dehors!

UN AUTRE ENFANT

On en voit pus! On voit pus d'Boches!

UN AUTRE

Pus personne!

LES TROIS ENFANTS, qui pleurent.

M'man! M'man!

UNE PETITE FILLE

On entend pus leurs grosses bottes.

UNE AUTRE

Partis!

UN ENFANT, court à un soupirail.

I' sont partis!

LA VOIX DE FEMME, d'en bas.

Satanée marmaille! Voulez-vous pas sortir!

L'ENFANT

Sont partis, m'man! Y a pus de Boches! I' sont partis!

LA VOIX DE FEMME, d'en bas.

Redescends tout de suite, Pierre, ou je t'vas frotter les oreilles.

LE PÈRE MARTIN, qui s'est aventuré dehors.

C'est ma foé vrai! On en voit pus! Partis!... Cré bon sang ed bon sang! Si c'était pour tout de bon!... Les monstres! Les monstres! Comme i' l'ont arrangé, nout' pauv' pays!... Ça fume 'core! Ça flambe 'core partout! Bon sang ed bon sang!... Nout' pauv' pays! Nout' pauv' pays!

(Il va vers un soupirail.)

Pouvez sortir! I' z'ont déguerpi, les sales oiseaux!...

UNE FEMME

Vous êtes sûr de ça?

LE PÈRE MARTIN

Regardez, vous-même.

LA MÈRE LEROI

Moi, j'peux pas y croére.

LE PÈRE MARTIN

L'avaient ben dit qu'i' z'allaient nous tirer leu' révérence. Et dans leu' rage ed fiche le camp, z'ont tout brisé, tout saccagé, tout brûlé, les monstres! Ah! nout' pauv' pays! Nout' pauv' pays!

LE PÈRE HONORÉ, s'appuyant sur une béquille.

Ah!... Ah!... Ah!... La ferme à Rémi!... la maison à Binet!... Vingt dieux ed vingt dieux!

LE PÈRE MARTIN

Et c' t' entonnouére! C' t' entonnouére! C'est donc ça qu'a fait ce grand coup de pétard à deux heures du matin! Nout' pauv' pays! Nout' pauv' pays!

LA MÈRE LEROI

Moi, j'peux pas y croére qu'i soient partis! J'peux pas y croére!...

UN ENFANT

Vrrr... Vrrr... un aréo!

UN AUTRE ENFANT

Un aréo!

UN AUTRE ENFANT

C'est un français!

LA MÈRE LEROI

Où qu' t'as vu ça que c'est un français?

L'ENFANT

Les cocardes!

UN AUTRE

C'est vrai! Les cocardes sous les ailes!

LE PÈRE MARTIN

Mâtin!... Z'ont de bons yeux!

LA MÈRE LEROI

Moi, j'peux pas y croére!... C'est p't-être ben 'core un coup des Boches, 14 de peindre des cocardes sous leu' mécaniques!

LES ENFANTS

On vous dit que c'est un français!... Un aréo français! Un aréo français!

LE PÈRE FORTUNÉ, sort avec un drapeau tricolore.

On va l'appeler avec l'drapeau!

TOUS

L'drapeau! L'drapeau!

LA MÈRE LEROI

Où que vous l'avez trouvé, ce drapeau-là, père Fortuné?

LE PÈRE FORTUNÉ

C'est mon secret.

UNE AUTRE FEMME

C' que ça paraît drôle de revoir le drapeau!

LA MÈRE LEROI

Si les Boches l'avaient déniché!

LE PÈRE FORTUNÉ

Pas de danger! j' l'avions trop ben caché! L'aréo va l'voir.

UN GARÇON

Passez-le-moi, père Fortuné! J' vas grimper sur l'toit là-bas. L'aréo le verra mieux.

LE PÈRE FORTUNÉ

C'est ça! grimpe vite!

UN ENFANT

L'aréo vient sur nous!

LE PÈRE FORTUNÉ

I' descend! Il a vu l'drapeau!

UN ENFANT

I' fait des ronds pour descendre encore.

LA MÈRE LEROI

I' rase les toits. Écoutez! Les aviateurs crient quéque chose. Qu'est-ce qu'i' crient?

LE PÈRE MARTIN

Écoutez donc!

UNE FEMME, accourant.

I' crient que les Français viennent!

TOUS

Les Français viennent!... Les Français viennent! Vive la France!... Vive not' France!

(Ils s'embrassent en pleurant.)

LE PÈRE HONORÉ, jetant sa béquille.

Maintenant, j'ons pus besoin d'béquille! J'suis pus boiteux!

UNE FEMME

Not'maire qui jette sa béquille! Il est donc guéri!

LE PÈRE MARTIN

Ah! ah! ah!... c'était un boiteux pour rire! Vous l'saviez donc pas?

LA FEMME

Mais non.

LE PÈRE HONORÉ

Ma foé! J'peux ben l'dire maintenant! Pendant deux ans et demi, j'ons joué la comédie. Pensez donc, tout c' qu'était solide en fait d'hommes, les Boches l'emmenaient dans leu' sale pays! Alors moi, pour rester ici, j'ons contrefait l'bancal! I' sont partis, me v'là guéri!

LA FEMME

Ah! ben, par exemple! C' qu'il est rusé not'maire! Ah! c'que j'ris! c'que j'ris!

LE PÈRE MATHIEU

Comment qu'vous me trouvez habillé?

LE PÈRE MARTIN

En pantalon rouge!... Pas possibe!

LE PÈRE MATHIEU

Oui, mon vieux, en pantalon de soldat!

LE PÈRE MARTIN

Où qu' t'as pêché ça?

LE PÈRE MATHIEU

Mon pantalon de soixante-dix!... J' l'avions gardé comme relique au fond de mon armouére. «Les Français viennent», qu'on m'dit! Eh! ben, moi, pour les recevoir, j'enfile mon pantalon rouge! Et me v'là!

LE PÈRE MARTIN

Si les Boches t'avaient vu comme ça!

LE PÈRE MATHIEU

M'auraient fusillé, ben sûr!... On va donc les revoir, les pantalons rouges! On va les revoir!...

UN ENFANT, sur la crête d'un mur.

Des cavaliers! Des cavaliers! I' galopent vers nous!

LE PÈRE MATHIEU

C'est eux! C'est eux!... Ont-i' des pantalons rouges?

L'ENFANT

Non! Y en a qui sont tout bleus, 21 d'autres tout bruns, comme de la terre.

E PÈRE MARTIN

Tout bleus? Tout bruns?... J' connaissons point ça.

LE PÈRE MATHIEU

Oh! c'est pas des Français!

L'ENFANT

I' z'ont des casques, des bleus et des bruns.

LE PÈRE MATHIEU

C'est pas des Français!

L'ENFANT

I' s'arrêtent devant l'entonnoir... I' sautent à terre... En v'là qui descendent dans l'entonnoir pour venir par ici.

LA MÈRE LEROI

C'est pas des Français! C'est pas des Français!... Bleus, bruns... C'est des uniformes qu'on a jamais vus... P't-être ben les Boches qui reviennent!

LE PÈRE MATHIEU

Oui, oui, c'est les Boches!

TOUS

Les Boches! Encore les Boches! Misère de misère! Rentrons sous terre!

LE PÈRE MARTIN

Père Honoré, rattrapez votre béquille.

TOUS

Vite! sous terre! Sous terre!...

UNE MÈRE

Pierre! Louisette!... Pierre! Pierre! Pierre, à la fin des fins, veux-tu venir, sale crapaud! (S'adressant aux trois petits qui n'ont pas de mère:) Vous non pus, restez pas là, mes p'tiots, descendez!

(Elle saisit son enfant par le bras et l'entraîne. Tous se cachent. Paraissent des cavaliers français et anglais, à pied.)

UN BRIGADIER FRANÇAIS

Eh! bien, vieux frère, le v'là ton patelin!... T'y es revenu, tout de même!

LE CAVALIER REGNARD

Oui, le v'là mon pays! mon pauvre pays!...

LE BRIGADIER FRANÇAIS

Et ta maison, où est-elle?

LE CAVALIER REGNARD

Ma maison?... ma maison?... Je la cherche... Je ne la trouve plus!... Tout est démoli!... Ma maison,... elle devait être là... ou ici... Oui, ici... Tiens, ce mur de briques... ces trois marches de pierre... Oui, c'est ici!... C'est bien ici!... Ma maison! Ah! les brigands, ce qu'ils en ont fait de ma maison!... les brigands!... Ma pauvre chère maison!... les bandits!... Et ma femme?... mes enfants?... Qu'est-ce qu'ils sont devenus?... Ah! qu'est-ce que je vais apprendre?... Je tremble!... J'étouffe!...

LE BRIGADIER FRANÇAIS

Du courage, mon pauv' vieux!... Y a donc personne dans ce bon Dieu de patelin?... On dirait que les gens ont peur de nous, ma parole!... Ohé! bonnes gens! Ohé! V'là les Français! V'là les Français!

DES CAVALIERS ANGLAIS

Aoh! les Anglais aussi!

(Des enfants risquent dehors le bout de leur nez.)

LE BRIGADIER FRANÇAIS

Ah! des mômes!... Ayez pas peur, les mômes!... Amenez-vous!...Tenez, du chocolat! Y a du chocolat dans ma musette!

LES GOSSES

Les Français!... Les Français!... V'là les Français! (Courant au soupirail:) M'man! Grand-père! V'là les Français! V'là les Anglais!

(Le père Fortuné se décide à sortir.)

LE CAVALIER REGNARD

Ah! le père Fortuné! Bonjour, le vieux!... Vous ne me remettez pas?... C'est vrai, deux ans et demi de guerre, ça change bougrement 28 un homme!... Je suis Regnard!

LE PÈRE FORTUNÉ

Ah! Regnard!... Ah! mon gars, mon gars!... Ah! qué joie de te revoir!... Alors, avec toi, là, c'est bien les Français?

LE CAVALIER REGNARD

Si c'est les Français!... Bien sûr!... Les Français et les Anglais!

LE PÈRE FORTUNÉ

Ces casques, ces uniformes bleus,... c'est donc la nouvelle tenue?...

LE CAVALIER REGNARD

C'est vrai! Vous ne l'aviez jamais vue!

LE PÈRE FORTUNÉ, aux autres qui sortent des caves.

Les Français! Les Français! V'là le gars Regnard!

TOUS

Les Français!... Les Français!... Vive la France! Vive la France!... Le gars Regnard!... Ah! M'sieu Regnard! M'sieu Regnard!... Vive la France! Vive la France!... (Cavaliers et civils s'embrassent en pleurant.)

LE CAVALIER REGNARD

Et ma femme, mes enfants, où sont-ils?

LA MÈRE LEROI

Mais au fait, ses enfants... Les v'là, vos p'tiots! les v'là tous les deux!... On est tellement sens dessus dessous!... Eh! ben, Jeannot, Nini, vous reconnaissez donc pas vot' papa?

LE CAVALIER REGNARD, qui s'est baissé pour contempler ses enfants.

Mon Jeannot, ma Nini... mes petits! mes petits!... Je ne les reconnais pas moi-même! Ils ont tellement grandi!... Mes petits, mes chers petits!... Allons, embrassez votre papa!... Mais votre mère, votre mère...?

LA MÈRE LEROI

Ah! leur mère!...

LE CAVALIER REGNARD

Quoi!... Parlez donc!

LE PÈRE FORTUNÉ

Mon pauv' gars... j'vas t' dire... Ta femme, c'te nuit, les Boches...

LE CAVALIER REGNARD

Quoi?..

LE PÈRE FORTUNÉ

L'ont emmenée!...

LE CAVALIER REGNARD

Bon Dieu!

LE PÈRE FORTUNÉ

I' z'en ont emmené ben d'autres!... Les monstres!... I' z'ont fait un troupeau d'jeunes filles, d'jeunes femmes, et all'z'avaient beau crier, s'débatte,... à coups de poing, à coups de botte, i' les ont poussées devant eux... Ah! c'était affreux d'voir ça!...

LE CAVALIER REGNARD

Les salauds! Les salauds!... Ce sont des sauvages, ces gens-là,... arracher les mères à leurs enfants!... Les salauds!... Ma pauvre femme!... Ah! il faut absolument que je coure après eux! Faut que je la délivre! Il le faut! Il le faut!

LE BRIGADIER

Hé! Regnard!... T'es pas fou?... Allons, mon vieux, reste ici!...

LE CAVALIER REGNARD

Mais...

LE BRIGADIER

J' te dis de rester!... Où veux-tu courir comme ça, tout seul? Allons, mon vieux, calme-toi!... L'ordre est de garder cette entrée du village jusqu'à ce qu'on nous relève.

LE CAVALIER REGNARD

Suffit, brigadier!... Le cafard me faisait perdre la boule!... Ma pauvre femme, je ne la reverrai plus... jamais, jamais!... Ah! mes petiots, mes petiots!... Eh! bien, mon Jeannot, mon petit Jeannot, qu'est-ce que tu cherches dans ma musette?... Au fait,... vous avez peut-être faim?...

LE PÈRE MARTIN

Sûr et certain qu'i' z'ont faim... On crève tous de faim ici!... C'est les Américains qui nous envoyaient à manger!... Mais, ces jours-ci, les Boches n'ont pus rien laissé venir.

LES CAVALIERS FRANÇAIS

Ah! pauvres gens! pauvres gens! Tenez! tenez! v'là du pain!... Et puis nos vivres de réserve!

LE PÈRE MATHIEU

Eh! ben, et vous?

LES CAVALIERS FRANÇAIS

Nous, on trouvera toujours!... Tenez! v'là du singe!... Et du pâté de foie!... Ah! c'est bon, ça! on s'en liche les babines!... Attendez!... une clé pour ouvrir...

LES CAVALIERS ANGLAIS

Tenez, mes bonnes amis, v'là des boîtes de beef et de la marmelé de d'oranges.

(Les civils se régalent.)

NINI, à une petite fille boiteuse.

Mélie, prends-en aussi.

LE CAVALIER REGNARD

Tu trouves ça bon, ma Nini?

NINI

Oh! oui, p'pa!

LE CAVALIER REGNARD, lui versant à boire dans son quart.

Tiens, bois, ma Nini!... A ton tour, mon Jeannot... C'est bon, hein?

LES CAVALIERS ANGLAIS

Bonnes amis, qui voulait du rhum?... tenez, biouvez! biouvez, et mangez aussi, mangez!... Pauvres bonnes gens, comme ils avaient faim!

JEANNOT

P'pa, donne à boire à Mélie.

MÉLIE, la petite boiteuse, se lève tout à coup et s'élance vers une femme tout échevelée qui s'approche.

M'man! M'man!

JEANNOT ET NINI, se lèvent en même temps.

M'man! M'man! M'man!

FRANÇOISE REGNARD

Mes poulets! mes chers petits poulets!...

NINI

M'man! P'pa est là! P'pa est là!

LE CAVALIER REGNARD

Ma femme! ma femme! la voilà!... Ah! c'est elle! Tout de même!... Ma femme, ma chère petite femme!... mon trésor!... (Ils s'étreignent fougueusement.

FRANÇOISE

Mon mari, mon chéri, mon aimé, mon Momo adoré!... Enfin!... enfin, c'est toi... Momo, Momo, mon cher Momo!

LE CAVALIER REGNARD

Ma chère petite femme! Ah, je n'espérais plus jamais te revoir!... On m'avait dit que cette nuit...

FRANÇOISE

Oh! oui, les brutes! les monstres!...

Mais tout à l'heure, je me suis échappée!... Ils m'ont tiré dessus... Ils m'ont ratée!... Ah! je n'en peux plus!... Je suis brisée, brisée!...

LE CAVALIER REGNARD

Les bandits! Les bandits!... Ma petite femme, ma petite femme adorée,... deux ans et demi qu'on ne s'était vu!... deux ans et demi sans nouvelles!... deux ans et demi!...

NINI, JEANNOT, AMÉLIE

M'man, m'man, embrasse-nous!

FRANÇOISE, montrant Amélie.

Tu regardes celle-ci?... Elle m'appelle maman et ce n'est pas ta fille. Tu vois, elle boite... Un jour, devant les Boches, dans la rue, elle s'est mise à chanter... la Marseillaise! Une brute d'Allemand lui a cassé la jambe d'un coup de crosse. Et puis, comme la mère de cette pauvre petite poussait des cris de fureur, ils se sont jetés sur la malheureuse  femme: ils l'ont tuée à coups de sabre!... J'ai vu ça, moi... J'ai vu ça!... Alors, tu comprends, j'ai recueilli l'enfant.

MÉLIE, enlaçant le cou du cavalier Regnard.

Papa!...

LE CAVALIER REGNARD, l'embrassant.

Ma fille!... (A Françoise.) Françoise, viens t'asseoir là, sur les marches... tout ce qui reste de notre maison... Tiens, ma chérie, bois et mange...

FRANÇOISE

Ah! mon aimé, mon aimé!... C'est effrayant comme nous avons souffert!... Que d'horreurs!... Que d'horreurs!...

LE CAVALIER REGNARD

Ma pauvre petite!...

FRANÇOISE

Et maintenant que nous voilà délivrés,... je n'ai plus qu'une idée, vois-tu,... une seule: partir, partirbien vite avec les enfants!... m'enfuir je ne sais où... loin de ce pays maudit!... Mon Dieu! mon Dieu! que j'ai été malheureuse!... Oh! partir! partir! partir pour toujours d'ici!...

(Elle éclate en sanglots et s'effondre en appuyant son visage sur les mains de son mari.)

LE CAVALIER REGNARD

Ma pauvre petite, ma pauvre petite, comme tu pleures! comme tu sanglotes!... Je comprends. Brave, comme tu es, tu as refoulé tes larmes devant ces bourreaux...

Et puis, aujourd'hui, tout à coup, le trop-plein déborde... Ma pauvre petite, ma pauvre petite,... allons, allons, ne pleure plus... Je te parle comme à un enfant.

FRANÇOISE

Ah! mon chéri, tu ne sais pas tout ce qu'ils nous ont fait!... Non, tu ne peux pas savoir!... Ils nous ont traités comme des bêtes de somme!... Femmes, vieillards, ils nous ont forcés de décharger les wagons, de porter le ciment, les ronces de fer, les pieux pour leurs tranchées!...

LE PÈRE FORTUNÉ

C'est vrai, ce qu'all' dit là... Tiens! moi, moi, un jour que j'en pouvais pus, une fripouille de petit officier m'a giflé... Oui, une gifle, à moi, vieillard à barbe blanche. Une gifle! Ah! vingt ed vingt dieux!

LES CAVALIERS ANGLAIS

Oh! pauvres, pauvres Français

LE PÈRE MARTIN

Et puis, i' nous ont tout pris, tout! les chevaux, les vaches, les porcs, tout!... les poules, les graines, tout! tout!... même mon pigeon apprivoisé qui venait picorer dans ma main, i' m' l'ont tué.

FRANÇOISE

Ils ont scié tous nos arbres, pommiers, poiriers, cerisiers... Notre beau pêcher, qui à chaque printemps était tout rose de fleurs..., tranché à ras de terre. Les charrues, les semeuses, les faucheuses, les batteuses... ils ont tout brisé.

LES CAVALIERS ANGLAIS

Les Huns! Les Huns!

FRANÇOISE

Et pour finir, ils ont tout brûlé, maisons, fermes, étables, tout!... Nos meubles, nos bons vieux meubles, ils les ont entassés, fracassés!... Ils les ont aspergés de goudron et ils y ont mis le feu!... Les monstres! Les monstres!... C'est à devenir folle!... Ah! partir! partir! Et ne jamais revenir ici!...

LE PÈRE FORTUNÉ

Ma foé!... C'est ben c'qui y aurait de mieu à faire! Tout laisser là, en plan!...

LES CAVALIERS FRANÇAIS ET ANGLAIS

Ah! pauvres, pauvres gens!

LE CAVALIER REGNARD

Ma pauvre femme, comme je te plains!...

Pourtant,... écoute,... ne dis pas que tu ne veux plus vivre ici... Ne dis pas ça, ma chérie! Tu me fais trop de peine!...

Quoi? laisser notre terre!... Ah! Françoise, alors pourquoi avoir chassé les Boches?... Pourquoi ne pas leur avoir laissé nos champs, si nous ne les cultivons plus?

Oh! non, non, ma Françoise.... Nous relèverons notre maison... Nous retravaillerons notre terre. Comme autrefois elle portera les grandes moissons d'or!... Les Barbares ont tout détruit... Eh! bien, ma petite Françoise, c'est à nous de tout refaire...

FRANÇOISE

Mais, mon pauvre ami, on ne peut pas! on ne peut pas!

LE PÈRE FORTUNÉ

Partout la bonne terre a été dispersée par les obus, et le sol est à nu, comme un squelette sans chair!

FRANÇOISE

Et puis, où trouver les instruments, les bêtes, les semences?

LE CAVALIER REGNARD

Tout le monde vous aidera!

LE PÈRE FORTUNÉ, hochant la tête.

Oh!

LE CAVALIER REGNARD

Oui, tout le monde!... Tous les braves gens de France et tous ceux qui, sur terre, aiment la France... Y en a beaucoup! Vous verrez! Vous verrez!...

FRANÇOISE

Mais toi-même, avant la guerre, tu trouvais trop dur le métier de cultivateur. Tu disais que nous avions assez d'argent pour prendre un commerce à la ville, et que notre vie y serait plus agréable... Alors maintenant...?

LE CAVALIER REGNARD

Maintenant, Françoise, je ne dis plus ça!

FRANÇOISE

Ah! on voit bien que tu n'as pas souffert comme nous!

LE CAVALIER REGNARD, stupéfait.

Ma pauvre petite!... Charleroi! La Marne! Verdun! La Somme!... Je n'ai pas souffert comme vous!!!...

FRANÇOISE

Pardon, mon chéri, pardon!... Je suis absurde! Laisse-moi embrasser tes mains, tes pauvres mains qui ont tant fait!

Je sais bien, au contraire, comme tu as souffert! Le froid, la pluie, la boue, les nuits sous terre dans l'eau glacée, les bombes, les gaz empoisonnés, les combats, le sang qui ruisselle, la mort qui pleut!... oui, oui, mon chéri, je sais comme tu as souffert, je le sais!

LE CAVALIER REGNARD

Eh! bien, aujourd'hui, ma Françoise, j'oublie tout! Toi et mes gosses, vous m'êtes rendus et je suis prodigieusement heureux!

Tout à l'heure, quand j'ai revu  dans ce triste état ma maison, mon village... je n'ai pas pleuré... J'ai pensé: «C'est mon pays, pourtant!... C'est là que je suis né! C'est ma terre! La voilà! Je l'ai reprise!... Comprends-tu?... Je l'ai reprise!... Pour qu'elle redevienne française, les meilleurs d'entre nous sont morts... Et plus elle a été martyrisée, ma terre, plus je l'aime!... A présent, pour moi, cette terre-là, elle est trois fois sainte!

Ah! ces pierres de notre maison, ces pauvres pierres brisées, je voudrais les ramasser une à une et les baiser toutes!... Tiens, Françoise, tiens, embrasse-les, toi aussi!

FRANÇOISE

Embrasser ces vilaines pierres pleines de poussière? Merci!... Non, non, tu as beau dire... tout ça, c'est horrible, horrible!...

(Elle sanglote de nouveau.

LE CAVALIER REGNARD

Françoise, Françoise,... regarde donc nos gosses qui jouent dans notre maison détruite... Est-ce que ça ne te dit rien, ça?

Les gosses, l'avenir, l'avenir dans les ruines!

Vois-tu! C'est à ces petits-là qu'il faut penser toujours!

La terre, elle est à eux. Nous n'avons pas le droit de l'abandonner!... Telle nous l'avons reçue, telle nous devrons la leur passer!... Regarde-les! Sont-ils gentils! Ecoute-les!...

LE PETIT JEANNOT

Non, non, non, j'veux pas être le Kaiser.

LA PETITE BOITEUSE

T'es bête! Pisque j'te dis qu'c'est l'jeu!

LE PETIT JEANNOT

J'veux pas être le Kaiser... J'veux pas, na!

LA PETITE BOITEUSE

J' t'embrasserai pour la peine! Tiens!

(Elle l'embrasse.)

LE PETIT JEANNOT

Alors, j'veux bien!

LA PETITE BOITEUSE

Mets ce casque-là. (Aux autres.) Et vous autres, mettez ceux-ci. Vous êtes les soldats boches!...

LES ENFANTS

Oh! non, non, non...... On veut pas être les soldats boches!

LA PETITE BOITEUSE

Mais si! Mais si! Vous verrez! Ça sera très amusant!

(Elle les coiffe de casques figurés par de vieux chapeaux ronds au fond desquels est plantée une carotte.)

LE PÈRE MARTIN

Ah! leurs casques à pointe! Regardez donc!... Un vieux chapeau avec une carotte! I' z'en ont des idées!

LA PETITE BOITEUSE

Toi, Jeannot, tu te promènes comme le Kaiser, quand il est venu ici. Tu t'rappelles?... Prends cette serviette pour faire son manteau blanc

FRANÇOISE

C'est vrai que le Kaiser est venu ici!... Nous l'avons vu de nos fenêtres... Dieu, qu'il nous faisait horreur!... Il avait un manteau blanc comme le drap qui recouvre les cercueils d'enfant!...

LA PETITE BOITEUSE

Vous, vous criez: «Hoch! hoch! Hourrah!...

LES ENFANTS, qui font les Boches.

Hoch! hoch! Hourrah!... Ein! zwei! ein! zwei!...

(Ils exécutent le pas de l'oie. Un officier leur donne de grands coups de pied dans le derrière, en leur criant:)

Plus haut les pieds! plus haut! plus haut! plus haut!

LE CAVALIER REGNARD

Sont-ils drôles?

LE PÈRE MARTIN

Mais c'était tout à fait comme ça!

LES CAVALIERS ANGLAIS

Oh! très comique! très comique!...

LE PETIT JEANNOT, qui fait le Kaiser.

Braves Allemands, je suis fier de vous!... Vous tuez tout: les femmes, les enfants, les vieux!... Vous détruisez tout: les églises, les maisons des pauvres gens!... Vous êtes tout à fait des brutes. C'est très bien.

LES ENFANTS, qui font les Boches, repassent devant lui au pas de l'oie.

Hoch! Hoch! Hourrah!...

LE PETIT JEANNOT

Avec des soldats comme vous, j'fais peur à tout le monde!

LA PETITE BOITEUSE

C'est pas vrai! Moi, j'ai pas peur de toi!

LE PETIT JEANNOT

Qu'est-ce qui dit ça?

LA PETITE BOITEUSE

Moi!

LE PETIT JEANNOT

Ah! c'est une petite Française!... C'est ça! Faut toujours que ça regimbe!... Comment t'appelles-tu?

LA PETITE BOITEUSE

J' m'appelle: La Chanson!

LE PETIT JEANNOT

La Chanson?... Drôle de nom!... Eh! bien, une idée... Chante donc, un peu, pour moi!

LA PETITE BOITEUSE

Jamais de la vie! Je n'chante pas pour les monstres!

LES CAVALIERS ANGLAIS

Ah! very good! very good!

LE PETIT JEANNOT

Moi, j'veux qu'tu chantes, entends-tu? J'te l'ordonne!

LA PETITE BOITEUSE

Tu l'veux?... Eh bien, j'vais t'obéir! J'vais même appeler mes amis pour qu'ils chantent aussi!... Arrivez, les amis! arrivez!

(S'adressant à ceux qui n'ont pas de casques.)

Alors, vous autres, dites comme moi!

Kaiser! Kaiser! affreux Kaiser! Rends-nous nos papas chéris qui sont morts à la bataille! Rends-nous nos pauvres mamans que tu as tuées!

LES ENFANTS, qui n'ont pas de casques.

Hou! hou! affreux Kaiser! Hou! hou! hou!

LA PETITE BOITEUSE

Rends-nous nos chers villages! Rends-nous nos beaux clochers! Rends-nous nos jolies maisons que tu as brûlées! Kaiser! Kaiser! Ecoute les blessés, les mourants: Oh! oh! oh! Affreux Kaiser! Affreux Kaiser!

LES ENFANTS, qui n'ont pas de casques.

Hou! hou! hou!

FRANÇOISE REGNARD

Oh! mes petits! mes petits! comme c'est triste ce que vous dites là!

LA PETITE BOITEUSE

C'est l'jeu!

LE PÈRE MARTIN

Moi j'peux pas m'retenir de pleurer.

MÉLIE

C'est l'jeu! C'est l'jeu!

FRANÇOISE

Oh! Mélie! Mélie!...

LE CAVALIER REGNARD

Laisse-la donc! Ne vois-tu pas que c'est très beau leur comédie?... Ils sont comme le rossignol; ils ne savent pas eux-mêmes comme c'est beau, ce qu'ils inventent!

LA PETITE BOITEUSE

Continuons!... Kaiser! Kaiser! Les cris des mamans, des enfants: la voilà, la chanson qui t'plaît! La voilà!

LES ENFANTS, qui n'ont pas de casques.

Hou! hou! hou!

LE PETIT JEANNOT

Soldats, empoignez cette petite 63 Française et fusillez-la!... Fusillez aussi tout ça! tout!

LES ENFANTS, qui font les Boches.

Hoch! hoch! hourrah!

(Ils exécutent l'ordre. Ils alignent La Chanson et les autres enfants contre un mur. Ils font semblant de les fusiller.)

LE PÈRE MARTIN

Ce qu'i font là, ils l'ont vu faire. I' z'ont vu fusiller not' pauv' vieux curé!

LE CAVALIER REGNARD

Not' bon vieux curé?

LE PÈRE MARTIN

Oui!

LE CAVALIER REGNARD

Ah! quelle infamie!

(Les enfants qui font les Boches reviennent, toujours au pas de l'oie.)

LE PETIT JEANNOT

Est-ce fait?

UN ENFANT

Ia! Nous avons fusillé la Chanson! Nous l'avons jetée au fond d'un puits et nous avons lancé de grosses pierres dessus!

LE PETIT JEANNOT

A la bonne heure! Maintenant, c'est fini!... Personne ne bouge plus!... personne! la Chanson est morte!... Ah! ah! nous avons tué la Chanson!

LA PETITE BOITEUSE, par derrière lui.

Imbécile!

LE PETIT JEANNOT

Qui a crié ça?

LA PETITE BOITEUSE

C'est moi! C'est la Chanson!

LE PETIT JEANNOT

Quoi? Elle n'est pas morte!... Qu'on la tue! J'veux qu'on la tue!

LA PETITE BOITEUSE

Imbécile! Tu crois donc qu'on peut m'tuer! J'suis fée! Je n'meurs jamais! Regarde! J'ai tout plein d'sang sur moi, mais j'peux pas mourir! jamais! jamais! jamais!...

LE PETIT JEANNOT

Qu'on la tue! Qu'on la tue!

LA PETITE BOITEUSE

Arrière!... Maintenant, j'vais chanter ma vraie, ma belle chanson!... Et quand j'la chante, tous ceux que tu as tués s'lèvent de terre!... Attends! I' vont se jeter sur toi, monstre!... C'est ma chanson déjà qui a balayé tes soldats à la Marne! C'est ma chanson qui va t'chasser, méchante bête!...

Les morts! les morts! levez-vous et chantez avec moi:

Allons, enfants de la Patrie
Le jour de gloire est arrivé!
Contre nous de la tyrannie
L'étendard sanglant est levé! (bis)
Entendez-vous, dans nos campagnes,
Mugir ces féroces soldats!
Ils viennent jusque dans nos bras
Egorger nos fils, nos compagnes.
Aux armes, citoyens! Formez vos bataillons
Marchons! Marchons!
Qu'un sang impur abreuve nos sillons!

(Les enfants qui figuraient les morts se sont dressés. Les cavaliers anglais et français se sont levés aussi. Ils mettent leurs casques sur la tête des enfants. Tous ensemble chantent la première strophe de la Marseillaise.)

UN GRAND ANGLAIS, court à la petite boiteuse, la soulève et l'embrasse.

Chère, chère petite Chanson française!

(Les enfants se sont précipités sur les Boches et ils font mine de lier le Kaiser à une poutre:)

A mort les Boches! A mort les Boches!

LE PETIT JEANNOT

J'joue pus! J'joue pus! J'veux pus être l'Kaiser!

LES ENFANTS, qui figuraient les Allemands.

Nous, non pus, on veut pus faire les Boches! On veut pus!

(Ils jettent à terre leurs casques.)

TOUS

Alors, y a pus de Boches! Qué chance! Y a pus de Boches!...

(Ils lancent des coups de pied dans les casques.

On entend des coups de feu.)

PREMIER CAVALIER FRANÇAIS

Hé! hé! Ça chauffe bigrement par là-bas!... Qu'est-ce qui se passe donc?

LA PETITE BOITEUSE

Attendez! attendez! C'est pas fini! Maintenant, on va rebâtir les maisons!... Les garçons et les filles vont s'marier. Et pis, on rentrera chez soi!... Allez, vite! rebâtissons la maison!... Faites semblant..., comme ça, avec les planches...

LE CAVALIER REGNARD

Regarde-les, Françoise! Qu'est-ce que je te disais?... En jouant, ces gosses nous donnent une leçon de courage! Ils relèvent les ruines, eux!... Ils rebâtissent la maison.

LA PETITE BOITEUSE

Les garçons, embrassez les filles. Et chantons:

J'ons eune joulie maison!

LES GOSSES, s'embrassant.

C'est ça: J'ons eune joulie maison!

LE CAVALIER REGNARD

Regarde-les, Françoise! Qu'est-ce que je te disais?... En jouant, ces gosses nous donnent une leçon de courage! Ils relèvent les ruines, eux!... Ils rebâtissent la maison.

LA PETITE BOITEUSE

Les garçons, embrassez les filles. Et chantons:

J'ons eune joulie maison!

LES GOSSES, s'embrassant.

C'est ça: J'ons eune joulie maison!

LE CAVALIER REGNARD

Tu entends, Françoise?... Je les tiens dans mes mains, moi, les morceaux de ma joulie maison!

LES GOSSES ET LE CAVALIER REGNARD

J'ons eune joulie, joulie maison!
All'est toute en briques roses!
Les murs sont couverts de roses!
Les blanch's coulombes, tout le jour,
Roucoul'nt leu' chanson d'amour.
Diu! qu'il fait donc bon, qu'il fait donc bon,
Dans nout' joulie, joulie maison.

(Soudain, Françoise embrasse les pierres que tient le cavalier Regnard. Alors il les dépose sur les marches et il étreint éperdûment sa femme.)

 
(Les gosses, en s'embrassant, singent le cavalier Regnard et sa femme.)

J'ONS EUN' JOULIE MAISON!

LA PETITE BOITEUSE

J'ons eune joulie......

(Elle s'interrompt, car, à ce moment, la fusillade crépite avec une grande violence.)

UN CYCLISTE, accourt.

Hé! les cavaliers! Vite! Amenez-vous!... Y a encore des Boches dans le cimetière!... Vite!... Suivez-moi! par ici! par ici!

LE CAVALIER REGNARD, qui tient encore sa femme embrassée.

Adieu, Françoise.

FRANÇOISE, affolée.

Oh! mon chéri! mon chéri! déjà!... Oh! on n'a eu que cinq minutes à rester ensemble! Après trente-deux mois de séparation, cinq minutes! Oh! mon chéri, mon chéri! A présent, quand se reverra-t-on?

LE CAVALIER REGNARD

Ça! demande-le... là-haut!... Vite, les gosses! Vite, vite! que je 78 vous embrasse!... Après ça, je combattrai mieux.

LES DEUX PETITS REGNARD ET LA PETITE BOITEUSE

Papa! Papa!

LE CAVALIER REGNARD, à la petite boiteuse.

T'es une bonne petite fille, toi!

FRANÇOISE, s'accrochant à lui.

Oh! mon chéri! mon chéri! ne t'en va pas! ne t'en va pas! Je t'en supplie!...

LE CAVALIER REGNARD, s'arrachant à elle.

Ah! non, non! Pas ça! Pas ça!... Pense donc! Il faut qu'on délivre les autres pays où les monstres sont encore!

FRANÇOISE

Va, va! mon grand! va!... Et, tu sais, nous nous retrouverons ici, ici!... On rebâtira la maison! On retravaillera la terre!... Ici!... Ici!...

LE CAVALIER REGNARD, déjà loin.

Adieu!

(Tandis qu'il part en courant, elle sanglote affreusement. Elle s'effondre sur les marches et elle baise passionnément les deux pierres où elle retrouve les baisers de son mari.)

UNE PETITE FILLE, à sa poupée qui n'a plus de tête.

Pleure pus, ma pépé! I' seront battus, les vilains Boches!

RIDEAU
 

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021