BIBLIOBUS Littérature française

Entre Nous ; Lectures Françaises à l'usage des ecoles primaires - Lucie Vos

 

ENTRE NOUS. -LECTURES FRANÇAISES À L’USAGE DES ÉCOLES PRIMAIRES. -par LUCIE VOS, PROFESSEUR à L’ÉCOLE SECONDAIRE DE LA HAYE.- avec LA COLLABORATION DE JAN LIGTHART ET DE H. SCHEEPSTRA. -ILLUSTRATIONS DE J. BERHARDINA BOKHORST. -PREMIÈRE PARTIE.—DEUXIÈME ÉDITION. - J. B. WOLTERS—GRONINGUE—1906. - Imprimerie J.-B. Wolters.


PRÉFACE.

Inspirée par les si jolis ouvrages „Nog bij Moeder”, „Dicht bij Huis” et „De Wereld in” nous avons voulu composer dans le même genre des livres de lecture destinés à l’enseignement du français.

Sollicités par nous, MM. Ligthart et Scheepstra ont bien voulu nous prêter leur gracieux concours et c’est ainsi qu’est née la série de récits intitulée „Entre nous”, série dont nous présentons aujourd’hui la première partie à ceux de nos collègues qui enseignent le français.

Nous nous sommes proposé de mettre les élèves pour ainsi dire tout de suite en plein français. Ils rencontreront ainsi forcément quelques difficultés au début, mais

1o. nous supposons qu’ils savent déjà un certain nombre de mots et, dans ses grandes lignes, la conjugaison des verbes,

2o. nous donnons la traduction d’un grand nombre de termes et d’expressions.

Lors de la lecture d’un ouvrage hollandais, les élèves arrivent bientôt à savoir par cœur des fragments entiers. Ce qui est alors un inconvénient, serait un avantage pour le présent volume. Nous voudrions même recommander aux professeurs de répéter souvent les chapitres, pour que les expressions deviennent vraiment la propriété de leurs élèves. Comme on le verra nous avons aussi répété souvent les mêmes expressions dans le cours du livre. En outre nous avons intercalé dans le texte plusieurs poésies empruntées à des recueils de chants français, poésies que les élèves pourront retenir avec la plus grande facilité.

Ces livres répondront ainsi à deux buts: enrichir le vocabulaire des enfants et les aider à se servir des expressions qu’ils possèdent déjà. - LUCIE VOS ; La Haye, novembre 1904


Nous avons remis dans cette partie les traits d’union, parce qu’en France on les trouve dans la plupart des livres, malgré l’édit de tolérance. - LUCIE VOS ; La Haye, novembre 1904


INDEX.

Chap.  
I. Deux Parents et Deux Enfants
II. Papa se fâche
III. Voilà ce que c’est!
IV. Marie couche le petit blessé
V. Voilà le Docteur
VI. Le Docteur part
VII. Jean va à la cuisine
VIII. Paul est guéri, mais comment?
IX. Une visite
X. Est-ce Paul qui chante?
XI. Le vrai père et la vraie mère
XII. Papa n’a pas besoin de chanter
XIII. Toute seule!
XIV. Son premier jour de classe
XV. Un bon et un mauvais écolier
XVI. La Chanson du petit Pierre
XVII. Quel vent désagréable!
XVIII. Quel vent délicieux!
XIX. Les Saisons
XX. Encore une petite fille
XXI. Ninette
XXII. Ninette partie
XXIII. Marie regarde par la fenêtre
XXIV. Marie sort
XXV. Il nous faut travailler tous
XXVI. Le plus petit, le plus sage
XXVII. Le Petit Poucet (suite)
XXVIII. Le Petit Poucet (fin)
XXIX. La Neige
XXX. Les Moineaux
XXXI. Quatre fois deux font sept
XXXII. Le Thé
XXXIII. Dans la Neige
XXXIV. Sur la Glace
XXXV. Il fait bien froid
XXXVI. Voici le Printemps!
XXXVII. Fleurs de Printemps
XXXVIII. Ce méchant Paul
XXXIX. A l’Ecole? ou chez nous?
XL. La Sortie de l’Ecole
Mots et Expressions

I.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-02.jpg
Marie. «Je suis Marie.
Jean. —Et je suis Jean.
M. —Il est papa.
J. —Elle est maman.
M. —Paul et Alice sont nos enfants.
J. —Le petit garçon est très méchant!
M. —Il est gourmand! Mais notre fille, la petite Alice, est très gentille!»

 

II. Papa se fâche.

Le méchant petit Paul est monté sur la table, sa main est dans le sucrier, et prend du sucre.

Papa lit son livre, maman regarde Paul.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-03.jpg

«O Papa, dit Marie, regarde ce méchant garçon. Il faut le gronder!»

Jean ferme son livre, se lève et s’approche du petit gourmand.

«Paul, viens ici!»

Mais Paul ne vient pas. Papa dit encore une fois: «Viens ici, Paul!»

Mais la main du petit gourmand reste dans le sucrier.

Alors papa se fâche et donne une tape au petit Paul.


III. Voilà ce que c’est!

Oui, voilà ce que c’est! Papa s’est fâché, il a donné une tape au petit gourmand. Alors, celui-ci est tombé par terre et il s’est cassé le bras.

«O Papa, dit Marie, veux-tu, s’il te plaît, aller chez le docteur? Regarde, le bras est cassé. Le pauvre petit a bien mal!

—Oui, maman, dit Jean, je vais tout de suite chercher le docteur!»

Alors, petit Jean ouvre la porte de la chambre et va dans le corridor.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-04.jpg

IV. Marie couche le petit blessé.

Jean est sorti de la chambre. Il est allé chercher le docteur.

Marie prend son petit garçon et le couche dans le lit. Elle le borde bien et lui parle.

«Oh! oh! as-tu bien mal, pauvre petit? Pourquoi es-tu donc gourmand? Pourquoi montes-tu sur la table et manges-tu du sucre? Voilà ce que c’est! Maintenant tu as bien mal. Mais, allons, ne pleure pas. Le médecin viendra tout à l’heure. Il te guérira. Sois sage et ne pleure pas. Pauvre, pauvre petit!»

http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-05.jpg

V. Voilà le Docteur.

«Bonjour, Madame. Où est le malade?

—Bonjour, Docteur. Oh! que je suis contente de vous voir. Notre Paul est bien malade. Il s’est cassé 11 le bras. Je l’ai couché dans son petit lit. Il crie, tant il a mal.

—Ah! ah! comment est arrivé cet accident?

—Oui, docteur, il était méchant. Il était monté sur la table pour manger du sucre. Alors, papa s’est fâché.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-06.jpg

Il lui a donné une tape et Paul est tombé par terre.

—Et où est son bras?

—Le voici, docteur. Le bras est encore entier et Paul n’est pas mort. Ils vivent tous les deux, Paul et son bras. Pouvez-vous remettre le bras?

—Oui, oui, ça ira bien! Je guérirai ce petit garçon.»

 


VI. Le Docteur part.

Marie s’approche du petit lit. Elle sort Paul du lit. Elle l’embrasse, puis elle le passe au docteur.

«Voici mon cher petit garçon, docteur. Guérissez-le bien vite, s’il vous plaît.

—Mais donnez-moi aussi le bras, Madame. Je le remettrai et je vous rapporterai le cher petit, guéri.

—Oh oui, c’est ça docteur, je serai si heureuse!»

Elle embrasse encore son petit Paul. Puis le docteur part, en portant le blessé sur le bras droit et en tenant le bras cassé de la main gauche.

«Au revoir, Madame, à bientôt!

—Au revoir, Monsieur le Docteur, et merci!»


VII. Jean va à la cuisine.

Jean va à la cuisine. Il a mis le chapeau de son Papa.

Rose, la bonne, est en train de peler des pommes.

«Tiens, tiens, dit-elle, quel est ce monsieur qui entre dans ma cuisine?

—Je suis le docteur, dit Jean.

—Ah! ah! vous êtes le docteur? Et monsieur le docteur vient peut-être chercher une pomme?

—Non, Rose, je ne viens pas chercher une pomme, mais un bout de ficelle.

 —Un bout de ficelle, pourquoi faire?

—Pour réparer Paul.

—Tiens, Paul s’est donc cassé le bras? Est-il tombé?

—Oui, Rose, il est tombé de la table. Je suis le docteur et je le guérirai, ce pauvre petit blessé. Mais c’est bien difficile. Avez-vous un bout de ficelle?»

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-07.jpg

Rose cherche dans le tiroir de la table et trouve une ficelle.

«Voilà une jolie ficelle, Monsieur le docteur, dit-elle.

—Merci beaucoup, Rose!

—Et voilà aussi une belle pomme pour le petit malade.

—Oh merci! mais il est trop malade pour manger des pommes. Je la mangerai avec Marie.»

Jean met la pomme dans sa poche. Il prend la ficelle et l’attache autour du poignet de Paul, puis autour de son corps. Maintenant le bras est attaché au corps. Le médecin et le malade retournent chez la maman.

«Au revoir, et merci, Rose!

—Au revoir, Monsieur le Docteur, bien des choses à Madame.»


VIII. Paul est guéri, mais comment?

Jean rentre dans la chambre.

«Ah! bonjour, Monsieur le Docteur, dit la maman. Mon cher petit garçon est-il guéri?

—Oui, Madame, Paul est tout à fait guéri.

—Oh! quel bonheur! crie Marie.

Viens, mon petit Paul!»

Mais quand elle voit le bras, Marie devient toute triste.

«O Monsieur le Docteur, dit-elle, le bras de Paul est retourné. La main tient à l’épaule. Paul ne peut plus se servir de sa main.

—Oh! ça ne fait rien, Madame, dit le docteur. Maintenant Paul ne pourra plus mettre la main dans le sucrier. Voilà ce que c’est, petit gourmand, dit-il à Paul, mais regarde, ta pauvre maman est toute triste; tiens, elle pleure! embrasse-la.»

Mais Paul n’embrasse pas sa maman.

—Oui, Docteur, dit la maman, je pleure. Paul ne peut plus prendre de sucre, c’est vrai, mais comment fera-t-il pour travailler plus tard?

—Ah Madame, ne pleurez pas. Paul sera chanteur plus tard, alors il n’aura pas besoin de son bras.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-08.jpg

—Tiens, c’est vrai, Docteur. Que je suis contente! ça ira très bien. Le petit Paul sera donc chanteur.

—Allons, au revoir, Madame.

—Adieu, Monsieur le Docteur, et merci, merci beaucoup!»

 

IX. Une visite.

Jean, le docteur, va partir, mais la porte s’ouvre et deux enfants entrent dans la chambre. L’aîné est un petit garçon de dix ans. Il s’appelle Louis. L’autre, c’est Henriette, une petite fille de huit ans, je pense. Ils sont frère et sœur et Marie et Jean sont leur cousine et leur cousin.

«Bonjour, dit Louis en entrant dans la chambre.

—Bonjour, dit aussi Henriette, à quoi jouez-vous donc?

—Nous jouons au docteur, dit Jean. Moi, je suis le docteur et j’ai guéri le bras de Paul.

—Oui, ajoute Marie, mais il l’a mal remis.

—Ça ne fait rien, s’écrie Jean. Maintenant Paul sera chanteur.»

Louis et Henriette se mettent à rire en voyant Paul. Puis Louis prend le petit chanteur et dit:

«Allons, il va nous chanter une jolie chanson!» Il pose le petit Paul sur une chaise, le dos appuyé au dossier.

«Que voulez-vous chanter, monsieur le chanteur?»

Paul ne répond pas.

«Que savez-vous chanter?»

Paul ne répond toujours pas.

«Nous l’aiderons un peu,» dit alors Louis; et il se met à chanter une petite chanson.

 
 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-09.jpg

Et Marie croit vraiment que c’est son petit garçon qui chante.

 

X. Est-ce Paul qui chante?

Louis se met à chanter. Bientôt Henriette chante aussi, ainsi que Jean, notre petit docteur.

Et Marie? Elle croit toujours que c’est Paul qui chante et elle en est très contente. Pourtant elle se met aussi à chanter le second couplet, car elle connaît la chanson.

Et qu’est-ce que Paul chante donc? Ecoutez ces quatre petites voix et alors vous le saurez.

COCORICO.

Cocorico

Ecouter Partition

Les coqs toujours à voix pleine,
Vont chantant Cocorico,
Ayant picoté leur graine,
Ils chantent cocorico!
Ayant bu à la fontaine,
Ils chantent cocorico.

Le beau soleil luit à peine,
Leur voix dit: cocorico!
S’il va pleuvoir dans la plaine,
Leur voix dit: cocorico!
Enfin, toute la semaine,
Toujours, c’est: cocorico!

XI. Le vrai père et la vraie mère.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-10.jpg

Dans la chambre d’à côté, sont assis les parents de Jean et de Marie. Ils prennent une tasse de thé. Le père lit le journal et la mère écrit une lettre. Maman pose son porteplume et demande:

«Veux-tu encore une tasse de thé, papa?

—Oui, répond papa, mais sans sucre, s’il te plaît, et très peu de lait!

—Veux-tu encore un petit-four?

—Non! merci, car j’ai un peu mal aux dents.»

Maman verse alors une tasse de thé et papa lit son journal en fumant un cigare.

«Comme les enfants font du bruit! dit papa, qu’est-ce qu’il y a donc?

—Louis et Henriette sont avec eux. Ils jouent à l’école, je pense. Mais ils chantent si fort. Allons voir un peu ce qu’ils font!»

Papa et maman se lèvent pour aller voir les enfants. Mais la porte est fermée. Ils s’arrêtent et écoutent.

Maintenant ils entendent le joli chant. Papa oublie qu’il a mal aux dents: le chant est si gai!

Il ouvre doucement la porte et que voit-il? Il voit quatre enfants qui chantent et une poupée qui ne dit rien.

Mais quand les parents entrent, les enfants aussi s’arrêtent de chanter. Tous les cinq ne disent plus rien maintenant.


XII. Papa n’a pas besoin de chanter.

«Qu’est-ce qu’il y a donc?» demande papa.

Les quatre enfants éclatent de rire.

«Eh bien! demande maman, que faites-vous? Jouez-vous à l’école?

—Oh non, maman, dit Marie, Paul chante.

—Paul, demande papa, qui est-ce?

—C’est la poupée de Marie, répond maman.

—Non! s’écrie Marie, c’est mon fils et il s’est cassé le bras. Jean l’a mal remis, et maintenant il faut que Paul chante.

—Il faut qu’il chante parce que son bras est mal remis? Je n’y comprends rien, dit papa.»

Maintenant Jean raconte toute l’histoire.

«Ah! ah! je comprends, dit papa. En voilà un beau docteur!

—Mais c’était si difficile! dit Jean. La ficelle glissait tout le temps. Alors j’ai mis la ficelle autour du poignet, j’ai retourné le bras et je l’ai attaché à l’épaule.

—Tiens, tiens, tu es un drôle de docteur. Je ne te demanderai pas de m’arracher ma dent. Tu m’arracherais peut-être la langue au lieu de la dent.

—Oh! s’écrie Marie, ça ne fait rien, petit père, car tu n’as pas besoin de chanter comme Paul.»


XIII. Toute seule!

Quinze jours après, Marie était toute seule dans la chambre avec ses deux poupées. Mais où était donc Jean? Jean était allé pour la première fois à l’école. Marie en était très triste. Elle se sentait si seule! Jean savait si bien jouer au père, au docteur, au cocher ou au cheval. Et voilà qu’il était parti! Qui serait maintenant père, ou docteur, ou cocher, ou cheval?

http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-11.jpg

 

Paul, le chanteur, était assis dans sa petite chaise, mais il ne chantait pas. Etait-il triste aussi parce que Jean n’était pas là?

Marie le sortit de sa chaise et le prit par la main: elle allait se promener un peu avec lui. Elle prit Alice par l’autre main.

Alice était toujours sage: elle ne mangeait pas de sucre, elle ne se cassait pas le bras, elle n’avait pas besoin du docteur, elle était très gentille.

Mais où va Marie? Elle va conduire Paul à l’école. Il sera chanteur, c’est vrai, mais il faut qu’il apprenne à lire, à écrire et à calculer.

Elle sonne au bouton de la porte, puis elle dit:

«Bonjour, Monsieur, je viens conduire Paul à l’école. Voulez-vous le recevoir?

—Oui, Madame, dit la même petite voix, mais d’un ton plus bas.

—Le voici, Monsieur. Il faut qu’il devienne chanteur. Mais il faut aussi qu’il apprenne quelque chose. Voulez-vous lui donner des leçons?

—Oui, Madame.

—Voulez-vous lui apprendre à lire?

—Oui, Madame.

—Et à écrire?

—Oui, Madame.

—Et à calculer?

—Oui, Madame.

—Alors, je m’en vais. Au revoir, Monsieur! Au revoir, Paul!»

Elle pose Paul par terre dans un coin et elle s’en va avec Alice.

Maintenant elle est encore plus seule. Pauvre petite!


XIV. Son premier jour de classe.

Aujourd’hui, notre docteur de six ans est allé pour la première fois à l’école. Il a suspendu son capuchon et son béret au portemanteau. Et maintenant il est assis dans son banc et il ne dit rien.

Il y a encore d’autres nouveaux. Il y en a trente dans la classe et tous ont l’air un peu timides.

«Quel âge avez-vous? demande le maître en regardant Jean.

 —J’ai six ans, Monsieur.

—Et comment vous appelez-vous?

—Je m’appelle Jean-Guillaume La Harpe.

—Ah! ah! vous vous appelez La Harpe! Alors vous savez faire de la musique sans doute?

—De la musique, Monsieur?

—Mais oui, jouer de la harpe!»

Jean se mit à rire.

«Ou bien, savez-vous peut-être chanter très joliment?»

Jean se mit encore à rire.

«Allons, chantez-nous une jolie chanson!»

Jean se mit à chanter. Sa petite voix tremblait un peu, mais pourtant c’était bien joli. Et que chantait-il? La même chanson que Paul avait chantée. Ecoutez:

Les coqs toujours à voix pleine
Vont chantant: cocorico!

«Très bien! c’est très joli!» dit le maître. Et tous les enfants trouvaient la chanson bien jolie.

«Qui sait une autre chanson?» demande le maître.

Un autre garçon leva le doigt et dit:

«Moi, Monsieur!

—Comment vous appelez-vous?

—Pierre Nicole, Monsieur.

—Eh bien, Pierre, commencez.»

Et Pierre récita:

«Je m’appelle Pierre Nicole,
Je vais maintenant à l’école.

—C’est tout? dit le maître.

—Oui, Monsieur, c’est tout!

—Et qui t’a appris cette belle poésie?

—C’est mon père.

—Alors ton père sait faire de jolies poésies. Moi, je t’apprendrai une poésie sur un autre petit Pierre.»

Jean s’amusait beaucoup en classe. En rentrant, ses joues étaient toutes rouges, tant il s’était amusé.

«Sais-tu, maman, dit-il, le maître nous apprendra une poésie sur Pierre et je te la réciterai alors!»


XV. Un bon et un mauvais écolier.

Et qu’est-ce que Paul avait appris à l’école? Aussi de jolies chansons, peut-être? Monsieur avait promis de lui apprendre à lire, à écrire et à calculer. Mais Paul était sans doute très bête, car il ne disait pas un mot quand Marie lui demandait quelque chose.

«As-tu bien travaillé en classe?»

Paul ne disait rien.

«Sais-tu lire maintenant?»

Paul se taisait toujours.

Alors Marie se fâcha. Elle allait le prendre par le bras et le secouer, mais tout à coup elle se rappela qu’il n’avait qu’un bon bras. Elle le laissa donc assis par terre et le gronda seulement.

Heureusement, la porte s’ouvrit et Marie vit entrer Louis. Elle n’était plus seule.

«O Louis, dit-elle, Paul est si bête, il n’apprend rien!

—Alors, moi je sais une poésie d’un autre Paul, dit Louis. Veux-tu que je la récite? Cela aidera peut-être un peu ton petit Paul à toi.

—Oh! je veux bien! dit Marie.»

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-12.jpg

Paul et Marie écoutaient de toutes leurs oreilles et Louis déclama:

LE BON ÉCOLIER.

Le soleil a doré la plaine,
Petit Paul s’éveille joyeux;
Tous les jours, il quitte sans peine
Son oreiller doux et soyeux.
Au plus vite, il fait sa toilette,
Car il sait que son teint vermeil
Vient surtout de sa peau bien nette
Et de ses jeux au grand soleil.
Petit Paul embrasse sa mère,
A l’école il s’en va chantant;
Si l’étude est parfois amère,
Le savoir fait le cœur content.

Marie trouvait la poésie très jolie.

«Seras-tu aussi un bon écolier, mon petit Paul?» demanda-t-elle.

Mais Paul ne disait rien.


XVI. La Chanson du petit Pierre.

Quelques jours après, Jean rentra de l’école. Maintenant il savait la chanson du petit Pierre. Il savait la réciter et la chanter. Il était bien content.

«Petite Mère, dit-il, écoute bien. Je vais te réciter ma poésie.»

Et Jean se mit à réciter:

«Petit Pierre,
La lumière
Déjà luit:
Hors du lit!
Notre coq claironne,
La cloche résonne:
Dig, din, don!
C’est le matin,
Tin, tin, tin, tin!
Réveillez-vous!

Et maintenant je sais encore le second couplet, maman. Veux-tu que je le récite?

—C’est ça, mon petit, j’écoute!»

Et Jean poursuivit:

«Ma petite
Marguerite,
Lève-toi,
Avec moi!
Notre chèvre bêle,
La cloche t’appelle:
Dig, din, don!
C’est le matin!
Tin, tin, tin, tin!
Réveillez-vous!

Et veux-tu que je te la chante maintenant?» demande Jean.

Et sans attendre la réponse, notre écolier chanta le petit air suivant:

 
Petit Pierre

 

(Cet air se chante aussi en canon.)


XVII. Quel vent désagréable!

Oh! quel vilain temps! Il pleuvait, et il faisait du vent. C’était en novembre et un vrai temps de novembre. De la pluie et du vent! Et le vent vous chassait la pluie dans la figure.

Par ce vilain temps, Jean devait aller en classe. Naturellement, il ne voulait pas rester à la maison.

«Reste chez nous, dit Marie; nous pourrons alors jouer ensemble et bien nous amuser.»

Mais non! Jean a trop peur que les autres enfants apprennent quelque chose de nouveau. Et alors il serait en retard. Il ne pouvait pas dire, comme dans la poésie de Louis, «Si l’étude est parfois amère», car pour lui l’étude était encore très amusante!

Il irait donc à l’école, et Rose, la bonne, le conduirait. Jean boutonna bien son capuchon et tira son béret par dessus ses oreilles. Rose ouvrit son parapluie et les voilà partis, bras dessus, bras dessous.

Tant qu’ils étaient dans la rue, entre les maisons, tout alla bien. Ils avaient le vent dans le dos et Rose tenait donc le parapluie derrière leurs têtes. C’était même très amusant et très commode ce vent qui vous poussait! Rose riait et Jean dansait sur le trottoir.

Mais hélas! voilà qu’ils arrivèrent au coin de la rue et alors le plaisir était fini, du moins pour Rose. Tout à coup le vent souffla d’un autre côté. C’était comme s’il venait de tous les côtés à la fois. Rose ne pouvait plus tenir le parapluie: elle résolut de le fermer. Mais il était trop tard! Le vent souffla dans le parapluie et crac! le voilà retourné!

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-13.jpg

Et Rose? La pluie la mouillait tout à fait et le vent lui arrachait presque le parapluie des mains. Et le pauvre petit Jean ne voyait plus où il était car le vent avait 31 32 retourné son capuchon sur sa tête. Il essayait de rabattre son capuchon, mais en vain!

Heureusement un sergent de ville arriva. Il tint le parapluie de l’autre côté, de sorte que le vent lui-même retourna les baleines et l’étoffe. Puis il rabattit le capuchon et l’on vit sortir la tête de Jean.

«Merci, merci, dit Rose. Quel vent désagréable!

—Merci, dit aussi Jean, mais lui il ajouta: Comme ce vent est amusant!»


XVIII. Quel vent délicieux!

Bientôt ils étaient arrivés à l’école. Jean entra et Rose retourna à la maison. Heureusement il ne pleuvait plus. Rose ferma donc son parapluie. Mais il faisait toujours du vent.

A l’école, tout était tranquille. Le vent ne pouvait pas y entrer. Pourtant, chaque fois que la porte s’ouvrait, le méchant vent essayait d’entrer. Alors il soulevait les capuchons et les manteaux suspendus dans le vestibule de l’école. Et quand il pouvait entrer en classe, il retournait même les feuilles des livres. Alors, on lui fermait vite la porte au nez. L’école était pour les enfants. Monsieur le vent devait rester dehors. C’était là sa place. Là, il pouvait jouer, chasser et taquiner autant qu’il le voulait. Et c’est ce qu’il faisait! Il soufflait dans les rues et par dessus les toits. Et il soufflait aussi dans les arbres qui étaient dans le jardin de l’école. Il les attrapait et les secouait et alors la cime penchait à droite et à gauche, les branches craquaient et les pauvres feuilles mortes, arrachées des branches, s’envolaient partout. Elles ne savaient pas où aller, les feuilles et, dans leur frayeur, elles entraient en classe par la fenêtre ouverte. Alors les enfants éclataient de rire et levaient leurs petites mains pour les attraper au vol.

Il était vraiment bien amusant, le vent!


XIX. Les Saisons.

Les enfants s’amusaient beaucoup et avaient attrapé bien des feuilles qu’ils montraient à leur maître.

«Maintenant nous sommes en automne, dit le maître.»

Oui, c’est ce que les enfants savaient.

«Et quelles sont les autres saisons?» Plusieurs enfants levaient la main.

«Allons Jean, récitez-moi les noms des saisons. Mettez-vous sur le petit banc devant la classe.»

Jean monta sur le petit banc et récita: «Les quatre saisons sont: le printemps, l’été, l’automne et l’hiver.

—C’est bien! Et quand commence le printemps?»

Jean ne le savait pas et les autres enfants ne le savaient pas non plus. Mais Jean raconta qu’en été il faisait chaud et en hiver froid, qu’au printemps les feuilles venaient aux arbres et qu’en automne elles tombaient. C’était très bien pour un petit garçon de six ans.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-14.jpg

«Et quelle saison aimez-vous le mieux?

—L’automne, dit Jean. Le vent est si délicieux. Et Monsieur, poursuivit-il, ce matin mon capuchon s’est  retourné et un sergent de ville l’a rabattu. Et le parapluie de Rose s’est retourné aussi!

—Et vous trouviez ça amusant, vous?

—Oh oui, Monsieur, très amusant!»

Monsieur se mit à rire et se dit que Rose n’avait peut-être pas trouvé le vent si amusant.

Et il avait bien raison.


XX. Encore une petite fille.

Marie était assise à la fenêtre. Elle regardait dans la rue: le vent l’amusait, elle aussi. Tous les petits papiers s’envolaient, parfois même par dessus les toits.

Mais ce cycliste ne s’amusait pas, lui. Il pédalait, pédalait et.... n’avançait pas.

Et cette pauvre petite fille, là bas, ne s’amusait pas non plus. Oh! la pauvre enfant! Elle avait une petite robe très mince et avait l’air d’avoir bien froid.

«O maman, dit Marie, regarde un peu comme cette petite fille a froid. Peut-elle entrer se chauffer?

—Oui, petite, appelle-la donc.»

Marie se mit à crier: «Petite fille, petite fille!» Mais la petite fille ne l’entendait pas. Alors Marie frappa à la vitre. Mais la petite fille ne l’entendait toujours pas.

«Frappe un peu plus fort, dit la maman.» Marie frappa plus fort et enfin la petite fille se retourna. Mais elle  ne comprenait pas qu’on l’appelait. Alors Marie lui fit signe des deux mains.

«Vous m’appelez?» demanda la fillette dans la rue. Maintenant Marie ne l’entendait pas. Alors la petite fille se mit la main sur la poitrine. Cela voulait dire: C’est moi que vous appelez? Oui, oui, dit la tête de Marie.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-15.jpg

Alors la fillette s’approcha enfin de la fenêtre. La maman de Marie avait déjà dit à Rose d’ouvrir la porte.  Bientôt la petite entra dans le vestibule, puis dans la chambre bien chauffée.

«Comment t’appelles-tu? demanda tout de suite Marie.

—Ninette, dit la petite fille.

—Et comment va ta mère? demanda la maman de Marie. Va-t-elle mieux?

—Non, Madame, maman est encore bien malade.»

Marie était très étonnée. Sa maman connaissait donc Ninette?

Mais ce n’était pas étonnant, car Ninette était la fille du jardinier qui arrangeait toujours le jardin derrière la maison.


XXI. Ninette.

Voilà plus d’un an que la mère de Ninette était malade. Tous les jours elle était couchée. Quelquefois elle se levait pendant une heure, mais jamais elle ne sortait de la maison. Elle ne pouvait presque pas travailler. Elle cousait un peu dans son lit, mais c’était tout. Voilà pourquoi les enfants devaient faire le ménage. Ninette aidait aussi beaucoup et pourtant elle n’avait que huit ans.

La mère de notre petite Marie avait souvent été voir la pauvre malade, pour lui apporter des fortifiants ou des fruits. Elle connaissait donc Ninette et voilà pourquoi elle avait permis à Marie d’appeler la petite fille.

 «Veux-tu jouer avec moi? demanda Marie.

—Je ne puis pas rester, répondit Ninette. Je dois aller à l’école.

—Mais les classes commencent à neuf heures, Jean est déjà parti.

—Oui, mais ma robe était mouillée et j’ai dû retourner chez nous pour en mettre une autre.»

C’était dommage! Marie était si contente d’avoir une camarade pour jouer avec elle, maintenant que Jean n’était pas là et voilà que Ninette devait aussi aller à l’école. Mais Ninette ne pouvait pas aller dans la rue sans manteau. Il faisait si froid. Et Marie lui demanda:

«Pourquoi n’as-tu pas mis ton manteau?»

Ninette ne répondit pas, elle rougit seulement.

«Et pourquoi la bonne ne t’a-t-elle pas conduite à l’école sous un parapluie? Alors tu ne serais pas mouillée. Rose a conduit Jean, n’est-ce pas maman?

—Oui, répondit maman, mais la mère de Ninette n’a pas de bonne. Allons, dis au revoir à ta nouvelle petite amie.»

Et Ninette, qui avait bu la tasse de chocolat que Rose lui avait donnée, partit à l’école.

«Au revoir, Ninette, tu reviendras, n’est-ce pas?

—Oui, s’il vous plaît, au revoir Madame, au revoir Marie.»

 

XXII. Ninette partie.

Ninette était partie à l’école et Marie l’avait vue partir sans manteau: et le vent était bien froid!

Marie avait bien entendu parler de pauvres, mais pourtant elle ne savait pas très bien ce que c’était. Il y avait donc des familles sans bonne? Qui faisait alors les lits et qui faisait la cuisine? Et une petite fille qui n’avait pas de manteau quand il faisait si froid? C’était trop drôle! Quand on a besoin d’un manteau, on va avec sa maman dans une boutique, pour en acheter un. Ou bien, un homme apporte une grande boîte avec des manteaux à la maison et puis on les essaye. Et papa paye le manteau qu’on achète.

«Petite Mère, demanda Marie, pourquoi le papa de Ninette ne lui achète-t-il pas un manteau?

—Il ne peut pas le payer, chérie.

—Pourquoi? parce que la maman de Ninette est malade peut-être? Cela coûte-t-il cher d’être malade, maman?

—Oui, chérie, répondit maman.»

Elle ne pouvait pas tout dire à sa petite fille.

«Mais tu n’es pas malade, maman, alors papa peut bien payer le manteau de Ninette.

—C’est ça, nous irons en acheter un ensemble.»

Et la maman sortit de la chambre pour causer avec Rose du dîner.

 

XXIII. Marie regarde par la fenêtre.

La petite Marie était de nouveau seule. Heureusement elle avait Paul et Alice. Elle les mit dans la croisée: alors ils pouvaient regarder par la fenêtre quels tours jouait le vent.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-16.jpg

Voilà qu’arrive un grand garçon, tirant une voiture à bras. Il a le vent dans le dos: le vent le pousse donc et pousse aussi la voiture. Mais tout à coup le vent enlève la casquette du garçon et l’emporte bien loin. Le garçon laisse la voiture au milieu de la rue et court à toutes jambes pour attraper sa casquette. Voilà la casquette, le garçon arrive, il se baisse pour la ramasser mais.... voilà le vent qui la prend et l’emporte encore plus loin.

Marie presse son petit nez contre la vitre pour voir si le garçon attrape sa casquette. Mais il est trop loin, elle ne le voit plus et la voiture à bras attend toujours dans la rue.

Voilà des moineaux qui s’abattent dans la rue. Ils cherchent des miettes, mais le vent les pousse. Oh! les pauvres moineaux! Ils ne peuvent presque pas se tenir sur leurs petites pattes. Et quand ils voient une graine ou une miette, ils doivent souvent courir après, comme le garçon après sa casquette.

Oh! voilà justement le garçon. Il a attaché sa casquette avec une ficelle. Maintenant il reprend sa voiture et continue son chemin.

 http://www.gutenberg.org/files/44157/44157-h/images/x-im-17.jpg

Une pauvre vieille arrive maintenant. Elle ne peut presque pas avancer. Elle marche tout près des maisons, mais là aussi souffle ce vilain vent. Elle doit s’arrêter bien souvent. Le vent souffle si fort et ses jupes sont tendues contre ses jambes. Pauvre vieille! elle n’aime pas beaucoup le vent.

Comme ça Marie voit tous les tours que joue ce vent que les uns trouvent bien amusant et les autres bien désagréable!

 

XXIV. Marie sort.

A onze heures la maman de Marie entre dans la chambre.

«Tiens, dit-elle, tu regardes encore par la fenêtre?

—Oui, maman, répond Marie. Tout est amusant aujourd’hui. Les papiers volent, les casquettes volent. Paul et Alice ont aussi regardé dans la rue.

—Veux-tu sortir avec moi et aller prendre Jean à l’école?

—Oh! je veux bien, petite Mère.

—Tu n’as donc pas peur de ce vent désagréable?

—Non, pas du tout, je le trouve si amusant!»

Bientôt, la maman et la petite fille sortent de la maison, chaudement habillées.

D’abord, elles vont dans un magasin de nouveautés acheter un manteau pour Ninette. Le marchand en  montre plusieurs et la maman en choisit un bien chaud et bien long.

Puis elles vont à l’école et entrent dans le vestibule: il fait si froid dans la rue! Bientôt elles entendent une cloche et tous les petits garçons et les petites filles arrivent deux à deux et bien en rang. Marie voit tout de suite son petit frère, mais celui-ci reste bien en rang jusqu’à la porte, puis il court vers sa mère:

«Bonjour maman, bonjour Marie.»

Et les voilà partis tous les trois, la maman donnant le bras à ses deux enfants. Au coin de la rue le vent essaya encore une fois de retourner le capuchon, mais Jean le tenait bien cette fois!

Bientôt ils sont rentrés. Tous les trois ont les joues bien rouges. Voilà ce qu’avait fait ce bon vent!


XXV. Il nous faut travailler tous.

«O maman, comme j’ai faim! dit un jour Jean en rentrant de l’école.

—C’est une bonne maladie, dit maman. Le dîner te guérira.»

Une heure après, à table, Jean vit que le dîner était bien bon quand on avait faim. Il mangea comme quatre et.... la faim disparut!

Après le dîner, Papa, Maman, Jean et Marie étaient dans la chambre. Les enfants jouaient, maman préparait le thé et papa s’était assis dans un fauteuil et s’était endormi.

Mais les enfants faisaient beaucoup de bruit. Ils jouaient au vent.

Paul, le chanteur, était un grand garçon qui, d’un bras, poussait une voiture. Et voilà que le vent emportait sa casquette! Mais le vent, c’était la main de Jean. Il avait pris la casquette et l’avait lancée bien loin dans la chambre. Alors Paul laissait sa voiture à bras au milieu de la chambre et Marie prenait Paul par la main et courait après la casquette.

«Vous faites trop de bruit, mes enfants, dit maman. Papa ne peut pas se reposer.»

Pendant un moment tout fut tranquille, mais bientôt le bruit recommença. Il faisait tant de vent!

«Venez ici, mes chéris, dit tout doucement maman. Si vous faites tant de bruit, papa se réveillera et alors il ne se sera pas bien reposé.»

Les enfants venaient chez maman, mais ils n’étaient pas contents: ils s’amusaient si bien!

«Pourquoi papa doit-il dormir? demanda Marie. Nous dormons la nuit.

—Parce que papa est si fatigué.

—Et pourquoi papa est-il si fatigué?

—Parce qu’il travaille tant.

—Pourquoi travaille-t-il tant?

—Pour gagner de l’argent.

—Et pourquoi doit-il gagner de l’argent?

—Parce que nous devons manger, mes enfants. Quand les enfants rentrent de l’école et qu’ils ont bien faim, nous devons leur donner à manger. Et ce manger, nous devons l’acheter. Et pour l’acheter, il faut de l’argent. Et cet argent papa doit le gagner. Et pour gagner cet argent, papa doit beaucoup travailler!

Allons, je vous apprendrai une poésie sur cinq petits bonshommes.


Le premier dit: J’ai bien faim!
L’autre dit: Il faut du pain!
L’autre dit: Je n’en ai guère.
Le voisin dit: Comment faire!
Le petit dit: Savez-vous?
Il nous faut travailler tous.»

Quand papa se réveilla, il s’était bien reposé et les petits pouvaient lui réciter une jolie poésie.


XXVI. Le plus petit, le plus sage.

Et qui étaient ces cinq petits bonshommes? C’étaient les cinq doigts de la main. Le premier, qui a faim, c’est le pouce. Le second, qui dit qu’il faut du pain, c’est monsieur l’index. Le troisième, qui remarque tristement qu’il n’a rien, c’est le majeur ou doigt du milieu. Le quatrième, qui demande ce qu’il faut faire, c’est l’annulaire. Et le cinquième, le plus sage de tous, c’est le petit doigt ou auriculaire.

Ce petit doigt sait qu’il faut travailler pour gagner son pain. Il est donc le plus sage et pourtant c’est le plus petit.

«C’est tout juste comme dans le Petit Poucet, dit maman.

—O maman, demandèrent Jean et Marie, raconte-nous l’histoire du Petit Poucet.»

Ils la connaissaient déjà, mais ils désiraient beaucoup l’entendre encore une fois.

Et voici ce que maman raconta: «Il était une fois un bûcheron qui demeurait dans un grand bois avec sa femme, la bûcheronne, et avec ses sept enfants, tous garçons. Le cadet, qui était tout petit, s’appelait le Petit Poucet.

Il travaillait aussi beaucoup, notre bûcheron, pour nourrir toutes ces petites bouches, mais il gagnait très peu d’argent.

Un jour qu’il n’avait plus rien à leur donner à manger, le bûcheron dit à sa femme: «Je vais aller perdre les enfants dans le bois. J’aime mieux qu’ils meurent de faim dans le bois que chez nous.» La pauvre bûcheronne pleura beaucoup, mais consentit enfin à ce que son mari voulait.


XXVII. Le Petit Poucet. (suite)

«Le lendemain, le père partit avec ses enfants pour les perdre dans le bois. Mais le Petit Poucet, qui s’était caché derrière la porte, le soir, et qui avait entendu tout ce que ses parents disaient, avait emporté des cailloux blancs.

Agrandir

Il jeta ces cailloux sur la route, et quand le père fut parti et que les six frères pleuraient, Petit Poucet leur dit: «Suivez-moi. Je retrouverai la maison.» Et il conduisit ses six grands frères à la maison, en suivant les cailloux blancs.

Les sept frères restèrent quelque temps à la maison, car le père avait reçu un peu d’argent.

Mais quand il n’eut plus d’argent, le pauvre bûcheron résolut de perdre encore une fois les enfants. Quand le petit Poucet voulut, comme la première fois, chercher des cailloux blancs, la porte était fermée. Alors il emporta du pain et jeta du pain sur la route. Mais hélas! quand, le soir, le père fut parti, les laissant seuls, et que les enfants voulurent rentrer, il n’y avait plus de miettes sur la route: les oiseaux avaient tout mangé.

Les voilà tout seuls dans le bois, les pauvres petits! Le Petit Poucet grimpa alors vite dans un arbre et il vit bientôt une petite lumière. «Je vois une maison, dit-il.» Il descendit de l’arbre et les voilà en route.

Ils cherchèrent longtemps leur chemin, mais arrivèrent enfin à la maison. Ils frappèrent, une femme ouvrit la porte et les enfants lui demandèrent s’ils pouvaient entrer dans sa maison: ils avaient peur du loup, la nuit, dans le bois. La femme leur répondit que cette maison était à son mari, l’ogre, et que celui-ci mangeait les petits enfants. Mais elle voulait bien les cacher jusqu’au lendemain. Et quand elle entendit arriver l’ogre, elle cacha bien vite les sept petits enfants sous le lit.

 

XXVIII. Le Petit Poucet. (fin)

Quand l’ogre entra dans la chambre, il dit tout de suite: «Je sens la chair fraîche!»

Il chercha partout et trouva les sept pauvres petits enfants sous le lit. Il voulait déjà les tuer pour les manger, mais sa femme lui dit: «Mange ce veau que j’ai fait rôtir pour toi, tu mangeras les enfants demain.»

Quand l’ogre eut mangé le veau, il s’endormit et pendant la nuit, la femme ouvrit la porte et les sept enfants partirent bien vite.

Le lendemain, l’ogre dit: «Où sont les enfants? Je veux les manger pour mon déjeuner.» Mais sa femme lui dit qu’ils étaient partis. Furieux, l’ogre mit ses bottes de sept lieues et courut après les enfants.

Mais ceux-ci s’étaient cachés et l’ogre passa devant eux, sans les voir. Quand l’ogre fut fatigué, il se coucha sur la mousse et s’endormit. Pendant qu’il dormait, le Petit Poucet sortit de sa cachette. Il coupa la tête de l’ogre, lui ôta ses bottes de sept lieues et les mit à ses petites jambes. Il rentra alors avec ses frères, mais lui-même partit ensuite chez le roi. Le roi était en guerre et le Petit Poucet, avec ses bottes de sept lieues, lui apporta des nouvelles de son armée qui était très loin. Il fit tant de commissions pour le roi, que celui-ci lui donna un grand sac de pièces d’or.

Avec tout cet argent, le Petit Poucet rentra chez son père, le bûcheron, et celui-ci fut bien content de le voir arriver.

Et ils vécurent très longtemps heureux ensemble.

 

XXIX. La Neige.

Jean trouva l’histoire très belle, comme toujours, mais il remarqua pourtant quelque chose qui ne l’avait jamais frappé. Ce bûcheron n’était pas un vrai père! Un vrai père travaille pour ses enfants. C’est pour cela que son papa à lui était si fatigué tous les soirs et qu’il devait faire un somme. Et le bûcheron chassait ses enfants dans le bois et ils pouvaient revenir quand ils avaient des sacs pleins d’or. C’était le monde renversé! Non, Jean n’aimait pas un tel papa. Il était content d’en avoir un autre, un vrai! Il jouerait toujours tout doucement le soir. Son papa pourrait alors faire un bon somme.

Jean avait raison. Mais heureusement on ne trouve ces bûcherons-là que dans les contes de fées. Les vrais bûcherons ne sont pas de si mauvais pères!

«O maman, il neige!» cria tout à coup Marie.

Les rideaux n’étaient pas fermés et les enfants virent les beaux flocons blancs tomber du ciel sur la terre. D’abord quelques petits flocons, puis un peu plus et bientôt tant de flocons tombaient qu’on ne voyait plus que du blanc partout.

Les enfants n’avaient pas beaucoup envie d’aller se coucher, mais ils montèrent pourtant bientôt et, dans leurs petits lits, ils pensèrent au plaisir qu’ils auraient le lendemain.

Le lendemain, un épais tapis de neige couvrait la terre. Que c’était amusant pour les enfants. C’était un jeudi, heureusement. Jean n’allait donc pas en classe. Il joua au jardin avec Marie. Ils se jetèrent des boules de neige, montèrent en traîneau, et firent des glissades. Qu’elle était amusante la neige!

 

XXX. Les Moineaux.

Et les moineaux? Aimaient-ils aussi la neige? Oh non! Ils trouvaient déjà si peu de graines par ces froids et maintenant tout était caché sous cet épais tapis blanc. Comment feraient-ils pour trouver à manger maintenant? Heureusement les enfants étaient là. Leurs petites mains jetèrent des miettes au jardin et comme ça les pauvres moineaux ne mouraient pas de faim.

Et en même temps, Jean apprenait à Marie une chanson qu’il avait apprise à l’école, sur les moineaux et sur la neige. La voici.

LES MOINEAUX.

Les moineaux

Ecouter Partition

1.
Blanche neige est en voyage,
C’est l’hiver! (bis)
Les moineaux dans le village
Font leur plainte de concert.
Blanche neige est en voyage,
C’est l’hiver! (bis)
2.
Plus d’abri sous les feuillages,
Plus de grain! (bis)
Le vent perce les plumages,
Mais surtout, on a bien faim!
Plus d’abri sous les feuillages,
Plus de grain! (bis)
3.
Un enfant alors partage
Son goûter! (bis)
Dans les trous du voisinage,
Chacun peut en emporter!
Un enfant alors partage
Son goûter! (bis)
4.
Aussitôt, joyeux tapage,
Sur le toit. (bis)
Les pauvrets ont pris courage,
Et gaîment bravent le froid.
Aussitôt, joyeux tapage,
Sur le toit! (bis)

XXXI. Quatre fois deux font sept.

«Maman, tu m’as promis que Ninette pourrait venir jouer avec moi. Rose peut-elle aller la chercher, dis?

—Mais, chérie, Ninette est en classe aujourd’hui. Demain, c’est jeudi, alors elle aura congé, comme tous les enfants. Nous l’inviterons alors, si tu veux.

—Oh oui, maman. Que c’est amusant! Il faut qu’elle reste toute la journée alors.»

Notre petite Marie était bien contente. Rose dut aller tout de suite inviter Ninette. Heureusement la maman de Ninette allait un peu mieux; elle permit donc à sa petite fille d’aller passer tout le jeudi chez Marie.

Maintenant, c’est jeudi et les deux petites amies sont ensemble. Ninette est l’aînée et pourtant c’est Marie qui commande. Elle conduit sa nouvelle amie partout, lui montre ses poupées, leur lit, leur voiture et tous les autres joujoux. Ninette trouve tout cela bien beau et est très contente de jouer.

Voilà d’autres visites, c’est Louis et Henriette. Louis s’en va bien vite au jardin avec Jean et les trois fillettes restent dans la chambre. A quoi joueront-elles? A l’école? Oui, c’est ça. Henriette sera la maîtresse, car elle est l’aînée. Marie et Ninette s’assoient sur deux petites chaises et Henriette marche de long en large dans la chambre: une maîtresse peut faire ce qu’elle veut! Enfin, elle s’arrête devant la classe et dit à Ninette:

«Comment t’appelles-tu?

—Ninette, Mademoiselle.

—Eh bien, Ninette, récite-moi la table de cinq.»

Et Ninette récite:

«Une fois cinq fait cinq.
Deux fois cinq font dix.
Trois fois cinq font quinze.
Quatre fois cinq font vingt.
Cinq fois cinq font vingt-cinq.
Six fois cinq font trente.
Sept fois cinq font trente-cinq.
Huit fois cinq font quarante.
Neuf fois cinq font quarante-cinq.
Dix fois cinq font cinquante.

—C’est bien, dit la maîtresse. Et toi, Marie, récite-moi la table de deux.

—Je ne la sais pas, Mademoiselle.

—Alors, je t’aiderai. Commence toujours.»

Et Marie récite:

«Une fois deux fait deux.
Deux fois deux font quatre.
Trois fois deux font six.
Quatre fois deux font sept.
Cinq fois deux font quinze.
Six....

—Holà! crie la maîtresse, ce n’est pas ça! Quatre fois deux font huit; cinq fois deux font dix. Et combien font six fois deux?

—Six fois deux font neuf, répond Marie.

—Non, non, ce n’est pas ça! Tu ne sais pas tes tables de multiplication. Compte alors de un à cent.»

Marie commence à compter. Tout va bien jusqu’à douze, mais ensuite elle dit: quinze, vingt, dix-sept, cent. Elle y est bien vite comme ça, mais, à vrai dire, beaucoup trop vite.


XXXII. Le Thé.

A présent, Marie veut jouer à autre chose; mais à quoi? Si l’on jouait au thé: elle a un si joli service à thé. C’est ça, ce sera amusant.

Marie pose sur sa petite table un plateau sur lequel elle met la théière, le pot au lait, le sucrier, quelques tasses et des soucoupes et enfin une boîte avec de jolies petites cuillers. Maman met des feuilles de thé dans la théière, mais très peu, car le thé ne doit pas être trop fort. Rose ajoute de l’eau bouillante et maintenant Marie laisse infuser le thé sous le joli petit chauffe-thé que sa maman lui a fait.

Henriette et Ninette vont dans l’autre chambre. Elles doivent venir en visite chez Marie.

Elles frappent: toc toc.

«Entrez,» crie Marie.

Deux petites dames entrent dans la chambre. «Bonjour, Madame, vous allez bien?

—Très bien, merci, Madame; et comment allez-vous?

—Très bien, Madame. Quel temps, n’est-ce pas? Il y a de la neige partout et ces méchants gamins vous jettent des boules.

—Asseyez-vous donc, mesdames. Puis-je vous offrir une tasse de thé?

—Avec plaisir, Madame.

—Prenez-vous du sucre et du lait?

—Volontiers, dit Ninette.

—Vous aussi, Madame Henriette?

—Du sucre, mais pas de lait, s’il vous plaît.»

Marie remplit très bien les deux tasses, sans renverser une goutte. Mais quand elle remplit sa tasse à elle, oh la la! elle verse trop vite, et remplit aussi la soucoupe. Ce n’est pas joli de donner un bain de pied à sa tasse.

«Excusez-moi, dit Marie à ses visites. Je vais appeler Jeanne.»

Jeanne, c’est la bonne, mais elle ne peut pas bien marcher: elle a des jambes en toile, en son et en faïence. Voilà pourquoi Marie la porte et maintenant Jeanne, la bonne, lave la tasse et la soucoupe avec les mains de Madame.

«A la bonne heure! dit Marie. Le malheur est réparé! Voulez-vous un petit four, Madame?

—Avec plaisir,» disent Henriette et Ninette. Marie arrive avec une boîte en fer blanc où il y a heureusement encore quelques biscuits. Elle les offre; les deux visites se mettent à les grignoter, lorsque.... boum! 61 on entend un grand coup contre les vitres, du côté du jardin. Les trois dames se lèvent et, de frayeur, Ninette laisse tomber son biscuit.


XXXIII. Dans la Neige.

D’où venait ce coup? Il y a une grande cocarde blanche sur la vitre. Ce sont les restes d’une balle. Est-ce qu’on se bat donc au jardin? Oui, deux soldats se battent contre un gros bonhomme tout blanc.

D’abord, les soldats ont fait le bonhomme. Ils ont roulé la neige et en ont fait deux grosses jambes; une autre grosse boule représente le corps et une dernière boule, plus petite, représente la tête. Ils ont placé le gros corps sur les deux jambes, puis la tête sur le corps. Au milieu de la tête, ils ont mis une petite boule un peu aplatie: c’est le nez. Au-dessus du nez, à droite et à gauche, deux pierres représentent les yeux. C’est comme ça que le gros bonhomme tout blanc est né. A présent les deux soldats le bombardent de boules blanches: ce sont les balles. Mais les balles ne sont pas toutes bien lancées et c’est comme ça qu’il y en a une qui s’est aplatie contre les vitres et a effrayé les trois dames qui prenaient le thé.

Comme elles sont debout à présent, ces dames courent vers la fenêtre. Comme les garçons s’amusent! Marie  oublie qu’elle est une dame qui reçoit des visites et elle crie:

«Maman, pouvons-nous aussi aller au jardin, dis? C’est si amusant!

—J’ai peur que vous vous mouilliez, mes petites.

—Oh! ça ne fait rien, maman. C’est si amusant de lancer des boules de neige!

—Et de les lancer contre les vitres, n’est-ce pas? Eh bien, allez, mais faites attention de ne pas trop vous mouiller et dites aux garçons de prendre garde aux vitres.» Marie court à toutes jambes au jardin. Sa cousine et Ninette la suivent. Cette dernière passe une bien bonne journée. C’est si amusant de jouer à l’école, de prendre le thé et de lancer des boules de neige.

Jean met une branche dans la bouche du bonhomme: c’est son cigare. Celui des cinq enfants qui fera tomber le cigare aura gagné. Les cinq petits sont bien occupés. Ils ramassent de la neige, en font des boules et les lancent contre la tête du soldat blanc. Mais ce monsieur continue tranquillement à fumer. Les balles sifflent autour de ses oreilles, mais il ne bouge pas.

«Bravo!» crie tout à coup la petite troupe. Une boule avait touché le cigare et celui-ci était tombé par terre.

«Qui a si bien visé? demande Louis.

—C’est Ninette, dit Marie, elle sait encore mieux viser que les garçons!»

  Agrandir

Ninette est si contente: elle s’amuse tant! et elle rit de tout cœur avec les enfants. Cela ne lui arrive pas souvent à la pauvre petite. Chez elle tout est si triste 64 parce que sa maman est toujours malade, et Ninette est encore si petite! Quand elle rentre ce soir-là, elle raconte quelle bonne journée elle a eue, et puis, elle s’endort, très contente.


XXXIV. Sur la Glace.

Quelques jours après, l’hiver apporta un nouvel amusement. Il avait gelé plusieurs jours et plusieurs nuits de suite, et les étangs du bois étaient couverts d’une épaisse couche de glace.

Jean et Marie ne savaient pas encore patiner: ils étaient si petits. Mais Louis et Henriette patinaient déjà très bien et Papa avait promis aux petits qu’il les emmènerait aux étangs pour voir patiner leur cousin et leur cousine.

Il faisait très froid ce jour-là, mais il n’y avait pas de vent et le soleil brillait et vous réchauffait. Le papa se mit donc en route avec les deux enfants, et, comme ils marchaient d’un bon pas, ils arrivèrent bientôt aux étangs.

«Pouvons-nous aller sur la glace, papa? demanda Jean.

—Sans doute, mon garçon, répondit papa. Venez avec moi.»

Et les voilà qui descendent tous les trois sur la glace. Quelles belles glissades on pouvait faire! Aussi Jean et Marie ne marchaient pas, ils glissaient tout le temps.

Que de patineurs sur la glace! Ils se croisaient dans  tous les sens et avaient l’air de voler comme de grands oiseaux. Ils avançaient si vite, si vite. Il y en avait tant, que papa ne pouvait pas y aller avec ses deux petits; ils restèrent donc près du bord.

«Voilà Louis!» cria tout à coup Jean.

Oui, c’était vrai: Louis patinait avec Henriette au milieu de tout ce monde. Jean et Marie eurent tout à coup bien envie de patiner, eux aussi.

«Achète-nous des patins, petit père, demanda Marie, j’aimerais tant patiner!

—Quand tu seras plus grande, chérie. Attends seulement un an ou deux.»

Louis et Henriette avaient vu leur oncle et arrivèrent  bien vite lui dire bonjour. Ils étaient tout rouges, tant ils avaient chaud.

«Bonjour, mon oncle!

—Bonjour, mes enfants, dit l’oncle. Ne vous arrêtez pas trop longtemps. Vous avez tellement chaud. Vous pourriez attraper froid.

—Un moment seulement, petit oncle, pour nous reposer.»

Jean regardait les beaux patins de Louis.

«Quel âge avais-tu quand tu as reçu tes patins? demanda-t-il.

—Huit ans, dit Louis.

—Comme tu sais déjà bien patiner!» Louis se mit à rire.

A présent, il fallait qu’ils se remettent en marche.

«Au revoir! au revoir!» criaient-ils encore de loin, et bientôt ils avaient disparu.

Papa fit encore le tour des étangs avec les enfants, puis ils rentrèrent.


XXXV. Il fait bien froid.

«C’était si amusant, maman, cria Marie, en rentrant dans la chambre.

—Nous avons vu Louis et Henriette qui patinaient si bien, ajouta Jean.

—Mais j’ai bien froid aux mains» dit Marie lorsqu’elle eut ôté ses gants. Dehors, elle ne s’en était pas aperçue; mais maintenant qu’elle était dans la chambre chaude, elle le sentait.

«Ne te mets pas près du poële, dit maman: tes mains te feraient mal. Je sais un jeu qui réchauffe joliment bien les mains. Viens ici.»

Marie s’assied sur une chaise, devant la fenêtre et la maman s’assied en face d’elle.

«Tape maintenant deux fois dans tes mains, comme ça: un, deux! C’est bien! A présent tape dans la paume de mes mains: trois! A présent, en mesure! et la maman chante la chanson suivante:

Les grands froids

Ecouter Partition

1.
Un, deux, trois,
Voici les grands froids!
Main qui se repose
Jusqu’au bout des doigts
Devient froide et rose,
Un, deux, trois!
2.
Un, deux, trois,
Voici les grands froids!
La main qui s’agite,
Jusqu’au bout des doigts,
Se réchauffe vite,
Un, deux, trois!
3.
Un, deux, trois,
Voici les grands froids!
La chanson commence,
Messieurs les dix doigts,
Entrez vite en danse,
Un, deux, trois!»

Bientôt, Marie chante aussi et frappe bien en mesure dans ses mains, puis contre celles de sa mère. Ses petites mains ne sont plus froides du tout à présent.


XXXVI. Voici le Printemps.

L’hiver, avec sa neige et sa glace, est passé. C’est peut-être dommage pour les personnes qui pouvaient s’amuser à patiner, à faire des glissades, ou à sortir en traîneau. Mais c’est très agréable pour les pauvres qui avaient froid et faim, qui n’avaient pas de charbon pour se chauffer, pas de bons vêtements chauds et presque pas de nourriture pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Ils étaient heureux de voir arriver le printemps. Les oiseaux aussi étaient contents de voir fondre la neige et la glace: souvent aussi ils avaient eu froid et faim. Mais pas les oiseaux du jardin de Jean et de Marie. Ces derniers avaient mis tous les jours un petit baquet d’eau et une assiettée de pain au jardin. Et les moineaux, les pinsons et les mésanges en avaient mangé. Mais ces oiseaux-là étaient tout de même bien contents de voir briller le soleil du printemps. Oh! la bonne chaleur du soleil! La terre s’était amollie, les bourgeons des arbres se gonflaient. On voyait déjà de toutes petites feuilles vertes. Et les oiseaux se mettaient à chanter.

Deux pinsons bâtissaient leur nid dans le jardin. Ils voulaient sans doute chanter pour égayer ces enfants qui les avaient si bien soignés en hiver.

Jean et sa maman les regardaient.

«Regarde, maman, dit Jean, voilà encore notre pinson. Il a un brin de paille dans le bec. Où fait-il son nid?

—Eh bien, regarde-le!

—Mais je ne le vois pas!

—Le voilà sur la branche, là! le vois-tu à présent?

—Oh oui! juste dans ce petit coin entre deux branches, je le vois qui bâtit son nid.

—Et quand le nid sera prêt, la femelle pondra des œufs et de ces œufs sortiront les petits oiseaux!»

Oh! il y avait tant à voir au jardin, par cette belle journée de printemps et il y faisait si bon! La petite Marie y était presque toute la journée. Les oiseaux continuaient tranquillement à construire leur nid: ils n’avaient pas du tout peur de cette gentille petite fille.


XXXVII. Fleurs de Printemps.

Mais le lendemain, quand Jean fut parti à l’école, Marie se sentit un peu seule au jardin. Avec qui jouer? A qui parler? Il n’y avait pas d’enfants et les oiseaux ne la comprenaient pas. Elle irait donc chercher Paul et Alice.

Elle mettrait Alice par terre dans l’herbe. Là elle pourrait cueillir des fleurs. Et elle mettrait Paul dans les branches d’un arbuste: les garçons aiment tant grimper dans les 70 arbres. Bon, le voilà assis. A présent, elle va cueillir des fleurs avec Alice.

Agrandir

«Tiens, Alice, cueille cette pâquerette.» Alice le fait avec les doigts de sa maman.

«Et voici encore une pâquerette, et encore une, encore une!»

Bientôt elle en avait tout un petit bouquet. Mais au milieu de toutes ces petites couronnes blanches, il faut mettre encore quelques autres fleurs: c’est plus joli!

«Cueille-moi ce bouton d’or, Alice. Oh! qu’il est joli. Tu ne le vois pas? Là, devant ton nez. Et en voilà encore quelques-uns. C’est ça. A présent notre bouquet est joli. Il faut seulement encore quelques feuilles vertes. Mais comme ça sent bon ici!»

Marie lève la tête et voit tout à coup les belles fleurs du lilas. Elle aimerait en cueillir. Mais le lilas est trop haut et les petits bras de Marie sont trop courts. C’est dommage! Ah! une idée! Elle appellera Paul qui aime tant grimper aux arbres. Mais où est le méchant petit garçon? Ah vraiment! voilà qu’il a déjà grimpé dans un arbuste, et cela d’une main!

«Viens ici, Paul, crie Marie, cueille des fleurs pour ta maman, là haut, ce beau lilas.»

Paul est un peu méchant, mais pourtant obéissant. Il grimpe dans le lilas, mais il ne peut pas arriver plus haut que le bras de Marie, et là il n’y a pas de fleurs. Toutes les fleurs sont au sommet de l’arbre et y forment un grand bouquet rose.

«Allons Paul, allons!

—Que doit faire Paul? dit tout à coup une voix derrière Marie.

—Papa, il faut qu’il me cueille des lilas.

—Et il ne veut pas le faire?

—Non, papa, il est méchant.

—Veux-tu que papa t’en cueille?

—Oh! oui, je veux bien!»

Mais papa ne sait pas grimper aux arbres. Il cherche 72 un petit escabeau et des ciseaux. Et puis il cueille deux belles branches de lilas pour Marie.

«Merci, merci, papa,» dit celle-ci.

Elle les met avec les autres fleurs et apporte tout le joli bouquet à sa mère.


XXXVIII. Ce méchant Paul.

Marie rentre avec Alice dans la maison.

«Regarde, maman, dit Marie, quelles belles fleur nous avons cueillies pour toi.

—Oh! qu’elles sont jolies. Mettons-les vite dans un vase, sans cela elles se faneraient.»

Et Marie aide sa mère à arranger les fleurs dans les vases: les lilas dans un grand vase qu’on met sur la cheminée et les petites pâquerettes dans une coupe. C’est un ouvrage très amusant. Alice est assise sur la table et regarde sa maman et sa grand’maman. Et le  pauvre petit Paul où est-il? Il est toujours sur la branche du lilas et Marie l’a tout à fait oublié.

Le soir, Marie va se coucher. Sa maman lui a dit bonne nuit, après l’avoir bien bordée dans son petit lit.

Mais avant de s’endormir, Marie pense encore aux pinsons du jardin, et aux belles fleurs, à Papa qui lui a cueilli ce beau lilas et, tout à coup, à Paul. Le pauvre petit! Il est toujours dans le lilas. Et il fait si noir au jardin! Et peut-être qu’il fera froid cette nuit!

«Maman! maman!» crie Marie.

Mais la maman est dans l’autre chambre et n’entend pas les cris de sa petite fille.

«Maman! maman!» crie encore Marie, et cette fois-ci plus fort.

«Je crois que Marie t’appelle, dit papa. J’irai voir ce qu’elle veut.»

Et voilà papa qui entre dans la chambre à coucher.

«Qu’y a-t-il, chérie? demande-t-il.

—O papa, Paul est encore dans le lilas.

—Eh bien! qu’est-ce que ça fait?

—O papa, il fait si noir dehors et, cette nuit, il fera peut-être froid. Dis, voudrais-tu aller chercher Paul?

—Mais pourquoi? Je croyais que Paul était un méchant garçon. Il ne voulait pas te cueillir des fleurs. Laisse-le au jardin. C’est bien fait pour lui s’il a peur et froid.

—Oh non, papa, va le chercher s’il te plaît. Si Paul reste au jardin, je penserai tout le temps à lui et je ne pourrai pas dormir.

—Eh bien, j’irai te le chercher, bonne petite maman! Et où faut-il que je le mette?

—Apporte-le-moi ici, s’il te plaît, papa!»

Alors papa descend au jardin. Il sort Paul du lilas et l’apporte à Marie.

«Heureusement, le voilà, dit celle-ci. A-t-il bien froid, papa?»

Papa donne Paul à Marie, qui le prend dans ses bras et le met sous les couvertures.

«Merci bien, papa, dit-elle encore. A présent je m’endormirai bien vite!»

Papa lui donne encore un baiser et s’en va.

Et bientôt Marie s’endort, en tenant son cher petit garçon bien serré dans ses bras.


XXXIX. A l’Ecole? ou chez nous?

Jean s’amusait toujours beaucoup à l’école. Et ce n’était pas étonnant. D’abord, il aimait à apprendre. Ensuite, il avait trouvé à l’école de gentils petits amis. Enfin, il aimait beaucoup son maître qui était très gentil. C’était peut-être pour cela surtout qu’il aimait aller en classe.

Monsieur était toujours gai et faisait souvent rire les enfants.

«Aimes-tu aller à l’école, Jean? dit-il un jour.

—Oui, Monsieur.

—Tiens, moi pas!»

Jean et les autres enfants se mirent à rire.

«Et sais-tu pourquoi je n’aime pas aller à l’école, moi? poursuivit le maître.

—Parce que nous apprenons quelque chose et vous pas.

—Non! c’est parce que vous allez chez un maître très gentil et que moi je vais chez de méchants garçons.

—Mais nous ne sommes pas méchants, dit Jean en riant.

—Tu aimes donc tant l’école?

—Oui, Monsieur.

—Et aimerais-tu ne plus rentrer chez toi?

—Oh non!

—Et pourquoi aimes-tu tant rentrer chez toi?

—Pour manger!

—Tu peux bien manger ici aussi.

—Et pour jouer!

—Mais tu peux jouer ici avec tes amis.

—Et pour dormir!

—Apporte ton lit ici.

—Et pour être avec papa, et maman, et Marie!

—Amène-les ici; ils pourront s’asseoir dans le banc, à côté de toi!»

Jean se mit à rire. Ces grandes personnes, assises dans ces tout petits bancs! C’était trop drôle!

«Allons, poursuivit Monsieur, puisque tu aimes tant rentrer chez toi, je t’apprendrai une poésie que tu trouveras très jolie.

—Une poésie à réciter, Monsieur?

—Oui, mais aussi à chanter.»

Et non seulement Jean, mais toute la classe apprit la poésie; et chaque jour, avant de quitter l’école, ils la chantaient.

Et tout était vrai dans la chanson. Quand ils chantaient: Je sais lire et même écrire, c’était vrai. Il y avait près d’un an qu’ils étaient à l’école et ils savaient lire et écrire, pas si bien que les grands, mais très gentiment déjà.

Jean chantait souvent sa chanson à la maison, si souvent même, qu’après quelque temps, Marie la chantait aussi, mais quand Marie chantait, c’était un petit mensonge qu’elle disait, car elle n’allait pas encore à l’école. Elle irait dans quelques mois seulement. C’est ce que nous verrons dans le livre suivant. Et Paul chantait aussi, mais pour lui, c’étaient de gros mensonges. Il ne pouvait pas dire: Je n’ai pas perdu mon temps! Car toute la journée, il ne faisait que des bêtises, ce méchant garçon.

 

XL. La Sortie de l’Ecole.

Agrandir

Mais à présent, nous allons quitter nos enfants. Nous les retrouverons dans un autre livre.

Mais, avant de leur dire un joyeux: au revoir! nous apprendrons, nous aussi, la chanson de Jean. Peut-être pourrons-nous alors la chanter aussi à quatre heures.

LA SORTIE DE L’ECOLE.

La sortie
La sortie

Ecouter Partition

 
Voci l'heure
La meilleure,
L'heure de rentrer chez nous.
De l'école
L'on s'envole.
Maintenant faisons les fous.
 
 
La journée
Terminée,
Chacun se met en chemin
Et répète
Dans sa tête
La leçon du lendemain.
 

2e couplet.

Le bon père,
Ou la mère
Demande: As-tu travaillé?
Ecriture?
Ou lecture?
Montre-moi livre et cahier.

3e couplet.

Oui, ma mère,
Oui, mon père,
De moi vous serez contents.
Je sais lire,
Même écrire:
Je n’ai pas perdu mon temps!

Refrain.

Voci l'heure
La meilleure,
L'heure de rentrer chez nous.
De l'école
L'on s'envole.
Maintenant faisons les fous.
 

 

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021