Geneviève de Brabant – A. des Tilleuls : drame en cinq actes; Illustrations de Levilly

 

Attention, grands et petits enfants, voilà le spectacle qui

commence.

Silence !

Le rideau se lève et vous allez voir ce que

vous allez voir, c'est-à-dire :

Geneviève de Brabant

 

 

 

 

 

 

 Première acte

Vous connaissez Geneviève, la meilleure pâte de femme du Brabant, et son époux Siffroy, seigneur aussi avare qu'incrédule ? Vous avez entendu parler de Golo, l'intendant de la maison : les voilà tous les trois devant vous. Golo, qui n'aimait pas madame Geneviève, ne cessait de faire de faux rapports sur son compte. Le seigneur Siffroy, croyant Golo son ami, l'écoulait comme un oracle. Le méchant Golo finit par convaincre son maître que Geneviève dépensait trop d'argent dans son ménage et qu'il fallait s'en débarrasser. Le crédule seigneur écouta le traître et ordonna à deux valets d'aller égorger

Geneviève et son enfant dans la forêt prochaine.

Golo, triomphant, se frotta les mains. Les valets, présentant le châle taché de sang, assurent à leur maître que ses ordres sont exécutés.

 

DEUXIEME ACTE 

La pauvre Geneviève, chassée par son époux, s'éloigne avec son enfant en bas âge et suit les valets qui la conduisent au plus profond de la forêt.

Sans murmure et sans plainte, elle présente sa poitrine aux coups des assassins.

Ceux-ci, touchés de tant de résignation, jettent leurs armes, lui laissent la vie et ne lui prennent que son châle de l'Inde qu'ils vont tremper dans le sang d'un agneau nouvellement égorgé. Munis de cette robe sanglante, les valets se présentent à leur seigneur et maître et lui assurent que sa femme n'existe plus.

Siffroy n'est pas de bonne humeur; il regrette d’avoir été un peu trop vif en celte affaire et pense qu'il aurait pu au moins interroger sa femme ;

Golo, toujours triomphant, continue à se frotter les mains.

 

TROISIÈME ACTE 

La malheureuse Geneviève, abandonnée au milieu des bois, ne sait où diriger ses pas. La pluie tombait à torrents et elle n'avait ni parapluie, ni chaussures à caoutchouc. Grelottante de froid, la pauvre femme s'abrita dans le creux d'un arbre.

Son enfant qui éprouvait le besoin de boire un coup se mit à pleurer comme une fontaine. La mère qui avait oublié d'emporter son biberon pria le ciel de lui venir en aide; le ciel l'exauça et lui envoya une biche blanche qui vint d'elle-même offrir ses mamelles au nouveau-né. Geneviève trouva des racines et des fruits sauvages, dont elle fit sa nourriture. C'est ainsi que pendant plusieurs années vécurent ces pauvres gens.

Golo, de plus en plus triomphant, ne cessait de se frotter les mains.

Le seigneur Siffroy pénétrait dans la caverne y trouva sa femme Geneviève et sou fils.

 

QUATRIÈME ACTE 

Depuis le départ de sa femme, le seigneur Siffroy s'ennuyait à mourir dans son château de Hohen-Simmeren. Golo lui faisait bien de temps à autre

sa partie de bésigue, mais Siffroy n'en bâillait pas moins.

Enfin, il se décida à retourner à la chasse, qu'il avait prise en grippe. Voilà qu'au milieu de la forêt une biche blanche se lève à son approche.

Siffroy la poursuit jusqu'à l'entrée d'une caverne où la biche disparaît.

Le chasseur entre dans la caverne et trouve sa femme et son enfant qu'il croyait morts depuis longtemps. Geneviève lui déclare que Golo n'est qu’un menteur et qu'elle est innocente. Siffroy ramène sa femme dans son manoir.

Tremble, Golo! Et cesse de te frotter les mains.

 

CINQUIEME ACTE 

Le seigneur Siffroy vérifia son livre de cuisine ; il reconnut que les comptes étaient justes et que sa femme n'avait pas fait danser la panse du panier;

à l'instant même, le châtelain lit arrêter le perfide Golo.

L'innocence de Geneviève fut proclamée et le traître condamné au supplice do la corde. Les paysans poussèrent des cris de joie en entendant cet arrêt qui les délivrait du cruel intendant. La bonne Geneviève intercéda en faveur du criminel.

Le seigneur Siffroy lui répondit : A quoi servirait d'être bon si les méchants n'étaient point punis.

Golo, devant le gibet, pleure et avoue sa fauté. Il est suspendu à la plus haute tour : Meurs, Golo !

Les marionnettes de Séraphin - 1875