BIBLIOBUS Littérature française

Dictionnaire grammatical du mauvais langage - Étienne Molard (1761 - 1825)

 

 

 

 

DICTIONNAIRE
GRAMMATICAL
DU MAUVAIS LANGAGE,

OU

RECUEIL
Des expressions et des phrases
vicieuses usitées en France, et
notamment à Lyon.

 

«Il est nécessaire d'étudier les défauts de langage et de prononciation qui sont particuliers à chaque province et quelquefois même aux villes qui se piquent le plus de politesse, pour les faire éviter aux enfants.»

Rollin, Traité des études.

Par Étienne Molard, Instituteur.

À LYON,

Chez l'Auteur, quai des Augustins, No 13
Et chez C. F. Barret, Imprim.-Libraire,
place des Terreaux, maison de St-Pierre.

AN XII (1803.)

 

AVERTISSEMENT.

L'épigraphe qu'on a mise à la tête de ce petit ouvrage en fait connoître le but, en prouve l'utilité, et le succès des deux premieres éditions la confirme. Si, malgré leur imperfection, elles ont eu un si heureux débit, que ne doit-on pas espérer de celle-ci, qui a été revue avec soin, et qu'on a augmentée de plus d'un tiers? On y trouvera la solution de plusieurs difficultés qui ne sont éclaircies dans aucune grammaire; on a assigné, autant qu'on l'a pu, l'étymologie des locutions vicieuses; on y a inséré quelques anecdotes qui tiennent au sujet; enfin, on n'a rien négligé pour que cette brochure devînt élémentaire et fût un juge sûr de toutes les discussions qui peuvent s'élever en matiere de langage.

L'art de la parole est l'interprête de nos pensées et de nos affections; il est le lien le plus essentiel de la société, comme il en est le plus bel ornement. Si les langues distinguent les nations entr'elles, la maniere de parler la sienne annonce la société qu'on fréquente. Celui qui réunit l'exactitude à l'élégance, prouve qu'il a cultivé son esprit, et qu'il a vécu dans un monde choisi: il parle, et la persuasion coule de ses levres; au contraire, celui dont la prononciation est vicieuse, celui qui défigure la langue par l'abus et l'impropriété des termes, qui dénature les mots dans quelques-unes de leurs syllabes, qui leur donne un genre et un nombre qui n'est pas le leur, choque l'oreille, en affichant son ignorance. Je dis plus, la pureté du langage fait présumer celle du cœur. Parmi les objets de l'enseignement le talent de la parole doit donc tenir un rang distingué. La langue française qui a, par dessus toutes les autres, l'avantage d'être devenue universelle; avantage, dit M. de Laharpe, qu'elle doit au grand nombre de ses bons écrivains et à la supériorité de notre théâtre, mérite particulierement nos soins. Elle est l'organe de la politique et de la vérité dont elle a la marche simple et naturelle: la clarté et la netteté qui lui sont propres en ont fait l'idiome des sciences et des arts.

Un écrit dont le but est d'épurer notre élocution doit être favorablement accueilli. Lyon, il faut en convenir, soutient mal, dans son langage, la brillante réputation que son commerce et son industrie lui ont acquise. Si nous quittons nos foyers, on devine notre patrie à notre prononciation traînante et à quelques mauvaises expressions qui nous sont particulieres. L'objet de cet ouvrage est de rendre ce reproche injuste à l'avenir. Passons à l'utilité du Dictionnaire qu'on offre au public.

Quelque grand que soit le nombre des vocabulaires, il n'y en a point qui remplisse le but qu'on se propose dans celui-ci. Tous sont destinés à nous faire connoître la signification des expressions consacrées par le bon usage; aucun ne nous apprend que tel mot usité n'est pas français, et qu'il faut lui en substituer tel autre; aucun ne nous avertit que nous parlons mal; aucun, en un mot, ne nous conduit de l'erreur à la vérité, et dans le doute, nous n'avons pas de moyen de l'éclaircir.

D'ailleurs, dans les Dictionnaires, on considere les mots pris séparément, sans aucun rapport à la syntaxe. Dans celui-ci, non seulement on releve les mots surannés ou altérés dans leur forme, leur genre et leur nombre, mais encore les tournures incorrectes et contraires au génie de notre langue; les fautes échappées à nos meilleurs écrivains, fautes qu'il est d'autant plus important de faire connoître, que la réputation de ceux qui les ont commises, leur imprime, pour ainsi dire, un caractere de perfection.

Il est encore un avantage qui semble appartenir exclusivement à ce recueil. On y désigne les mots qui sont employés dans une acception qu'ils n'ont jamais eue. On sait que les mots sont, aux yeux des grammairiens philosophes, les signes des choses, comme la monnoie est le signe de la valeur; et les erreurs du premier genre ont été plus fatales que celles du dernier. C'est, faute de donner aux enfans une juste idée des termes, qu'ils portent des jugements faux; c'est l'ignorance de la véritable signification des mots qui fait naître et éternise les disputes. Si les jeunes gens avoient des termes de notre langue une idée aussi précise que de nos chiffres, ils seroient aussi sûrs de la justesse de leurs raisonnemens que les géometres le sont de l'exactitude de leurs calculs.

Enfin, s'il est vrai que rien ne rapproche plus les esprits et les cœurs que la facilité de s'entendre, il est à désirer qu'il n'y ait qu'un seul langage dans toutes les divisions de la France, et c'est en mettant sous les yeux le tableau des expressions défectueuses qui leur sont particulieres, qu'on peut espérer d'y parvenir.

Tels sont les motifs qui ont déterminé l'Auteur à s'occuper de ces recherches, fastidieuses sans doute, mais que sa profession lui a rendues faciles. Si son livre est utile, il n'oubliera pas qu'il est redevable d'une partie de son succès, aux lumieres d'un savant grammairien, dont tous les loisirs sont des titres à la reconnaissance de la jeunesse et des trésors pour ceux qui se vouent à l'enseignement de la langue française. M. Morel, membre de l'Institut national, lui a communiqué les observations qu'il avoit faites sur les deux premieres éditions, et il les a répandues dans celle-ci, pour la rendre plus complette. En se livrant à un travail aussi ingrat, il a moins consulté son amour-propre que l'intérêt de ses concitoyens. Des écrivains supérieurs n'auroient jamais voulu s'occuper d'un ouvrage où il y a tant de dégoûts à dévorer, et si peu de gloire à recueillir.

Comme les Lyonnais ont non seulement une prononciation traînante, mais encore vicieuse, l'Auteur a joint à ce Dictionnaire un abrégé des regles de notre prosodie, afin qu'on puisse, aidé du secours de son livre, éviter des fautes qui décéleroient une ignorance grossiere. Ce précis sera suivi d'une fable du même auteur, dans laquelle il indiquera, par des signes connus, les longues et les breves, et la nature des sons sur lesquels l'erreur est commune. Ces principes seront plus développés dans un ouvrage, dont l'Auteur s'occupe, et qui aura pour titre: l'Art de lire en société.

 

 

DICTIONNAIRE
GRAMMATICAL
DU MAUVAIS LANGAGE.

OU

RECUEIL
Des expressions et des phrases
vicieuses usitées en France, et
notamment à Lyon
.

 

A

À. Cette préposition est souvent employée deux fois pour un même régime ou complément1, et c'est alors une faute. Boileau, si rigoureux observateur des regles de la langue françoise et du goût, a fait un solécisme dans le premier vers d'une de ses plus belles épîtres:

C'est à vous, mon Esprit, à qui je veux parler.

Pour rendre la phrase réguliere, il faudroit dire: c'est à vous, mon esprit, que je veux parler, en retranchant la seconde préposition qui tombe sur le même régime. Par la même raison, l'on ne doit pas dire: c'est à toi à qui je parle, mais c'est à toi que je parle; ni c'est à vous à qui j'en veux, mais c'est à vous que j'en veux; c'est comme si l'on disoit: j'en veux à vous.

Abajoue. Partie de la tête du cochon, depuis l'œil jusqu'à la mâchoire; dites, Bajoue, s. f.

Abandon. Acte par lequel un débiteur transmet à ses créanciers la propriété de ses biens; dites, Abandonnement. L'abandon est l'état d'une personne ou d'une chose délaissée: il a fait l'abandonnement de tous ses biens à ses enfans, et ses enfans le laissent dans l'abandon. En un mot, l'abandonnement est un acte; l'abandon n'est qu'un état passif.

Aboucher. S'aboucher; pour se pencher en avant. Aboucher signifie se rencontrer dans un même lieu, pour conférer ensemble ou bouche à bouche; mais ce mot ne signifie jamais se pencher en avant. Ne dites pas non plus, tomber à bouchon, mais tomber sur le ventre ou sur le visage. Cette expression manque à notre langue; on ne peut en exprimer la signification que par une périphrase.

Abstrait. Un homme qui ne fait pas attention à ce qu'on dit ou à ce qu'on fait; dites, distrait. On confond, mal à propos, ces deux mots. Le mot abstrait exprime une qualité considérée à part: la bonté est un terme abstrait; un homme est abstrait, quand il est tellement occupé d'un objet, qu'il ne voit pas ce qui se passe autour de lui: Archimede étoit abstrait, lorsqu'on faisoit le siége de Syracuse, et qu'occupé à tracer des figures géométriques, il ne s'appercevoit pas que l'on prenoit la ville. Un homme est distrait quand, sans être occupé, il ne voit rien, ne fait attention à rien. Cet homme dont parle M.me de Sévigné, qui, ayant versé dans un fossé, disoit à ceux qui venoient lui donner du secours: Messieurs, qu'y a-t-il pour votre service? étoit un homme distrait dans toute l'étendue du mot. C'est la distinction que l'abbé Girard établit dans ses synonymes.

À cacaboson. Se mettre à cacaboson; se tenir dans une posture où la plante des pieds touchant à terre, le derriere touche presque aux talons; dites, se mettre à croupeton.

Accompagneur. Celui qui accompagne, lorsqu'on fait de la musique; dites, accompagnateur, s. m.

Accoucher. Mettre un enfant au monde: cette femme a accouché; dites, cette femme est accouchée. Le chirurgien accouche; la femme est accouchée. Dans le premier cas, le verbe est actif; dans le second, il est neutre.

À celle fin que. Dites, afin que.

À cha un; à cha deux. Pour dire, un à la fois, deux à la fois. Autrefois on disoit, chas deux, chas trois; ce qui tombe deux à deux; trois à trois.

Achis. Mets composé avec de la viande ou du poisson. Ce mot s'écrit et se prononce avec une h aspirée. Dites, un bon hachis. L'achis est une plante.

Acquérir. Obtenir à prix d'argent ou de toute autre maniere. L'e doit être prononcé d'une maniere fermée, et marqué d'un accent aigu; dites donc, acquérir, acquéreur. Acquérir est un verbe2 qui prend deux rr au futur et au conditionnel: j'acquerrai, j'acquerrois.

Aculer. Il se dit des bottes, des souliers qui s'abaissent par derriere, sur le talon; dites, éculer: éculer son soulier. Acculer signifie pousser quelqu'un, le réduire en un coin: il l'a acculé contre le mur.

Affranchissage. Payer l'affranchissage d'une lettre; dites, l'affranchissement, s. m.3.

Agacin. Espece de calus ou de dureté; dites, cor, s. m.: avoir des cors aux pieds.

Age; agé. Dans ces deux mots l'a est fort ouvert, et prend l'accent circonflexe, âge, âgé. Il est long sans accent dans sable, table, fable, rable, diable, délabrement, etc.

Agi. Il en a mal agi avec moi; dites, il en a mal usé avec moi. On use de quelque chose; on en use; mais on n'agit pas de quelque chose; on n'en agit pas.

Agotiau, s. m. Espece de pelle creuse, à rebords, dont on se sert pour vider les bateaux; dites, écope, s. f.: ce batelet fait eau; il faut le vider avec une écope.

Aiguiser, v. Rendre pointu, rendre tranchant; prononcez l'u et l'i, qui forment une diphtongue, comme dans aiguille: aiguiser un couteau.

L'un sait d'un trait piquant aiguiser l'épigramme.

Boileau.

Ails, s. m. pl. Espece d'oignons d'une odeur très-forte. On dit souvent: craignez-vous les ails? Ce substantif et presque tous ceux qui finissent en ail et en al, changent au pluriel cette terminaison en aux, et le mot dont il s'agit fait aulx: on a mis des aulx dans cette salade; on peut dire aussi, des ails; cependant je conseille d'employer de préférence le singulier. Camail, détail, sérail, éventail, mail, etc. ne sont point soumis aux principes que nous venons de poser; ils ne changent point leur terminaison au pluriel; ils ne prennent que l's.

Ainsi, par conséquent. Ces deux mots réunis forment un pléonasme vicieux; c'est-à-dire, que ces deux termes disent la même chose; l'un des deux suffit.

Air. Aller grand air et belle manière; dites, grand'erre; ce mot est féminin. On doit dire, aller grand'erre, pour dire, faire trop grande dépense.

Air. Cette femme à l'air bonne. Il y a un solécisme dans cette proposition; car le mot bonne se rapportant, ou devant se rapporter au substantif air, qui est du genre masculin, il faut dire l'air bon: elle a l'air bon, et cependant elle n'est pas bonne. Dans la derniere proposition, l'adjectif4 bonne est en rapport avec la personne ou le sujet qui est du genre féminin; au lieu que dans la premiere, bon se rapporte au mot air.

La vertu toute nue a l'air trop indigent; Et c'est n'en avoir point que n'avoir point d'argent.

En 1792, il y eut un pari de cent louis, sur la question de savoir s'il falloit dire: cette soupe a l'air bonne, ou cette soupe a l'air bon, M. de Laharpe fut pris pour juge; et M. Domergue nous apprend que cet Académicien jugea qu'il falloit dire: cette soupe a l'air bonne. M. Morel, qui m'a communiqué cette anecdote, ajoute: «Je ne connois pas les raisons de M. de Laharpe; j'imagine pourtant qu'il a dû faire une distinction entre avoir l'air bon, et avoir un air bon; avoir l'air bon signifie, paroître bon, en latin videri bonus; avoir un air bon se rendroit par præbere faciem, speciem bonam. Dans le premier de ces exemples, bon qualifie le sujet, et dans le second, il qualifie l'objet, faciem, speciem. Quand je dis: cette femme a l'air bonne, c'est comme si je disois: cette femme a l'air d'être bonne, ou paroît bonne, ou paroît être bonne. Le mot l'air, dans cette femme a l'air bonne, est pris dans une acception étendue; dans a un air bon, au contraire, le mot air est pris dans une acception restreinte, au moyen de l'adjectif un. Je crois donc, pour les raisons que je viens d'exposer, qu'il faut dire: cette femme a l'air bonne, spirituelle; cette soupe a l'air bonne, et qu'il seroit ridicule de dire que la femme a l'air bon, spirituel, et que la soupe a l'air bon

Malgré ces deux autorités respectables, je persiste à croire que bon qualifie air; car j'attribue la bonté à l'air, et non pas au substantif femme; et les explications qu'on a données me paraissent forcées. Dans cet exemple, l'air signifie l'extérieur, les manieres; on doit donc dire: elle a l'air décent, comme on dirait: elle a l'extérieur décent.

C'est encore une faute de dire, cette personne donne d'air à telle autre. Le mot air signifie bien quelquefois ressemblance; on dit: ce jeune homme a l'air de son pere; mais il paroît absurde de dire: il donne d'air à son pere. Cette expression signifieroit toute autre chose.

Airé. Qui est en plein air. Il se dit particulierement d'un bâtiment: cette maison est bien airée; dites, aérée, en mettant un accent aussi sur le premier e. Ce qui a donné lieu à la corruption de ce mot, c'est qu'on le fait dériver du mot air, au lieu que les grammairiens veulent qu'on le prononce comme aer, qui signifioit la même chose chez les Latins. Nous avons adopté cette prononciation dans tous les mots qui en sont formés, tels que aérien, qui est d'air: un corps aérien; aérometre, instrument pour mesurer l'air; etc.

Ais à chaplu. Petite table sur laquelle on hache les viandes et les herbes; dites, hachoir, s. m. L'h est aspirée, c'est-à-dire, qu'elle tient lieu de consonne, et ne souffre ni liaison de consonne, ni suppression de voyelle: servez-vous du hachoir.

Alentours. Dites, les entours de la place, et, je me suis promené à l'entour. Entours est un substantif; à l'entour est une expression adverbiale.

Alicant. Petite ville d'Espagne. Vin d'Alicant; dites, vin d'Alicante.

Aller. Je m'en y vas, ou je m'en y vais, sont des expressions vicieuses et très-souvent employées; dites, j'y vais ou j'y vas, en supprimant le mot en. Il ne faut pas dire non plus: je m'en vais ou je m'en vas le trouver, mais je vais ou je vas le trouver. Il seroit plus régulier de dire, je vas, puisque la seconde et la troisième personnes en sont formées. Ne dites pas, aller de pied, mais aller à pied. Ne dites pas non plus, j'ai plusieurs endroits à aller; on n'a pas à aller plusieurs endroits, on a à aller en plusieurs endroits. S'en aller est un verbe réfléchi, composé du pronom se, du nom elliptique en et du verbe aller. Dans les temps composés, le mot en doit être séparé du participe par l'auxiliaire: dites je m'en suis allé, et non je me suis en allé.

Almanach. Calendrier qui contient tous les jours de l'année. Il ne faut pas faire sentir le ch. Il faut prononcer almana, s. m. On dit proverbialement: j'ai beau dire la vérité; on ne prend plus de mes almanachs; c'est-à-dire, on ne croit plus ce que je dis.

Amadoue. Meche faite avec une espece de champignon; dites, amadou, s. m. sans e final: du bon amadou. Il y a une faute dans le second de ces deux vers:

Le briquet frappe la pierre; L'Amadoue aussitôt prend.

Il falloit dire, aussitôt l'amadou prend.

Ambre. Arbrisseau dont les jets sont fort pliants et qui servent à lier; dites, osier: on attache un cercle avec de l'osier. L'Ambre est un parfum; mot dérivé de ambra, italien; ambar, espagnol.

Amandre. Fruit de l'amandier; dites, amande, s. f.: un lait d'amandes. Amende, punition, s'écrit par un e. Ces deux mots sont homonymes; c'est-à-dire, qu'ils ont une prononciation semblable.

Amasser. Prendre ce qui est à terre: j'ai amassé son gant; dites, ramasser. Le mot amasser signifie communément faire un amas: le bonheur de l'avare est d'amasser des richesses. Ramasser, c'est au sens littéral relever de terre: on amasse des trésors; on ramasse ce qui est tombé: il signifie aussi rassembler, et traîner dans une ramasse.

Amoureux. Cette fille aime bien son amoureux; dites, son amant. L'amoureux est celui qui aime sans être aimé ou même connu; il se dit des choses comme des personnes; l'amant est celui dont l'amour est partagé et approuvé.

Anche. Tuyau de bois, qu'on met aux cuves et aux tonneaux, pour en tirer le vin; dites, cannelle ou canelle: tirer du vin par la canelle.

Angoises, s. f. pl. Grande affliction d'esprit: les angoises de la mort; ce mot s'écrit et se prononce avec deux ss: ce malade est dans les dernieres angoisses.

Anille. Sorte de bâton, qui a, par le bout d'en haut, une petite traverse, sur laquelle les vieillards et les infirmes s'appuyent pour marcher; dites, béquille, s. f. Le mot anille est de l'ancien langage; on le trouve souvent employé dans les livres gothiques.

Année. Mesure de vin ou charge d'un âne; dites, ânée: une ânée de vin. Le mot année écrit par deux n, a la premiere syllabe breve, et signifie l'espace de douze mois. À l'égard de cette derniere signification, il ne faut pas dire, l'année qui vient, mais l'année prochaine.

Ansiere. La partie supérieure de certains vases ou de certains ustensiles, par laquelle on les prend pour les porter, et qui est ordinairement courbée en arc: dites, anse, s. f.: prendre un pot par l'anse.

Antichambre. Il y a un antichambre; dites, une antichambre. Ce mot est féminin, comme chambre dont il est composé. La préposition anti n'en change pas le genre.

Antipote. Celui qui habite un endroit de la terre diamétralement opposé à l'autre; dites, antipode. C'est un changement qui s'est fait par corruption.

Aoust. Le huitieme mois de l'année. On a adouci cette prononciation barbare; on ne fait plus entendre l'a, et on supprime l's, en mettant un accent circonflexe sur l'u; prononcez, le mois d'ou, et écrivez le mois d'août. On fait toujours sentir l'a dans le mot aoûter, faire mûrir par la chaleur du mois d'août. Ce mois étoit consacré à Auguste, et en portoit le nom.

Ape. Morceau de fer pointu par un bout, percé de plusieurs trous, et recourbé de l'autre; dites, crampon à patte.

Aponse. Piece qu'on met à une robe ou à un meuble, pour l'agrandir ou l'apondre; dites, alonge, et alonger, au lieu d'apondre.

Apostiche, adj. Dites, postiche: des dents postiches; c'est-à-dire, ajoutées après coup.

Apparer. Dites, recevoir.

Appeser sur quelque chose. Dites, appuyer.

Appointer une boule. Dites, pointer: il pointe bien; il est bon pointeur. Ne dites pas non plus, appoint, mais point. Le premier est un terme de banque; appointé est un terme de guerre.

Aragnée. Dites, araignée, s. f. On disoit autrefois, aragne, du latin aranea.

Arboriste. Celui qui vend des simples; dites, herboriste, s. m.: vous trouverez cette plante chez tous les herboristes. Arboristes a vieilli; on le trouve cependant dans Trévoux.

Arbouillures. Espece de petites élevures rouges, qui viennent sur la peau; dites, échauboulures, s. f.: son corps est couvert d'échauboulures.

Arçon de berceau. Dites, archet, s. m.

Arechal. Fil d'arechal; dites, fil d'archal. C'est la prononciation traînante des Lyonnois qui a fait trois syllabes de ce mot.

Arias. Obstacle, chose qui embarasse; dites, embarras, s. m. ou obstacle, s. m.: il a rencontré beaucoup d'obstacles.

Aricot, s. m. Plante dont les fleurs sont légumineuses; il s'écrit et se prononce avec une h aspirée: des haricots verts.

Arjolet. Petit bouton blanc, qui vient aux yeux; les médecins disent, orgeolet, et l'Académie dit, orgueilleux: il a un orgueilleux à l'œil, qui l'incommode beaucoup.

Arquebuse. Eau d'arquebuse; dites, eau d'arquebusade. L'arquebuse est une arme à feu.

Arraper; s'arraper. Ce mot vient d'arripere, ou manu comprehendere; il est gaulois; nos peres disoient, arraper, mais dans le sens d'empoigner; dites, s'attacher: la poix s'attache aux mains.

Arthes. Petits insectes; dites, teignes, s. f.: il y a bien des teignes dans cette armoire. L'encyclopédie dit, artison.

Assassineur. Dites, assassin. Le peuple dit quelquefois, il a commis un assassin, au lieu de dire, assassinat; et en fait de langage, il y a bien des gens qui sont peuple.

Assez. On prononce mal cet adverbe, en donnant à l'e le son d'un e ouvert; tandis que le z en fait toujours un e fermé, comme dans nez, dez.

Asthme. Celui qui a une infirmité qui consiste dans une grande difficulté de respirer en certain temps. Ce nom est celui de la maladie, et non celui du malade; dites, asthmatique: cet homme est asthmatique.

Auberge. Sorte de pêche; dites, alberge. Le fruit que nous nommons auberge, doit s'appeler Pavie; on ne prononce pas l'e. Ce substantif est masculin: un bon pavie; on dit aussi, un bon pavi.

Aucuns. Ce mot ne prend jamais de pluriel; il signifie pas un. Racine a fait une faute, en disant dans Phedre:

Aucuns monstres par moi domptés jusqu'aujourd'hui, Ne m'ont acquis le droit de faillir comme lui.

Ce pronom indéfini prenoit autrefois le pluriel. On s'en sert encore ainsi dans les actes.

Auparavant. Mot qui marque priorité de temps: j'arriverai auparavant que vous y soyez, ou auparavant vous. Dans ces deux exemples, le mot auparavant est également déplacé; parce qu'il n'est ni préposition5, ni conjonction6; il est toujours adverbe; il conserve, il est vrai, la même signification que la préposition avant que; mais il y a cette différence entre ces deux mots, qu'auparavant, en qualité d'adverbe, n'exige aucun mot après lui: je l'ai averti un mois auparavant; au lieu qu'avant, préposition, veut toujours après lui un mot en régime: j'arriverai avant lui. Si ce mot est conjonction, il est suivi, ou de la préposition de: on doit réfléchir avant de parler; ou de la conjonction que: il faut une longue expérience, avant que nous soyons en état de nous conduire par nous mêmes.

Auprès de. Ce n'est rien auprès de ce que vous allez voir; dites, au prix de ce que vous allez voir.

Autant. Il est habile autant que vous, ou il est autant habile que vous; ces deux façons de s'exprimer sont contraires aux regles grammaticales; elles renferment un barbarisme de phrase; dites, il est aussi habile que vous. Autant ne se construit bien qu'avec un participe, ou quand il est suivi d'un autre membre de phrase: je l'estime autant que je l'aime.

Autant pour lui comme pour moi; Corneille a fait cette faute:

Qu'il fasse autant pour moi comme j'ai fait pour lui.

Il faut se servir de la conjonction que, au lieu de comme.

Auteron. Dites, hauteur, élévation, tas.

Auteur. Il est l'auteur que je manque ma fortune; dites, il est l'auteur de la perte, et non pas l'auteur que j'ai manqué ma fortune.

Auvent. On appelle ainsi une sorte, de fenêtre dont l'appui est en talus, afin que le jour, qui entre d'en haut, se communique plus facilement dans le lieu où elle est pratiquée; dites, abat-jours, s. m. À Paris les abat-jours se nomment persiennes. L'auvent est un petit toit en saillie, propre à garantir les boutiques de la pluie. Les abat-jours font paroître les marchandises plus belles.

Aval d'eau. Chûte d'eau impétueuse; dites, avalaison ou avalasse, s. f. Ces mots viennent de avaler, dévaler, qui signifient descendre.

Avaloir. Grand gosier. Ce mot est du genre féminin; dites, une belle avaloire. Expression familiere.

Avanglé. Dites, avide.

Avis. Ne prononcez pas l's.

Ayant. On prononce mal ce verbe; l'y tient lieu de deux i; il en faut joindre un au premier a, comme si ce mot était écrit ainsi, ai-iant. Une faute plus remarquable, c'est de donner à ce verbe un gérondif, comme dans cet exemple: en ayant soin de ce meuble, il vous servira longtemps. Le verbe être, non plus, ne prend jamais devant lui la préposition en. Cette erreur est répandue dans plusieurs grammaires, sur-tout dans celles qui sont destinées aux étrangers.

B.

Babouine. Levre d'un animal; dites, babine, s. f.: les babines d'une vache.

Bacha. Pierre ou piece de bois creusée, qui sert à donner à boire aux chevaux et aux animaux domestiques; dites, auge, s. f.: donner à manger aux cochons, dans l'auge. Bacha ou Pacha est un titre d'honneur chez les Turcs.

Bacchanal. Grand bruit; ne dites pas, un grand bacchanal; ce substantif est féminin; dites, une grande bacchanale. Ce nom signifie plus particulierement une débauche faite avec grand bruit.

Bachut. Espece de coffre percé, qui sert à conserver les poissons; dites, banneton, s. m.

Bagard. Il s'est trouvé dans le bagard; dites, dans la bagarre, s. f.

Bague d'oreille. Dites, boucle ou pendant d'oreille.

Baiard. Civiere à bras, pour transporter; dites, civiere, s. f.

Baignoir. Vaisseau pour les bains privés; il ne faut pas dire, un baignoir, mais une baignoire. Le baignoir est le lieu où l'on baigne, mais non pas un vaisseau de bois, de tôle ou de cuivre.

Bailler aux corneilles; dites, bayer, du latin badare; ouvrir la bouche, ou rester la bouche ouverte d'étonnement; d'où l'on a fait, bouche béante.

Balan. Être en balan; dites, être en balance, en suspens.

Balayette. Dites, petit balai. Nous n'avons pas ce diminutif.

Balier, v. Ôter les ordures avec un balai; dites, balayer: balayer un appartement.

Balle. Panier d'osier: une balle de lessive; dites, un panier de lessive, ou manne. On appelle aussi manne, un grand panier en forme de berceau, où l'on couche les enfans.

Balouffe. Dites, balle; et au lieu de balouffiere, dites, matelas de balle.

Bambane. C'est un bambane; c'est-à-dire, un homme lent, indolent. Ce mot vient, peut-être, de bambin; les enfans se soutiennent mal; l'homme indolent aussi.

Bamboche. Sorte de pantoufle ou de mule de chambre, qui a un quartier de derriere; dites, babouche, s. f.: babouches rouges. Bamboche est une marionnette un peu plus grande qu'à l'ordinaire. Il se dit d'une personne de petite taille: cette femme est une bamboche.

Bancane, s. f. Il se dit populairement d'une femme, dans le même sens qu'on dit bancroche, en parlant d'un homme; c'est une personne qui a les jambes tortues; dites, bancalle, s. f.: elle est bancalle depuis sa naissance.

Baracan. Sorte de gros camelot; dites, bouracan: un manteau de bouracan. Ce mot ne se seroit-il pas corrompu, par sa conformité avec baraca, poil de bouc?

Barbot. Espece de poisson, et plante qui croît dans les blés; dites et écrivez, barbeau, s. m. La plante se nomme bluet. La finale au est plus longue que celle de ot au singulier.

Barbouillon. Mauvais peintre, mauvais auteur; dites, barbouilleur.

Bardaniere. Claie d'osier, dont on garnit les lits, pour prendre les punaises; dites, claie.

Bardoire. Dites, hanneton; l'h est aspirée.

Bareille. Sorte de gros tonneau; dites, barrique, s. f.: une barrique de vin, et par diminutif, barriquet. Bareille est une dénomination locale dont on est comme forcé de faire usage dans les endroits où elle est reçue. Les marchands disent, barriquant; et ce mot est français. On disait anciennement, bouchel.

Barette. Espece de petit tombereau; dites, brouette: une brouette de vinaigrier.

Barfouillon; barfouiller; barfouillage. Dites, Barboteur; barboter; barbotage. C'est l'action des Oies, par laquelle elles cherchent à manger dans des ruisseaux bourbeux, en y fourrant le bec. Au figuré, c'est mettre les mains dans l'eau, en l'agitant.

Barricolé. Peint de diverses couleurs et sans regle; dites, bariolé: un mouchoir bariolé.

Barriere. Clôture de fer qui est ornée, et qui, dans une maison, sépare les cours des jardins; dites, grille. Une barriere signifie ce qui sert de borne et de défense, ou un assemblage de planches, servant à fermer un passage: la barriere qui est devant la porte d'une ville.

Baste. Pan d'habit; dites, basque, s. f.

Batillon. Instrument de bois, pour laver le linge; dites, battoir, s. m.

Batillonner le linge. C'est encore une de ces façons de parler qui sont particulieres à certains pays: celle-ci signifie frapper le linge sale avec un battoir, qu'on appelle mal à propos batillon; il faut dire, essanger le linge; mais cette expression est peu connue; elle signifie proprement laver le linge sale, avant de le mettre dans le cuvier à lessive.

Battre comme emplâtre. Dites, battre comme plâtre; expression proverbiale.

Batture. Querelle où il y a des coups donnés; dites, batterie, s. f.: il fut tué dans une batterie. Ce mot signifie plusieurs choses. Il se dit de plusieurs pieces de canons et de mortiers disposés pour tirer contre l'ennemi. On dit figurément, qu'un homme dresse de bonnes batteries, pour dire qu'il employe de puissants moyens pour réussir dans une affaire. On appelle aussi batterie, la piece d'acier qui couvre le bassinet des armes à feu, et contre laquelle donne la pierre qui est au chien. Batterie se dit encore de la maniere de battre la caisse. On nomme batterie de cuisine, les ustensiles qui servent à la cuisine.

Baucher une boule. La déplacer par une autre. Je ne connois que le mot tirer ou débuter qui puisse remplacer cette expression: c'est un bon tireur. Je pense que le mot baucher vient de bachari, debachari, qui signifient ôter de sa place, au sens propre; dont on a fait débaucher, débauche, au sens figuré.

Bécasson. Sorte de bécassine; dites, bécasseau, s. m.

Becfi. Petit oiseau qui se nourrit ordinairement de figues, et qui est très-délicat au manger; dites, becfigue: manger des becfigues.

Beche. Petit bateau. Ce mot désigne les bateaux qui sont sur la Saône, et qui sont couverts d'une toile; dites, batelet, s. m.: passer la riviere dans un batelet.

Bechée. Ce qu'un oiseau prend avec le bec pour donner à ses petits; dites, becquée, s. f.: cet oiseau porte la becquée à ses petits.

Bege. Linge bege; dites, linge bis.

Begue; il begue. Dites, il bégaye. Begue est adjectif: un homme begue. Bégayer est verbe.

Belsamine. Fleur; dites, balsamine. L's se prononce comme un z; ce qui est une exception à la regle générale qui veut que l's entre une voyelle et une consonne ait le son fort.

Benier. Artisan qui fait des boisseaux et divers ustensiles de bois, servant au ménage; dites, boisselier, s. m.: embrasser le métier de boisselier.

Bénit. Le verbe bénir a deux participes7; l'un, bénit, bénite, pour les cérémonies de l'Église; l'autre béni, bénie. Le dernier signifie comblé des biens du Ciel. On dit, de l'eau bénite, et de la mere de J. C., vous êtes bénie, et non pas bénite.

Benot. Vase de bois; dites, benne, s. f., et banneau, s. m., pour diminutif: mettez ces raisins dans le banneau.

Berche; éberché. Dites, breche; ébreché: on a ébreché les couteaux; on y a fait des breches.

Bergere. Petit oiseau; dites, bergeronnete, s. f.

Berlan. Jeu de cartes; dites, brelan, s. m.: jouer au brelan.

Berlin. Coiffe de toile; dites, coiffe de nuit.

Besson. Dites, jumeau. Bessonner n'est pas françois; dites, faire deux enfans jumeaux. Ce mot est du vieux langage; son étymologie est bis sunt.

Bétar. Dites, bêta; qui est fort bête.

Betatouret. Instrument propre à mettre en perce un tonneau; dites, foret, s. m.

Bicler. Regarder louche; dites, bigler; v.: cet enfant prend l'habitude de bigler.

Bileux. Qui abonde en bile; dites, bilieux, adj. Les tempéramens bilieux sont, pour l'ordinaire, moins disposés à la gaîté, que les tempéramens sanguins.

Bisaigre. Vin bisaigre; c'est-à-dire, vin qui s'aigrit; dites, besaigre, adj.

Blet. Un fruit blet; une poire blette; c'est-à-dire trop mûre. Ce mot manque à notre langue. On s'en servait autrefois. On le trouve dans le dictionnaire du vieux langage.

Blette. Plante potagere, dont les feuilles sont larges et supportées par une tige épaisse; dites, bette, s. f.: manger des bettes. On le nomme aussi poirée, s. f.

Bol. Petite boule de drogue médicinale. On dit communément, une bol. Ce mot est du genre masculin; dites, un bol ou un bolus.

Bombarde ou guimbarde. Instrument de fer, avec une languette d'acier, dont on joue en le tenant contre les dents; dites, rebute ou trompe-à-laquais.

Bon. Plus bon; plus bonne. Fautes communes et grossieres. Jamais l'adjectif bon ne doit prendre devant lui l'adverbe plus, quand il marque une comparaison. J'ai dit quand il marque une comparaison; car s'il est pris dans un autre sens, il n'est pas contraire à notre syntaxe: on dit bien: elle n'est plus bonne à rien. Dans le premier sens, on se sert de meilleur, qui est le comparatif de bon.

Bon à monter; bon à descendre. En ce cas ou en tout autre semblable, ne liez pas l'n avec la voyelle suivante. Il n'y a liaison qu'autant que le mot où se trouve l'n finale est inséparablement uni avec un autre, comme dans, bon Ange, on est venu, un auteur; et alors on prononce comme s'il y avoit deux n. C'est ainsi que prononcent les meilleurs acteurs de Paris.

Bonnette. Coiffe de nuit; dites, bonnet, s. m., soit pour homme, soit pour femme.

Borgnasse. Fille borgne; dites, borgnesse.

Borgnasser. Dites, regarder de près.

Borgnon. Aller à borgnon; dites, à l'aveuglette.

Boucharle. Bouton qui vient sur la levre; dites, barbuquet, s. m. Les médecins disent, aphte, s. m.

Bougeon. Dites, remuant, adj.: cet enfant est remuant.

Bouis. Cette prononciation a vieilli; dites et écrivez, buis, s. m.

Bouloir ou bouillotte. Espece de coquemar, propre à faire bouillir de l'eau; dites et écrivez, bouilloire, s. f., ainsi que presque tous les noms terminés en oire.

Bourle. Espece d'enflure qui vient à la suite d'un coup; dites, bosse.

Bourrée. Pluie froide; dites, brouée, s. f.

Bousillon. Qui gâte son ouvrage; dites, bousilleur: cet ouvrier est un bousilleur.

Boutasse. Lieu où l'on amasse l'eau pour nourrir le poisson; dites, mare, s. f.

Bouteroue. Piece qu'on met au coin des rues, pour que les voitures ne puissent pas se jeter sur les maisons; dites, borne: cette voiture a touché la borne.

Brame. Poisson d'eau douce; dites, breme. Brame signifioit autrefois un grand cri.

Branche. Bois qu'on met au feu; dites, buche. Une branche est un grand rameau d'arbre.

Branler. Se branler sur une escarpolette; dites, se brandiller, v.

Branliere. Espece de siége suspendu par des cordes, pour être poussé et repoussé dans l'air; dites, escarpolette ou brandilloire, s. f.

Brelue. Sorte d'éblouissement passager; dites, berlue, terme familier; avoir la berlue.

Breteau; le breteau. Plaine au-delà du Rhône; dites, Broteaux: aller aux broteaux. Ce mot est probablement dérivé du mot brouter. C'est une plaine où les bestiaux vont champeyer.

Bresbille. Dites, bisbille; mot dérivé de l'italien, bisbiglio; mot imitatif.

Bretagne. Piece de fonte, qu'on applique au fond de la cheminée; dites, plaque, s. f.

Bretonner. Cet arbre bretonne: dites, boutonne, v.

Brignon. Espece de petite pêche; dites, brugnon, s. m.

Brillant. Oiseau qui a le bec gros et court; dites, bréant ou bruant.

Broche. Petit bâton fendu en deux parties égales, sur lesquelles le vendeur et l'acheteur font des coches, pour marquer la quantité de pain ou de vin, que l'un fournit à l'autre; dites, taille, s, f.: prendre la viande à la taille. Cependant ce mot exprime plus communément de petits morceaux de bois sur lesquels on fait des coches, et qui ne servent qu'à l'acheteur. Voyez, houche.

Broche de bas. Petite verge de fer; dites, aiguille, s. f.: aiguilles de bas; ces aiguilles de bas sont bonnes. Broche et brocher, dans ce sens, vieillissent.

Brot. Ce que les jeunes taillis poussent au printemps, et que les bêtes vont brouter; dites, brout. On appelle aussi brout, la cocque verte des noix.

Brouillard. Conserver le brouillard d'une lettre; dites, le brouillon, s. m.

Bruxelles. Prononcez le x de ce mot, et d'Auxerre, Auxonne, comme dans soixante.

Buche de paille. Dites, brin de paille.

Buchettes. Petits bâtons fort menus, avec lesquels on joue; dites, jonchets, s. m. On appelle buchette, le menu bois que les pauvres gens ramassent.

Bucler un cochon. C'est-à-dire, en brûler le poil avec de la paille; dites, griller, v.

Bugnes. Sorte de pâte à l'huile; dites, beugnes, s. f.: de bonnes beugnes.

Bugnets. Sorte de pâte faite à la poêle; dites, beignets, s. m.: des beignets de pommes.

Busque. Ce substantif est du genre masculin; écrivez et dites, un busc.

Buvande. Dites, piquette ou boisson.

Buyanderie. Lieu où l'on fait la lessive; dites, buanderie, s. f.: il est dans la buanderie.

Buyandiere ou buandiere. Femme qui lave la lessive; dites, lavandiere. Le buandier ou la buandiere sont ceux qui font le blanchîment des toiles; la lavandiere est au bateau de lessive. On trouve le mot buyandiere, dans le dictionnaire du vieux langage.

C.

Cabosser. Déformer, v.: il a cabossé la boîte de sa montre. Ce mot est un vrai barbarisme; dites, bossuer: bossuer des assiettes d'argent.

Cacaphonie. Son désagréable à l'oreille; dites, cacophonie, s. f. Il est formé du grec cacos, mauvais, et de phoné, voix ou son.

Cache-maille. Petit vaisseau de terre, ou espece de tronc; dites, tire-lire, s. f.: il tient son argent dans une tire-lire. Le mot maille est un vieux mot qui nous vient du nom d'une petite monnoie qu'on nommoit maille; de là, le mot pince-maille, pour dire usurier.

Cachon. Dites, noyau.

Cadette. Sorte de pierre qu'on place le long des boutiques, pour paver le dehors. Dans beaucoup d'endroits on dit, dalle, s. f.; mais il y a une sorte de pierre de taille qu'on appelle cadette; on dit cadeter, pour paver avec des pierres de taille.

Cafetiere. Maîtresse d'un café; dites, limonadiere: s. f.: je voudrois parler à la limonadiere. La cafetiere est un vaisseau dans lequel on fait le café.

Caffard. Insecte hideux, qui se tient ordinairement dans la farine et s'en nourrit; dites, blate, s. f.

Caffi. Pain mal travaillé et qui n'est pas troué. Il n'y a point de mot qui remplace ce barbarisme; il faut se servir d'une périphrase8.

Çà haut, çà bas. Ces deux expressions ne sont pas françoises, quoiqu'il soit permis de dire, là haut, là bas.

Caille tortue. Animal amphibie; dites simplement, tortue.

Calmandre. Sorte d'étoffe de laine; dites, calmande: un habit de calmande.

Cambuis. Dites, cambouis, s. m.

Camelotte. Action de passer les marchandises, sans payer les droits; dites, contrebande, s. f.: faire la contrebande.

Campagne. Aller en campagne; pour dire, quitter la ville, dans l'intention de se rendre dans une maison de campagne; dites, aller à la campagne. Les soldats vont en campagne; on met ses amis en campagne, quand on les fait agir pour le succès d'une affaire; hors de là on dit, aller à la campagne. La préposition en ne doit précéder un nom de lieu, que lorsque ce nom est celui d'un grand pays, comme, en Afrique, en France.

Caneçon. Sorte de culotte de toile ou de coton; dites, caleçons, s. m.: donnez-moi des caleçons.

Cantine. Bouteille de verre blanc. Ce terme est pris souvent à contre-sens; une cantine est un petit coffre disposé en plusieurs parties, pour mettre des phioles, dans le voyage. Lorsqu'on veut désigner une bouteille de verre blanc, où l'on met ordinairement de la liqueur, on se sert du mot bocal, s. m.: serrez ce bocal.

Carnier. Sac où l'on met le gibier; dites, carnaciere, s. f.

Carotte. Plante potagere, de couleur ordinairement rouge, et qu'on met dans la salade. C'est encore ici un abus de terme: le mot carote signifie proprement une racine jaune, dont la feuille est dentelée, et qu'on nomme mal-à-propos pastonade ou panais. Ce dernier mot auquel le peuple a préféré celui de pastonade, désigne une plante de couleur blanche, d'un goût doucereux et bonne à manger. Ce que le peuple appelle carotte, doit se nommer bette-rave, et ce qu'il connoît sous le nom de pastonade, doit se nommer carotte: les carottes toutes jaunes sont bonnes dans le bouillon gras; les bette-raves se mangent à la salade; les pastenades ou panais sont toujours blancs.

Carquelin. Espece de gâteau: manger des carquelins; dites, craquelins: aller acheter une douzaine de craquelins.

Cartouche. Sorte d'ornement de sculpture ou de peinture, représentant un carton roulé; dans cette acception, ce mot est masculin; dites, un cartouche.

Carville. Sorte de pomme; dites, calville, s. m.: un bon calville.

Casse. Instrument de cuisine; dites, casserole.

Casson. Petit espace de terre plus long que large, où l'on fait venir des fleurs et des légumes; dites, planche, s. f.: une planche de tulipes.

Castonade. Sucre qui n'est pas entierement raffiné; dites, cassonade, s. f.: il y manque de la cassonade.

Cataplâme. Espece d'emplâtre propre à fomenter et à fortifier les parties débilitées; dites, cataplasme, s. m.: un cataplasme anodin. Il faut prononcer l's.

Catarate. Dites, cataracte, s. f.: lever la cataracte. Il se dit aussi d'une chûte d'eau faisant grand bruit.

Catolle. Sorte de tourniquet en bois; dites, birloir, s. m.; le birloir de ce châssis s'est détaché.

Caton. Plusieurs parties qui s'amalgament, qui se tiennent assemblées: caton de farine; dites, grumeau, s. m.: des grumeaux de sang.

Cavon. Dites, caveau, s. m.

Cayer. Assemblage de feuilles de papier; écrivez, cahier: un gros cahier. On se servoit autrefois de l'y sans h.

Ceinturonnier. Marchand de baudriers, de ceinturons; dites, ceinturier, s. m.

Cep. Une cep de vigne. Ce mot est masculin; dites un cep; du mot latin cespes.

Cercifi. Dites, salsifis, s. m.

Cerf. Ne prononcez pas l'f.

Cermille. Dites, cerfeuil, s. m.

C'est eux. Dites, ce sont eux. On dit bien c'est nous, c'est vous; mais on doit dire à la troisieme personne du pluriel: ce sont nos affaires, ainsi que l'a décidé l'abbé Girard.

Chacun. Pronom indéterminé9: un chacun pense comme il lui plaît. Ce n'est plus que dans les livres gothiques qu'on lit un chacun; on ne met pas aujourd'hui le pronom indéfini un devant chacun: chacun vit pour soi. Ce mot a donné lieu à une faute qu'on trouve quelquefois, même dans les bons auteurs; on ne doit pas dire, par exemple: ces femmes sont très-attachées, chacune à son mari; mais on dira: ces femmes sont très-attachées chacune à leur mari. Voici la regle qu'il faut consulter, pour savoir s'il faut mettre leur, ou son, sa, ses: si chacun est placé avant le régime direct du verbe, ou l'objet, mettez, leur: ces deux charrettes ont perdu chacune leur essieu; s'il est placé après, servez-vous de son, sa, ses: ils ont tous apporté des offrandes, chacun selon ses moyens.

Chaillotte. Espece d'ail; il faut dire échalotte, s. f.: couper des échalottes.

Chaine d'oignons. Dites, glane d'oignons.

Chaircutier. Dites, charcutier. Ce mot vient du verbe charcuter.

Chambellan ou Chamberlan. Celui qui travaille en chambre, sans droit; dites, chambrelan.

Chambucle. Maladie des blés; dites, nielle, s. f., ou charbon, s. m.

Chana ou Chanée. Conduite des eaux dans une gouttiere; dites, chéneau, s. m.

Chanin. Un temps chanin. Dites, un temps sombre et froid.

Chapoter. Dites, frapper, v.

Charasson. Sorte d'échelle garnie de chevilles qui servent d'échelons; dites, rancher: montez par ce rancher, s. m.

Charbon de pierre. Sorte de fossile dur et inflammable; dites, charbon de terre: mines de charbon de terre.

Charbonnaille. Poussiere de charbon; dites, poussier, s. m.: donnez-moi du poussier; sans prononcer l'r.

Charpenne. Dites, bois de charme.

Charpi. Fil de toile pour les plaies; dites, charpie, s. f.

Charri. Gros drap qu'on met sur le cuvier, et sur lequel on étend un lit de cendres; dites, charrier, s. m.: un bon charrier.

Chasse. Le trou d'une aiguille; dites, chas, s. m.: un chas étroit.

Châtagne. Sorte de fruit; écrivez et prononcez, châtaigne, s. f.

Châtel. Bail de bestiaux; dites, cheptel, sans prononcer le p, s. m.

Chauderon ou chauderonnier. Écrivez, chaudron, chaudronnier, sans [prononcer l'e.]

Chaudier. Ouvrier qui fait la chaux; dites, chaufournier. Le four où elle se cuit, se nomme chaufour, ou four-à-chaux.

Chauffe-lit. Bassin ayant un couvercle percé à plusieurs trous, et servant à chauffer le lit; dites, bassinoire, s. f.: une grande bassinoire. Dites, bassiner, et non pas chauffer le lit.

Chauffette. Espece de boîte doublée et percée de plusieurs trous par le haut, dans laquelle on met du feu, pour se tenir les pieds chauds; dites, chaufferette, s. f.: une belle chaufferette.

Chercher. Faut-il prononcer la derniere syllabe de ce verbe comme la premiere? On ne doit pas faire sentir l'r finale dans les verbes en er, à moins que le mot suivant ne commence par une voyelle; mais on prononce cette lettre dans les verbes terminés en ir.

Chevillere. Sorte de ruban fait en fil, et qu'il faut appeler pour cela, ruban de fil: acheter un ruban de fil.

Chiffre. Caractere dont on se sert pour marquer les nombres: ne dites pas étudier la chiffre, mais l'arithmétique. Le nom chiffre est masculin: le chiffre romain.

Chipoteur. Celui qui vétille; dites, chipotier: c'est un vrai chipotier.

Chirat de pierres. Dites, amas.

Choisir. Choisir la salade, ôter ce qui est mauvais; dites, éplucher: on choisit ce qu'on préfere; on trie les herbes, en faisant un choix, en donnant une préférence; éplucher exprime seulement l'action d'ôter les parties gâtées.

Chouer. Avoir grand soin de sa personne; dites, choyer. Les suisses disent, cocoler, qui me paroît fort heureux.

Chucheter. Parler bas à l'oreille; dites, chuchoter; d'où sont formés chuchoteur, chuchoterie.

Cierger. Dites, ciergier, ou mieux, cirier, s. m.

Cintieme. Dites, cinquieme, nom de nombre, ou nom qui sert à compter.

Ciseaux. Instrument de fer, composé de deux branches tranchantes: de bonnes ciseaux. Ce nom doit toujours prendre le genre masculin: de bons ciseaux.

Clapir; clapissant. Dites, glapir, glapissant.

Claude. Prononcez le c comme un g, ainsi que dans Claudine, second, seconder, secondement, etc.

Clavelée. Cendre clavelée; Dites, gravelée, adj.

Clé. Traîner sur la clé; dites, claie, s. f.

Cledar. Ouverture d'un jardin; dites, claire-voie, s. f.

Clergeon. Dites, enfant de chœur.

Clin de paille. Dites, botte: la botte de paille est fort chere.

Clocher. On cloche; cette façon de parler signifie, au sens propre, boîter, et au figuré, aller mal: cette comparaison cloche. Si vous voulez dire que l'on tire une sonnette, dites, on sonne.

Coane. Peau du pourceau; dites, couenne, s. f. Le premier e se prononce comme un a, ainsi que dans solemnel.

Cocombre. Espece de fruit ou légume, de forme longue et de nature froide et aqueuse; dites, concombre, s. m.: ces concombres sont bien petits.

Coit. Cet adjectif signifie, tranquille, en repos; et la diphthongue oi se prononce à peu près comme oie. Ce mot ne prend point de t; le féminin est coie.

Coître. Lit de plume; dites, couette, s. f.; mot qui vieillit. On dit plus communément, lit de plumes.

Col. J'ai mal au col; dites et écrivez, cou. Le col est le linge qu'on se met au cou.

Colant. Diamants ou pierreries que les femmes portent au cou; dites, coulant.

Collidor. Passage étroit d'un appartement à un autre; dites, corridor, s. m.: un long corridor.

Communs. Aller aux communs; dites, commodités ou cabinet d'aisance.

Companie. Dites et écrivez, compagnie, s. f.

Confle. Petite ampoule sur la peau; dites, vessie, s. f.: sa brûlure lui a fait venir une vessie. On dit aussi, cloche, s. f.

Conjugaux. Des liens conjugaux. Les adjectifs suivans n'ont point de pluriel masculin: conjugal, vénal, austral, boréal, pectoral, filial, fatal, sentimental, naval, amical, magistral, etc.

Conséquent. Important, qui en vaut la peine: c'est une somme conséquente. Ce mot ne s'emploie jamais dans ce sens; on dit bien: une somme de conséquence; mais on ne doit pas dire, une affaire conséquente. Ce dernier mot exprime une idée qui découle d'une autre: on est conséquent, lorsque la conduite est conforme aux principes qu'on se fait. On est conséquent dans ses raisonnemens, lorsque les propositions sont bien déduites les unes des autres; au contraire, on est inconséquent, quand on est peu d'accord avec les principes qu'on a établis. Mais ne dites pas qu'une personne est inconséquente, pour faire entendre qu'elle est frivole et légere. Ces deux expressions ne sont d'usage que dans le sens expliqué.

Consulte. Conférence que l'on tient pour délibérer sur quelque affaire ou sur quelque maladie; dites, consultation: faire une consultation.

Contre. Par contre, si les artisans sont ordinairement pauvres, par contre, ils se portent bien. Cette expression rend mal le sens que l'esprit a en vue, ou plutôt elle n'en exprime aucun. Le mot contre est une préposition qui veut toujours après elle un complément; c'est-à-dire un mot qui dépend d'elle. Au lieu de dire, par exemple: je n'ai pas pu aller à la campagne; mais, par contre, je me suis bien amusé à la ville; on dira, mais en revanche, mais à défaut, ou enfin, on se servira simplement de la conjonction mais, qui marque suffisamment l'opposition ou le dédommagement.

Contrevention. Action par laquelle on contrevient à une ordonnance; dites, contravention, s. f.: prendre quelqu'un en contravention. Dans ce mot on fait usage de la préposition latine, et non de la française.

Cor. Donner du cor; dites, sonner du cor.

Corbillonier. Ouvrier qui fait des vans et des corbeilles; dites, vannier, s. m.: cet homme est bon vannier.

Corce. Peau d'arbre ou de fruit; dites, écorce, s. f. L'écorce de cet arbre est bien épaisse.

Corée. L'assemblage du foie et du poumon; dites, fressure, s. f.

Corniole. Conduit par où les alimens descendent du gosier dans l'estomac; dites, œsophage.

Corporance. La taille de l'homme considérée par rapport à sa grandeur et à sa grosseur; dites, corpulence, s. f.: il est d'une belle corpulence.

Corsonnaire. Sorte de racine médicinale; dites, scorsonere. On la confond mal à propos avec le salsifis, qui est une racine bonne à manger. Les Espagnols appellent cette plante, escorsonera. Son nom lui vient de ce que son écorce est noire; aussi les Suisses la nomment, écorce noire. Valmond de Bomarre prétend que le scorsonere ou le salsifis noir est une plante potagère plus saine et meilleure à manger que le salsifis blanc.

Cotivet. Le creux qui est entre la tête et le chignon; dites, nuque, s. f.

Coudre. On conjugue mal ce verbe dans quelques-uns de ses tems; dites, je couds, je cousois, je cousis, et non pas je cousus; j'ai cousu, je coudrai, que je couse, que je cousisse, et non pas que je coususse.

Couple. Nombre: un couple d'œufs; dites, une couple, s. f. Un couple se dit en parlant d'un mari et d'une femme: voilà un beau couple.

Coupon de salade. Espece de plat où l'on sert la salade: dites, saladier, s. m.: un grand saladier.

Courir. Ce verbe n'adopte que l'auxiliaire avoir: il y a couru; de là une faute dans ce vers de Racine:

Il en étoit sorti, lorsque j'y suis couru.

Il faudroit, lorsque j'y ai couru.

Courle. Sorte de plante rampante; dites, courge, s. f.: une bonne courge.

Courle-bouteille. Dites, calebasse, s. f.

Courterolle. Insecte qui mange les racines des laitues; dites, courtillere, s. f.

Couvert. La couverture d'un bâtiment; dites, toit: monter sur le toit. Dites encore, cette maison a une belle couverture; et non pas une belle couverte, ni un beau couvert.

Couverte. Tapis qu'on étend sur un lit. Couverte de laine; dites, couverture, s. f.: une belle couverture. On donne le nom de couverte à l'émail qui couvre une terre cuite, mise en œuvre. Ce mot se dit particulierement de la porcelaine: une couverte fine. On dit aussi couverte de porte, en parlant d'une piece de bois qui se met en travers, au-dessus de l'ouverture d'une porte ou d'une fenêtre, pour soutenir la maçonnerie; dites, linteau, s. m.

Craion. On prononce mal ce mot: comme on doit l'écrire avec un y, et que ce caractere remplace deux i, il faut prononcer comme s'ils y étoient en effet, crai-ion.

Crincer. Faire que quelque chose se fronce et se racornisse au feu; dites, grésiller: le feu a grésillé ce parchemin.

Croassement; croasser. Cri des grenouilles; dites, coasser, coassement. Le premier signifie le cri des corbeaux.

Croc. C'est un croc; c'est-à-dire un fripon au jeu; dites, escroc. Ce mot vient de croc et croquer, tirer avec un croc, ou prendre ce qui est pendu au crochet, comme accrocher, décrocher.

Cru. Augmentation de taille: il n'a pas fait son cru; dites, crue: s. f. cet enfant a fait sa crue.

Cublan. Petit oiseau qui a des plumes blanches sur le croupion; dites, vitrec, s. m.: j'ai tué un vitrec.

Cueillé. Un cueillé d'argent. On le fait communément substantif masculin, mais c'est une faute grossiere; ce mot doit toujours être du genre féminin; il doit se terminer par un r, qu'on prononce; ainsi, on doit dire, une cueiller, et non pas un cueillé. L'r finale se conserve pour la formation du mot cuillerée, s. f. Il est rare que les mots terminés ainsi soient féminins.

Cueillir. Ne dites pas je cueillis, au présent, ni je cueillissois, à l'imparfait; mais je cueille, je cueillois. On dit plutôt je cueillerai, que je cueillirai.

Cuison ou cuisage. Action de cuire ou de faire cuire: je lui dois tant pour la cuison ou le cuisage de mon pain. Ces deux mots sont également réprouvés par le bon usage; il faut dire cuisson, s. f.: la cuisson des viandes. Cuisson signifie encore la douleur que fait sentir un mal qui cuit; c'est-à-dire, qui cause une douleur aigue: ma plaie me fait éprouver une cuisson horrible.

Curaille. Le milieu d'un fruit dont on a ôté ce qui est bon; dites, trognon, s. m.

D.

Dada. Homme niais, un nigaud, un homme décontenancé; dites, dadais: c'est un dadais.

Darte, sur la peau. Dites, dartre, s. f.

Davantage. J'ai davantage d'années que lui. Cette façon de parler est vicieuse. L'adverbe10 davantage ne prend jamais après lui la préposition de, ni la conjonction que. Vous ne direz pas, il a davantage de plaisir; il est davantage aimé que vous; cet adverbe se place toujours immédiatement après le mot qu'il modifie. En conséquence, vous direz, il en sera aimé davantage, et non pas, il en sera davantage aimé. Ne vous servez point du mot davantage dans le sens de le plus; ainsi, ne dites pas: voilà la femme qui me plaît davantage; dites, voilà la femme qui me plaît le plus.

Débâcle. La rupture des glaces. On fait souvent ce substantif masculin, et il est toujours féminin: la débâcle. Ce sont les mots miracle, réceptacle, tabernacle, qui ont donné lieu à cette erreur.

Débarras. Lieu où l'on serre beaucoup de choses; dites, décharge, s. f.

Décesser. Il ne décesse pas de parler; dites, il ne cesse pas de parler. La premiere expression, si elle étoit permise, signifieroit le contraire de ce qu'on veut dire.

Déchicoter. Dites, déchiqueter.

Décrottoir. Sorte de brosse dont on se sert pour décrotter. On donne ordinairement à ce nom le genre masculin, et il est du genre féminin; dites donc, une décrottoire. Cette désinence indique ordinairement le féminin, comme poire, foire, moire.

Dedans. Il est dedans la maison. Cette faute ne se trouve que dans les livres gothiques. Dedans se met sans régime: il est dedans. Quand il faut employer un régime, on met la préposition dans: il est dans le tiroir. Dedans est une préposition elliptique.

Dédite. Droit de se dédire, peine ou dédommagement. Ce mot ne doit avoir que deux syllabes, et il est masculin; dites, il lui a donné un dédit de mille écus. Le dédit, c'est la peine attachée au droit qu'on appelle congé; on donne congé à un locataire, et l'on paye le dédit.

Déhors. On met et prononce, mal à propos, un accent aigu. L'e est muet; dites donc et écrivez, dehors. Ce mot est formé des deux prépositions hors et de.

Délice. Plaisir, volupté. Ce substantif est ordinairement masculin au singulier, et toujours féminin au pluriel; dites donc, un grand délice, et de grandes délices.

Demain à soir. Dites, demain soir, ou demain au soir.

Demander excuse. Cette expression ne rend pas le sens qu'on y attache; demander des excuses à quelqu'un, c'est vouloir qu'il nous en fasse. On demande pardon; on fait des excuses.

Demeurer. Dans le sens de rester, exige le verbe être; de là une faute dans ces vers de Racine:

Ma langue embarrassée, Dans ma bouche vingt fois a demeuré glacée.

Il faudroit est demeurée.

Demi, demie. Demie-heure, et d'autre fois, une heure et demie; voici la regle à suivre à l'égard de ce nom partitif11. Quand demi précede le substantif, il est indéclinable, c'est-à-dire qu'il ne change jamais de terminaison: une demi-heure plutôt; une demi-journée; mais s'il vient après le substantif, il en prend le genre: une heure et demie, une journée et demie.

Demoiselle. J'ai vu une mere de famille, qui se promenoit avec ses demoiselles; dites, avec ses filles. Le mot demoiselle est un terme de qualité, qui distingue ordinairement les filles d'avec les femmes mariées. Il signifie aussi une fille née de parens nobles; et en ce sens, il se dit des femmes mariées et des filles: elle est véritablement demoiselle, c'est-à-dire, véritablement née fille de gentilhomme. Mais ce terme ne remplace jamais celui de fille; pas plus que celui de monsieur, ne remplace celui de fils. On dira bien: c'est la demoiselle de compagnie de madame, mais non la demoiselle de madame, pour dire, c'est sa fille.

Dépêchez vîte. Il y a un pléonasme vicieux dans cette expression; dites seulement, dépêchez. Ce dernier exprime l'idée de vîtesse.

Dépersuader. Dites, dissuader, v.

Dépuis. Ne mettez et ne prononcez point d'accent aigu sur l'e de ce mot. Du depuis n'est pas françois; ainsi, c'est une faute grossiere de dire: je ne l'ai pas vu du depuis; dites, depuis.

Des. On dit souvent, des célebres auteurs, au lieu de dire, de célebres auteurs, la regle générale veut qu'on retranche l'article, quand l'adjectif précede le nom; car le nom se trouvant déjà modifié par le qualificatif, l'esprit rejette l'article, qui modifie aussi, en limitant la signification du substantif. L'adjectif mis avant le nom, devient idée principale, et les deux mots semblent n'en former qu'un; l'adjectif placé après, devient idée accessoire: ce savant homme; cet homme savant.

Désarroir. Désordre dans les affaires; dites, désarroi.

Desir; desirer. Mettez l'accent, à cause de l'étymologie: de sidere. L'Académie l'écrit ainsi.

Désondrer. Enlaidir: ce chapeau vous désondre. Cette expression qui appartient particulierement aux jeunes demoiselles, n'a reçu la sanction que d'elles. Si on pouvoit leur accorder le titre de législatrices en matiere grammaticale, ce seroit en faveur des mots qui peindroient la beauté et les graces, et non en faveur de ceux qui expriment la laideur. Il faut dire: ce chapeau vous sied mal, ne vous va pas bien, vous dépare ou vous enlaidit; elles ont donné la préférence au mot désondrer, par une sorte de délicatesse, parce qu'il n'exprime rien de déterminé, qu'il n'emporte pas tout-à-fait l'idée d'enlaidissement, quoiqu'il en approche.

Descendre. Il a descendu; dites, il est descendu. Voyez monter.

Dès-de-là. Chercher dès-de-là l'eau. Cette expression lyonnoise est tout-à-fait vicieuse; il faut dire, chercher de l'autre côté; par de-là l'eau, ou simplement, de-là l'eau.

Dessous.

Bientôt, lassés de leur belle aventure, Dessous un chêne ils soupent galamment.

Il y a une faute de françois dans ces vers. Dessous se met sans complément; c'est-à-dire, sans régime. Vous le cherchez sous le lit; il est dessous. Dans le vieux style on met dessous avec un régime.

Deux. Tous deux; tous les deux. On se sert indifféremment de ces deux manieres, et l'on se trompe. Tous deux signifie qu'on est allé ensemble, en même temps: allons-y tous deux. Tous les deux exprime que l'un et l'autre y sont allés, mais non pas de compagnie: nous y sommes allés tous les deux, mais séparément, et non pas tous deux.

Dévancer. Aller au devant. Ne mettez point d'accent sur le premier e. Ce mot est formé du mot devant, qui n'a point d'accent aigu.

Quel important besoin Vous fait donc devancer l'aurore de si loin?

Devant. Il lui est allé au devant. Cette façon de parler n'est pas autorisée par le bon usage; dites, il est allé au devant de lui.

Déviner. Découvrir une chose cachée. Il ne faut ni mettre d'accent sur l'e, ni en faire entendre la prononciation: deviner, v.; devin, s. m., et non pas dévin.

Dévise. Sans accent: devise, s. f.

Dinde. Nous avons mangé un bon dinde. Ce nom est du genre féminin; dites donc, une dinde; si vous parlez du mâle, servez-vous du mot dindon, et pour exprimer un petit dindon, vous emploîrez le diminutif, dindonneau. Pour l'ordinaire les noms d'animaux, principalement ceux d'oiseaux et de poissons, ne désignent pas les sexes, ou ne les distinguent pas. Ainsi, carpe, brochet, moineau, etc., expriment indifféremment le mâle ou la femelle. On ne distingue les sexes qu'à l'égard des animaux qui nous intéressent, ou que nous avons lieu de craindre; alors, souvent le nom de la femelle n'est pas le même que celui du mâle: cheval, jument; coq, poule.

Dire. Il est vrai de dire; dites seulement, il est vrai. Faute commune, même à quelques auteurs.

Dixmier. Celui qui perçoit les dixmes; dites, dixmeur, s. m.

Donc. On prononce le c de ce mot, quand il commence la phrase ou qu'il est suivi d'une voyelle; en tout autre cas, ne le faites pas entendre.

Dorse. Une dorse d'ail; dites, une gousse d'ail.

Druge. Se plaindre de druge, c'est se plaindre de ce que la mariée est trop belle; dites, se plaindre mal à propos ou sans raison. Le mot druge vient, peut-être, du mot dru, qui signifie épais ou gai, d'où l'on a formé le verbe druger, qui n'est pas françois.

Duelle. Planche servant à la construction d'un tonneau; dites, douve, s. f.: de mauvaises douves.

Durant que. Il est venu durant que j'y étois. On trouve cette faute dans plusieurs auteurs. Mais durant que ne remplace jamais pendant que. Durant est une préposition qui n'est jamais suivie de que. On dit durant sa vie, et quelquefois, sa vie durant; mais jamais, durant qu'il vivoit. Durant exprime un temps de durée qui s'adapte dans toute son étendue à la chose à laquelle on la joint; et pendant ne fait pas entendre un temps d'époque, mais seulement quelques-unes de ses parties: il a dormi durant tout le sermon; on l'a volé pendant son absence.

E.

Écarrer une piece de bois, la rendre carrée, dites, équarrir. On dit bien carrer, mais point écarrer.

Échapper. On ne doit pas dire indifféremment, échapper à, ou, échapper de: on a échappé aux poursuites des archers, marque qu'on n'a pas été pris; il s'est échappé des mains des archers, marque qu'on a cessé d'être où l'on étoit.

Échevelé et déchevelé. Le premier se dit de quelqu'un dont les cheveux sont épars; et le second, d'une femme à qui on a arraché sa coiffure, et à qui on a mis les cheveux en désordre.

Échiffe. Petit éclat de bois, ou espece d'épine qui entre dans la chair; dites, écharde, s. f.: j'ai une écharde sous l'ongle.

Éclairer. L'abus de ce mot est devenu presque universel. On dit de toutes parts: éclairez le feu, éclairez la bougie, éclairez le poêle, éclairez le falot. Ce sont autant d'hérésies grammaticales; dites, allumer. Il est encore moins permis de dire, éclairez la lumiere; car la lumiere éclaire, et n'est pas éclairée. On dit aussi, contre la pureté du langage: éclairez monsieur; dites, éclairez à monsieur. On éclaire un ignorant, et on éclaire à un homme, pour qu'il voie à se conduire. Ces fautes donnent lieu d'en faire remarquer une autre: ce n'est pas français de dire, faites lumiere; cette expression est consacrée à la toute-puissance de Dieu. Un académicien étant allé rendre visite à M. de Fontenelle, se retira à l'entrée de la nuit; il s'égara dans l'appartement, et se plaignit de ce qu'ayant demandé plusieurs fois qu'on lui fît lumiere, la servante le laissoit dans l'obscurité: excusez-la, dit Fontenelle, elle n'entend que le françois.

Économer. Administrer avec économie; dites, économiser, v.: il fera bonne maison, s'il continue à économiser.

Écosse de pois. Dites, cosse. On dit bien écosser, mais non pas écosse.

Écoupeaux ou Éclapes. Éclats ou morceaux de bois que la hache ou le rabot enlevent du bois que l'on travaille; dites, copeaux, s. m. pl.: brûler des copeaux.

Éduquer. Voltaire se plaignoit qu'on alloit jusqu'à écrire que les princes sont quelquefois mal éduqués. Il paroît que ceux qui parlent ainsi, ont eux-mêmes reçu une fort mauvaise éducation; dites, élevé. Le peuple, par analogie au mot éducation, a formé éduqué, qui n'est pas françois; cette faute est très-commune en Suisse et à Geneve. Roubaud prend la défense de ce mot contre Voltaire.

Effiler. Donner le fil à un instrument qui coupe; dites, affiler: j'ai affilé mon sabre. Effiler signifie ôter les fils, et non pas donner le fil.

Égrafinure; égrafiner. L'action d'entamer la peau légérement avec les ongles; dites, égratigner, v. égratignure, s. f.

Emberlicoter. S'emberlicoter. Dites, s'emberlucoter, s'embarrasser.

Emberner. Salir de bran ou de matiere fécale; dites, embrener, v.

Embêter. Rendre bête; dites, hébêter ou abêtir, v.

Emboire. Ce papier emboit. Le mot emboire est un terme de peinture; il se dit d'un tableau dont les couleurs deviennent mattes et ne se discernent pas; dites, ce papier boit.

Embûches. Tendre des embûches; cette expression n'est pas exacte: on tend des piéges, des filets, et l'on dresse des embûches.

Empare. Barre de fer pour soutenir les portes; dites, penture.

Emparenter. Entrer dans une famille: il est bien emparenté; dites, apparenter. v.

Emphasé. Discours emphasé, c'est-à-dire, où il y a de l'emphase; dites emphatique, adj.

Émuer, v. émué, participe. Dites, émouvoir, et au participe, ému: il m'a fait peur; j'en suis encore tout ému.

Encatonner. S'encatonner, se réunir en masse; dites, grumeler: la farine se grumelle.

Enchant. Dites, angle de mur.

Endéver. Cet enfant me fait endéver tout le jour. Il semble qu'on attache à ce mot, qui n'est pas françois, l'idée de donner au diable; mais souvent il s'emploie dans le sens de contrarier.

En erriere. Dites et écrivez, en arriere; de là le verbe arriérer.

Enfant. C'est un mot adopté pour les deux sexes, et qui prend les deux genres: un bel enfant; une belle enfant.

Enfle. Il est enfle; dites, enflé.

Engencement; engencer. Maniere d'arranger de petites choses chez soi; dites, agencement, agencer.

Énigme. Chose à deviner: un énigme; dites, une énigme, s. f.

Énorgueillir. S'énorgueillir; avoir de l'orgueil. C'est comme s'il y avait orgueil en. La préposition en ne se détache pas, et la première syllabe a le son nasal; il ne faut point d'accent sur l'e initial, et l'on doit redoubler l'n dans la prononciation. Il en est de même des mots enivrer, enharmonique, ennoblir; mais si ce dernier signifie rendre noble, on prononcera et on écrira anoblir.

Le dictionnaire de Trévoux et celui de Richelet, disent qu'il faut prononcer anivrer, anorgueillir; mais cela n'est pas admis.

Enreinieres. J'ai les enreinieres; dites, j'ai des douleurs de reins.

Enseigner quelqu'un. Dites, enseigner à quelqu'un. Ne dites pas non plus, montrer à lire, mais apprendre.

Enterrement. Voir passer un enterrement. L'enterrement est un acte de religion, par lequel on met un corps en terre; on ne voit pas cet acte, mais le convoi; dites, j'ai vu passer le convoi.

Épée. Instrument de défense: un épée; dites, une épée, s. f.: une belle épée.

Épigramme. Petite piece de poésie: un épigramme; dites, une épigramme, s. f.: une fine épigramme. J. B. Rousseau a fait d'excellentes épigrammes.

Épisode. Une belle épisode. On appelle ainsi dans la composition du poème épique ou dramatique, toute action que le poète emploie pour étendre l'action principale et l'embellir; ce mot est du genre masculin; dites, un épisode: on dit que le Tasse et l'Arioste ont fait de très-beaux épisodes.

Épogne. Sorte de gâteau; dites, galette.

Épurer des comptes. Dites, apurer: travailler à apurer ses comptes.

Équevilles. Ordures qu'on ôte avec le balai. C'est le scoviglia des Italiens, qui n'a pas été adopté en françois; dites, balayures.

Espadron. Large épée; dites, espadon, s. m.

Espadronner. Dites, espadonner.

Espression. On dénature ce mot et beaucoup d'autres, en changeant l'x en s; dites, expression, exprimer, excuse, extravagant.

Esquilancie. Maladie du gosier, qui fatigue souvent au point qu'on ne peut ni respirer, ni avaler: il a un dangereux esquilancie. Il y a double faute dans cette façon de s'exprimer; 1.o, ce nom est du genre féminin; 2.o, il faut dire, esquinancie, et non pas esquilancie: une dangereuse esquinancie. Presque tous les mots terminés en ie sont féminins, à l'exception de génie, incendie, messie.

Estomac, s. m. On appelle ainsi, dans le corps animal, la partie qui reçoit les alimens. Il ne faut pas prononcer le c, comme font les Genevois.

Et. Beaucoup de personnes ne savent point distinguer la conjonction et du verbe est; celui-ci prend ou peut prendre devant lui le pronom personnel il ou elle, et non pas l'autre; d'ailleurs, la conjonction a presque le son de l'e fermé, et le verbe a celui de l'e ouvert.

Étant. Ce verbe, comme l'auxiliaire avoir, n'a point de gérondif, et n'est jamais précédé de la préposition en.

Éteinte de voix. Dites, extinction de voix.

Étirer le linge. Ce mot ne se dit que des métaux qu'on étend sous le marteau; dites, détirer du linge. Ne dites pas, étiré à quatre épingles, mais tiré à quatre épingles, en parlant d'une personne ajustée avec affectation et recherche.

Étisie. Maigreur, consomption; dites, tisie, et écrivez phtisie. On dit cependant, étique, aussi bien que phtisique.

Être. Ce mot est souvent pris pour aller, c'est une faute. Le verbe être marque le repos ou l'existence, et le verbe aller marque le mouvement; or, ces deux mots, qui ont une signification si contraire, ne sauraient être pris indifféremment l'un pour l'autre; on ne dira donc pas, il fut au spectacle, pour dire, il y alla; on pourra bien dire qu'il a été à Paris, pour dire qu'il y a demeuré, mais non pour marquer l'action de s'y transporter.

Éviter. Éviter la peine à quelqu'un. Cette façon de parler est devenue universelle; on la trouve dans nos auteurs comiques; mais elle n'en est pas moins vicieuse. Le mot éviter veut dire fuir. On évite quelqu'un, et non pas à quelqu'un; on ne dira donc pas, je vous éviterai la peine, mais, je vous épargnerai la peine.

Examen. La derniere syllabe de ce mot ne se prononce pas comme dans demain, mais comme si l'n étoit suivie d'un e muet, ainsi que dans hymen.

Excepté que. Cette expression prise pour à moins que, est surannée; ainsi, ne dites pas, il viendra, excepté qu'il ne soit malade, mais dites, à moins qu'il ne soit malade.

Exemple. Un exemple, signifiant un modele d'écriture; dites, une belle exemple; mais dans tout autre cas il est masculin: suivez ses bons exemples.

Exprès. Par exprès. Je ne l'ai pas fait par exprès. Le dernier de ces deux mots suffit; dites donc, je l'ai fait exprès ou tout exprès; mais n'employez jamais la préposition par, devant le mot exprès, à moins que ce mot ne soit pris substantivement: envoyer une lettre par un exprès.

F.

Facié. Cet homme est bien facié; dites, facé.

Faire une maladie. Cette expression devenue universelle, et employée même par quelques écrivains, n'est pas françoise. On dit, avoir une maladie, et non la faire, lors même qu'on se la seroit attirée par sa faute.

Falloir. Ne dites pas, il ne s'en est fallu de guere, il s'en est fallu de beaucoup; mais dites, il ne s'en n'est gueres fallu, il s'en est fallu beaucoup.

Fantôme. Spectre ou chimere: j'ai vu une fantôme; ce nom est du genre masculin: un fantôme.

Farbalas. Espece de bande plissée, et mise pour ornement; dites, falbala: un joli falbala.

Fayard. Bois de fayard; dites, bois de hêtre; l'h est aspirée.

Fege. Dites, foie, s. m.: un foie de veau.

Féniere. Lieu où l'on serre le foin à la campagne; dites, fenil, s. m.: voilà un beau fenil; sans prononcer l'l.

Ferlater du vin. Y mettre des drogues; dites, frelater, v.

Fermer. Fermer le linge; c'est un barbarisme. Le mot fermer signifie clorre ce qui est ouvert; on ferme une porte, une chambre; mais on ne ferme pas du linge; on ferme une chambre, pour qu'on n'y puisse pas entrer; on serre les habits, le linge, etc.

Fermer quelqu'un dans sa chambre. Dites, enfermer.

Ferratier. Celui qui vend du fer; dites, ferronnier; d'où ferronnerie.

Fête-à-Dieu. Dites, Fête-Dieu.

Feu; feue. La feu reine. Il y a un solécisme dans le mot feu. Voici la regle à consulter sur cet adjectif: feu reste invariable, lorsqu'il n'est pas précédé de l'article: feu ma mere; et lorsqu'il a devant lui l'article ou le pronom possessif, il prend le genre et le nombre du substantif qui vient après: la feue reine.

Fiageoles. Sorte de légumes; dites, haricots, s. m.: de bons haricots; l'h est aspirée.

Fiageolet. Instrument à vent; dites, flageolet, s. m.

Fiarde. Sorte de jouet de bois, en forme de poire, et qu'on enveloppe d'une corde roulée en spirale, pour le faire tourner sur une pointe de fer dont il est armé; dites, toupie, s. f.: jouer à la toupie; de là on a fait, toupiller, aller et venir sans savoir pourquoi.

Fibre. De longs fibres. Ce nom est féminin; dites, de longues fibres.

Fievres. Cet homme a les fievres. On n'a pas plusieurs fievres à la fois; dites, il a la fievre.

Figuette. Espece de petite bouteille qui se ferme avec un bouchon; dites flacon, s. m.: on met des senteurs dans un flacon.

Filagrame. Ouvrage d'orfévrerie, travaillé à jour; dites, filigrane, s. m.

Filleule d'artichaut. Dites, œilleton ou rejeton d'artichaut.

Filoche. Dites, filet, s. m.

Fils. Ne prononcez pas l's, à moins que le mot suivant ne commence par une voyelle.

Finir. Ne dites pas, il faut en finir; cette façon de parler, qui devient très-générale, est vicieuse. On finit une chose; mais on n'en finit pas.

Fixer quelqu'un. Le mot fixer signifie arrêter; dites, fixer ses regards sur quelqu'un, ou regarder quelqu'un fixément. On fixe un inconstant.

Flamboise. Petit fruit bon à manger; dites, framboise, s. m.: un plat de framboises.

Flamenter, flamentation. Action de mettre des cataplasmes sur une partie malade, pour l'adoucir, l'amollir ou la fortifier; dites, fomenter, fomentation. On dit figurément, fomenter une querelle; c'est-à-dire, l'entretenir.

Flasque. Espece de bouteille de cuir, pour mettre la poudre à fusil; dites, poire à poudre.

Flau. Instrument à battre le blé; dites fléau, s. m. Dites de même, au figuré, pour les maux que Dieu nous envoie.

Flene. Linge qui sert d'enveloppe à un oreiller; dites, taie, s. f.: changer de taie.

Flérer. Répandre une odeur: il flere comme baume; dites, fleurer.

Fleurir. Ce verbe est régulier au sens propre; mais au figuré, il fait, à l'imparfait, il florissoit, et au participe présent, florissant, et non fleurissant.

Flotte de fil ou de soie. Soie ou fil replié en plusieurs tours; dites, écheveau, s. m.: un écheveau de fil blanc. Le mot flotte exprime un certain nombre de vaisseaux qui vont ensemble: la flotte anglaise. Peut-être le peuple a-t-il ainsi nommé plusieurs tours de soie ou de laine, parce que, comme une flotte de vaisseaux, ils se suivent et vont ensemble. Ce qui confirme cette conjecture, c'est qu'il dit une flotille, en parlant d'un petit écheveau, ainsi qu'on le dit, en parlant d'une petite flotte.

Foroncle. Espece de flegmon enflammé et douloureux, qui se termine par un abcès; dites, furoncle, s. m. On l'appelle vulgairement clou.

Foudre. Ce mot prend les deux genres:

Je pourrois t'écraser, et les foudres sont prêtes. . . . . . . . . . . Éteins entre leurs mains les foudres destructeurs.

Mais le masculin est d'un style plus relevé, et presque toujours figuré.

Fourchu. Pied fourchu. Droit qui se paye sur les bêtes qui ont le pied fendu ou fourché; dites, pied fourché.

Franchipane. Espece de pâtisserie ou de parfum: pommade à la franchipane; dites, frangipane, s. f.: une tourte à la frangipane.

Fricot. Ce qu'on mange avec du pain; dites mets, s. m. Ragoût ou mets: un excellent mets, un bon ragoût.

Frissure. Réunion du foie, du cœur et de la rate de quelques animaux; dites, fressure, s. m.

Fûte. Une fûte, un tonneau; dites, fût, sans e final. Ce mot est masculin: de vieux fûts; en faisant sentir le t.

G.

Gabouiller. Dites, barboter, v.

Gacer du vin dans la bouteille. Dites, agiter, v.

Gadois. Celui qui transporte la gadoue ou la matiere fécale; dites, gadouard, s. m.

Gagner la victoire. On gagne la bataille, et le succès de la bataille donne la victoire; dites, remporter la victoire.

Galandage. Muraille en charpente et en maçonnerie; dites, cloison, s. f.

Gangrene. Maladie de quelques parties du corps; prononcez, cangrene. Le g prend le son du c. C'est le contraire dans les mots second, cigogne, Claude.

Garante. Femme qui sert de caution. C'est un barbarisme. Garant n'a point de féminin. Il faut dire, elle est garant. Il en est de même de docteur, écrivain, témoin, orateur, peintre, poète, auteur, érudit, rhéteur, rhétoricien, logicien, pharmacien, etc. Ces mots n'ont pas de féminin, parce qu'on les attribue rarement aux femmes.

Garde. Prendre garde à et prendre garde de, ont deux sens différens: prendre garde à faire, c'est être attentif à faire. Prendre garde de faire, c'est faire attention de ne pas faire; dites, prenez garde de tomber, ou prenez garde à ne pas tomber. Après les verbes prendre garde, craindre, appréhender, etc., on emploie la négation sans complément: prenez garde qu'il ne tombe. L'esprit étant occupé du désir qu'il ne tombe pas, il se sert de la négation qui exprime ce désir; mais il n'est pas permis de dire, prenez garde qu'il ne tombe pas.

Garde. Ces deux personnes que vous voyez sont deux gardes nationales; dites, nationaux. Garde est féminin, quand il exprime la compagnie; et il est masculin, quand il signifie les individus qui la composent.

Garderobe. Construction en bois, propre à serrer des habits ou du linge. Il faut se servir du mot armoire, soit que cette construction ait un fond, soit qu'elle n'en ait pas: une belle armoire, s. f. Une garderobe, c'est une chambre où l'on renferme les habillemens d'un prince. On dit d'un simple particulier, qu'il a une riche garderobe, pour dire qu'il a un grand nombre de beaux habillemens; mais en toute autre circonstance, le mot garderobe s'entend d'une construction qui regarde le maçon, et non le charpentier. Il désigne aussi les latrines: aller à la garderobe.

Garenne. Charger des marchandises en garenne, c'est-à-dire, sans les emballer; cette expression n'est pas françoise.

Gâte. Ce fruit est gâte; dites, gâté.

Gaviot. Dites, fagot de sarmens, ou mieux, javelle.

Géane. Femme dont la taille excede la stature ordinaire; dites, géante, s. f. As-tu vu cette géante?

Geler de froid. Pléonasme, c'est-à-dire, surabondance de mots inutiles; dites simplement, geler. Je suis gelé.

Genevre. Extrait de genevre; dites, genievre.

Gentil, gentille. Ce mot ne signifie pas qu'on est laborieux; il veut dire joli, délicat: une gentille bergere.

Gerle. Grand vase de bois pour la lessive; dites, cuvier, s. m.

Gérofle. Dites, girofle, s. m.

Gibolée. Pluie soudaine, mêlée souvent de grêle; dites, giboulée, s. f.

Gicler. Faire gicler de l'eau; dites, jaillir.

Gifle. Coup du plat de la main sur le visage; dites, soufflet, substantif masculin: il lui a donné un soufflet.

Gigauder. Remuer les jambes; dites, gigotter, v.

Gigue de mouton. Dites, gigot.

Girarde. Fleur; dites, giroflée, s. f.

Gisier. Le second ventricule de certains oiseaux qui se nourrissent de grains, comme les poules, les pigeons; dites, gésier, s. m. Le gésier d'une poule.

Gîter. Ce mot n'est pas françois; dites, demeurer. On n'a conservé que la troisieme personne du singulier de l'indicatif présent:

Ci-gît ma femme; ah! qu'elle est bien, Pour son repos et pour le mien!

On dit encore gisant.

Glissiere. Dites, glissoire, s. f.

Gloriette. Lieu près du four, et où l'on pétrit la pâte; dites, fournil, sans prononcer l'l.

Gobille. Jouet d'enfant, fait de pierre ou de marbre, en forme de boule; dites, globule, s. m.: il m'a pris mon globule. C'est du mot bille, sans doute, qu'on a formé gobille; mais pourquoi la premiere syllabe? on pourroit se servir du diminutif billette, petite bille; à Paris, on dit bille.

Godiviau. Certain pâté composé d'andouillettes, de hâchis de veau et de béatilles; dites, godiveau, s. m.: pâté de godiveau.

Gôdron. Espece de gomme ou poix, servant principalement à calfater les vaisseaux; dites, goudron, et goudronner, au lieu de gôdroner. Le godron est une espece de moulure relevée en forme d'œufs.

Gongoner. Dites, gronder.

Gorgossel. Manger à la gorgossel, c'est manger sans autre assaisonnement que le sel; dites, à la croque au sel.

Goubeau. Dites, gobelet, s. m.

Goulet. Cou de bouteille: ce mot a vieilli; dites, goulot, s. m.

Goutte. L'amour n'y voit goutte. Il est ridicule que l'usage emploie l'adverbe relatif y, qui n'est nullement nécessaire, ainsi que dans je n'y vois pas. Autant vaudroit-il dire, je n'y entends pas. Il faudroit dire simplement, l'amour ne voit goutte; je ne vois rien. Mais si l'on vouloit parler de l'endroit où l'on ne voit pas, on diroit: il fait nuit dans ce bois, je n'y vois rien; c'est-à-dire, je ne vois rien dans ce bois.

Graboton. Se mettre en graboton; dites, se tenir à genoux repliés.

Grabotter. Si c'est le feu, dites, charbonner, tisonner; si c'est la terre, dites, fouiller.

Gracieusité. Civilité, honnêteté, gratification; dites, gracieuseté, s. f.

Grapin de poêle. Dites, fourgon, s. m.

Graspille. Jeu d'enfant: jeter quelque chose à la graspille; le jeter au milieu d'une troupe d'enfants qui cherchent à s'en saisir; dites, gribouillette, s. f.: jeter quelque chose à la gribouillette.

Grenouille. Machine formée d'un arbre ou essieu, auquel on attache des leviers, et qui sert à lever des fardeaux; dites, treuil, s. m.

Grepe. Oiseau aquatique; dites, grebe, s. m.

Grese. Soie grese; dites, grege.

Gribouiller. Il gribouille; dites, il barbouille, v.

Gril. Ustensile de cuisine. La gril. On le fait féminin quand on le prononce seul, mais c'est une faute. Il faut dire, le gril, s. m.: apportez le gril. On ne fait pas sentir l'l dans le discours familier, et lorsqu'on la fait entendre, elle est mouillée.

Grillet. Plante dont les tiges sont menues, sans feuilles, et portent un bouquet de fleurs blanches ou bleues, d'une odeur agréable; dites, muguet: le muguet vient de lui-même dans les bois. Le mot grillet, signifie, en terme de blason, une petite sonnette ronde qu'on met au cou des chiens et aux jambes des oiseaux de proie.

Grillet. Insecte; dites, grillon, s. m.

Gringotter. Être transi de froid; dites, grelotter. Gringotter signifie fredonner mal un air; il signifioit autrefois frissonner.

Griveliner. Jouer mesquinement, faire quelques petits profits illicites; dites, grimeliner ou griveler, d'où l'on a fait, griveleur, grivelerie.

Grognon. Chagrin, fâcheux; dites, grogneur: c'est un grogneur.

Groles. Dites, mauvais souliers.

Groton. Morceau de croûte; dites, crouton, s. m.: un crouton de pain.

Grotte de pain béni. Dites, chanteau: j'ai eu le chanteau; je ferai le pain béni.

Guêtes. Espece de bas qui se boutonnent; dites, guêtres, s. f.: de bonnes guêtres.

Guille. Petite broche de bois servant à boucher le trou qu'on a fait à un tonneau pour donner de l'air; dites, dusil, s. m. Le fausset est aussi une broche par où on tire du vin: il faut mettre un fausset à ce tonneau.

H.

Haïr. Ce verbe a deux syllabes au passé simple, je haïs; une seule au présent, je hais.

Hape. Espece de clou; dites, patte, s. f.

Hardi. Courageux, assuré; l'h est aspirée; dites, le hardi coquin, et non pas l'hardi.

Hareng soret. L'h est aspirée, et le g ne se prononce pas. On dit indifféremment, saur ou sauret. Le premier se dit par contraction, des harengs saurs. Cette espèce est ainsi appelée, parce qu'elle est à demi salée. Le mot saur signifie, qui est de couleur jaune, tirant sur le brun: un cheval saur.

Harpie. Grande perche armée d'un crochet; dites, croc ou gaffe.

Hémorragie de sang. Pléonasme; dites simplement, hémorragie, s. f.

Hermite, hermitage. Écrivez ces deux mots sans h, à cause de l'étymologie, eremita, eremus.

Heure. Quelle heure est-ce? dites, quelle heure est-il?

Heureux: heureux comme tout. C'est une de ces expressions absurdes et insignifiantes, qu'on peut facilement remplacer: je suis heureux autant qu'on peut l'être.

Heurler. Il se dit d'un cri long que font les loups et les chiens; dites, hurler, en aspirant l'h, ainsi que dans hurlement.

Homme de vigne. Mesure; journée d'un vigneron; dites, hommée de vigne, s. f.: il a acheté trente hommées de vigne.

Honteux. Qui a de la confusion; l'h est aspirée; prononcez fortement ainsi que dans honte, sans élision ou suppression de voyelle et sans liaison de consonne.

Horillon. Coup sur la tête; dites, horion, l'h est aspirée: donner un horion. Ce mot vieillit, et il est familier.

Horloge. Ne dites pas, un bel horloge, mais une belle horloge. Ce mot est du genre féminin.

Houches, les houches du boulanger. Morceaux de bois en deux parties égales, sur chacune desquelles on fait des coches ou entaillures, pour tenir compte du pain et du vin. Le mot françois est tailles, s. f. pl.: les tailles du boucher. On dit dans un sens différent, houcher la tête, la branler, la secouer, pour marquer son improbation; dites, hocher la tête.

Hucher sur des perches. Dites, jucher, percher, v.

Huile. Du bon huile; dites, de la bonne huile, s. f. Les noms terminés ainsi sont tous féminins, excepté style, péristile, chyle, asile, reptile, évangile.

Hurter. Choquer, toucher ou rencontrer durement; dites, heurter: il m'a heurté en passant, et jamais hurter, frapper.

Hypocondre. Cet homme est hypocondre, c'est-à-dire, mélancolique; dites, hypocondriaque. Le premier mot exprime la maladie, et il est substantif. Le second est adjectif. L'Académie dit que cet abus n'a lieu que dans la conversation.

Hymne. Du genre féminin, s'il s'agit du chant de l'église; masculin hors de là.

I.

Imberline. Étoffe; dites, iberline, s. f.

Imiter l'exemple. Dites, suivre l'exemple: on imite la conduite, on suit l'exemple.

Immense. On prononce souvent ce mot comme s'il étoit écrit de la maniere suivant, ainmense; ne prononcez qu'une m, c'est-à-dire, que dans la premiere syllabe, on ne doit entendre que le son de l'i, ainsi que dans immoler, immodestie, immuable, immanquable, etc.

Imposer. Ce verbe reçoit un grand nombre d'acceptions. Il signifie mettre à contribution: imposer le peuple; imposer les mains, les mettre dessus; imposer un fardeau; imposer le silence; c'est-à-dire, ordonner qu'on se taise; imposer du respect, en inspirer. Il se prend aussi dans le sens de donner une idée avantageuse de soi, de son mérite, de sa personne; et c'est dans ce cas que l'on se trompe en disant: cet homme a une physionomie qui en impose; il faut dire simplement, qui impose, en retranchant le mot en. Si vous le mettez, cette expression signifiera alors, ou que vous voulez abuser, surprendre quelqu'un: vous voulez nous en imposer; ou que l'on ment: ne le croyez pas, il vous en impose; mais en parlant d'un homme imposant, vous direz, il impose.

Incan. Vente publique faite à l'enchere; mot corrompu; dites, encan, s. f.: mettre à l'encan.

Incendie. Embrâsement d'un bâtiment: une affreuse incendie. Ce substantif est du genre masculin; dites, un grand incendie. Ce mot fait exception, ainsi que génie, messie.

Indemnité. Prononcez indamnité. Voyez Solemnel.

Infecter. Les brigands infectent les grands chemins; dites, infestent, pillent ou ravagent. Infecter signifie, répandre mauvaise odeur.

Ingrédient. Ce qui est dans la composition de quelque chose. Prononcez la derniere syllabe comme s'il y avoit un a; ent sonnent toujours comme ant.

Insecte. Une insecte. Ce mot est masculin; dites, un insecte: le puceron est un insecte curieux.

Interêt. Ce mot s'accentue et se prononce mal. Le premier e est fermé, et marqué d'un accent aigu, le second est très-ouvert, et prend l'accent circonflexe; dites et écrivez, intérêt.

Interloquer. Interdire, interrompre: il m'a dit une chose qui m'a tout interloqué. Ce mot n'est françois que lorsqu'il s'agit de donner un jugement interlocutoire; jugement qui ne termine pas une affaire. Terme de pratique.

Intervalle. Distance, espace qu'il y a d'un lieu ou d'un temps à un autre. Ce mot est du genre masculin. Il faut dire, un intervalle, et non pas une intervalle. Il est vrai que cette terminaison indique ordinairement le féminin, excepté, dans râle, mâle, scandale, hâle, etc.

Irruption de la petite vérole, du Vésuve; dites, éruption. L'irruption est l'entrée soudaine des ennemis. Le mot éruption vient du mot latin erumpere, qui veut dire, sortir, s'échapper. Le mot irruption vient d'irruere, qui signifie se jeter avec violence et fureur.

Ivoire. Ne dites pas, de l'ivoire blanche. Ce mot est masculin.

J.

Jaiet. Pierre noire et luisante: des boutons de jaiet; dites, jais.

Jacquet. Jeune domestique; dites, jokey, mot anglois.

Jambe-rotte. Marcher à jambe-rotte: Marcher un pied en l'air. Ce mot rotte, qui signifie rompu, cassé, nous vient des Italiens; ils disent banca-rotta, dont nous avons fait banqueroute. Mais jambe-rotte n'est pas françois; dites, cloche-pied: marcher à cloche-pied.

Je. Aime-je; dites, aimé-je. Toutes les fois que les verbes terminés par un e muet sont suivis du pronom personnel je, le premier e prend un accent aigu, pour éviter la prononciation de deux e muets de suite. C'est une regle dans notre langue, qu'il ne doit jamais se trouver deux e muets de suite dans un mot simple. Il n'y a d'exception que pour les mots, chevelure, ensevelir. L'e pénultieme dans les autres mots devient e moyen, ainsi que dans pere, mere, frere, et cet e ne doit pas prendre l'accent grave; cet accent est inutile et vicieux: je dis qu'il est inutile, puisqu'on ne peut pas prononcer autrement; il est vicieux, car l'accent grave annonceroit un e ouvert, comme dans abcès, procès; au lieu qu'il faut prononcer un e moyen, qui tient le milieu entre l'e fermé et l'e ouvert.

Jeté. Porte jetée; dites, porte déjetée.

Jouin. Le septieme mois de l'année; dites et écrivez, Juin, monosyllabe.

Jujube. Un jujube, fruit pectoral et apéritif; dites, une jujube, s. f.

L.

La. Êtes-vous malade? Je la suis. Il y a un solécisme dans cette phrase, malgré l'autorité de madame de Sevigné, qui auroit cru, disoit-elle, avoir de la barbe au menton, si elle eût répondu à cette question: je le suis. Êtes-vous mariée? répondez, je le suis, et non je la suis; mais si l'on vous demande: êtes-vous la mariée? dites, je la suis; c'est-à-dire, je suis la mariée. Êtes-vous les chasseurs du Roi? nous les sommes. Êtes-vous chasseurs? nous le sommes; c'est-à-dire, nous sommes ce que vous dites, nous sommes chasseurs; au lieu que si l'on répondoit à cette question, êtes-vous chasseurs? nous les sommes; cela voudroit dire, nous sommes les chasseurs, et cette réponse ne seroit pas conforme à la demande. Si le mot devant lequel se trouve l'article est adjectif, l'article est sans accord dans la réponse; s'il est employé comme substantif, l'article prend le genre et le nombre.

Laidron. Fille ou femme laide. Ce mot est du genre féminin et de trois syllabes; dites, une laideron. J. J. Rousseau a fait cette faute dans ses confessions.

Laisser. Je me suis laissé dire; dites, on m'a appris, ou on m'a dit.

Lait de carpe. Cette partie des entrailles de poissons mâles, qui ressemble à du lait caillé; dites, laite ou laitance, s. f.: cette laitance n'est pas fraîche.

Lamperon, pour lampion. Le lamperon est le petit tuyau ou la languette qui tient la mêche dans la lampe.

Lancer. Souffrir comme d'une piqûre; dites, élancer. Ce verbe, pris dans ce sens, ne s'emploie qu'à la troisieme personne. Ne dites pas non plus des lancées, mais des élancements.

Landes. Œufs dont les poux éclosent; dites, lentes, s. f. Le mot landes signifie une grande étendue de terre où croissent des bruyeres: les landes de Bordeaux.

Larmise. Dites, lézard gris.

Laurelle. Plante dont les feuilles ont quelque ressemblance avec celles du laurier; dites, lauréole, s. f.: une belle lauréole.

Leur, leurs. Ne dites jamais, je leurs ai avoué. Leur devant un verbe ne prend jamais d's. Il en peut prendre seulement, quand il est pronom possessif: leurs enfants; mais non quand il est pronom personnel.

Lichefrite. Ustensile de cuisine, ordinairement de fer, et qui reçoit la graisse de la viande qu'on fait rôtir; dites, léchefrite, s. f.: petite léchefrite.

Lier les dents. Dites, agacer.

Lissieu. Dites, eau de lessive.

Loin. Je suis allé chez mon ami pour le voir; il étoit déjà loin; pour dire qu'il étoit déjà parti. On peut être parti d'un lieu, sans en être loin.

Losange. Figure de géométrie: un losange; dites, une losange, s. f. Cette terminaison indique ordinairement le masculin, excepté fange, frange, fontange, orange, grange, louange, phalange, vendange, vidange.

Louette. Petit morceau de chair au fond de la bouche; dites, luette, s. f.

Luce. Bois de Sainte Luce; dites, bois de Sainte Lucie ou Mahaleb.

Lui, en, y. En parlant des choses, on emploie le pronom en au lieu de lui, et le pronom y au lieu d'à lui. On ne dit pas, en parlant d'une maison, n'approchez pas d'elle; on dit, n'en approchez pas; et en parlant des sciences: il s'y est adonné et non il s'est adonné à elles.

L'un l'autre. L'un l'autre et l'un et l'autre ne doivent pas s'employer indifféremment. L'un l'autre marque réciprocité, ils se sont trompés l'un l'autre, c'est-à-dire mutuellement. Ils se sont dupés, ils se sont trompés l'un et l'autre, c'est-à-dire, ils se sont trompés tous les deux; mais non pas que l'un ait trompé l'autre. Ces nuances, pour être délicates et presque imperceptibles, ne doivent pas moins être senties de ceux qui aspirent à la parfaite connaissance de leur langue, d'autant plus que ces différences en font la richesse.

Luna campana. Plante médicinale; dites, enula campana.

Luquerne. Ouverture ou sorte de fenêtre pour donner du jour; dites, lucarne, s. f.

M.

Machiller. Mâcher avec négligence; dites, mâchonner, v.

Machillere. Dents machilleres; dites, mâchelieres.

Mal de St-Jean. Dites, épilepsie, s. f., ou mal caduc.

Maladier. Dites, être malade; ne dites pas, elle est maladice, mais maladive; les adjectifs en if, changent l'f en v au féminin.

Mâle. Mettre des marchandises dans une mâle. Écrivez malle, et prononcez l'a bref et aigu, à cause de la double consonne.

Malgré que. J'y irai, malgré qu'il y soit; cette locution n'est pas françoise. Malgré ne se construit qu'avec le verbe avoir: malgré qu'il en ait. Quand je dis, malgré que vous en eussiez, c'est comme si je disois, quelque mauvais gré que vous en eussiez; par-tout ailleurs il est préposition.

Malin, maline. Fievre maline; dites, maligne, adj.

Maltois. Faut-il dire Maltès ou Maltois? l'usage a prévalu en faveur du son de l'e ouvert, comme dans Anglois, Polonois. Il faut observer que la diphthongue oi a deux sons: celui de l'e ouvert, ainsi que dans François, j'aimois, et le son oa, comme dans loi, foi, Chinois. Voltaire a introduit une nouvelle orthographe à cet égard. Il a remplacé l'oi par l'ai; mais cette réforme est vicieuse, en ce que l'ai a plusieurs sons, et en a plus que l'oi. Il a le son fermé dans les futurs j'aimerai, dans les passés j'aimai; le son de l'e moyen dans il plait; le son de l'e muet dans bienfaisant; et le son de l'e ouvert dans jamais, mais. Pour faire une réforme complette, il falloit remplacer oi par l'e marqué d'un accent grave, comme dans succès, procès. L'orthographe seroit alors conforme au son; avantage que n'offre pas l'orthographe de Voltaire.

Mandrille. Espece de casaque que portoient autrefois les laquais; dites, mandille, s. f.: traîner la mandille, c'est-à-dire, être misérable.

Manette, manillon. La partie d'un vase ou d'un instrument que l'on prend à la main; dites, anse, s. f. Manette signifioit autrefois main pleine. Manillon se dit mal à propos d'un trousseau de clefs.

Manicle. Morceau de cuir que les cordonniers mettent à leur main, pour qu'elle puisse résister au travail; dites, manique, s. f.

Maniganterie. Maison où se tiennent les enfans de chœur; dites, manécanterie, s. f. formé de deux mots latins mane et cantare.

Marais. Poisson de mer. La plupart des Lyonnois prononcent l'e fermé du mot marée en e ouvert, et ils écrivent marais.

Maraude. Pillage clandestin des soldats. Ne dites pas, aller à maraude; mais, aller en maraude.

Marc de café. Ne prononcez pas le c, ni dans poids de marc; mais on le fait entendre dans Marc, nom propre.

Marchon. Piece de bois sur laquelle on met des tonneaux; dites, chantier, s. m.: Avoir du vin sur chantier.

Margotte. Branche qu'on met en terre, afin qu'elle y prenne racine; dites, marcotte, s. f.: marcotte d'œillets. On dit aussi marcotter, pour exprimer l'action de coucher en terre des branches de vignes ou d'autres rejetons, et non pas margotter. Il est vrai que le c se prononce foiblement et presque comme un g.

Marte. Espece de fourrure; dites, martre: martre-zibeline.

Martelet. Espece d'hirondelle; dites, martinet, s. m.

Matinal. Le matinal; dites, le vent d'est.

Matinier. Dites, matineux. Ce mot signifie proprement, qui est dans l'habitude de se lever matin. Matinier n'est d'usage que dans cette phrase: l'étoile matiniere. On dit aussi matinal; mais ce mot n'exprime que l'idée d'une personne qui s'est levée matin: cette personne est matineuse; Monsieur est matinal aujourd'hui.

Mècredi. Troisieme jour de la semaine; dites, mercredi.

Médecinal. Plante médecinale; dites, médicinale; formé non de médecin, mais de medicina.

Melise. Plante dont on se sert pour les affections de la matrice. Il faut mettre un accent aigu sur le premier e, et doubler l's; dites donc mélisse, s. f.

Mélise. Petite cerise; dites, merise.

Même. Adjectif, prend toujours le nombre de son substantif. Voltaire a donc eu raison de relever un solécisme dans ce vers de Corneille:

Que les prisonniers même avec lui conjurés.

Il faudroit même avec un s, parce qu'il est adjectif de prisonniers. Mais Voltaire est tombé dans la faute qu'il condamne, lorsqu'il a dit:

Commandons aux cœurs même et forçons les esprits.

Mais lorsque même est adverbe, il ne prend jamais d's. Racine a cependant commis cette erreur.

Jusqu'ici la fortune, et la victoire mêmes, Cachoient mes cheveux blancs sous trente diadêmes.

Il faut même sans s, parce qu'il est adverbe; c'est comme s'il y avoit, et la victoire aussi.

Menue. Petites herbes de la salade; dites, fournitures, s. f. Menue est un adjectif.

Messelier. Celui qui garde les récoltes; dites, messier, s. m.

Messi. Expression de remercîment; dites, merci: merci, Monsieur.

Midi. Il est midi précise. Cette expression renferme un solécisme. Le mot midi est masculin; dites, il est midi précis.

Mieux. Il a mieux de cent mille livres de rentes. Jamais l'adverbe mieux ne s'emploie pour plus; dites donc, il a plus de cent mille livres de rentes. Mieux exprime la manière, et plus la quantité; ne dites pas: il aime mieux sa fille que son fils; mais dites: il aime plus.

Mignotise. Espece de petit œillet; dites, mignardise, s. f.

Mite. Gants de femme qui n'ont que le pouce; dites, mitaines, s. f.: il m'a donné de jolies mitaines.

Mœurs. Ne prononcez pas l's, à moins que ce mot qui n'a point de singulier, ne soit suivi d'un autre qui commence par une voyelle.

Moi. Ce pronom de la premiere personne, et les autres, occasionnent des erreurs dans la place qu'on leur fait occuper: donnez-moi-le, donnez-lui-le, sont des fautes communes; il faut savoir, pour les éviter, que le régime direct exprimé par le, la, les, etc., se place toujours avant le régime indirect; dites, donnez-le-moi; donnez-le-lui. On tombe encore dans une faute à l'égard du pronom personnel; on dit, menez-m'y, pour dire, menez-y-moi, ou mieux, il faut m'y mener, et jamais, menez-moi-zy. Venez-moi voir est encore une expression très-usitée, et qui n'est pas correcte. Quand ce pronom régime est avant le verbe, il faut employer me au lieu de moi; dites, venez me voir; venez me parler, et non pas venez-moi parler.

Moine. Jouet d'enfant, qu'on fait tourner à coups de fouet; dites, sabot, s. m.: faire aller son sabot.

Monter. Il a monté; dites, il est monté; ces deux expressions sont exactes, mais ne se disent pas indifféremment. Le verbe avoir marque l'action, et le verbe être l'existence ou le repos; si donc vous voulez n'avoir égard qu'à l'état, sans considérer l'action du sujet qui l'a faite, dites, il est monté. Dans ces deux questions: la procession est-elle passée? la procession a-t-elle passé? la seconde differe de l'autre, en ce que, dans la premiere, je ne fais attention qu'à l'action, qui a pu être faite ou non: a-t-elle passé aujourd'hui? et non, est-elle passée aujourd'hui?

Monticule. Ce mot est masculin, ainsi que mont, dont il est le diminutif; dites, un monticule, s. m.

Mordure. Dites, morsure, s. f.

Mornains. Sorte de raisins qui ont les graines rondes, et ordinairement claires; dites, chasselas, s. m.: j'aime le chasselas.

Morte. Endroit d'une riviere où l'eau tourne; dites, tournant d'eau. On dit morte, pour cessation de travail; le mot morte n'est pas françois dans ce sens.

Moucher. Je mouche beaucoup; dites, je me mouche beaucoup, en redoublant le pronom de la premiere personne. Ce verbe exprimant une action, il faut faire connoître sur qui elle se fait: je mouche la chandelle.

Mouchon. Le bout de la mèche d'une chandelle allumée; dites, moucheron, s. m.; et mouchure, pour désigner ce qu'on a retranché d'une chandelle qu'on a mouchée.

Moudre. Je moulus, je moulois, j'ai moulu, je moudrai, que je moule, que je moulusse.

Moule. Jeter au moule; cette expression n'est pas correcte; dites, jeter en moule.

Mourve, mourveux. Dites, morve, morveux.

Moutardelle. Gros saucisson qui vient d'Italie; dites, mortadelle, s. f.

Moyennant que, n'est pas françois: j'y irai moyennant que vous y soyez; dites, pourvu que.

N.

Nerte. Sorte d'arbrisseau toujours verd, dont les feuilles sont menues; dites, myrte, s. m. Le myrte étoit consacré à Vénus. Nerte signifioit autrefois, noirceur, noirâtre.

Neuf. Nom de nombre. Suivi d'un mot qui commence par une voyelle, l'f finale se change en v dans la prononciation: neuf enfants; prononcez, neuv enfants.

Niguedouille. Sot, niais: vous êtes un niguedouille; dites, nigaud, d'où l'on a formé le verbe nigauder, action de faire des nigauderies.

Nioche. Cette fille est nioche; dites, lâche ou nonchalante.

Nogat. Espece de gâteau où l'on met des amandes; dites, nougat, s. m.

Nonante, nonanter. Faire quatre-vingt-dix au piquet; dites, faire repic; et au lieu de soixanter, dites, faire pic.

Nourriceux. Mari d'une nourrice; dites, nourricier, s. m.

Nourrissage d'un enfant; dites, allaitement.

Nouveau. Savez-vous quelque nouveau? dites, nouvelle, qui est substantif dans ce sens, au lieu que l'autre est toujours pris adjectivement.

O.

Observer. J'observe à la cour. Ce mot signifie remarquer; on ne remarque pas à quelqu'un, on lui fait remarquer; dites donc, je fais observer à la cour; je vous ferai observer, et non pas, je vous observerai; à moins qu'on ne veuille dire, je vous épierai, je vous soignerai. Cette faute est d'autant plus à remarquer, que nos meilleurs auteurs ne s'en sont pas garantis.

Occasion. Avez-vous occasion de cette marchandise? Cette locution est vicieuse: on peut bien acheter telle marchandise par occasion, mais on n'a pas occasion d'une chose, on en a besoin.

Oignon. Ne prononcez pas l'i, le g est mouillé. Ne dites pas, une liasse d'oignons, mais un chapelet d'oignons, ou plutôt, une glane d'oignons.

On. Le pronom indéfini on ne se met pas toujours indifféremment pour l'on. Il faut se servir de on quand il n'y a point de voyelles qui se heurtent rudement, et autrement mettez l'on: on se souvient des services qu'on a rendus, et l'on oublie souvent ceux que l'on a reçus. Mais la poésie, en vertu de ses licences, emploie l'un et l'autre indifféremment.

Ongle. Partie dure et ferme qui couvre le dessus du bout des doigts: de grandes ongles. Ce substantif est toujours masculin; dites donc, de grands ongles, des ongles longs.

Onglet. Ce qui garantit le doigt; dites, doigtier, s. m.

Oragan. Grand orage, tempête violente; dites, ouragan, s. m.: un grand ouragan.

Oratoires. Il y avoit à Lyon une communauté de prêtres qu'on nommoit Oratoriens, et la place où étoit située leur église, s'appelloit et s'appelle encore, place de l'Oratoire, ou place des Oratoriens, et non place des Oratoires.

Orge. Ce mot est féminin, excepté dans cette phrase: de l'orge mondé.

Orgues. Instrument. Ce mot est masculin au singulier, et féminin au pluriel; vous direz donc, un bel orgue, et de belles orgues.

Oubli. Pâte légere en forme spirale: marchand d'oublis, dites, oublies, s. f.: de bonnes oublies.

Ouiller. Ce mot manque à notre langue. On dit, remplir les tonneaux, vin de remplage; c'est-à-dire, le vin qui sert à remplir le vide des tonneaux.

Oursin. Petit ours; dites, ourson, s. m.

Ouvrier. Jour ouvrier; l'ouvrier est celui qui travaille, qui fait son métier, son œuvre; dites, jour ouvrable, en parlant du jour consacré au travail.

P.

Pache. Faire une pache, pour dire, un marché, une convention.

Paillasse. Ouvrage d'osier dans lequel on met le pain pour le porter au four; dites, panier à pain. On ne doit pas se servir du mot paillasse, pour exprimer la toile du lit, dans laquelle on met la paille; cela s'appelle, garde-paille, s. m.

Pain enchanté. Dites, pain à cacheter. On nomme pain à chanter, le pain que le prêtre consacre à l'autel. De là est venu ce mot, qu'on a corrompu.

Paire. Une chose unique, composée de deux pieces. Ne dites pas, un paire; ce mot est féminin; dites, une paire.

Paniere. Ouvrage de maçonnerie sur lequel repose l'âtre; dites, ceintre de la cheminée.

Panneau. Piece de bois qui se met en travers au-dessus d'une porte ou d'une fenêtre; dites, linteau, s. m.: le linteau de la porte est cassé.

Pantomine. Sorte de ballet ou d'acteurs qui s'expriment par des gestes; dites, pantomime, s. m. en parlant de l'acteur, et féminin en parlant de la danse. Ce nom est formé de deux mots grecs, pantos, tout, et mimos, imitateur. C'est un adjectif pris ordinairement en qualité de substantif: un acteur pantomime, une danse pantomime.

Pâque. Ce mot est féminin quand il signifie la fête des Juifs (la Pâque), et masculin quand il exprime celle des chrétiens; alors, il prend ordinairement un s, et n'admet point d'article: Pâques est venu; et au pluriel, il est toujours féminin: Pâques fleuries.

Par terre. Mettre par terre; dites, mettre à terre. Ne confondez pas tomber par terre, et tomber à terre: ce qui tombe par terre, tient à la terre, et ce qui tombe à terre, n'y tient pas.

Parapel. Muraille à hauteur d'appui le long d'un quai; dites, parapet.

Parasine. Dites, poix résine.

Pardonnable. Cette personne n'est pas pardonnable; dites, excusable. Le premier ne se dit que des choses.

Pardonner. Pardonner quelqu'un. Le mot pardonner signifie donner le pardon; on donne le pardon à quelqu'un; dites donc, je pardonne à mon ennemi, et non pas, je pardonne mon ennemi.

Paresol. Dites, parasol; ne dites pas non plus, parepluie, parevent; mais parapluie, paravent.

Pariure, gageure. Dites, pari: faire un pari, ou une promesse réciproque de payer.

Participe. Le participe passé est un écueil pour beaucoup de personnes, et même pour quelques écrivains. Dans cet exemple,

Pauvre Didon, où t'a réduite De tes maris le triste sort? L'un en mourant cause ta fuite, L'autre en fuyant cause ta mort.

Faut-il dire, t'a réduit ou réduite? Voici la regle: si le participe est précédé d'un pronom régi à l'accusatif, ce participe prend le genre et le nombre du pronom. Ainsi, dans le cas dont il s'agit, je vois que le pronom la est régime de l'auxiliaire placé devant le participe; il faut donc accorder ce dernier mot avec le pronom féminin, et dire réduite. De même, lorsqu'on dit, elle s'est tuée, le est régime direct ou accusatif de l'auxiliaire; c'est comme si l'on disoit, elle a tué elle. Si au contraire le participe n'a point devant lui de pronom à l'accusatif, ou qui soit régime direct, vous ne les ferez point accorder; ainsi, vous direz: je vous ai ouvert les portes; je vous ai écrit des lettres; au lieu que vous diriez, s'il y avoit un pronom régime direct: les portes que j'ai ouvertes, les lettres que j'ai écrites. Si le pronom est regi par le verbe qui suit le participe, il n'y a point d'accord: la maison que j'ai fait faire. Le pronom que est régi par le verbe faire, et non pas par le participe. Mais quelle est la raison qui détermine l'accord lorsque l'objet est avant, et le rejette lorsque l'objet est après le participe? La voici: quand l'objet est énoncé avant, on connoît le genre et le nombre du nom représenté par le pronom objet, et on assujettit le participe à prendre les accidents de cet objet; mais si le participe précede cet objet, il ne s'accorde pas avec un mot dont il ne connoît ni le genre ni le nombre.

Participer à; participer de. Deux expressions différentes, et que l'on confond souvent. La premiere signifie, prendre sa part dans une chose: un associé dans une affaire, participe aux profits et aux pertes. Participer de, signifie tenir de la nature de; ainsi, on dit, qu'un minéral participe du vitriol; que le mulet participe de l'âne et du cheval. En conséquence, ne dites pas, comme certain auteur critique: «Le style de ce discours devoit naturellement participer au vice du sujet»; dites, devoit participer du vice.

Passer. Passer du linge; dites, repasser.

Patat. Ancienne monnoie; dites, patard, s. m.

Pâté. Mélange de pain et de viande pour les animaux. Ce substantif est du genre féminin; dites, donner la pâtée. Pâté est un mêts que fait le pâtissier. Ce dernier est masculin.

Patis. Le patis d'une poule; dites, le jabot.

Patte. Patte à briquet, patte mouillée. Ce mot ne se prend plus dans ce sens; il signifie le pied d'un animal: patte de devant; animal à quatre pattes. Chiffon, s. m., mauvais linge, sont les seuls mots qui peuvent exprimer la premiere idée. On trouve cependant dans des auteurs du quinzieme et du seixieme siecles, et notamment dans Françoise Labbé, patte mouillée; ce qui prouve que ce terme a été long-temps en usage, même parmi les écrivains. Patte mouillée est devenue une expression proverbiale; mais à Lyon, la premiere dénomination a prévalu.

Pége. Matiere gluante et noire; dites, poix.

Pêcherie. Lieu où l'on vend le poisson; dites, poissonnerie. La pêcherie est l'endroit où se fait la pêche.

Pelosse. Fruit d'un arbre qui croît dans les buissons; dites, prunelle, s. f., et appelez l'arbre, prunelier.

Pendule. Signifiant poids d'une pendule, est masculin; et signifiant horloge, il est du genre féminin: on a ôté le pendule de cette pendule.

Penser. Représenter quelques images à son esprit. Le peuple fait souvent de ce verbe, un verbe passif, en disant, je me suis pensé, pour j'ai pensé. Je me suis pansé, écrit avec un a, signifie qu'on a levé l'appareil d'une plaie, ou qu'on y a appliqué les choses nécessaires. C'est dans ce dernier sens qu'un Roi de France fit une excellente réplique à un de ses sujets qui faisoit de fréquens voyages en Angleterre: Qu'allez-vous faire si souvent dans ce pays, lui demanda le Monarque? Apprendre à penser, répondit le sujet: les chevaux? répliqua Louis XV.

Percerette. Outil de fer propre à percer; dites, vrille, s. f.: cette vrille est trop petite.

Perdrigone. Sorte de prune; dites, perdrigon, s. m.: perdrigon blanc.

Pereroux. Artisan qui fait et vend des chaudrons et autres ustensiles de cuisine; dites, chaudronnier, s. m.: il est bon chaudronnier. Ce mot vient de pérole, usité encore en Languedoc, pour exprimer un chaudron; on disoit autrefois, perrolier, marchand de chaudrons. Il y a à Lyon une rue qu'on appelle de la Pérollerie, sans doute, parce qu'on y vend des ustensiles de cuisine, qu'on nommait autrefois pérolleries.

Pesanter. Soutenir un poids pour juger ce qu'il pese; dites, soupeser: soupesez cela.

Pétriere. Grand coffre de bois dont on se sert pour pétrir le pain; dites, pétrin, s. m.: il y a assez de farine dans le pétrin.

Picarlat. Petit faisceau de morceaux de bois liés par les deux bouts; dites, cotrets, s. m.: achetez une charge de cotrets.

Picou de cerise; dites, tige ou queue.

Pichon. Petit chien; dites, bichon, et au féminin, bichonne.

Pidance ou pitance. Le premier de ces mots n'est pas françois; et le dernier est pris dans une fausse acception; c'est-à-dire, qu'on en restreint la signification aux mêts, tandis qu'il exprime la portion de pain, de vin et de viande, qu'on donne à chaque repas dans une communauté: double pitance, s. f. Quelques étymologistes prétendent que ce mot vient de pitacium, tablette enduite de poix ou de cire. Dans l'Hôtel-dieu, personne ne recevoit sa portion de pain ou de viande, sans être inscrit sur le catalogue de la maison.

Pigeon patou. Oiseau domestique; dites, pigeon pattu: une paire de pigeons pattus. Je crois que ce mot pattus vient de patulus, épais; parce qu'en effet ces sortes de pigeons ont les pattes plus larges et plus épaisses que les autres.

Pigrieche. Pie criarde, et au figuré, une femme d'une humeur aigre et querelleuse; dites, pie-grieche, s. f.

Pilliet. Piece de toile qu'on met aux enfants, en guise de serviette; dites, bavette, s. f.: cet enfant est à la bavette.

Pillocher. Manger négligemment; dites, pignocher, v.

Pince. Instrument de fer pour arranger le feu; dites, pincettes, s. f. pl. La pince est un pli fait au linge. C'est encore une espèce de tenaille.

Pincer. Pincer de la harpe: pincer la harpe me sembleroit plus exact; c'est, peut-être, par ellipse qu'on dit, pincer de la harpe, comme on dit toucher du clavecin, au lieu de, pincer les cordes de la harpe, toucher les touches du clavecin.

Pine-vinette. Arbrisseau garni de piquants; dites, épine-vinette, s. f.

Pipi. Petite peau blanche, qui vient quelquefois au bout de la langue des oiseaux, et qui les empêche de boire; dites, pepie, s. f. On dit familierement qu'un homme a la pepie, pour dire qu'il a soif.

Pitrogner. Écraser et broyer; dites, patrouiller, v.

Platte. Bateau où l'on lave; dites, bateau de lessive: la lavandiere est déjà revenue du bateau de lessive. C'est une dénomination locale qui signifie un bateau plat, où l'on se tient pour laver; cette usine ayant une destination particuliere, il faut un terme particulier aussi; mais ce mot n'est consacré dans aucun dictionnaire.

Plie. Dites, une levée, une main de cartes. On dit souvent au piquet: j'ai six plies; dites, six levées, s. f.

Plotte. Petit coussinet pour ficher des épingles; dites, pelote, s. f. un peloton, s. m.: rendez-moi ma pelotte, ou mon peloton.

Plus; plus pire. Cet adjectif n'admet jamais le comparatif plus. Pire est lui-même le comparatif de mauvais: il n'est pire eau que l'eau qui dort. On ne dit pas non plus: Il est plus bon qu'un autre.

Pluvigner. Il pluvigne, il tombe une pluie fine. Ce mot n'est pas françois; dites, il pleut, ou servez-vous d'une périphrase, comme dans l'explication.

Poche. Mettez votre mouchoir à votre poche; dites, dans votre poche.

Pochon. Dites, tache d'encre ou pâté. On a fait pochon du verbe pocher. Pocher un œil. Pocher, en terme d'écriture, signifie barbouiller.

Pois gourmands. Dites, pois goulus.

Pontonier. Celui qui conduit une barque et qui traverse les personnes; dites, passeur, s. m. Le pontonier est celui qui perçoit les droits de pontonage; mais, pour l'ordinaire, le passeur est aussi le pontonier.

Portable. Cet habit n'est plus portable; dites, cet habit n'est plus mettable.

Portant. Ne dites pas, il est bien portant; dites, il se porte bien. Voltaire trouvoit ridicule notre expression, il se porte bien, pour dire, il jouit d'une parfaite santé; mais on ajoute au ridicule, en disant, il est bien portant. Ce verbe étant actif, il veut un régime; sans quoi, on pourroit demander: portant quoi? il faut donc le conjuguer avec deux pronoms personnels. Cette expression cependant est reçue généralement.

Portion. Breuvage. Portion cordiale; dites, potion, s. f.: potion calmante.

Postume. Enflure avec putréfaction; dites, apostême.

Potet. Petit vaisseau où l'on met la mangeaille des oiseaux; dites, auget, s. m., diminutif de auge.

Poture. Mettre un cheval en poture, pour dire, mettre un cheval saisi, dans une écurie, aux dépens du propriétaire; dites, mettre un cheval en fourriere.

Poturon. Espece de citrouille; dites, potiron, s. m.

Poule grasse. Herbe bonne à la salade; dites, mâche, s. f.: de la mâche ou salade de chanoine.

Poumonie. Maladie des poumons; dites, pulmonie, s. f. On appelle pulmonique celui dont les poumons sont attaqués, et non poumonique.

Pourpe; pourpeux. Ce fruit n'a point de pourpe, c'est-à-dire, de parties charnues; dites, poulpe, s. f., poulpeux: poisson poulpeux, qui a de la poulpe.

Pourreau. Plante potagere, d'un goût fort, et qui est d'un grand usage pour la soupe; dites, poireau ou porreau, s. m.; achetez des porreaux.

Poutre. Grosse piece de bois, qui sert à former les planchers, ou plutôt à les soutenir. Ce substantif est féminin; dites, une grosse poutre.

Près, prêt. Elle est prête à accoucher. Cette expression n'est pas correcte et rend mal la pensée. Il faut distinguer l'adjectif prêt, de la préposition près. Le premier de ces mots signifie préparé, disposé, et demande après lui la préposition à: il est prêt à partir. Le second marque l'approche: elle est près d'accoucher. Celui qui est près de mourir, n'est pas toujours prêt à mourir. Cette faute se trouve souvent dans les vers de Racine, et quelquefois dans les œuvres de J. J. Rousseau.

Presson. Barre de fer; dites, pince ou lévier.

Preuve. Rejeton d'un cep de vigne, mis en terre pour prendre racine; dites, provin, d'où l'on a formé le verbe provigner.

Prévalue. J'ai été contraint de payer cent louis, pour la prévalue de mes fonds; dites, pour la plus-value.

Prévenir. Cela prévient de telle cause; dites, cela provient. Le mot prévenir signifie, aller au devant; et le mot provenir, veut dire qui vient de, qui dérive de: la bonté provient quelquefois du bonheur.

Prie-Dieu. Se mettre à genoux sur un prie-Dieu: dites, prié-Dieu, s. m.

Profiter une chose. Je profiterai bien cette étoffe: on profite d'une chose, on en tire bon parti, mais on ne profite pas une chose.

Promener. Je promene beaucoup. Il faut conjuguer ce verbe, avec deux pronoms personnels, à moins que le sujet ne soit différent de l'objet, ou le nominatif de son régime: je me promene, tu te promenes, il se promene, etc.

Prorata. Être taxé à prorata de sa fortune; dites, au prorata, c'est-à-dire, à proportion, à raison, etc.

Puer. Se conjugue ainsi à l'indicatif présent, je pus, tu pus, il put, et non, je pue.

Purésie. Douleur de côté, piquante et très-violente, causée par l'inflammation de la plevre; dites, pleurésie, s. f.: il a une pleurésie.

Q.

Quadrupler, v. Qui vaut quatre. Il faut prononcer ce mot ainsi: quoadrupler; quadrupler ses rentes. Il faut prononcer de même, quadruple, quadrupede, quadrature, etc.

Quand. Il est arrivé quand vous; dites, il est arrivé en même temps que vous. Le mot quand, pris en qualité d'adverbe, signifie, en quel temps; mais il ne veut jamais dire, en même temps.

Quelqu'un. Un quelqu'un m'a dit que la paix alloit se conclure. Le mot quelqu'un ne doit pas prendre le pronom indéfini un devant lui; dites simplement, quelqu'un m'a dit.

Quérelle. Contestation. L'e de la premiere syllabe est muet; dites, querelle, s. f.: une querelle. Quereller.

Quina. Dites, quinquina, s. m. Le quinquina est un tonique.

Quincher. Crier d'un ton aigre. Nous n'avons point de verbe qui exprime cette maniere de crier.

R.

Rabilleur. Celui qui fait profession de remettre les os rompus ou disloqués; dites, bailleul ou renoueur, s. m.: le bailleul lui a remis le bras. Ce mot vient de r'habiller, remettre les habits, les raccommoder.

Rablet; rablé. Homme rablet, c'est-à-dire, homme fort et robuste, qui a le rable épais; dites, rablu, adj.: un homme rablu.

Rache-pied. J'ai travaillé six heures de rache-pied, c'est-à-dire, sans relâche; dites, d'arrache-pied, expression adverbiale.

Racle-fourneau. Celui qui fait le métier de ramoner les cheminées; dites, ramoneur, s. m.: Faites venir le ramoneur.

Radée. Grosse pluie survenue tout-à-coup; dites, averse, s. f. Nous étions au chemin au fort de l'averse.

Radice. Sorte de gâteau que font les pâtissiers; dites, brioche, s. f.; voilà une bonne brioche.

Raffouler et raffoler. Gronder, se fâcher. Le premier de ces mots n'est pas françois; le second n'exprime point l'idée qu'on y attache. Raffoler, signifie se prendre de passion pour quelqu'un ou pour quelque chose: il s'est pris de passion pour cet ouvrage, il en raffole continuellement.

Rafroidir. Le dîné se rafroidit; dites, refroidit, en faisant l'e muet.

Raillé. Il se dit des étoffes, dont le tissu est relâché, ou effilé; dites, éraillé, adj.: mon jupon est tout éraillé.

Ramoulade. Espece de sauce piquante; dites, rémolade, s. f.: cette rémolade est bien faite.

Ranche. Sur la même ranche; dites, sur la même ligne ou rangée.

Rancuneur. Qui garde de la rancune; dites, rancunier, adj: cet homme est bien rancunier.

Ranger. Il y a une différence à faire entre ranger et arranger. On range pour mettre de l'ordre, et on arrange, pour donner de l'agrément. Ne dites pas, cette femme a ses cheveux et son bonnet bien rangés, mais bien arrangés: ses robes sont bien rangées, c'est-à-dire, serrées dans une armoire. On arrange un appartement, pour s'y loger commodément; on le range pour qu'il n'y ait point de confusion dans les meubles. On arrange une bibliothèque, pour la mettre en état de recevoir les livres qu'on doit y placer; et on y range les livres, dans l'ordre qu'ils doivent avoir, pour qu'on les trouve facilement. Il ne faut pas s'étonner qu'on ait confondu le mot ranger, qui signifie ordre, avec le mot arranger, qui porte l'idée d'agrément et de commodité; il n'y a point d'agrément ni de commodité, sans ordre.

Rappeler. Je ne m'en rappelle pas. Il y a un solécisme dans cette phrase: on se rappelle quelqu'un, quelque chose, et non pas, de quelqu'un, de quelque chose. Ce verbe est actif, comme appeler dont il est le duplicatif; dites donc, je me le rappelle, ou je m'en souviens.

Rapport. Ne dites pas, par rapport que, mais par rapport à ce que.

Rase. Il a mis le pied dans la rase; dites, ruisseau, s. m.: il a mis le pied dans le ruisseau.

Rassie. Une miche rassie; une femme rassie; une humeur rassie. Le mot rassis, est le participe passé du verbe rasseoir, et ce participe fait rassise au féminin, comme assis fait assise: une miche rassise, une femme assise. Un poète a dit:

Qu'un honnête homme une fois en sa vie Fasse un Sonnet, une Ode, une Élégie, Je le crois bien; Mais que l'on ait la tête bien rassise, Quand on en fait métier et marchandise, Je n'en crois rien.

Rate-volage. Espece d'oiseau nocturne, qui a des ailes membraneuses, et qui ressemble à une souris; dites, chauve-souris, s. f.

Rave. Petite rave, espece de racine; dites, raifort, s. m.

Rayon. Planche qu'on met dans un buffet ou une armoire, contre un mur, pour y entreposer quelque chose; dites, tablette: les tablettes d'une armoire, d'une bibliothèque, et non pas les rayons. Les Suisses appellent ces tablettes, des tablards. Remarquez que le mot rayon doit se prononcer comme si l'a étoit un e, parce que l'y tient la place de deux i.

Rebiffade. Brusquerie; maniere de rebuter; dites, rebuffade, s. f.: j'ai essuyé plusieurs rebuffades de sa part.

Rebiffer. Il se rebiffe contre son maître; dites, il se rebeque, v.

Rebrouer. Repousser avec rudesse et mépris; dites, rabrouer, v.: je l'ai rabroué de la belle maniere.

Recolte. Dites, récolte, en mettant et prononçant l'e fermé.

Recouvrir. Il a recouvert son bien et sa santé; dites, recouvrer, recouvré. Recouvrir, c'est couvrir une seconde fois; recouvrer, c'est récupérer, retrouver, ravoir.

Redonder. Un son qui redonde, un son redondant. Redonder, signifie, être superflu, être surabondant; un son résonne; un lieu, une grotte, une voûte, retentit du son qui la frappe.

Redouble. Avoir la fiévre avec des redoubles; dites, redoublemens, s. m.

Refoin. L'herbe qui repousse après que les prés ont été fauchés; dites, regain, s. m.

Règle. On prononce le premier e de ce mot fort ouvert, en le marquant d'un accent grave. Cette prononciation est vicieuse; cet e est moyen, et rejete, par conséquent, tout signe orthographique: j'en dis autant des mots, il achève, il soulève; il faut leur donner le son du premier e de pere, mere. Regle, souleve, acheve, changent la prononciation qu'ils ont à l'infinitif, à cause de l'e muet final.

Regnicole. On prononçoit autrefois fortement le gn, comme dans ignée, stagnation, inexpugnable, gnome; on prononce aujourd'hui, comme dans regne.

Regret. Faire regret; cela fait regret; c'est une phrase insignifiante. On a du regret, on cause du regret; mais on ne fait pas regret. Par cette derniere expression, on veut faire entendre que cela répugne, que cela fait mal au cœur.

Reguelisse. Faire de la tisanne avec du reguelisse; dites et écrivez, de la réglisse. Ce mot est féminin et n'a que trois syllabes.

Reguingotte. Espece de casaque plus large et plus longue qu'un habit, pour se garantir de la pluie; dites, redingotte, s. f.: Prêtez-moi une redingotte.

Reins. Des reins fortes, dites, des reins forts. Ce nom est masculin et toujours pluriel.

Releveuse; releverie. Dites, sage-femme.

Remarquer. Je vous remarquerai; dites, je vous ferai remarquer. Voyez, observer.

Remise. Sorte de voiture; dites, un remise, s. m.: un remise vaut mieux qu'un fiacre: la remise est l'endroit où l'on met le remise.

Remonder. Dites, émonder.

Remorier. Se ressouvenir; dites, remémorer ou se remémorer, v. Je voudrois bien me remémorer ce qu'il m'a dit. Ce mot vieillit.

Rempailler. Mettre de la paille à des chaises; dites, empailler une chaise.

Remué. Remué de germain; dites, issu de germain.

Remuer. Se remuer, changer d'appartement; dites, déménager, v.

Rencontre. J'ai eu un bon rencontre. Ce mot étoit autrefois masculin. Il y a, à Lyon, une rue, qu'on nomme rue du Bon-rencontre. Ce mot à présent est féminin, excepté dans l'appellation de la rue dont il s'agit.

Renette. Pomme renette; dites, de reinette. Les pommes de reinette sont un peu tardives.

Renvenir. Ce mot n'est pas françois; dites, s'en retourner, s'en revenir. Il s'est en allé, est aussi une expression vicieuse; dites, il s'en est allé.

Repartir; partager, distribuer, prend un accent aigu sur l'e: répartir, v. Répartie, réponse saillante; le premier e est muet; dites, repartie, sans accent, s. f.

Répentir. Le premier e est muet; dites, sans accent, repentir.

Dieu fit du repentir la vertu des mortels.

Repetasser. Raccommoder grossiérement; dites, rapetasser, v.

Repondre; reponse. Il faut toujours mettre et prononcer un accent aigu sur le premier e de ces mots: répondre à quelqu'un.

Reposer. Prenez la peine de vous reposer; expression qu'une fausse politesse a introduite: il n'y a point de peine à se reposer. Les termes sont en contradiction avec eux-mêmes, ainsi que dans cette autre locution: prenez la peine de vous asseoir; dites, veuillez vous reposer; veuillez vous asseoir. Ce dernier verbe se conjugue ainsi, je m'assieds, tu t'assieds, il s'assied, nous nous asseyons, vous vous asseyez, ils s'asseyent; je m'asseyois; je m'assis; je m'assiérai ou je m'asseyerai; je m'assierois, ou je m'asseyerois; assieds-toi, que je m'asseye, que je m'assisse.

Reprin. Ce qui sort du son, lorsqu'on le repasse; dites, recoupe, s. f.

Reprocher. Les oignons me reprochent; dites, me donnent des retours, des renvois.

Requinquiller. Cette femme se requinquille, pour dire qu'elle se pare plus qu'il ne convient à son âge; dites, se requinque.

Résimoler. Cueillir dans une vigne, ce qui reste après la vendange; dites, grapiller, v.: j'ai envoyé ces enfants grapiller dans la vigne.

Retaper les cheveux. Des cheveux retapés; dites, taper des cheveux; des cheveux tapés.

Revange. Action par laquelle on se venge du mal qu'on a reçu; dites, revanche, s. f.: prendre sa revanche. Revanger n'est pas françois; dites, revancher, v.

Ric-rac. Expression proverbiale, qui signifie à la rigueur; dites, ric-à-ric, adverbe: traiter avec quelqu'un ric-à-ric.

Rien. Je n'ai rien dîné. Le mot rien vient du mot latin rem, quelque chose; précédé d'une négation, il signifie nulle chose. Cette phrase, je n'ai rien dîné ou rien soupé, voudroit dire, je n'ai soupé nulle chose, je n'ai dîné nulle chose; expression absurde; dites seulement, je n'ai pas soupé, je n'ai pas dîné. Ces verbes ne prennent pas de régime direct. On dit: souper de quelque chose, et non quelque chose. Ce mot n'admet point la négation pas. Ainsi Racine a eu tort de dire, dans les plaideurs:

On ne veut pas rien faire ici qui vous déplaise.

Les femmes savantes de Moliere vouloient chasser leur servante, pour avoir fait cette faute:

De pas mis avec rien tu fais la récidive: C'est, comme on te l'a dit, trop d'une négative.

Rien. Cela ne fait en rien, cela ne fait de rien. Barbarismes de phrases; dites, cela ne fait rien, sans employer aucune préposition devant le mot rien, qui signifie chose, et aucune chose, quand il est précédé d'une négation.

Ripopé. Ce vin n'est que de la ripopé. Ce mot est masculin; dites, du ripopé.

Risoler. Faire rôtir. Risoler des marrons; dites, rissoler, v.: vous n'avez pas assez rissolé les châtaignes.

Robinet. Dites, fouet, s. m.

Role. L'o dans ce mot est long et marqué d'un accent circonflexe. On écrivoit autrefois, roole pour allonger la premiere syllabe. J'en dis autant du verbe enrôler, qui est formé du premier.

Ruelle de veau. Dites, rouelle.

Ruette. Petite rue; dites, ruelle, s. f.

S.

Sable. De la sable noire. Ce mot est masculin; dites, du sable noir. L'a est long, ainsi que dans sablon.

Sablier. Boîte dans laquelle on met du sable ou du poussier, pour sécher l'écriture; dites, poudrier, s. m. Le sablier est une horloge de verre qui mesure le temps par le moyen du sable.

Sacristaine. Celle qui, dans un monastere de filles, a soin de la sacristie; dites, sacristine, s. f.: j'ai remis la chasuble à la sacristine.

Sade. Qui a de la saveur: cette sauce est sade. Ce mot autrefois signifioit, gentil, élégant, dont l'opposé est maussade; aujourd'hui l'on dit d'un fruit, qu'il est savoureux, d'une sauce, qu'elle est piquante.

Sang. Ne prononcez pas le g, à moins que ce mot, ainsi que long et rang, ne soit suivi d'une voyelle, et alors le g se prononce comme un c. Suer sang et eau: un rang élevé, un long ouvrage.

Sans dessus dessous, sans devant derriere. Écrivez, sens dessus dessous, sens devant derriere; c'est-à-dire, que le sens de dessus se trouve dessous, et que le sens de devant se trouve derriere.

Sardagne. Royaume; dites et écrivez, Sardaigne: le Roi de Sardaigne.

Sarron. Mettre du sarron sur l'écriture; dites, poussiere, ou sciûre de bois.

Saulée. Allée plantée de saules; dites, saussaie, s. f. Le premier seroit plus conforme à l'analogie; mais il est moins conforme au bon usage, et l'usage est la loi suprême des langues.

Sauter en l'air. Pléonasme. On dit fort bien sauter aux nues, pour s'impatienter fort; mais il n'est pas permis de dire, sauter en l'air. Le premier mot suffit, parce que, dès qu'on saute, on est en l'air. Je conviens que sauter en l'air marque particulierement qu'on saute en s'élevant; c'est le contraire de sauter en bas. Je ne crois pas néanmoins que ce pléonasme soit autorisé par le bon usage.

Savoir à dire. Je vous le saurai à dire; dites, je vous en informerai.

Savourée. Herbe dont on assaisonne les sauces; dites, de la sariette, s. f.

Scarole. Sorte de chicorée; dites, scariole, s. f.: manger des scarioles.

Secousse. Prendre sa secousse, pour mieux sauter; dites, son escousse, s. f.

Seille. Vaisseau de bois, pour laver ou pour d'autres usages, qui a les bords fort bas; dites, baquet, s. m. ou petit cuvier. La premiere de ces dénominations est générale; mais elle n'en est pas moins vicieuse.

Sembler. Il semble à son pere. Sembler, signifie paroître, et non pas être semblable; dites donc, il ressemble à son pere.

Sens. De sens froid; écrivez, de sang froid.

Sentinelle. Celui qui fait le guet: un bon sentinelle. Ce mot est du genre féminin; dites, une bonne sentinelle. Ce mot se prend aussi pour la fonction de la sentinelle: il fait sentinelle.

Sentir mauvais. On dit souvent: cette personne sent mauvaise; cette fleur sent bonne. Dans ces exemples, l'adjectif devient adverbe, et ne prend ni genre, ni nombre. On abuse encore de ce mot, quand on dit: je ne peux pas sentir cette personne, pour faire entendre qu'on la déteste, qu'on ne peut pas la voir, ni vivre avec elle.

Sequelette. Une sequelette. Ce mot est masculin et n'a que trois syllabes; dites et prononcez, un squelette.

Serbatane. Long tuyau par lequel on peut jeter quelque chose en souflant; dites, sarbacane, s. f.

Sercler. Ôter les mauvaises herbes dites, sarcler, du latin, sarrire, sarculum.

Serge d'amende. Étoffe de laine, qui se fabrique à Mende; dites, serge de Mende.

Serment. Bois que pousse le cep; dites, sarment, s. m.: un fagot de sarmens.

Sie. Cela sie bien; écrivez, sied, et prononcez, sioit.

Simouille. Pâte faite avec la farine la plus fine; dites, semoule, s. f.: une soupe de semoule.

Simple. En parlant d'une herbe; plante médicinale: la centaurée est une simple; dites, est un simple, s. m.

Soi. Racine a dit:

Jeune, charmant, traînant tous les cœurs après soi.

Ce vers renferme une faute contre la syntaxe de notre langue. Le pronom soi est indéfini, et par cela seul, ne convient pas dans une phrase où le sujet est déterminé. Il falloit mettre: traînant tous les cœurs après lui. Boileau est aussi tombé dans cette erreur. On dit: chacun vit pour soi, et l'égoïste ne vit que pour lui. En parlant des choses inanimées, on dit bien: la science a par soi-même beaucoup d'attraits: mais quand il est question d'une personne désignée, il faut employer lui et non pas soi. Corneille a commis cette faute,

Qu'il fasse autant pour soi, comme j'ai fait pour lui.

Et Voltaire en disant:

Ou mon amour me trompe, ou Zaïre aujourd'hui, Pour l'élever à soi descendroit jusqu'à lui.

Soigner quelqu'un. Le regarder passer, agir: mon fils m'a dit qu'il alloit au college; je le soigne, pour savoir s'il me trompe; dites, je l'épie, je le guette.

Soin. Avoir du soin; dites, avoir soin, sans employer le mot du.

Soiter. Faire des souhaits. Ce verbe est composé de trois syllabes qu'il faut prononcer; écrivez et prononcez, souhaiter, v.

Solemnel. On prononce mal la seconde syllabe de ce mot. Il faut prononcer l'e et l'm comme dans la seconde syllabe du verbe condamner. Dans solemnité, solemniser l'e et l'm ont le son de l'a bref, comme dans femme, patiemment, négligemment, indifféremment, et autres semblables.

Sôme. Dites, ânesse, s. f.

Son, sa, ses. Ces pronoms ne peuvent pas être employés en toute occasion, en parlant des choses. On ne dira pas, cette maison est bien située, et ses promenades sont belles; mais on dira, les promenades en sont belles. Ne dites pas non plus, cette ville est belle, j'admire ses bâtimens; dites, j'en admire les bâtimens. Il faudroit, pour pouvoir se servir des pronoms son, sa, ses, qu'ils fussent dans un même membre de phrase.

Sonnet. Terme de jeu de tric-trac; dites, sonnez, et prononcez l'e fermé, comme l'exige toujours le z final.

Sorcilege. Maléfice dont se servent les prétendus sorciers; dites, sortilege. C'est le mot sorcier, qui induit en erreur ceux qui disent sorcilege; mais il n'y a gueres que ceux qui croient à la chose, qui prononcent ainsi le mot.

Sortir. J'ai sorti ce matin. Le verbe sortir ne se conjugue avec l'auxiliaire avoir, que lorsqu'il a un régime simple, ou, en terme de grammaire, lorsqu'il est transitif.

Soucard. Piece de toile qu'on met à une chemise; dites, gousset.

Soucis. Des soucis noirs; poils au-dessus des yeux; dites, sourcils, sans prononcer l'l.

Souillarde. Endroit où l'on lave la vaisselle; dites, lavoir, s. m.: une chambre, une cuisine, un lavoir, à louer.

Soupoudrer. Poudrer avec du sel ou de la farine; dites, saupoudrer. Saupoudrer un poisson.

Souste; souster. Pour dire qu'une carte est gardée ou défendue par une autre; j'ai le roi gardé, défendu ou soutenu.

Soustraire. Je soustrais, je soustrayois, et non pas, je soustraisois. J'en dis autant de distraire; je distrayois, et non pas, je distraisois.

Soute. Se mettre à la soute; dites, se mettre à l'abri. Il pleut, mettez-vous à l'abri.

Suel. Place où l'on bat le bled; dites, aire, s. m.: un bel aire.

Suif de cheminée. Matiere noire qui s'attache au tuyau de la cheminée; dites, suie, s. f.: noir comme la suie de cheminée.

Suite. Faites cela de suite, pour dire sans délai. Mettre de suite, signifie mettre les choses à la suite les unes des autres; dites, tout de suite, qui veut dire sans retard.

Surément. Ne mettez point d'accent sur le premier e. Ce mot est formé de sûr. On met l'accent à assurément, parce qu'il vient d'assuré.

Suspente. Retranchement d'ais, soutenu en l'air, pratiqué dans une cuisine ou ailleurs, pour loger un domestique; dites, soupente, s. f. Le peuple, qui suit les regles de l'analogie, a fait suspente du mot suspendre.

T.

Quand cette lettre est finale, on ne la prononce pas, ordinairement; à moins qu'elle ne se lie avec la voyelle suivante. Il ne faut pas la faire sonner dans respect, aspect, circonspect; le c, même, dans ces trois mots, est nul, ainsi que dans exact. Le t ne se fait pas entendre dans prompt, exempt, instinct, succint, mais bien dans fat et sot.

Le bruit est pour le fat, la plainte est pour le sot; L'honnête homme trompé s'éloigne et ne dit mot.

Le t se prononce aussi dans tact, contact, zénith, et dans le corps des mots arithmétique, athlete, mais non dans asthme, asthmatique.

Tabac. Plante originaire de l'Amérique; ne prononcez pas le c.

Tac. Les femmes ont le tac plus fin que les hommes; écrivez et prononcez, tact, s. m. en faisant sentir le c et le t.

Tâcher. Tâcher que, est une élocution vicieuse. Ce verbe demande la préposition de, signifiant s'efforcer: tâcher d'arriver à son but. Quand il est pris pour viser, ou pour aspirer, il est suivi de la préposition à.

Talent. Profession; dites, métier, s. m. Le mot talent signifie les dons de l'esprit ou une monnoie ancienne.

Tambour. Battre du tambour; dites, battre le tambour ou la caisse.

Tamper. Tamper une maison; dites, étayer, v.

Tandis que. Ne prononcez pas l's.

Tapée. Quantité, grand nombre; c'est un vrai barbarisme; dites, multitude, ou servez-vous d'un terme équivalent.

Tarabate. Un enfant tarabate, dites, turbulent, remuant.

Taupure. Petit morceau de terre qu'une taupe éleve en creusant; dites, taupiniere, s. f. La taupure est un instrument propre à prendre les taupes.

Tel, telle; tel que, telle que.

Ne condamnez jamais nos sacrés potentats, Telles que soient leurs mœurs, tels que soient leurs états.

Il faut: quelles que soient leurs mœurs, et quels que soient leurs états. Cette faute est fréquente dans nos écrivains modernes.

Tergette. Petite plaque de fer en forme ovale, avec un petit verrou, qu'on met aux portes et aux fenêtres, pour les fermer; dites, targette, s. f.: tirez la targette.

Termoyer. Prolonger le temps d'un payement; dites, atermoyer, v.: le désordre de sa fortune l'a forcé d'atermoyer.

Testicoter. Chicaner: ils sont toujours à se testicoter, pour dire, ils se querellent sans cesse.

Thériacle. Du thériacle. Ce mot est du genre féminin; dites, de la thériaque.

Thétiere. C'est ainsi qu'on nommoit autrefois le vase dont on se sert pour faire le thé; dites, théïere, s. f.

Tic. Prendre quelqu'un en tic, c'est-à-dire se prendre défavorablement contre quelqu'un. On dit, se prendre de grippe contre quelqu'un.

Tignasse. Mauvaise perruque; dites, teignasse, s. f.

Tisonnasse. Charbon mal cuit et qui jete de la fumée; dites, fumeron, s. m.

Tomber. Ce verbe ne se conjugue point avec l'auxiliaire avoir. Voltaire a eu tort de dire:

Où serois-je, grand Dieu! si ma crédulité Eût tombé dans le piége à mes pas présenté.

On ne diroit pas, si la pluie avoit tombé, mais si la pluie étoit tombée. Il faut le conjuguer avec le verbe être.

Tonne. Berceau couvert de verdure; dites, tonnelle, s. f.

Toucher du clavecin, de l'orgue, du forté-piano, de l'épinette, etc. On touche l'orgue, le clavecin, et non de l'orgue, du clavecin; c'est-à-dire, on touche des doigts ces instrumens. Cependant l'usage l'emporte sur la logique.

Tour de main. C'est-à-dire, en aussi peu de temps, qu'il en faut pour tourner la main; dites; tournemain. Le tour de main, est un tour de subtilité et d'adresse.

Tourner. Tourner tout le corps; dites, bouleverser tout le corps.

Tourterelle. Oiseau qui hante les bois. Quand on parle de cet oiseau, comme bon à manger, on le nomme tourtre: servir des tourtres.

Tra. Ce mot est dérivé de trabs; dites, solive, s. f.

Tranchet. On dit communément d'une chose qui a été choisie avec soin, qu'elle a été triée sur le tranchet; dites, sur le volet. Le volet est un petit ais rond sur lequel on trie les choses menues, telles que le riz, l'orge, etc. Le tranchet est un outil tranchant dont les cordonniers se servent pour couper le cuir.

Transiger. Observez que la lettre s, dans ce mot, quoique placée entre une voyelle et une consonne, a cependant le son du z, ainsi que dans transaction, transition, transitoire, Alsace, Alsacien, balsamine, balsamique.

Traque. Cette fille est bien traque; dites, vive, enjouée ou étourdie.

Traquerie. Ce mot n'est pas françois; dites, étourderie, s. f.

Travers. Il y a une faute dans ce vers de Boileau:

Donner de l'encensoir à travers du visage.

À travers veut toujours après lui le régime direct; et au travers doit être suivi de la préposition de. Il faudroit à travers le visage, ou au travers du visage.

Traverse. On appelle traverse, le vent qui vient du couchant et traverse le méridien; dites, vent d'ouest.

Traverser le pont, la rue, pour dire, les parcourir dans leur longueur. Cette façon de parler ne rend pas l'idée qu'on a: traverser signifie parcourir l'étendue d'un lieu considéré dans sa largeur; ainsi, traverser la rue, c'est passer d'un côté à l'autre, dans le sens de la largeur. On peut parcourir une rue dans sa longueur sans la traverser: on passe le pont; on traverse la riviere sur le pont.

Trémontade. Cet homme a perdu la trémontade; pour dire, qu'il ne sait plus où il en est; dites, tramontane, s. f.

Trempe. Il est si mouillé qu'il est trempe; dites, trempé, participe passé du verbe tremper.

Trépiter. Battre des pieds contre terre; dites, trépigner, v.: il a trépigné de colere.

Tricot. Une culotte de tricot; c'est-à-dire, tricotée; dites, tricotage, soit pour marquer l'ouvrage, soit pour exprimer l'action. Un tricot est un bâton gros et court.

Tringue. Verge de fer; dites, tringle, s. f.

Tromper. Me trompe-je. Il est une regle en françois qui veut que l'on mette et prononce en pareil cas un accent aigu sur le premier e; dites donc et écrivez, me trompé-je. Il n'y a pas deux e muets de suite à la fin d'un mot.

Trompeter. Pour sonner de la trompette: trompeter, signifie annoncer, publier à son de trompe, ou au son de la trompette. On trompete les accusés décrétés de prise de corps, qui ne sont pas constitués prisonniers; et lorsqu'on veut exprimer l'action de faire rendre des sons à la trompette, on dit, sonner de la trompette.

Trop. Ne prononcer pas le p, à moins qu'il ne soit suivi d'une voyelle; j'en dis autant de beaucoup. L'o est bref, puisqu'il est suivi d'une consonne qui n'est ni l's, ni l'x, ni le z; cependant la plupart des comédiens prononcent trô; ce qui est contre les principes et le bon usage.

Troupe. Mon fils est dans la troupe; dites, dans les troupes. On dit que tel Officier conduit bien sa troupe; mais il n'est pas permis de dire au singulier, j'ai été dans la troupe, pour dire au service ou dans les troupes.

Trousseau. Le linge, les langes, et tout ce qui est destiné pour un enfant nouveau né; c'est encore ici un abus de terme; dites, layette, s. f.: ce pere a fait à ses enfans une telle layette. Le mot trousseau signifie un amas de clefs. On dit, un trousseau de clefs. Il se dit aussi des habits, des hardes, du linge, et de tout ce qu'on donne à une fille en la mariant, elle a reçu un beau trousseau; mais on n'appelle pas trousseau les hardes d'un nourrisson.

Truffe. Plante farineuse; dites, pomme de terre, s. f.: des pommes de terre cuites au jus. La truffe est une autre plante qui ne pousse ni tige, ni racines. Truffes noires, truffes blanches.

Tuilliere. Lieu où l'on fabrique la tuile; dites, tuilerie, s. f. Le palais des Tuileries, à Paris, tire son nom d'une fabrique de tuile, qui étoit établie sur le terrain où se trouve situé ce palais.

Turlubrelu. Cet homme est turlubrelu; c'est-à-dire, qu'il ne prend pas garde à ce qu'il fait; dites, hurluberlu, ou hurlubrelu.

U.

Ulcere. Il a une ulcere maligne; c'est-à-dire une ouverture dans les chairs, causée par la corruption des humeurs. Ce mot est masculin, dites, un ulcere malin.

Urinoire. Vase où les malades peuvent uriner commodément; dites, urinal, s. m.

V.

On dit, à Lyon, je vais en Vaise, je vais en Serin, au lieu de dire: je vais au faubourg de Vaise, de Serin. Les noms de petits lieux ne prennent jamais la préposition en, mais la préposition à; dites donc, je vais à Vaise, à Serin, à Bellecour.

Vergette. Brosse pour les habits. Ce mot doit toujours être employé au pluriel: voilà d'excellentes vergettes.

Vernoge. Cet endroit est vernoge; c'est-à-dire, qu'il est humide, et que le soleil n'y donne pas. Nous n'avons point de mot en françois, qui rende ces deux idées à la fois. Il faut se servir des mots de l'explication, ou autres semblables.

Vessicatoire. Médicament qu'on met sur la peau, pour faire venir des vessies; dites, vésicatoire, en ne mettant et ne prononçant qu'une s qui a le son du z étant placée entre deux voyelles. Elle a cependant le son fort dans parasol, entresol, havre-sac, vraisemblance, préséance, resaluer, présupposition, resaisir, etc. La raison en est, que chacun de ces mots étant composé, le primitif a gardé le son fort.

Vêtir. On conjugue mal ce verbe. On ne doit pas dire, je vêtis, tu vêtis, il vêtit, nous vêtissons, vous vêtissez, ils vêtissent; dites, je vêts, tu vêts, il vêt, nous vêtons, vous vêtez, ils vêtent; je vêtois; que je vête; que je vêtisse. Le premier e est ouvert et marqué d'un accent circonflexe, ainsi que dans revêtir qui est son composé.

Vicoter. Dites, vivoter, v.; fournir à peine à ses besoins.

Vieille. Instrument; dites, vielle, s. f. en retranchant le second i: jouer de la vielle.

Vieuilliers. Fleurs dont le bouton est gros et applati, dont les unes sont blanches, marbrées, violettes et jaunes; dites, giroflées, s. f.: de belles giroflées. On appelle violiers les fleurs qui croissent sur les murs, et giroflées celles que l'on cultive dans les jardins.

Vigoureuse. Sorte de poire d'hiver; dites, virgouleuse, s. f.

Vilité. La vilité d'un prix, de la matiere, d'un cœur; dites, vileté, s. f., formé de l'adjectif féminin, vile.

Virebroquin. Outil d'artisan, qui sert à percer; dites, vilebrequin, s. f.

Vis. Le vis d'un pressoir; dites, la vis, s. f. L'on fait sonner l's.

Vis-à-vis. Vis-à-vis de cette personne. Cette faute a été condamnée par Voltaire. Vis-à-vis ne doit jamais se prendre dans le sens d'envers, ni d'à l'égard: il est bienfaisant vis-à-vis de lui; dites, à l'égard de lui. On s'en sert dans les rapport physiques: il est logé vis-à-vis de votre maison.

Voilà. On confond souvent les mots voici et voilà. Ce dernier marque une chose plus éloignée, voici, une chose plus près: voilà ce que j'avais à vous dire; voici ce que j'ai à vous dire. Il en est de même des mots ceci, cela. Ceci signifie cette chose-ci; cela, cette chose-là.

Voir. Voyons voir. Ce pléonasme est absurde; le premier de ces deux mots suffit.

Vois-tu-z-en. Dites, vois-en.

Voui. Ce mot s'écrit et se prononce sans v; dites, oui.

Voyage de bois, de charbon. Dites, une voie de charbon, de bois.

Vuide. On écrit et prononce maintenant vide, vider, etc.

Vuit. Nombre; écrivez et prononcez huit. L'h est aspirée.

X.

Cette lettre se prononce diversement. Elle a le son du cs, dans Alexandre; du gz, dans examen; de l's, dans Auxonne; du z, dans sixieme, deuxieme, etc. On ne doit pas la prononcer dans les mots eux, ceux, à moins qu'elle ne se lie avec une voyelle. Elle sonne comme un s à la fin de six, dix, si ces mots finissent le sens. Elle se fait entendre comme cs, dans phénix, préfix, Astianax.

Y.

Yeux. Cette expression donna lieu à un pari entre deux négocians. L'un deux soutint à l'autre qu'il n'étoit pas permis de dire, entre quatre zieux. Celui-ci prétendit que le dictionnaire de l'Académie autorisoit cette liaison pour la douceur du son. Il ouvrit le Vocabulaire, qui lui donna gain de cause. Le vaincu voulut prendre sa revanche aux dépens de quelqu'autre, et il alloit toujours répétant cette locution, en faisant une liaison défectueuse; enfin, elle fut relevée, et il renouvela son pari; mais le contestant s'y prit mieux que lui; il s'adressa à Urbain Domergue, qui décida que quatre n'étant jamais terminé par une s, on ne pouvait pas dire, entre quatre zieux; il ajouta qu'on ne prononçoit pas toujours toutes les lettres; mais qu'on ne faisoit jamais entendre celles qui n'étoient pas écrites. Il donna le désaveu de l'auteur du Dictionnaire, prétendu de l'Académie: et le négociant fut condamné pour avoir dit oui comme pour avoir dit non.

PRÉCIS DES REGLES DE LA PROSODIE.

Puisque la Prosodie est l'art de donner à chaque syllabe le son et la durée qui lui sont propres, la lecture et la prononciation en supposent la connaissance. La langue françoise a ses notes, comme le chant; avec cette différence; que les ports de voix et la durée des sons notés pour le musicien, ne le sont presque jamais pour le lecteur, et lors même que nos syllabes seroient notées, qu'elles auroient leurs diezes et leurs bémols, il seroit impossible d'exprimer par des signes la durée précise du son, la douceur et la légéreté que peut donner seul un exercice habituel. La durée d'une syllabe dépend quelquefois de sa position; l'abbé d'Olivet dit que par le mot Prosodie, on entend la maniere de prononcer chaque syllabe régulierement; c'est-à-dire, de lui donner un son grave ou aigu, bref ou long.

A, pris pour la premiere lettre de l'alphabet, est long et grave; dans tout autre cas, aigu. Cette voyelle, marquée d'un accent circonflexe, est toujours grave et longue, comme dans âge, râle, mânes, tâche, lâche, fâcher, lâcher, âpre; elle est souvent longue sans accent, comme dans sable, fable, rable, délabré, cadre, cable, accablement, sabre, flamme, condamner, damner; l's, l'x et le z, terminant un mot, rendent toujours longue cette voyelle, ainsi que les autres. D'après cette regle, la seconde personne des futurs et du passé défini, au singulier, sera longue, et la troisieme breve, tu chanteras, il chantera; tu aimas, il aima. Au commencement des mots l'a est ordinairement bref; il faut en excepter ceux que nous venons de citer. On le prononcera d'une maniere aigue et rapide dans apôtre, et toujours s'il est suivi d'une consonne redoublée, comme dans apprendre.

Quand une voyelle finit la syllabe, et qu'elle est suivie d'une autre voyelle, qui n'est pas l'e muet, la syllabe est breve, créé, haïr, féal, tué, doué; toute syllabe qui finit par une voyelle suivie de l'e muet, devient longue, comme pluīe, vraīe, haīe, vīe, joīe.

Quand un mot se termine par une l mouillée, la syllabe est breve, bétaĭl, détaĭl, avrĭl, vermeĭl, fauteuĭl.

La terminaison aille est ordinairement longue: paīlle, bataīlle, rimaīlle; excepté, il détaĭlle, il travaĭlle, il émaĭlle, médaĭlle.

La terminaison aillon est breve dans médaĭllon, détaĭllons, travaĭllons, et longue dans haīllon, baīllon, penaīllon, nous taīllons.

Quand les voyelles nasales sont suivies d'une consonne qui n'est pas la leur, c'est-à-dire, qui n'est ni m, ni n, et qui commence une autre syllabe, elles rendent longues la syllabe où elles se trouvent, jāmbe, craīnte, joīndre, hūmble.

La terminaison aine est longue dans haīne, chaīne, guaīne, traīne, hors de là breve, capitaĭne, fontaĭne.

Les mots qui finissent en aire sont longs: une aīre, une paīre, chaīre, on éclaīre. Ce qui rend longues ces pénultiemes, c'est l'e muet final, qui étant toujours bref, demande un point d'appui pour la voix, et l'on se repose sur l'avant-derniere syllabe; cependant on prononce breves les pénultiemes suivantes, parfaĭte, retraĭte.

Ale, alle, toujours bref: cigăle, scandăle, intervălle; excepté les mots dont l'a prend l'accent circonflexe, comme māle, pāle.

Ame, toujours bref: dăme, răme; il en faut excepter, āme, infāme, blāme, et les passés définis dans ces deux personnes, nous aimāmes, vous aimātes.

Toute syllabe qui finit par une r, et qui est suivie d'une syllabe commençant par une consonne, devient breve; bărbe, bĕrceau, ŏrdre.

Are, long et grave: barbāre, je prépāre; mais il devient bref et aigu, si la derniere syllabe n'est pas muette: prépăré.

Quelle que soit la voyelle qui précede deux r, quand les deux ensemble ne forment qu'un son indivisible, la syllabe est toujours longue: ārrêt, bārre, tonnērre.

L's entre deux voyelles, dont la derniere est muette, allonge la pénultieme: bāse, diocēse, franchīse, rūse.

Asse, ordinairement bref, excepté dans bāsse, clāsse, chāsse, pour les morts, māsse, terme de jeu, grāsse, amāsse.

At, long dans bāt de mulet, māt, appāt, et à la troisieme personne du subjonctif qu'il aimāt; bref ailleurs, il băt, chocolăt, plăt.

Attre, atre, bref dans quătre, băttre; hors de là, long, idolātre, théātre.

Au, long, suivi d'une syllabe muette: aūge, aūne, long, aussi, quand il y a une consonne après: chaūd, chaūx; excepté, paŭl.

E.

La voyelle e, non seulement est tantôt longue et tantôt breve, mais elle a plusieurs sons, l'e est muet et féminin, quand il n'a qu'un son sourd, comme dans gloire; cette espece d'e ne commence jamais un mot; il ne se trouve pas dans plusieurs syllabes de suite, à moins que ce ne soit des mots composés; ainsi que revenir, redevenir; il faut en excepter, chevelure, ensevelir; et jamais, sur-tout, à la fin du mot. C'est pour cela que les verbes dont la pénultieme est muette à l'infinitif, comme appeler, concevoir, prennent dans les temps qui finissent par l'e muet, ou un e masculin ou la diphthongue oi: j'appelle, ils conçoivent. Par cette même raison, quoiqu'on dise j'aime, on dira, aimé-je?

L'e moyen, comme dans pere, ne prend point d'accent, parce que cet accent seroit inutile, l'e ne pouvant pas se prononcer autrement; il seroit même vicieux, parce qu'il donneroit un son trop grave, comme dans procès.

On prononce trop ouvert le premier e du mot acheve; il est moyen à cause du voisinage de l'e muet. L'e ouvert se marque d'un accent grave, ainsi que dans abcès. L'e plus ouvert prend l'accent circonflexe qui indique suppression de lettre et allongement de syllabe, ainsi que dans tête. L'e fermé prend un accent aigu, comme dans vérité; si cet e est suivi de l'x, il rejette l'accent, comme dans examen. Dans les verbes en er, l'e se prononce fermé, et l'on ne le fait pas sentir, à moins qu'il ne soit suivi d'un mot commençant par une voyelle. Dans item, amen, hymen, examen, on fait sonner la consonne finale.

Ene, enne, longs dans chēne, cēne, scēne, gēne, rēne, frēne, arēne, pēne, Athēnes, Diogēne, Mécēne; bref et moyen dans phénomĕne, ébĕne, étrĕnne, apprĕnne, et par-tout où la consonne est redoublée.

Er, bref dans Jupitĕr, Ethĕr; Clĕrc; et plus ouvert dans enfēr, fēr, mēr, amēr, hivēr.

Esse, long dans abēsse, profēsse, confēsse, prēsse, comprēsse, exprēsse, cēsse, on s'emprēsse; hors de là, bref: tendrĕsse, parĕsse, carĕsse.

L'accent circonflexe rend longs et ouverts tous les e, comme dans intérēt, arrēt; la double consonne rend la syllabe breve, ainsi que dans houlĕtte, tablĕtte.

Euf, bref: veŭf, neŭf, un œŭf, un bœŭf. Dans tous ces mots on prononce l'f; mais non au pluriel dans les deux derniers; quand neuf, nom de nombre, est suivi d'un mot commençant par une voyelle, l'f sonne comme un v: neuf ans.

Eune, long dans jeûne, bref dans jeune homme. Observez que telle syllabe qui est breve, suivie d'un autre mot qui sert de point d'appui à la voix, devient longue si elle finit le sens.

Le nombre des breves et des douteuses, étant plus grand que celui des longues, nous ne parlerons que des dernieres.

I.

Ie, long d'après la regle générale: vīe, saisīe.

Ile, long dans īle, huīle, tuīle.

Ire; long dans les passés définis, ils punīrent.

Les terminaisons île, îmes, îtes, ître sont toujours longues, quand l'i prend un accent circonflexe, comme dans nous dīmes, vous dītes, épītre, etc.

O.

Quand cette voyelle commence le mot elle est breve, excepté dans ōs, ōser, ōsier et ōter, où il est ouvert et long, ainsi que dans hōte.

Ode, ordinairement bref.

L'o et l'a étant graves dans les mots simples, demeurent tels dans les dérivés: grōs, grōssir, grōssier; grās, grāsseyer; rōse, rōsier.

La syllabe oi a deux sons, celui de la diphthongue oa, comme dans bourgeois, danois; et celui de l'e ouvert, comme j'étois, je chanterois, un François, les Anglois.

Ole, toujours bref, excepté dans ces mots, drōle, pōle, mōle, contrōle, il enjōle, il enrōle.

Ome, one, long: atōme, fantōme, prōne. Pour les mots où la consonne est redoublée, ils suivent la regle générale.

Ore, orre, longs, s'ils ne sont pas terminés par un son masculin; encōre, aurōre. Quand cette voyelle est marquée d'un accent circonflexe, elle est toujours longue, comme dans apōtre.

U.

L'u suivi d'une autre voyelle finale, est toujours long, comme dans vūe, cohūe.

Ure, finissant un mot, toujours long: murmūre, augūre, dūre.

Usse, est long dans les verbes, comme je pūsse, et dans ût, à la troisieme personne de ce temps.

L'aspiration peut être regardée comme une partie de la Prosodie; mais elle ne regarde que l'h. Cette lettre est aspirée, lorsqu'elle a les propriétés de la consonne; c'est-à-dire, lorsqu'elle ne souffre ni suppression de voyelle, ni liaison de consonne. On dit sans élision, une haquenée, et sans liaison, des haquenées. Comme il n'y a point de regles à donner à cet égard, on peut consulter la liste suivante, dont tous les mots commencent par des h aspirées.

Ha! habler, hableur, haha, hagard, haie, haie! haillon, haîne, haïr, haire, halage, halbran, halbrener, hâle, hâler, halener, haleter, halte, hameau, hampe, hanap, hanche, hangard, hanneton, hanter, happelourde, happer, haquenée, haquet, harangue, haras, harasser, harceler, hardes, hardi, hargneux, hareng, haricot, haridelle, harnois, haro, harpailler, harpe, harper, harpie, harpon, hart, hasard, hâter, have, havresac, hausser, haut, hé! hennir, hérault, here, hérisser, hérisson, hernie, héron, héros, herse, hêtre, heurter, hibou, hic, hideux, hoc, hiérarchie, ho! hola! hobereau, hoche, hochepot, hochet, houpe, honnir, honte, holle, houblon, houille, houlette, houppe, houppelande, housard, hussard, houssaie, houspiller, houspillon, housse, housser, houssine, houssiner, hoyau, huche, hucher, huer, hulotte, humer, hume, huppe, hure, hutte.

Tous les mots dérivés des précédens conservent leur aspiration, excepté ceux de héros, qui sont: héroïne, héroïsme, héroïde, héroïquement. Dans enhardir l'h est aspirée, mais non pas dans exhausser. On aspire l'h du mot Henri, dans un discours oratoire; mais hors de là, c'est une affectation. Hollande, Hollandois, commencent par une h aspirée, excepté dans ces façons de parler: toile d'hollande, fromage d'hollande, qui ont passé du peuple dans le langage ordinaire. Hongrie s'aspire, excepté dans ces phrases: eau de la reine d'Hongrie, points d'Hongrie, etc. Quoique onze et onzieme commencent par une voyelle, on écrit sans élision l'article ou la préposition qui la précede, et l'on ne lie pas la consonne: de onze enfants il ne leur en reste qu'un; tous les onze du mois.


Pour l'intelligence des signes de quantité prosodique dont on va faire usage, on croit devoir avertir qu'on ne s'est point assujetti à la méthode de l'abbé d'Olivet. Quoique par son traité de Prosodie, il ait rendu un grand service à la langue, il s'en faut bien que son ouvrage ait été aussi utile qu'il eût pu l'être, s'il eût distingué l'accent prosodique de la quantité prosodique. En confondant ces deux parties, il a embrouillé la matiere. Il est bien, difficile, pour ne pas dire impossible, de comprendre, ce qu'il entend par syllabes longues, breves et douteuses.

Nous avons des voyelles graves par leur nature, et par conséquent très-longues. Leur longueur et leur gravité ne changent jamais du primitif au dérivé, quelque place qu'elles occupent dans un mot. On fait entendre également, l'a, l'e et l'o graves, dans mât, mâter, il mâte; dans prêt, prêter, il prête; dans dépôt, déposer, il dépose, etc. Ces voyelles sont très-longues dans tous ces mots.

Au contraire, les voyelles aiguës et les muettes deviennent moyennes, si la syllabe qui vient après commence par une consonne suivie d'une muette. La syllabe , par exemple, qui est aiguë et très-breve dans affli, est muette et breve dans affligera. Elle est moyenne, tant pour la quantité que pour l'accent prosodique, dans ils affligerent: elle tient le milieu entre la longue et la breve, et entre l'aiguë et la grave.

L'abbé d'Olivet nomme quelquefois douteuses les voyelles qui sont moyennes quant à la qualité de la voix, et quelquefois il les nomme breves relativement aux graves, qui sont toujours très-longues. On pourroit les qualifier de longues, en les comparant aux breves, puisqu'elles tiennent le milieu, tant pour la quantité que pour la qualité, entre la grave et l'aiguë, entre la longue et la breve. Mais on peut les qualifier de moyennes, sous les deux rapports de la quantité et de l'accent: cette qualification préviendra toute équivoque.

Cela étant convenu, on avertit que les syllabes breves seront annoncées par le signe suivant (˘); les longues, par celui-ci (¯); et les moyennes, par (ˇ).

Et comme, dans notre langue, nous avons beaucoup plus de breves que de longues, pour ne pas surcharger l'écriture de signes inutiles, les voyelles qui ne porteront aucun signe, seront réputées breves.

On prévient les lecteurs qu'on n'a pas pu indiquer les différentes qualités de son, parce qu'on auroit hérissé les syllabes de signes embarassans. On doit se tenir pour averti que l'article les, et les pronoms, mes, tes, ses, doivent se prononcer, comme si l'e étoit marqué d'un accent grave, et que la conjonction et se prononce comme un e moyen, au lieu que le verbe est a le son très-ouvert.

LA ROSE ET LE BUISSON.

Sŭr să tǐge ĕpĭneūse, ūne rōse nāissānte,

Aīnsĭ qu'ūne beǎuté, jěune, vīve ĕt toŭchānte,

S'ēlĕvoĭt ă l'ăbrĭ d'ŭn bŭissŏn prŏtĕcteŭr,

Et dŭ sŏlĕil jămaīs n'ĕprŏuvŏit lă rĭgueŭr.

Ignoré, māis heŭreūx, ce bouton solitāire

Ouvroĭt son sein pourpré soūs l'ōmbre tŭtélaīre,

Impǎtient déjà d'étaler sa beǎuté:

Pourquoi me retiēns-tu dāns la captivité,

Dit l'arbǔste orguĕilleūx à l'enceīnte épineūse?

Jĕ doīs, rēine dēs fleūrs, ētre la plūs heŭreūse.

La fille du printēmps, condāmnēe aūx soupīrs,

Pāsseroĭt soūs ton joug la sāison dēs plaǐsirs!

Le buĭsson lui repart, d'un ton doūx, māis sévěre:

J'attendoīs de mēs soīns un plūs jǔste sălaīre.

Si le sŏleĭl brūlănt rĕspěcte tă frǎicheŭr,

Et si dēs aquilōns tu brǎves la fŭreŭr,

De mon zěle assidu, n'ēst-ce pās là l'ouvrǎge?

Et mēs bienfaīts pour toi sont payēs par l'outrǎge?

Rĕprĭme ton murmūre, arbǔste ingrat, crōis-moi;

Lēs heǔres du plǎisir n'ont pās sonné pour toi.

Souvent pour son mălheur, la jĕuněsse indocǐle

S'obstǐne à repŏussĕr l'ăppŭi le plūs ŭtǐle.

Le bel āge où tu vīs ēst celui du printēmps;

Māis s'il a sēs zēphīrs, il a sēs ouragāns.

L'orgueilleūx arbrisseǎu s'ăigrĭt de la censūre;

S'il se tăit par dépit, en secret il murmūre.

Lōrsque le villageois, qu'appěllent sēs travāux,

Vient dēs ǎrbres touffūs émonder lēs rameāux;

Il menǎce déjà le gardien fidělle;

ĕt la rōse sourĭt quand le buisson chancělle.

Il tǒmbe soūs lēs coūps de l'instrument fatal.

Le bouton au soleil oūvre un sein virginal.

Dāns leūrs chānts lēs oiseāux exprǐment leur hommǎge.

Lēs zéphīrs du mătin agǐtent son feuillǎge;

Le rōsier, dāns lēs aīrs, balancé mǒllĕmĕnt,

Répond au rossignol par son frémǐssement;

L'aŭrōre l'emběllit de sēs pěrles liquǐdes.

Māis, Dieu! cǒmme l'éclair lēs plǎisīrs sont rapǐdes;

La chenǐlle, de loin, voit la rēine dēs fleūrs,

Accourt, rǒnge sa tǐge, ĕt fǎne sēs couleūrs;

ĕt de l'ǎstre du jour la chaleur dévorānte

A déjà fait tomber sa tēte languissānte:

ělle réclǎme en vain, à son dernier moment;

De son fidělle ami le secoūrs bienfaisant.

ō toi, qui, par les soīns d'ǔne pruděnte měre,

Coǔles tes premiers āns soūs un joug salutaīre,

Défēnds, jeǔne beǎuté, le murmūre à ton cœur,

Et du bouton nāissant évǐte le mălheur.

 

NOTES

[1] On appelle régime un mot gouverné par un autre.

[2] On appelle verbe un mot qui lie le sujet à l'attribut, en affirmant que telle qualité convient ou ne convient pas au sujet. La terre est ronde. Les deux premiers mots forment le sujet; le mot est lie la qualité exprimée par le mot ronde. Tous les autres verbes renferment le verbe être.

[3] On appelle substantif un mot qui désigne le nom d'une substance réelle ou imaginaire.

[4] On nomme adjectif un mot ajouté au substantif pour en exprimer la qualité.

[5] Une préposition est un mot qui annonce le rapport d'une chose avec une autre.

[6] La conjonction est un mot qui sert à lier les mots ou les phrases.

[7] On appelle participe passé un tems du verbe qui participe de la nature de l'adjectif, en ce qu'il prend quelquefois le genre et le nombre du substantif auquel il se rapporte.

[8] C'est-à-dire de plusieurs mots ou d'une expression détaillée. Si, au lieu de nommer l'amour, je dis: le Dieu qu'on adore à Cythère, je me sers d'une périphrase.

[9] Un pronom est un mot qui tient la place d'un nom.

[10] Un adverbe est un mot qui se joint ordinairement au verbe, pour le modifier; c'est-à-dire, pour ajouter une nouvelle idée au mot auquel il se rapporte, comme on le peut voir dans les exemples suivans: les uns pensent beaucoup et parlent peu; les autres parlent beaucoup et pensent peu.

[11] On appelle nom partitif, un mot qui représente plusieurs personnes ou plusieurs choses, comme faisant partie d'un tout. Tels sont les mots, plusieurs, la plupart, une demi-douzaine.

 

 

 

 Observations grammaticales sur quelques articles du Dictionnaire du mauvais langage  Guy-Marie Deplace

Date de dernière mise à jour : 05/07/2021